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Quel avenir pour l’énergie solaire ?

Alors que l’Agence internationale de l’énergie note qu’en 2022 les énergies éoliennes et solaires ont dépassé les 11% de l’électricité sur le plan mondial, une conférence de Daniel Lincot au Collège de France et un
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Alors que l’Agence internationale de l’énergie note qu’en 2022 les énergies éoliennes et solaires ont dépassé les 11% de l’électricité sur le plan mondial, une conférence de Daniel Lincot au Collège de France et un rapport de l’Académie de technologie sur le photovoltaïque doivent attirer notre attention (1).

Les panneaux solaires

Pour rappel, l’énergie solaire via un panneau photovoltaïque s’appuie sur le fait que l’absorption de photons par un matériau semi-conducteur peut générer un courant électrique (i).

Parmi ces matériaux, le silicium est particulièrement bien placé car son « gap » correspond en énergie à celle du rayonnement solaire (2). Il reste à capturer les électrons excités pour en faire un courant électrique, avec un collecteur. Depuis 1955 et les premières cellules basées sur des jonctions P/N (ii) simples avec 6% de rendement on a d’abord amélioré le dopage avec des éléments comme le bore ou le phosphore. L’adjonction de grille pour drainer les électrons, la passivation de la surface et sa texturation pour réduire la réflexion de la lumière ont permis de monter le rendement entre 15 et 20%. L’innovation des hétéro-jonctions avec des dépôts de couches minces sur le silicium cristallin ont encore amélioré le rendement à 26%. Pour aller plus loin on pense à mieux absorber les photons dans l’ultra-violet ou ceux qui ont une grande longueur d’onde : on superpose alors à la cellule silicium d’autres cellules qui ont ces propriétés d’absorption, ainsi les cellules dites « tandem » peuvent atteindre 30 à 40% de rendement (3). La recherche est toujours très active en ce domaine avec les nouvelles pérovskites et les cellules organiques.

Pour l’instant face à la concurrence du silicium, la filière couche mince CIGS (iii) ou CdTe n’a pas encore réussi à s’imposer et ne dépasse pas 5% de la production. Cependant en France Solar Cloth produit des panneaux souples légers et performants puisque les modules en couche mince CIGS atteignent un rendement de 17% pouvant recouvrir les toits trop fragiles ou avoir des applications dans les tentes ou serres photovoltaïques (4).

Le silicium photovoltaïque

Pour fabriquer des panneaux photovoltaïques la chimie des matériaux est complexe et énergivore (5). On peut distinguer six étapes.

  1. Il faut réduire le sable (silice) par le carbone selon SiO2 + C = Si + CO2. Pour cela on utilise du coke à haute température, 1500 – 2000°C dans un four à arc.
  2. Le silicium est fondu à 1500 °C et par balayage de gaz on élimine la calcium et l’aluminium initialement présents dans le sable, pour obtenir le silicium métallurgique pur à 98%.
  3. Par attaque à l’acide chlorhydrique, HCl, on obtient le composé de formule SiHCl3 qui, une fois purifié par distillation à 300°C, est décomposé par le dihydrogène, H2, pour obtenir le silicium suivant la réaction SiHCl3 + H2 = Si + 3 HCl. Fondu sous vide on obtient du silicium pur à « cinq neuf » soit 99,999%
  4. Les lingots sont alors purifiés par zone fondue pour obtenir du « 7 neuf » (99,99999 %), par le procédé Czochralski). On amorce le bain fondu avec un germe et on étire un cylindre monocristallin (6).
  5. On découpe ensuite les « wafers (iv) » qui ont 0,2 mm d’épaisseur sur 20 cm et on opère les opérations de dopage dans des fours à atmosphère contrôlée.
  6. Viennent les opérations de surfaçage puis de montage avec les circuits de cuivre et insertion dans les cadres en aluminium et les protections en verre.

Toutes ces opérations exigent pas mal d’énergie, des réactifs chimiques, acide et bases, des quantités d’eau souvent pure de qualité électronique et inévitablement génèrent des effluents qui demandent à être traités.

La situation en France et en Europe

La France dispose de 17 GW de puissance photovoltaïque installée au premier trimestre 2023 et une production de l’ordre de 2,2% de l’électricité nationale. On est en retard sur le tableau de marche (20 GW en 2023 et 35 GW en 2028) ce qui imposerait d’installer au moins 3 GW par an (7).

Le problème est que si en 2022 les exportations de panneaux photovoltaïques (PV) représentaient 7% de l’excédent de la balance commerciale chinoise les importations de ces mêmes panneaux représentaient 2% du déficit commercial en France. Car la production de silicium de la silice aux wafers est à 95% aux mains de la Chine qui a investi des dizaines de milliards de dollars dans cette filière et qui investit encore dans les nouveaux produits hétérojonction et tandem. Le prix du Watt solaire s’est écroulé et le MWh est devenu compétitif dans les pays très ensoleillés, largement en dessous de 60 €. Cette redoutable machine chinoise a laminé l’industrie européenne du silicium. S’il reste un fondeur allemand Wacker et quelques fabricants de wafer notamment en Norvège, l’Europe n’est riche que de projets exigeants des milliards d’investissements pour espérer émerger sur ce marché en 2030. Et le pire c’est que ces modules PV sont fabriqués actuellement avec une énergie qui en Chine s’accompagne d’environ 600 g de CO2/ kWh, souvent issue de centrales thermique à charbon.

Des calculs très précis ont été faits sur les dépenses énergétiques des six stades de fabrication. La dépense énergétique la plus forte est paradoxalement le dernier stade, on n’est pas très loin de 3000 kWh par m² de modules. S’ils sont produits en Chine cela représente près de 1,8 tonnes de CO2 alors que s’ils étaient fabriqués en France cela ne représenterait plus que 180 kg, méritant mieux le label bas carbone. Sachant qu’un panneau PV produit en moyenne 300 kWh/m² par an on voit qu’il faut quelques années de production pour compenser l’énergie dépensée pour sa fabrication.

D’où l’intérêt en France et en Europe pour des solutions moins énergivores telles que les couches minces de CIGS développées par l’IPVF (l’Institut Photovoltaïque d'Île-de-France) à Saclay.

Les recommandations de l’Académie de technologie sont de dire que même si l’Europe est actuellement pieds et mains liés à un seul fournisseur, la Chine, comme le fut l’Allemagne au gaz russe, la situation est grave mais non catastrophique. Si au niveau européen on s’entend pour produire, du sable au wafer, des cellules de silicium européennes fabriquées avec une énergie plus propre, nous avons une carte à jouer en industrialisant au plus vite les technologies TOPcon (v) et Tandem à base de pérovskites pour avoir un avantage concurrentiel sur le rendement des cellules. Indépendamment, encourager l’industrialisation des panneaux couches minces qui peuvent s’avérer décisifs dans l’évolution du photovoltaïque et redonner une compétitivité européenne dans le PV bas carbone.

Enfin il faut, à l’instar du « Inflation Reduction Act » (IAR) des États-Unis, que l’Europe se donne les moyens d’un investissement colossal et des arrangements fiscaux pour une industrie capable de rivaliser avec les géants américains mais surtout chinois.

Jean-Claude Bernier
Juin 2023


(i) Le comportement électrique des semi-conducteurs peut être expliqué par le modèle de la théorie des bandes d’énergie. Dans ce modèle, les électrons dans l’état fondamental (état stable, non conducteur), sont répartis dans une bande d’énergie appelée bande de valence. Si un apport extérieur d’énergie est apporté au matériau, certains électrons peuvent absorber cette énergie et sauter dans une bande dite de conduction. Le matériau conduit alors le courant. L’écart d’énergie entre ces deux bandes est appelé bande interdite ou « gap ». Il faut donc que l’apport d’énergie extérieure soit supérieur à ce gap.

(ii) Pour en savoir plus sur les jonctions P/N : L’essentiel sur les cellules photovoltaïques sur le site du CEA

(iii) CIGS pour les éléments chimiques cuivre, indium gallium, et sélénium.

(iv) On appelle Wafer une « tranche » ou une plaque très fine de matériau semi-conducteur monocristallin.

(v) « Nous avons choisi la technologie TOPCon pour notre future gigafactory française de production de cellules solaires », L'Usine nouvelle, 23 mai 2022

 

Pour en savoir plus
(1) La solution photovoltaïque, D. Lincot, vidéo CNRS
Énergie solaire photovoltaïque et transition énergétique,  D. Lincot, leçon inaugurale au Collège de France - D. Lincot
Académie des technologies : pour le développement de productions industrielles de panneaux photovoltaïques en France et en Europe sur le site de l'IPVF
(2) La conversion photovoltaïque de l’énergie solaire, D Lincot, Revue du Palais de la découverte n° 344-345 (janvier-février 2007)
(3) Les nouvelles filières photovoltaïques, D. Lincot, vidéo CNRS
(4) Les filières photovoltaïques en couches minces et leurs perspectives d’application à l’habitat, D. Lincot, in La chimie et l’habitat (EDP Sciences, 2011)
(5) L’électronique, c’est de la chimie, P. Bray, O. Garreau et J.C. Bernier, fiche Chimie et en fiches… cycle 4, Mediachimie.org
(6) De la chimie au radar du rafale, Bertrand Demotes-Mainard, Colloque chimie et technologie de l’information (2013)
(7) La R&D au service de la décarbonation de l’industrie, J. Ph. Laurent, Colloque Chimie et énergie nouvelles (2021)
 

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La chimie inquiète pour l’avenir ?

Fin avril une déclaration de France Chimie qui regroupe la plupart des industries chimiques en France a fait état de ses préoccupations face à l’inflation, à la crise de l’énergie et à la perte de compétitivité face aux
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Fin avril une déclaration de France Chimie qui regroupe la plupart des industries chimiques en France a fait état de ses préoccupations face à l’inflation, à la crise de l’énergie et à la perte de compétitivité face aux États-Unis.

L’industrie chimique européenne très énergivore a subi de plein fouet l’inflation des matières premières et le coût de l’énergie qui ont entamé sa compétitivité. Elle a vu sa productivité chuter de 6,2% en 2022 (11% en Allemagne) avec des périodes d’arrêt de production. En France le secteur s’est montré plus résilient avec une baisse en volume de 3%. C’est le secteur amont de chimie minérale et de chimie organique qui a le plus reculé (10%) comme ses voisins européens, avec comme exemples l’ammoniac et le PVC lourdement handicapés par le coût du gaz et de l’énergie. Dans l’Hexagone ce recul a été compensé par le secteur aval où les spécialités n’ont baissé que de 1,9% alors que celui des savons, cosmétiques et produits d’entretien a lui au contraire progressé de 6% en 2022. Une des caractéristiques de la chimie française est que ce secteur de spécialités des parfums, cosmétiques et détergents représente près de 60% de la valeur ajoutée.

La chimie reste encore le premier secteur exportateur avec 81,5 milliards d’euros devant l’agroalimentaire et un solde positif de 9,5 milliards devant l’aéronautique. En 2022 les investissements ont progressé de 7% à plus de 6 milliards d’euros, portée par le plan de relance France 2030. Ce sont surtout des projets de croissance et plus de 250 projets industriels sur le recyclage notamment des plastiques, sur la transition énergétique et écologique (1) et sur les filières haute performance comme celles des batteries et l’hydrogène. La branche emploie 225.000 salariés (2) et renouvelle ses compétences avec une nouvelle croissance de ses effectifs en accueillant 25.000 nouveaux employés y compris les alternants (3) .

Les perspectives pour 2023 ne sont pas flamboyantes, l’inquiétude vient du plan de soutien aux industries vertes aux États-Unis. Lourd de 400 milliards d’aide publique « l’Inflation Reduction Act » (IRA) va augmenter encore le manque de compétitivité européen. Les exemples du PVC et surtout de l’hydrogène décarboné (4) sont très illustratifs. Alors qu’en Europe son prix est de l’ordre de 5 à 7 euros le kilo aux États-Unis revient à 2 euros et même moins s’il est issu de l’électrolyse alimentée en électricité par l’énergie nucléaire. France Chimie demande à ce que les aides dans les projets d’investissements soient accrues comme aux USA et pousse à une réforme du marché de l’électricité en Europe, seuls moyens de conserver une industrie chimique sur notre continent.

Jean-Claude Bernier
avril 2023

Pour en savoir plus
(1) Pour une industrie chimique propre et durable, C. Agouridas, J.-C. Bernier, D. Olivier et P. Rigny in La chimie et la sécurité des personnes, des biens, de la santé et de l'environnement, collection Chimie et... Junior, EDP Sciences, Fondation de la Maison de la Chimie (2016)
(2) Les chimistes dans l’industrie chimique, fiche Les Chimistes dans…, site Mediachimie.org
(3) Village de la Chimie - 10 et 11 février 2023 , site Mediachimie.org
(4) Les derniers résultats de la production de l’ hydrogène « décarboné », Zoom sur... , site Mediachimie.org
 

 

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Contre la sécheresse faut-il ensemencer les nuages ?

Dès avril les média alertent les Français sur le faible niveau des nappes phréatiques et anticipent sur une crise de l’eau qui peut se produire en 2023 si la sécheresse due au manque de pluie s’installe à nouveau comme en
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Dès avril les média alertent les Français sur le faible niveau des nappes phréatiques et anticipent sur une crise de l’eau qui peut se produire en 2023 si la sécheresse due au manque de pluie s’installe à nouveau comme en 2022. L’an passé, 93 départements avaient pris des mesures de restriction d’usage de l’eau. En ce printemps, quelques communes font face à l’asséchement de leur réseau de distribution d’eau potable, d’autres mettent fin aux projets de nouveaux lotissements qui risqueraient de n’être pas alimentés. Les incidents violents dans les Deux-Sèvres entre les opposants aux réserves d’eau « les bassines » pour l’irrigation agricole et les forces de l’ordre montrent que les variations de la météo (1) peuvent enflammer nos concitoyens.

Comment faire pleuvoir ?

Et si nous nous intéressions aux nuages, sources d’eau, et pluies qui nous ont cruellement manquées en 2022. Les nuages sont composés d’une multitude de gouttelettes d’eau en surfusion qui ne demandent qu’à se transformer en glace, qui, en perdant de l’altitude, engendrent la pluie. Parlons un peu de ce phénomène physique qu’est la surfusion. En haute altitude, à des températures en dessous de zéro pour un liquide pur comme l’eau, sans impuretés, l’énergie libérée par la chaleur latente de solidification (2) ne compense pas l’énergie nécessaire pour créer l’interface solide–liquide. Cet état méta stable est perturbé par des germes comme des poussières, des aérosols, ou un abaissement brutal de la température, causes qui permettent à des micro-cristaux de glace (3) de se former et de croître en capturant l’eau des gouttelettes voisines ou en agglutinant d’autres cristaux.

Pour favoriser ces phénomènes, il y a deux types d’ensemencements ; le premier pour éviter la grêle on disperse de grandes quantités de particules d’iodure d’argent (AgI) qui est insoluble dans l’eau mais qui a une structure cristalline proche de celle de la glace. Ces milliards de petites particules vont multiplier les noyaux de croissance de cristaux de glace, empêcher qu’ils grossissent et favoriser leur fonte. Le second est d’ensemencer avec des sels solubles dans l’eau comme le chlorure de sodium, ils vont alors dissoudre la glace formée (4) et transformer les cristaux ou grêlons en gouttes de pluie. Il y a une troisième variante celle où est déversée de la glace sèche (de la neige carbonique) ou même de l’azote liquide, l’abaissement brutal de la température va former une myriade de cristaux de petite taille qui vont fondre rapidement en pluie dans les couches atmosphériques plus chaudes.

Une technique généralisée

Historiquement l’ensemencement des nuages pour provoquer la pluie a été utilisé en 1946 dans la région de New-York où sévissait une sécheresse durable. Elle s’est ensuite généralisée dans plusieurs pays du monde. En France c’est l’Anelfa (Association Nationale d’Études et de Lutte contre les Fléaux Atmosphériques) qui dès 1951 a mis en étude cette pratique en liaison avec des universités, notamment dans les régions vinicoles sujettes aux orages de grêles. Elle a mis au point un générateur de noyaux de congélation. À partir du sol les nuages vont pomper par courant ascendant l’humidité et les milliards de particules d’iodures d’argent dispersés à partir de quelques grammes d’AgI. Pour être efficace il faut intervenir le plus vite possible sur le nuage orageux, car lorsque la grêle s’est déclenchée on ne peut la stopper. D’autres moyens sont utilisés avec des mortiers qui lancent des fusées dispersant l’iodure dans le nuage ou des ballons qui supportent la charge d’iodure et commandés à distance lorsque le ballon est au-dessus du nuage. De nombreux pays ont recourt à ces techniques ; plus d’une dizaine de pays africains devant faire face aux pénuries d’eau les utilisent pour faire pleuvoir. Aux Émirats arabes unis de grosses quantités d’iodure semées par avion ont même réussi à faire tomber de la neige. La Chine a un ambitieux programme d’ici 2025 sur la moitié de son territoire soit plus de 5 millions de km2 de « géo-ingénierie » qui n’est pas sans inquiéter ses voisins. Car il n’y a pas de murs aux frontières entre les pays. On a ainsi vu l’Iran protester contre les programmes d’ensemencement d’Israël et des Émirats, les accusant de voler les nuages et donc la pluie à leurs profits. En réalité s’il est possible de faire pleuvoir un nuage plus vite que prévu, sous un ciel clair bien bleu il est impossible de créer un nuage qui va précipiter.

Une efficacité discutée

La communauté scientifique reste très mesurée sur l’efficacité des ensemencements. L’Anelfa, qui a un très bon réseau en France soutenue par les régions, a mis en place des « grêlomètres » et affirme qu’il y a une réelle diminution de 50% de l’intensité de la grêle lorsque les générateurs sont mis en action suffisamment tôt. Les experts de l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) restent prudents sur la modification du temps (5) et soulignent que même s’il reste difficile de faire pleuvoir là où on veut, la recherche et les techniques se sont intensifiées et ont bien progressé avec le changement climatique. Reste un dernier point polémique la toxicité possible de l’iodure d’argent dans l’environnement qui sous les rayons UV du soleil se transforme en argent et en dérivés de l’iode. D’après l’Anelfa les quantités libérées sont 1000 fois inférieures au seuil de toxicité.

Un nouveau plan sur l’eau en France

Le président E. Macron a présenté le 30 mars un certain nombre de mesures pour planifier la gestion de l’eau en France ; bien sûr l’ensemencement des nuages n’en fait pas partie, mais quantité d’objectifs concernant l’anti-gaspi et la sobriété sont sous-tendus de budgets chiffrés. Quoique l’opinion publique puisse penser, la France n’est pas trop mal dotée (6) avec une moyenne de précipitations de 935 mm/an (avec bien sûr de grandes disparités régionales) c’est environ 500 milliards de m3 d’eau qui nous tombent dessus. Les prélèvements sont de l’ordre de 32 milliards dont une grande partie est restituée, la consommation en eau potable représente une faible partie de l’eau consommée, sa production est de l’ordre de 5 mrds m3. Or on sait que le réseau de distribution de 850 000 km qui commence à dater devrait être mieux entretenu car plus de 20% du débit est perdu et gaspillé par des fuites permanentes ou occasionnelles soit presque 1 mrd m3, on est évidemment loin des quelques millions de m3 obtenus par ensemencement et l’urgence est bien de mettre tout en œuvre pour réparer et moderniser le réseau d’ici 2030.

Jean-Claude Bernier
avril 2023


Pour en savoir plus
(1) Fluctuations climatiques extrêmes et sociétés au cours du dernier millénaire, E. Garnier, colloque Chimie et changement climatique (novembre 2015)
(2) Changement d’état, vidéo Palais de la Découverte
(3) Comment est la neige cet hiver ?, Question du mois, site Mediachimie.org
(4) Pourquoi met-on du sel sur les routes lorsqu’il gèle ?, Question du mois, site Mediachimie.org
(5) Faut-il fertiliser l’océan pour contrôler le climat ?, S. Blain, Colloque La chimie et la mer (2009)
(6) L’eau, une ressource indispensable pour la ville, A. Charles, A. Harari, et J. C. Bernier, fiche Chimie et… en fiches, Mediachimie.org

 

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Avec quels matériaux sont fabriquées les éoliennes et comment les recycler ?

Comment fonctionne une éolienne ?L’éolienne ou « aérogénérateur » est la version moderne du moulin à vent dont l’utilisation remonte au 7e siècle en Asie Mineure. Son nom vient d’Éole, « dieu du vent, vif, rapide,
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Comment fonctionne une éolienne ?

L’éolienne ou « aérogénérateur » est la version moderne du moulin à vent dont l’utilisation remonte au 7e siècle en Asie Mineure. Son nom vient d’Éole, « dieu du vent, vif, rapide, inconstant ».

Elle transforme l’énergie cinétique du vent - gratuite, renouvelable mais intermittente - en énergie mécanique. Celle-ci est ensuite convertie en énergie électrique via un alternateur. Par exemple dans une éolienne à entrainement direct, le vent agit sur des pales qui entraînent la rotation d’un axe (ou arbre) sur lequel est fixé un aimant cylindrique, lui-même placé au sein d’un bobinage en cuivre (stator), ce qui induit une tension électrique aux bornes de celle-ci.(i)

Cette électricité est ensuite acheminée à l'aide de câbles conducteurs vers le lieu de stockage ou d’utilisation.

L’alternateur transforme l’énergie mécanique (rotation d’une roue sous l’effet d’un courant liquide ou gazeux) en énergie électrique. C’est l’élément de base des centrales électriques à charbon, gaz ou pétrole ainsi que des centrales nucléaires et des éoliennes. Source : De la force musculaire aux énergies renouvelables in La chimie, l'énergie et le climat, collection Chimie et... Junior, EDP Sciences, Fondation de la Maison de la Chimie (2017) p. 29

Quels éléments constituent une éolienne ?

Une éolienne comporte 3 parties principales :

  • Une tour (ou mât) qui élève le système dans les zones ventées. Elle est en acier et/ou en béton, solidement ancrée dans le sol ou dans les fonds marins s’ils sont peu profonds au voisinage des côtes. Il existe aussi désormais des éoliennes flottantes en pleine mer (offshore) ancrées aux fonds marins par des câbles.
    Le mât peut atteindre plus de 100 m de hauteur et ses fondations accueillent une masse de béton d’environ 600 à 800 tonnes (95% du poids de l’éolienne…).
  • Les pales (au nombre de deux ou trois) qui tournent sous l’action du vent peuvent avoir de 25 à 50 mètres de long. Elles doivent donc être mécaniquement solides, légères et résistantes à la corrosion. C’est pourquoi, pour pouvoir les mouler, elles sont fabriquées jusqu’à ce jour dans un matériau composite thermodurcissable(ii), qui répond à ces contraintes et qui est constitué de fibre de carbone ou de fibre de verre piégées dans une résine(iii) époxy ou polyester(iv). Malheureusement les polymères thermodurcissables ne sont pas recyclables. De nouvelles résines à caractère thermoplastique et recyclables voient le jour(v).
  • La nacelle qui est le cœur de la machine. Elle abrite tous les composants essentiels qui transforment l'énergie cinétique du vent, en énergie mécanique de rotation et in fine en électricité.
    On y trouve :
    • Un système mécanique d’engrenages et de moyeux pour la transmission et l’accélération de la rotation produite par le vent.
    • L'alternateur ; certains des aimants permanents utilisés contiennent au moins un des éléments magnétiques suivants : fer, cobalt ou nickel, alliés à des métaux de terres rares (néodyme, dysprosium, samarium).
      L’alliage à base de fer, néodyme et bore, noté FeNdB (de formule exacte Nd2Fe14B) est un exemple d’aimant puissant. À ce jour, l’usage de ces aimants puissants concerne essentiellement les éoliennes en mer, avec la technologie synchrone à entrainement direct et seulement 6,2% des éoliennes terrestres françaises recourent à celle-ci(vi). Les câbles pour injecter l’électricité produite dans le réseau ou pour la stocker via des stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) ou dans des batteries.

Pourquoi et comment recycler une éolienne ?

La durée de vie moyenne est de 25 ans. Les plus anciennes éoliennes installées sont déjà en bout de course et doivent être remplacées.

La réglementation de plus en plus contraignante exige, lors d’un démantèlement, la remise en état des lieux d’implantation et le recyclage des matériaux au-delà de 90%.

Étant donné le développement attendu des parcs éoliens sur terre et en mer, le recyclage des éoliennes en fin de vie doit largement se développer, entre autres pour économiser les matières premières nécessaires.

Le prix de revient d’une éolienne industrielle de 5 MW est estimé à 5 millions d’euros, soit 1 million par MW. Ce coût élevé justifie la récupération et le recyclage des constituants.

Récupération du béton ou de l’acier

Elle est déjà opérationnelle, car le béton et l’acier sont présents en grande quantité dans maintes autres productions.

Les parties métalliques comme le mât (s’il est en acier) et le rotor (axe solidaire des pales) se recyclent sans problème dans les filières existantes. La valeur marchande de ces métaux justifie le démontage d’une éolienne.

Le béton, composé de ciment, d'eau, de sable et de gravillons, peut parfaitement être concassé ou broyé et réutilisé pour former de nouvelles briques, éléments de construction ou revêtements de route.

Pour les métaux tels que le cuivre, leur récupération et recyclage sont largement répandus.

Les problèmes se posent avant tout pour les pales et certains aimants et la recherche se concentre sur leurs recyclages.

Les aimants permanents

Actuellement, la technologie avec aimants permanents contenant des terres rares reste modeste en France(vii). Mais les quantités à recycler bien que minimes sont précieuses.

Ces terres rares proviennent majoritairement de Chine et leur coût est croissant. Toutefois l’exploitation de nouvelles sources se développe ailleurs, pour s’affranchir de cette dépendance(viii). Par ailleurs, leur extraction est très polluante et elles ont des propriétés physico-chimiques très voisines, rendant leur séparation difficile (dissolution sélective dans des solvants organiques).

Les aimants permanents sont actuellement traités par un procédé de décrépitation à l’hydrogène(ix) qui fournit une poudre qui présente une faible teneur en oxygène, réutilisable pour obtenir des aimants par frittage.

Un nouveau procédé chimique propose une alternative en remplaçant l’hydrogène par l’eau. Les aimants sont mis en contact avec de l’eau sous des pressions et températures modérées, ce qui conduit à la pulvérisation de l’aimant et permet une réutilisation des grains magnétiques.

Enfin, les grandes entreprises de l’éolien cherchent à développer des aimants de nouvelle génération pour s’affranchir de l’usage des terres rares.

Les pales

Le démontage et le transport des pales sont complexes. Comme le broyage et l’enfouissement ne sont plus autorisés, leur recyclage se limite pour l’instant au réemploi, par découpage ou usinage, des résines très solides qui les composent, ce qui fournit mobilier urbain, bouches à incendie, abris de vélos ou de bus, jeux de plein air, etc.

Cependant la recherche en matériaux développe une pale d’éolienne 100% recyclable, en composite fibres de carbone ou de verre piégées dans une résine thermoplastique(x). La méthode chimique de recyclage utilisée consiste alors dans un 1er temps à séparer la fibre de verre de la résine par fusion de celle-ci, puis à la dépolymériser complétement afin de récupérer les monomères purs qui permettront une nouvelle synthèse du polymère. Les tests grandeur nature sont en cours, en particulier sur les propriétés mécaniques de ce nouveau composite(xi). Dans le cas des fibres de carbone coûteuses et de plus en plus utilisées, des technologies sont mises en œuvre pour les récupérer(xii).

Conclusion

Le rendement d’une éolienne varie de 30 à 50% voire 65% de sa puissance théorique (en fonction de son implantation, de la taille des pales, de la force et des fluctuations du vent) ; l’éolienne fonctionne pour des vitesses du vent comprises entre 11 et 90 km/h.

L’énergie éolienne est la troisième source d'électricité décarbonée en France, (derrière les énergies nucléaire et hydraulique)(xiii). Elle est appelée à jouer un rôle majeur dans la transition vers des énergies décarbonées. Toutefois, l’obtention de l’acier et du béton nécessaires à sa construction et le démantèlement sont sources d’émission de dioxyde de carbone : en moyenne 14 g de CO2 par kWh pour l’éolien comparés à 4 g pour l’hydraulique, 16 g pour le nucléaire, 48 g pour le photovoltaïque, 469 g pour le gaz naturel et jusqu’à 1000 g pour le charbon(xiv).

On comprend donc la nécessité de bien choisir les matériaux et matières premières nécessaires à la construction des éoliennes et à leur fonctionnement optimal tout en ayant prévu dès leur conception le procédé de recyclage en fin de vie.

Andrée Harari et Françoise Brénon

 

 

(i) Il y a plusieurs types d’éoliennes : celles à entrainement direct dites synchrones, avec un rotor constitué d’aimants permanents et les asynchrones avec un rotor bobiné en cuivre, sans aimant, utilisées pour les éoliennes terrestres où l'entretien et révision sont plus faciles qu'en mer. Pour en savoir plus sur le fonctionnement d’une éolienne sans aimant, on consultera la ressource très pédagogique du blog de Timo van Neerden.
(ii) Un polymère thermodurcissable a une structure moléculaire tridimensionnelle, demeure à l’état solide une fois durci et sa forme ne peut alors plus être modifiée. Il ne peut pas être refondu.
(iii) On appelle résine le mélange liquide contenant des additifs et le ou les monomères réactifs initialement dilués.
(iv) Les composés de type époxy sont à base de Bisphénol A et les polyesters sont de type orthophtalique.
(v) On peut citer par exemple la résine Elium® de Arkema, à base de polyacrylate. Voir la fiche de préparation au Grand oral – Mediachimie/ Nathan « Quel rôle joue la chimie pour les matériaux stratégiques ? »
(vi) Selon un avis technique de l’Ademe datant d’octobre 2020, 6,2% des éoliennes terrestres françaises recouraient à cette technologie, soit 372 tonnes d’aimants permanents contenant 122 tonnes de néodyme et 17 tonnes de dysprosium. Les éoliennes asynchrones avec boites de vitesse n’utilisent pas d’aimant mais nécessitent plus d’entretien.
(vii) Terres rares, énergies renouvelables et stockage d'énergies Librairie Ademe
(viii) Ressources déjà connues au Brésil, au Viet Nam, en Russie, en Inde, en Australie… Nouveau gisement découvert en Laponie.
(ix) Décrépitation : l’aimant est placé sous hydrogène, qui diffuse et forme des poches qui font exploser la structure. La poudre obtenue est ultérieurement broyée et réutilisable pour obtenir des aimants par frittage.
(x) Un polymère thermoplastique est rigide à l’état solide mais se ramollit à la chaleur et peut être durci à nouveau.
(xi) Projet ZEBRA piloté par l’IRT Jules Verne et un consortium d’acteurs majeurs de l’industrie, dont Arkema, Corning…
(xii) Que faire des pales d’éoliennes ?, J.-C. Bernier, éditorial (Mediachimie.org)
(xiii) Pour avoir une idée des productions d’énergie par l’éolien, dont les valeurs évoluent régulièrement, on pourra consulter les sites suivants : pour 2019 EDF l’éolien en chiffres 34,1 TWh représentant 6,3% de la production d’électricité et pour 2022 Ministère de la transition écologique avec 25,0 TWh au cours des trois premiers trimestres 2022, soit 7,4% de la consommation électrique française. Et le Vrai / faux sur l’éolien terrestre
(xiv) Rapport ADEME 2015- page 7- Impacts environnementaux de l'éolien français
 

 

Pour aller plus loin

Que faire des pales d’éoliennes ?, J.-C. Bernier, éditorial (Mediachimie.org)
De la force musculaire aux énergies renouvelablesin La chimie, l’énergie et le climat, collection Chimie et junior (EDP Sciences, 2017) p. 29 à 31
Les enjeux matériaux pour la fabrication et le recyclage des éoliennes, Frédéric Petit (Siemens), résumé et conférence Colloque Chimie et matériaux stratégiques (9/11/2022)
Chimie métallurgique pour résoudre les problèmes des métaux rares, J.-C. Bernier, résumé et conférence Colloque Chimie et matériaux stratégiques (9/11/2022)

 

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Les traitements des cancers : petites ou grosses molécules ?

Actuellement en France, un homme sur deux et une femme sur trois seront atteints d’un cancer dans leur vie… on dénombre environ 380.000 nouveaux cas de cancer par an et on enregistre 140.000 décès ! [1]. Le cancer est une
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Actuellement en France, un homme sur deux et une femme sur trois seront atteints d’un cancer dans leur vie… on dénombre environ 380.000 nouveaux cas de cancer par an et on enregistre 140.000 décès ! [1]. Le cancer est une maladie complexe qui résulte d’une prolifération anormale des cellules. Comme chacun sait, il n’y a pas un cancer mais des cancers et ceci impose donc de posséder des stratégies curatives adaptées à chaque type de cancer. Les principales stratégies utilisées dans le traitement des cancers sont la chirurgie, la radiothérapie, la chimiothérapie, les thérapies ciblées, et l’immunothérapie. […]

Accédez au Zoom sur Les traitements des cancers : petites ou grosses molécules ?

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Un Salon de l’Agriculture sous tension

En cette fin de février et début de mars se tient à Paris le Salon de l’Agriculture qui après près de trois ans de pandémie renoue avec une tradition bien établie et avec probablement autant sinon plus de visiteurs
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En cette fin de février et début de mars se tient à Paris le Salon de l’Agriculture qui après près de trois ans de pandémie renoue avec une tradition bien établie et avec probablement autant sinon plus de visiteurs qu’en 2019. Cette fête du monde agricole ne doit cependant pas cacher les fortes préoccupations des agriculteurs sur la pérennisation de leur métier et de leurs exploitations (1).

Comme nombre de PME ils sont frappés par le coût de l’énergie, gaz, électricité et fuel ; s’y ajoute l’augmentation du prix des engrais et intrants, les diverses réglementations concernant les phytosanitaires et enfin la sécheresse qui semble s’installer durablement, indice du changement climatique.

1. L’énergie

Comme nombre d’entreprises qui ne bénéficient pas du bouclier tarifaire les agriculteurs doivent faire face à une augmentation plus ou moins forte des tarifs de l’électricité, du gaz et du fuel pour les engins agricoles. Ils peuvent cependant bénéficier de subventions du ministère et de l’ADEME dans le cadre de l’accélération des énergies renouvelables. Pour les installations de biométhane (2), on sait qu’il est possible par fermentation bactérienne anaérobie de traiter les déchets végétaux et déjections animales par hydrolyse acidogénèse puis acétogénèse donnant un acide acétique qui se transforme en gaz CH4 + CO2 en laissant un digestat riche en azote et ammoniaque. Il y a maintenant en France 1600 unités dont 966 produisant de l’électricité et 442 qui après purification injectent le méthane dans le réseau. GDF rachète le biométhane entre 95 € et 45 € le m3 et EDF 140 à 190 € le MWh ce qui peut faire un complément de revenu agricole.

Se met en place aussi l’agrivoltaïque, qui consiste à mettre au-dessus d’une culture habituelle des nouveaux panneaux solaires semi transparents qui fournissent de l’électricité en fonction de l’ensoleillement qui profite aussi aux cultures sous-jacentes. Les nouveaux panneaux (3) avec des rendements de l’ordre de 20% vont bientôt être concurrencés par les panneaux PV tandems qui mêlent silicium et pérovskites avec un rendement amélioré. L’IPV de Saclay que nous connaissons bien s’apprête à lancer une fabrication industrielle de tels panneaux en Alsace avec VOLTEC Solar.

2. Les intrants

Après la crise du gaz en Europe dont les prix avaient atteint des sommets en mars 2022, la pénurie d’ammoniac (4) avait aussi atteint les engrais azotés qui avaient dépassés les 1000 €/t en avril 2022 semant la panique notamment dans les exploitations familiales. Depuis, le cours du gaz est retombé à un niveau de l’ordre de 50 € le MWh, l’ammonitrate est aussi retombé à environ 500 €/t et l’urée à 400 €/t, niveaux qui cependant sont le double de ceux de 2020. Cela entraine une « sobriété » dans l’épandage de ces engrais qui, sans aller vers une agriculture « bio » qui représente en France environ 7 à 10 % des exploitations, va tout de même modifier le rendement des sols et probablement une baisse de revenus.

3. Les insecticides et l’Europe

Sans revenir sur « le glyphosate » interdit en Europe mais toujours pas sur d’autres continents, en janvier une directive de Bruxelles met fin aux dérogations nationales sur les néonicotinoïdes (5) enrobés autour de la graine de betterave. La France avait interdit dès 2018 plusieurs insecticides qui agissent sur le système nerveux des insectes dont l’imidaclopride et l’acétamipride. Huit États européens avaient profité de cette dérogation pour autoriser leurs agriculteurs à utiliser les semences déjà enrobées pour la campagne betteravière 2023. En France le ministre de l’Agriculture a l’interprétation la plus stricte, celle où le directive de Bruxelles s’applique immédiatement. Les betteraviers français protestent devant cette concurrence qui s’installe entre productions européennes en rappelant qu’en 2020 leur récolte avait été amputée de 30% suite aux attaques de pucerons ravageurs. Ils sont d’autant plus remontés qu’en Allemagne l’acétamipride est autorisé en pulvérisations.

   

Même si on voit dans la structure des deux molécules une assez forte différence dans la chaine azotée (6) il est probable que leur mode d’action sur les insectes ravageurs est de même type. Une fois de plus on constate que le principe de précaution vis-à-vis de l’environnement et de la biodiversité se heurte à des considérations de concurrence entre États.

4. L’eau recyclée

L’impact du changement climatique se fait ressentir, l’augmentation des températures et la baisse des précipitations se traduisent par une baisse des rendements et de la qualité des produits agricoles (7). Dès lors, la réutilisation des eaux usées (REUT) est une alternative qui devrait permettre la pérennisation de l’agriculture et la préservation des ressources en eau. Déjà pratiquée en Italie et en Espagne (8 et 14% respectivement), peu développée en France où sur le gisement de 8,4 Mrds de m3 seuls 8 à 10 millions de m3 sont utilisés chaque année, alors que le gisement exploitable est 1,6 Mrds.

Et pourtant ces eaux usées présentent de multiples avantages pour l’agriculture – elles pallient un problème temporaire d’accès à l’eau d’irrigation – leur volume n’est pas soumis aux arrêtés préfectoraux de restriction d’usage de l’eau - si aucun traitement de dénitrification et de déphosphorisation n’est réalisé par la station d’épuration leurs teneurs en éléments fertilisants organiques n’est pas négligeable (8).

Bien sûr elles doivent obéir à une réglementation stricte et à des prescriptions sanitaires pour ne pas mettre en danger la santé publique. Suivant leurs qualités elles sont classées en quatre classes en fonction de l’usage :

  • pour les cultures maraîchères, fruitières et légumières non transformées par un traitement thermique - qualité A
  • pour les cultures maraichères, fruitières et légumières transformées par un traitement thermique – qualité A ou B
  • pour les cultures céréalières et fourragères – qualité A ou B ou C*

 

Selon l’arrêté du 18 juillet 2015 relatif aux systèmes d’assainissement collectifs et non collectifs (legifrance.gouv.fr),
figure provenant du site Bonnes pratiques pour l’eau du Grand Sud-Ouest

Il ne faut pas se cacher que la procédure pour en arriver à l’irrigation est complexe, il faut avoir accès aux eaux usées par une collectivité ou une société locale d’eau et d’assainissement. Il faut ensuite confier le stockage et la distribution à une société prestataire agrée et financer ces opérations par le groupe d’agriculteurs concernés. Si dans les régions littorales le REUT est plus adapté car il vise à la réutilisation de l’eau douce avant son rejet à la mer dans les régions continentales il pose plus de problèmes. D’autant que les prescriptions européennes en matière de classement semblent se durcir en 2023. 

Jean-Claude Bernier
février 2023

Pour en savoir plus
(1) Série chimie et agriculture durable pour tous (vidéos), Mediachimie.org
(2) Les déchets valent de l’or ! (fiche Chimie et... en fiches, Mediachimie.org)
(3) Les nouvelles filières photovoltaïques (vidéo, CNRS)
(4) Comment fabriquer des engrais avec de l’air : la synthèse de l’ammoniac (série Une réaction en un clin d'oeil, Mediachimie.org)
(5) Chimie de synthèse et agriculture durable peuvent-elles faire bon ménage ? (fiche Chimie et... en fiches lycée, Mediachimie.org)
(6) Les chimistes dans : L’industrie des phytosanitaires (série Les Chimistes dans, Mediachimie.org)
(7) H2O, la molécule vedette de l’été (éditorial, Mediachimie.org)
(8) Fiche orientation : secteur du traitement de l’eau (Mediachimie.org)
 

 

Crédit illustration : Les Haines, licence CC BY 2.0, PxHere

- Question du mois
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Pourquoi la vitamine C est-elle indispensable ?

La première chose à savoir est que nous ne sommes pas capables de synthétiser la vitamine C (i). Nous devons donc la trouver dans l’alimentation : les fruits colorés (agrumes, cassis, fraise, kiwi, ananas...) et les
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La première chose à savoir est que nous ne sommes pas capables de synthétiser la vitamine C (i). Nous devons donc la trouver dans l’alimentation : les fruits colorés (agrumes, cassis, fraise, kiwi, ananas...) et les légumes frais (poivron, brocoli, chou de Bruxelles...). L'apport nutritionnel quotidien conseillé est d'environ 100 mg chez l'adulte. Comme elle est très fragile, il faut choisir des aliments frais et crus ou très brièvement cuits. Elle se trouve facilement en pharmacie, mais il faut prendre garde à ne pas en consommer plus de 1 g/jour, car en excès elle peut être métabolisée (ii) en oxalate (iii) de calcium et éliminée dans les urines où elle est le composant majeur des calculs rénaux.

Propriétés

Chimiquement, il s'agit de l'acide ascorbique (a).

(a) acide L-(+)-ascorbique(b) acide déshydroascorbique

Nomenclature IUPAC :
(5R)-5-((11S)-1,2-dihydroxyethyl))-3,4-
dihydroxy-5-hydrofuran-one
 

 

Ses propriétés viennent de sa capacité à s'oxyder en acide déshydroascorbique (b). C'est donc un antioxydant, qui élimine les dérivés réactifs de l'oxygène (ou radicaux libres). On dit qu'il protège les cellules contre le stress oxydatif, qui est une oxydation des constituants de notre organisme due à un excès de ces radicaux libres (iv) qui sont très instables et oxydent d'autres molécules, ce qui leur confère un important effet cytotoxique (v).

Il n'y a pas de véritable forme de stockage de la vitamine C, et lorsque l'apport cesse les réserves chutent de moitié en 10 à 20 jours.

Le nom ascorbique vient du préfixe a, privatif, et de scorbut. Le scorbut est devenu une maladie rare, mais était très fréquent dès la Renaissance et jusqu'au XIXe siècle chez les marins au long cours. Il s'agit d'une carence en vitamine C, qui provoque un déchaussement des dents, un pourrissement des gencives, des hémorragies et pour finir la mort. Les marins n'avaient pas toujours le loisir de faire escale pour s'approvisionner en fruits et légumes frais. On peut encore l'observer aux USA chez les adolescents suivant un régime alimentaire aberrant (beignets et café noir, sandwich au beurre de cacahuète !).

Rôles physiologiques

On la pare de toutes les vertus : combat la fatigue, le vieillissement de la peau, améliore le tonus, aide à combattre les infections... Sans qu'elle soit la molécule magique que pensent certains, elle possède bien ces propriétés, ce qui sera expliqué plus loin. En 1970, le prix Nobel de chimie Linus Pauling écrivit un article "Vitamin C and the Common Cold" (vi) où il prescrivait de combattre un rhume débutant par la prise de 1 g par jour de vitamine C, ce qui a plutôt fait consensus. Utilisée pendant de courtes périodes à cette dose, elle ne semble pas toxique, puisqu'il a vécu jusqu'à 93 ans !

Elle catalyse l'hydroxylation des acides aminés proline (c) et lysine (d), constituants du collagène, qui entre dans la composition de la peau, de l’os, des dents, du cartilage (on comprend les symptômes du scorbut).

(c) proline(d) lysine

 

La carnitine (e), obtenue à partir de ces mêmes acides aminés, est importante dans la synthèse des acides gras et aussi dans la maintenance de la masse osseuse ; elle joue aussi un rôle dans l'athérosclérose et le risque cardiovasculaire. La vitamine C est essentielle à la synthèse de la carnitine.

(e) carnitine

 

Enfin ses propriétés anti-oxydantes lui confèrent de multiples rôles (synthèse d'hormones, fonctionnement des enzymes, du système immunitaire, absorption du fer par l'intestin).

Plus généralement, les carences en vitamine C, même plus discrètes que dans le scorbut, se manifestent par de l’asthénie, de l’amaigrissement, des céphalées, des douleurs osseuses, une moindre résistance aux infections et des troubles hémorragiques. Le traitement curatif et prophylactique des carences, d’origine alimentaire ou provoquées par des conditions particulières, constitue une indication indiscutable de la vitamine C. Elle est aussi préconisée comme stimulant des défenses de l’organisme au cours des infections virales comme la grippe et le coryza. Il est donc essentiel d'en consommer journellement (fruits et légumes frais).

Nicole Moreau et l’équipe question du mois

 

(i) La vitamine C est découverte en 1928 par Albert von Szent Györgyi, un scientifique hongrois (prix Nobel de médecine en 1937)
(ii) Le métabolisme est l'ensemble des réactions chimiques qui se déroulent à l'intérieur des cellules d'un être vivant, soit pour lui permettre de synthétiser les molécules qui lui sont essentielles pour se maintenir en vie et se reproduire (anabolisme), soit pour dégrader des molécules en excès voire toxiques (catabolisme).
(iii) Acide oxalique C2H2O4    oxalate de calcium Ca2+, OOC-COO ou Ca(COO)2
(iv) Un radical libre est une espèce chimique qui possède un électron non apparié et est très réactif.
(v) Cytotoxique: du grec cyto, cellule et toxique. Il s’agit d’un effet toxique pour les cellules d'un organisme
(vi) « La vitamine C et le rhume »
 

 

Pour aller plus loin

Chimie et alimentation : produits de synthèse / produits naturels, Pierre Feillet, in La chimie et l'alimentation (EDP Sciences, 2010) p. 17

Le vieillissement cutané : prévention et réparation, Philippe Piccerelle, Colloque Chimie, dermo-cosmétique et beauté (2016), Le rôle des vitamines dans le vieillissement cutané §4.4. p 102-103

La découverte des vitamines, Louis Irissou, Revue d'Histoire de la Pharmacie (1953) n° 137

François Martin apothicaire et explorateur, Louis Irissou, Revue d'Histoire de la Pharmacie (1946) n° 116, sur le premier apothicaire français s’étant rendu à Sumatra et qui a fait paraitre en 1604 un « Traité du scorbut » à la suite de son voyage où il recommande comme traitement l'emploi du jus de citron.

 

Crédit illustration : balt/Pixabay

- Éditorial
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La chimie vous aide à économiser l’énergie

En cet hiver 2023 les prix de l’énergie jouent avec nos nerfs, plus de 15% pour l’électricité pour les particuliers, 400% pour certaines industries ou PME. Le prix du gaz durablement élevé autour de 140 €/MWh, sans
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En cet hiver 2023 les prix de l’énergie jouent avec nos nerfs, plus de 15% pour l’électricité pour les particuliers, 400% pour certaines industries ou PME. Le prix du gaz durablement élevé autour de 140 €/MWh, sans oublier l’essence et le gasoil qui ne bénéficient plus des remises de 2022.

Les entreprises et industries adoptent des solutions radicales afin de diminuer leurs consommations, baisse de production, fermeture partielle, baisse de la température et de l’éclairage dans les halls ou les bureaux, etc. Mais que peuvent faire les particuliers chez eux dans la vie de tous les jours ?

L’isolation pour une meilleure efficacité thermique des bâtiments

Comment empêcher les calories de courir d’une source chaude vers une source froide ?

Il faut interposer une barrière avec des matériaux qui ont une faible conduction thermique (1).

Les maisons sont des passoires thermiques, les calories sont perdues par le toit (30%), les murs (15%), les fenêtres (15%) et la ventilation (20%).

Plutôt que construire avec de bêtes parpaing en béton, on peut :

  • utiliser des briques céramiques avec des alvéoles et des ponts thermiques labyrinthes ;
  • isoler les combles et doubler les murs avec des isolants de fibres de verre ou de laines de roches obtenus par filages à 1500°C ;
  • utiliser des plaques de plâtres doublées de polystyrène expansé ou de mousses phénoliques pour les murs intérieurs, des polyuréthanes expansés pour l’isolation des sols et plafonds ou de nouveaux isolants tels que les aérogels de silice obtenus par élimination de l’eau des polymères Si-O-Si-O-SiOH-
  • utiliser de nouveaux venus avec des nanoparticules comportant des pores inférieures au libre parcours moyen des molécules de l’air O2 et N2.

Pour les fenêtres : pourquoi chauffer le jardin ? (2)

Utiliser les vitrages super isolants qui entre deux lames de verres emprisonnent de l’argon deux fois moins conducteur que l’air et où sur l’une des faces intérieures du verre sont déposés de micro-cristaux métalliques qui réfléchissent le rayonnement infrarouge vers l’intérieur de la maison.

La moyenne des constructions et maisons a une dépense énergétique annuelle de l’ordre de 250 kWh/m2 (classement efficacité énergétique D). Les nouvelles constructions avec le règlement thermique 2020 doivent obtenir le label A (moins de 50 kWh/m2 ou 0 pour la maison passive) (3). Dans la nouvelle réglementation du ministère de l’Écologie les logements avec la classification F et G (300 à 450 kWh/m2) ne pourront plus être loués après 2025, ce qui rien qu’en région Île-de-France représente plusieurs centaines de milliers de logements.

La rénovation du parc existant est essentielle car la consommation énergétique du tertiaire et résidentiel représente plus de 48% de l’énergie totale en France. Pour les propriétaires et bailleurs sociaux cela représente parfois un vrai casse-tête. Dans Paris les immeubles haussmanniens ne peuvent être rénovés que par l’intérieur, la mise en place d’isolants thermiques diminue la surface des appartements de 2 à 5% ce qui au prix au m² à Paris représente des fortunes. Dans les immeubles collectifs la décision par assemblée des copropriétaires n’est pas facile et les travaux prennent plusieurs années de retard. Enfin nombre de propriétaires se plaignent de faibles résultats sur leur consommation après travaux, nombre d’entreprises n’étant pas vraiment qualifiées ou formées.

Et la chaleur latente ?

La physicochimie et la thermodynamique vous permettent de faire des économies, vous pouvez utiliser la chaleur de condensation lorsque qu’un gaz devient liquide, ou de solidification quand un liquide devient solide (4).

Prenons l’exemple de l’eau : pour élever la température de 0° à 100°C, il faut dépenser 418 kJ, alors que la chaleur latente de condensation est de 2250 kJ à 100°C soit 5 fois plus. Pour en profiter il faut essayer de récupérer la vapeur d’eau pour la condenser. C’est ce qui arrive dans les chaudières à gaz à condensation, la vapeur d’eau présente dans les fumées se condense pour réchauffer le circuit d’eau chaude et booste le rendement de la chaudière à 95%.

Plus simple encore, il vaut mieux couvrir avec un couvercle la casserole où vous cuisinez, les vapeurs se condensent sur le couvercle et vous récupérez les calories de la chaleur latente ce qui permet d’économiser de 15 à 20% d’énergie.

C’est aussi le principe du chauffage par pompe à chaleur comme son nom l’indique on va chercher les calories à l’extérieur dans l’air ou le sol avec un gaz généralement fluoré (les HCFC ou hydrochlorofluorocarbone qui ont remplacé les CFC) (5) et on le condense sous pression dans un échangeur qui chauffe la maison grâce à sa chaleur de condensation.

Si vous êtes riches !, vous pouvez aussi doubler vos murs par des cloisons d’un type placoplâtre particulier qui comportent des alvéoles avec des cires ou paraffines dont le point de fusion est compris entre 20°c et 26°C. Lorsque le mur est ensoleillé le jour, les paraffines fondent et la nuit lors du refroidissement les paraffines se solidifient en redonnant à la paroi la chaleur latente de solidification.

Dans la vie de tous les jours

Pour bouger, pour travailler, pour respirer, nous avons besoin d’énergie, dans notre corps la réserve est fournie par l’ATP, l’adénosine triphosphate, qui est le relais moléculaire pour toutes nos cellules. Par la nourriture nous consommons environ 2000 kcal/24 h contenues surtout dans les glucides et lipides (6). Leur conversion en ATP a un rendement d’environ 50%, l’autre moitié sert à dégager de la chaleur pour maintenir notre corps à 37°C. Pour absorber cette nourriture il faut la rendre agréable et souvent la cuire ou la réchauffer. Pour économiser l’énergie, utiliser à cet effet l’électromagnétisme avec les plaques à induction (7) : le courant haute fréquence généré à 25 kHz par des bobines à induction en cuivre placées sous la plaque vitrocéramique, entraîne des courants de Foucault dans le métal de votre récipient qui se renversent 25 000 fois par seconde et chauffent par effet Joule. Le gros avantage de l’induction est que l’on chauffe seulement le récipient et pas les bruleurs ou la plaque chauffante, l’économie d’énergie se chiffre à 30%.

De même avec le four à micro-ondes, on fait vibrer les molécules d’eau à environ 2450 MHz. Les dipôles constitués par les molécules d’eau (H2O) entrent en résonnance et le liquide chauffe très vite. Ici encore on ne chauffe que le contenu et pas le contenant d’où une économie d’énergie de 20 à 40% par rapport à un four classique.

Mais pour maintenir le bien être en hiver, en plus de l’isolation de nos maisons, des chauffages plus ou moins sophistiqués pour maintenir 19°C, nous avons aussi toute une panoplie de vêtements avec de nouvelles fibres agréables en hiver : les microfibres en polyéthylène recyclé, des pulls polaires à base de bouteilles en polyester (PET) recyclés, les fibres acryliques creuses légères donnant une bonne isolation thermique « Froid moi ? Jamais, j’ai mon…. !!!». Sans aller aux textiles imper-respirants et même thermo-régulants, les nouvelles fibres nous offrent un large panel qui nous permet de lutter contre une éventuelle panne d’énergie.

Jean-Claude Bernier
janvier 2023

 

Pour en savoir plus
(1) Quelles solutions pour améliorer la performance énergétique de l’habitat ?, S. Steydli, Chimie et... en fiches (lycée), Mediachimie.org
(2) La discrète révolution dans la performance énergétique des bâtiments, F. Michel, colloque Chimie et grandes villes, 9 novembre 2016 (Maison de la Chimie)
(3) Isolation dans l’habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories, J.-C. Bernier, colloque La chimie et l’habitat (2011)
(4) Changements d’état, vidéo Palais de la découverte / SFRS / Université Pierre et Marie Curie 1997
(5) Chimie, atmosphère, santé et climat, une histoire partagée, E. Durocher, N. Baffier et J.-C. Bernier, Chimie et... en fiches (collège), Mediachimie.org
(6) La chimie dans la vie quotidienne : les apports de l’alimentation C. Agouridas, J.-C. Bernier, D. Olivier et P. Rigny, in La chimie dans la vie quotdienne, collection Chimie et... Junior, EDP Sciences, Fondation de la Maison de la Chimie (2018)
(7) Les objets du quotidien : dans la maison et la cuisine C. Agouridas, J.-C. Bernier, D. Olivier et P. Rigny, in La chimie dans la vie quotdienne, collection Chimie et... Junior, EDP Sciences, Fondation de la Maison de la Chimie (2018)
 

Crédit illustration : sumit kumar/Pixabay

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Les jeunes et la science

La parution à la même période de l’interview d’Alain Aspect prix Nobel de physique 2022 (1) et de l’enquête sur la désinformation scientifique des jeunes à l’heure des réseaux sociaux (2) m’interpelle sur notre rôle, nous
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La parution à la même période de l’interview d’Alain Aspect prix Nobel de physique 2022 (1) et de l’enquête sur la désinformation scientifique des jeunes à l’heure des réseaux sociaux (2) m’interpelle sur notre rôle, nous chercheurs et enseignants en science.

Le premier message d’Alain Aspect est destiné aux jeunes, montrant que l’on ne va pas régler les problèmes de la planète et de la société contre la science. Au contraire, l’amélioration des modèles complexes insuffisants pour le climat et la résolution des pandémies est le résultat d’encore plus de recherches en informatique et en biochimie. Il rappelle aussi combien à l’école et au lycée il a été marqué par les expériences simples des leçons de choses et par ses enseignants qui lui ont transmis les méthodes de base qui lui ont bien servi jusqu’à maintenant.

Alain Aspect insiste aussi sur la nécessité de donner des moyens financiers et humains à la recherche exploratoire sans laquelle par exemple son sujet l’intrication quantique n’aurait pu déboucher sur ce qu’on appelle « la seconde révolution quantique ». Pour lui un meilleur financement des start-ups et surtout une diminution des délais administratifs des financements parait aussi essentiel. Car le plan quantique peut déboucher sur d’importantes applications comme les ordinateurs quantiques et la cryptographie quantique susceptibles de développements remarquables. En conclusion il revient sur un message aux jeunes en leur rappelant que la sobriété en énergie du calcul quantique devrait leur parler.

Ce message et ces rappels de l’importance de la science sous tous ses aspects, santé, énergie, climat, pollution, environnement, est d’autant bienvenu qu’il télescope de front l’enquête IFOP sur la désinformation des jeunes (11 à 24 ans) sur la science. Qu’y apprend-on en effet ?

  • Que seuls 33 % perçoivent positivement les bienfaits de la science (55% en 1972) et que 17% en pensent plus de mal que de bien (6% en 72).
  • Qu’ils adhèrent de plus en plus aux vérités alternatives.
  • 27% nient la longue évolution des êtres humains.
  • 32% assurent que les vaccins anti-covid à ARN génèrent des protéines toxiques et des dommages irréversibles.
  • 20% pensent que les Américains ne sont jamais allés sur la lune et 31 % que l’élection américaine a été faussée au détriment de D. Trump.
  • Au total plus des 2/3 croient au moins à l’une de ces contre-vérités scientifiques y compris que la terre est plate (16%).

L’analyse sociologique montre que les populations les plus « désinformées » font partie des plus démunies, que leur religion a une influence mais surtout qu’ils sont très « addicts » aux réseaux sociaux YouTube et surtout TikTok et son moteur de recherche chinois, qu’ils consultent plusieurs fois par jour. On s’aperçoit que cette génération (11-24 ans) s’informe essentiellement sur internet (64%) en délaissant les journaux télévisés (23%) et qu’ils accordent la crédibilité de préférence aux influenceurs qui ont le maximum de « followers ».

Alors comment remonter la pente ? Alain Aspect nous en trace quelques chemins :

  • illustrer des phénomènes physiques et chimiques de base par les professeurs des écoles ;
  • donner les bases de l’esprit critique au sein de l’enseignement au lycée.

La Fondation de la Maison de la Chimie contribue à ces deux chemins. Elle soutient la Fondation de la Main à la Pâte qui met à disposition des enseignants des écoles et du collège, des ressources et des aides variées pour mener à bien des activités de sciences et de technologie, dont la chimie (3).

La Fondation de la Maison de la Chimie a également créé le site Mediachimie.org sur lequel sont disponibles de nombreuses données en chimie, vérifiées et scientifiquement sûres (4). En effet, cela fait maintenant plus de 10 ans qu’une bonne vingtaine d’enseignants et chercheurs bénévoles œuvrent pour mettre à disposition des jeunes, de leurs enseignants et du grand public, des documents, des fiches, des vidéos, des colloques sur la chimie et la science et aussi donner l’occasion de rencontrer ou de voir les témoignages d’hommes et de femmes de science ou de l’industrie leur parler d’expériences, de vécus et de métiers d’avenir. Il faudrait encore plus de sites dévolus à la science, si possible agréables et vivants.

Continuons à apporter notre pierre pour aider nos collègues enseignants du primaire et secondaire au service de l’information scientifique vraie. Ensemble nos efforts conduiront peut-être à de nouveaux prix Nobel pour cette tranche d’âge.

Jean-Claude Bernier et Françoise Brenon

 

Pour en savoir plus :
(1) On ne réglera pas les problèmes de la planète contre la science mais avec elle, interview d’Alain Aspect, Les Echos (13 janvier 2023)
(2) La mésinformation scientifique des jeunes à l’heure des réseaux sociaux Enquête IFOP pour la Fondation Jean Jaurès et la Fondation Reboot (12 janvier 2023)
(3) Partenariat LAMAP-Fondation de la Maison de la chimieSéquences La main à la pâte – Mediachimie, site Mediachimie.org
(4) Site Mediachimie.org, Espace enseignants Mediachimie.org

 

Crédits : image d'illustration, Fox@Pexels , licence

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Pourquoi se faire vacciner contre la grippe et la COVID ?

En raison de la probabilité de circulation concomitante cet hiver des virus grippaux et de la Covid-19, la Haute Autorité de Santé (HAS) recommande de coupler les campagnes de vaccination contre la grippe et la Covid-19 à
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En raison de la probabilité de circulation concomitante cet hiver des virus grippaux et de la Covid-19, la Haute Autorité de Santé (HAS) recommande de coupler les campagnes de vaccination contre la grippe et la Covid-19 à partir du 18 octobre 2022.

Plusieurs ressources ont fait le point sur les vaccins en général et sur le coronavirus (1). Le lecteur pourra s'y reporter. Rappelons que les vaccins dont nous allons parler ici sont des vaccins prophylactiques (2), et non thérapeutiques (3).

1. Le vaccin antigrippal

La grippe est une maladie respiratoire et aiguë qui est de retour chaque automne et ne disparaît qu’au printemps. Appartenant à la famille Influenza, les virus à l’origine de cette maladie sont de type A, B ou C.

Le vaccin contre la grippe est fabriqué à partir de virus inactivés et fragmentés. Il ne contient pas de virus vivant, et ne présente aucun risque de transmettre la grippe. L’organisme, au contact de ces fractions rendues inoffensives, va développer des anticorps, défenses immunitaires spécifiques qui le protégeront face au virus environ 15 jours après la vaccination.

Quelle est la composition du vaccin 2022-2023 ?

Les virus grippaux étant très changeants, il faut adapter chaque année le vaccin aux virus susceptibles de circuler (4) et revacciner chaque année. Le vaccin antigrippal pour l'hiver 2022-2023 cible les virus appartenant aux quatre différentes souches suivantes : un virus de type A/Victoria/2570/2019 (H1N1) ; un virus de type A/Darwin/9/2021 (H3N2) ; un virus de type B/Austria/1359417/2021 ; un virus de type B/Phuket/3073/2013.

On connaît déjà bien les virus H1N1 et H3N2, responsables essentiels de la grippe de 2018 caractérisée par 8 semaines d’épidémie en France et à l’origine de 1,8 million de consultations, de 65 600 passages aux urgences, de 11 000 hospitalisations et de 8100 décès (5).

Comment fabrique-t-on le vaccin contre la grippe ?

Les vaccins vivants atténués sont utilisés depuis 1921 comme le célèbre BCG (6) contre la tuberculose. Depuis une cinquantaine d'années, on fabrique les vaccins à l'aide d'œufs fertilisés. On injecte le virus par un petit trou à l'intérieur de ces œufs qui sont incubés 3 jours à 35°C. Le virus se multipliera à l'intérieur des cellules qui composent l'embryon de poulet. Une nuit à 5°C fait mourir les embryons, puis on récupère et purifie le blanc d'œuf. On tue alors le virus - et les bactéries éventuellement présentes - à l'aide d'un produit chimique (7), puis on purifie ces virus inactivés qui sont ensuite fragmentés (8), ce qui augmente la réponse immunitaire et diminue encore les risques. Le vaccin est alors prêt.

2. Le vaccin contre la COVID-19

Cette année en France, la Haute Autorité de Santé a recommandé des vaccins bivalents (9) qui protègent contre la souche initiale SARS-CoV-2 et son variant Omicron. Ce sont des vaccins à ARNm (10) dirigés contre les protéines de pointe (11) des virus. Les vaccins précédents restent efficaces contre les formes graves, les hospitalisations et les décès, mais les vaccins bivalents sont mieux adaptés aux virus qui circulent actuellement et peuvent éviter l'infection.

Le vaccin à ARNm est-il sans danger ?

La figure 1 montre comment la cellule eucaryote (12) va fabriquer les protéines : une cellule se compose d'un cytoplasme (13) à l'intérieur duquel est le noyau, séparé par une membrane difficile à franchir. À l'intérieur du noyau, l'ADN porteur de l'information génétique va être copié, c'est la réplication ; cet ADN va être reproduit sous forme d'ARN c'est la transcription ; cet ARN va perdre des fragments non utiles, c'est l'épissage qui conduit à l'ARN messager. Ce dernier traverse la membrane pour passer dans le cytoplasme, où il est traduit en protéines.

 

Figure 1.

Pour préparer le vaccin, comme l'ARNm est détruit dès qu'il pénètre dans l'organisme, on enveloppe l'ARNm fabriqué par synthèse (14) et codant pour les fragments de protéine de pointe dans une membrane artificielle (15) qui mime la membrane externe de la cellule. Lors de la vaccination, ce vecteur va pénétrer dans le cytoplasme où il introduit l'ARNm, mais il ne peut pas pénétrer dans le noyau. Il n'y a donc a priori pas de risque de modification du génome.

Mais ce premier vaccin à ARNm, préparé si vite, est-il vraiment sûr ? Il y a plusieurs arguments qui montrent que sa préparation n'a pas été « bâclée » :

  • i) Depuis 1990, une chercheuse hongroise, Katalin Karikó, a proposé d'utiliser l'ARNm dans des buts thérapeutiques (16)
  • ii) Ce nouveau type de vaccin a bénéficié des études de 2003 lors de l'épidémie de SARS CoV-1
  • iii) La synthèse du fragment d'ARN codant pour un fragment de la protéine de pointe a été très rapide, ce qui a accéléré les choses par rapport aux vaccins classiques
  • iv) La circulation très rapide du virus a permis d'obtenir des résultats plus rapidement.


3. Co-vaccination grippe Covid : est-ce sans danger ?

Selon une étude de Santé publique France (17), 25 % des personnes à risque comptent faire les deux vaccins en même temps. Dans un communiqué, l'Assurance maladie rassure : « la co-vaccination est sans danger : les données disponibles indiquent que la co-administration est généralement bien tolérée ». D'ailleurs, lors de la campagne de vaccination contre la grippe 2021-2022 qui était couplée avec celle contre la Covid-19, « aucun signal particulier n’a été identifié ». En cas d'impossibilité ou de refus de recevoir les deux vaccins en même temps, aucun délai n'est à respecter entre deux vaccinations.

Une question assez curieuse se pose : « pourquoi les gens ont-ils plus peur des vaccins que des médicaments ? " Il semblerait que ce soit d'abord la peur de la seringue ! Et le vaccin est une invention récente, du XIXe siècle, alors que l'homme se soigne avec des emplâtres, des tisanes depuis plus de mille ans. Enfin, de tout temps les hommes ont été plus préoccupés par la guérison des maladies que par leur prévention.

Nicole Jeanne Moreau et l’équipe Question du mois


 

(1) Zoom sur les vaccins (02/10/2020) ; Ensemble de ressources et de liens relatifs au coronavirus SARS-CoV-2 et à la pandémie de COVID-19 (mediachimie.org)
(2) Pour prévenir ou atténuer les effets d'une éventuelle infection par un agent pathogène naturel.
(3) Pour soigner ou aider le patient à lutter contre une maladie déjà survenue, par exemple un cancer.
(4) C’est l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui est chargée, en amont, de leur surveillance.
(5) Selon Santé publique France
(6) Bacille de Calmette et Guérin
(7) Formaldéhyde et/ou détergent
(8) Les vaccins à virions fragmentés contiennent des virus inactivés, qui ont été fragmentés au moyen d’un détergent, d’un solvant ou de ces deux substances. Réf: https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/rapports-publications/releve-maladies-transmissibles-canada-rmtc/numero-mensuel/2018-44/numero-6-7-juin-2018/article-2-resume-vaccin-sous-unitaire-vaccin-antigrippal-virion-fragmente.html
(9) Moderna ou Pfizer-BioNTech
(10) ARN messager
(11) Spicule ou spike
(12) Du grec eu, bien et caryos, noyau. Ce sont les cellules de tout être vivant autre que les bactéries.
(13) Du grec cyto, cellule et plasma, forme
(14) Ils sont synthétisés in vitro à l’aide d’une matrice d’ADN et d’une enzyme, l’ARN polymérase. L’ARN est ensuite purifié sur des colonnes de chromatographie, qui profitent des propriétés chimiques (pH ou affinité) pour séparer les composants de la solution et isoler le produit d’intérêt.
(15) Formée de lipides, de phospholipides et de cholestérol
Exemple de l’excipient du vaccin Pfizer :


 source  : wikipedia, domaine public, Lien

(16) Elle rejoint en 2013 BioNTech, un des deux laboratoires, avec Moderna, à l'origine du vaccin.
(17) https://www.has-sante.fr/jcms/p_3288855/fr/covid-19-et-grippe-la-has-precise-les-conditions-d-une-co-administration-des-vaccins

 

 

Crédits. Illustration : MasterTux/Pixabay ; Figure 1 : © N.J. Moreau

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Colloque Chimie et Intelligence Artificielle - mercredi 8 février 2023

Le cycle des Colloques “Chimie &…” s'enrichit d'un nouvel opus :  Chimie et Intelligence Artificielle  Mercredi 8 février 2023  Maison de la Chimie, 28 bis rue Saint-Dominique, 75007 Paris  Bien que des mouvements sociaux
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Le cycle des Colloques “Chimie &…” s'enrichit d'un nouvel opus :

 Chimie et Intelligence Artificielle 
 Mercredi 8 février 2023 

Maison de la Chimie, 28 bis rue Saint-Dominique, 75007 Paris 

Bien que des mouvements sociaux sont annoncés par la RATP et la SNCF pour les 7 et 8 février prochain, le colloque Chimie et Intelligence Artificielle est maintenu.

De nos jours, les nouvelles technologies permettent de générer des données et de les stocker dans des supercalculateurs. À l’aide d’algorithmes, on peut les trier et les interpréter plus vite qu’il n’est humainement possible pour prendre des décisions complexes. Le but de l’intelligence artificielle (IA) est de permettre à des ordinateurs de penser et d’agir comme le feraient des humains. De nouvelles puissances et infrastructures de calcul permettent de disposer des masses de données sans précédent, le « Machine Learning » et le « Deep Learning » les interprètent pour des tâches aussi complexes qu’innovantes.

L’intelligence artificielle est un sujet d’actualité dont la mise en application touche tous les domaines de l’industrie, de la recherche et de notre vie quotidienne. Bien que déjà présente dans la R&D, l’IA est encore pratiquement ignorée de la majorité des chimistes, n’apparaissant dans l’enseignement au niveau supérieur que depuis peu alors que tout le monde est convaincu de la place qu’elle est en train de se créer. Nous souhaitons donc présenter dans ce colloque un nouveau domaine en développement non seulement dans la recherche universitaire et industrielle, mais aussi dans l’enseignement indispensable pour préparer l’avenir.

Pour cela nous avons fait appel d’une part, aux experts universitaires et industriels des principaux domaines d’utilisation dans lesquels chimie et IA sont associés, d’autre part, aux enseignants chercheurs des établissements d’enseignement supérieur qui ont mis en place des formations initiales et continues dans cette nouvelle spécialité.

Ce Colloque est ouvert sur inscription à un large public avec une attention particulière aux jeunes et à leurs enseignants. Pour que ce colloque puisse être accessible au plus grand nombre, il sera diffusé sur la chaine You Tube de Mediachimie.

Le niveau se veut accessible à tous pour permettre un large débat.

Danièle Olivier et Jean-Claude Bernier
Co-Présidents du Comité d’Organisation

 

Voir le direct sur Mediachimie ou sur Youtube.

 

En savoir plus

Inscription gratuite et obligatoire : INSCRIPTIONS

 

Retrouvez le quiz "Chimie et intelligence artificielle"

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Noël : la magie des bougies. Comment les bougies nous éclairent-elles ?

Le principe de la bougie, vieux comme le monde, consiste en un corps gras (combustible) et une mèche inflammable. Lorsqu’on enflamme la mèche, la chaleur dégagée fait fondre le corps gras. Ce liquide cireux va alors
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Le principe de la bougie, vieux comme le monde, consiste en un corps gras (combustible) et une mèche inflammable.

Lorsqu’on enflamme la mèche, la chaleur dégagée fait fondre le corps gras. Ce liquide cireux va alors grimper le long de la mèche par un phénomène appelé capillarité et se vaporiser sous l’action de la chaleur. Les gaz formés brûlent au contact du dioxygène de l’air : c’est la flamme de la bougie.

Cette combustion consomme la cire et le dioxygène et elle dégage de la chaleur. Elle va donc permettre la fonte de la cire restante et fournir en continu l’apport en combustible dans la mèche, ce qui entretient le processus, bien que la mèche se consume peu à peu.

En l’absence d’air (donc de dioxygène) - ou de mèche - la bougie s’éteint.

Les composants des bougies

Historiquement, la mèche était un jonc, il était trempé dans de la graisse fondue animale, suif de bœuf ou de mouton, graisse de cochon… ou cire d’abeille (beaucoup plus coûteuse et essentiellement réservée aux usages religieux) qu'on laissait ensuite durcir.

L’identification au début du XIXe siècle de la stéarine (i) extraite de graisse animale ou végétale et dont l’acide stéarique est issu puis, à la fin de ce siècle de la paraffine solide, issue du pétrole, a permis la production industrielle des bougies, formées avec des mèches en coton ou en chanvre tressé entourées d’une cire pouvant être moulée et solide à température ordinaire. Lors de leur fabrication, les bougies peuvent être colorées, si l’on introduit des pigments, ou parfumées par exemple par des huiles essentielles.

Les températures de fusion varient selon les produits utilisés. La température de fusion de la paraffine se situe entre 52 et 56°C, celle de l’acide stéarique est de 69-70°C et celle de la cire d’abeille se situe entre 62 et 65°C.

De nos jours, les bougies commercialisées sont essentiellement fabriquées à partir de paraffine.

Les constituants chimiques

Les graisses végétales ou animales sont composées de triesters du glycérol et d’acides à très longue chaine carbonée appelés acides gras (ii). Ainsi, la stéarine est le triglycéride de formule C57H110O6) (iii) dont on tire l’acide stéarique de formule CH3-[CH2]16-COOH. C’est l’acide stéarique qui a permis la production à grande échelle de bougies tout au cours du XIXe siècle (iv).

La paraffine est un mélange obtenu en raffinerie à partir de résidus solides du pétrole. Elle est constituée d’alcanes, molécules d’hydrocarbures saturés, de formule brute CnH2n+2, où la valeur de n se situe entre 18 et 32.

La paraffine qui est utilisée dans la production industrielle de bougies est en général complétée par l’apport d’un mélange appelé « acide stéarique technique » composé d’acides palmitique(v)et stéarique, et improprement appelé « stéarine »(vi). Ce mélange permet de rendre la cire plus opaque, plus dure ou encore d’augmenter la durée de combustion de la bougie.

La cire d’abeille est un mélange naturel complexe dont les constituants chimiques ne sont pas tous identifiés. Elle est composée d'environ 15% d'hydrocarbures linéaires à longues chaînes, 71% d'esters (dont 44% de monoesters d'acide gras et d'alcool gras, 12% d'hydroxyesters, 14% de di et triesters et 1% d'esters de stérols), 3% d'acides libres (vii) et 1% d'alcools libres, auxquels s’ajoutent des composés variables selon l’origine de la ruche.

La combustion de la bougie

La combustion complète des substances constituant une bougie conduit à la formation de CO2 et H2O. Mais si elle est incomplète, par manque d’oxygène elle produit aussi du monoxyde de carbone CO et des dépôts de carbone (suie).

De plus, une fois chauffés, la paraffine et les éventuels adjuvants parfumés ou colorés libèrent un peu de substances (acétone, benzène, toluène) toxiques et agressives pour les poumons. La combustion d’une bougie parfumée donne aussi naissance à des particules ultrafines associées à des HAP, hydrocarbures aromatiques polycycliques que l’on retrouve lors d’une combustion incomplète, et dont la toxicité est connue.

S’il y a de la fumée ou de la suie visibles, c’est que la bougie contient des substances polluantes.

La cire d’abeille ne dégage pas de fumée en brûlant ce qui donne des bougies moins polluantes.

Il est donc conseillé d’utiliser les bougies dans un milieu suffisamment aéré pour profiter de la magie qu’elles offrent.

Andrée Harari, Françoise Brénon et l’équipe question du mois

 

 

(i) La stéarine a été découverte par Michel Eugène Chevreul au XIXe siècle lors de ses travaux sur les corps gras entre 1813 et 1823. Voir son traité Recherches chimiques sur les corps gras d’origine animale (sur le site Gallica -BNF)

(ii) Un acide gras est un acide carboxylique dont la chaine carbonée présente de 4 à 36 atomes de carbone.

(iii) La stéarine est le triester formé à partir du glycérol (ou propan-1,2,3-triol) HOH2C–CHOH–CH2OH et de l’acide stéarique CH3-[CH2]16-COOH. Sa formule développée est :

Image illustrative de l’article Tristéarine
Domaine public, Lien

(iv) M. E. Chevreul et J. L. Gay-Lussac avaient entrevu l’innovation issue de leurs travaux d’isolement des acides gras, en particulier de l’acide stéarique, et avaient pris un brevet pour la réalisation de la bougie stéarique au cours des années 1830. Source « Des produits chimiques très recherchés: les acides gras pour la fabrication des bougies. La naissance de la lipochimie industrielle au cours du XIXe siècle », Gérard Emptoz, Culture technique, n° 23 (1991), pp. 33-45.

(v) L’acide palmitique a pour formule CH3(CH2)14COOH

(vi) Voir la définition du dictionnaire Larousse

(vii) Sources "Manuel des corps gras", Technique et Documentation, Lavoisier, Paris, 1992, pages 297 et 306 et Cires et cirages E. Gomez § 2.2.2.
Pratiquement un quart de la cire d'abeille est du palmitate de myricyle C15H31-COO-C30H61 et on trouve également une quantité de l'ordre de 12% de cérotate de myricyle C25H51-COO-C30H61.

 

Pour en savoir plus

[1] Histoire d’une chandelle, de M. Faraday : pages 29 et suivantes (J. Hetzel (Paris) Ed.) (sur le site Gallica - BNF)
[2] Pour les différents parties éclairantes de la flamme, l’article : The candle, the light bulb and the radio, de R. de Hilster, CNPS Proceedings 2017, p. 13

 

Crédits illustration : DR. A. Harari pour Mediachimie

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Plus de gaz… Plus d’engrais ?

La crise européenne sur le gaz naturel (le méthane) et sur l’énergie a ses plus vives répercussions sur l’industrie et notamment sur l’industrie chimique qui est énergivore. En effet, outre les besoins en électricité et
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La crise européenne sur le gaz naturel (le méthane) et sur l’énergie a ses plus vives répercussions sur l’industrie et notamment sur l’industrie chimique qui est énergivore. En effet, outre les besoins en électricité et en chaleur pour les réactions chimiques industrielles, le gaz n’est pas seulement un carburant énergétique mais aussi une matière première pour des produits essentiels.

Prenons comme exemple la chaine des engrais azotés passant par le dihydrogène, l’ammoniac, l’acide nitrique et enfin les nitrates. En effet depuis la découverte du procédé industriel de synthèse de l’ammoniac dit Haber-Bosch en 1913, les engrais azotés ont permis à l’agriculture de multiplier les rendements agricoles notamment sur le blé et le maïs et aussi d’autres cultures vivrières, par un facteur 5 qui n’a pas été l’un des moindres à contribuer à l’augmentation de la population mondiale après 1920.

La synthèse de l’ammoniac, dont la réaction N2 + 3 H2 = 2 NH3, parait simple, exige hautes pression et température (300 bars ; 500°C), donc consomme de l’énergie électrique pour les compresseurs et de la chaleur pour le réacteur.

Mais il faut aussi préalablement produire le dihydrogène et le diazote ce qui s’accompagne de consommation de méthane et de formation de CO2. En effet le dihydrogène H2 est majoritairement issu de la réaction du méthane sur l’eau à haute température et le diazote N2 est obtenu en éliminant le dioxygène de l’air par combustion du méthane (réaction dont la chaleur est récupérée pour la réaction précédente). Le détail de ces réactions est consultable sur le site Mediachimie (1).

On peut aussi obtenir du dihydrogène par combustion partielle de charbon qui conduit à 1200°C au « syngas » (2) dont on peut séparer l’hydrogène. Ce procédé est notamment utilisé en Chine.

Dans le monde on fabrique près de 100 millions de tonnes de dihydrogène s’accompagnant hélas de l’émission de près de 1 milliard de tonnes de CO2 (3).

La fabrication des engrais azotés nécessite préalablement de transformer une partie de l’ammoniac en acide nitrique puis de faire réagir l’ammoniac avec une solution d’acide nitrique. On obtient du nitrate d’ammonium NH4NO3 pouvant être utilisé en solution ou en granulés (4). Un autre engrais utilisé largement est l’urée CO(NH2)2. On le fabrique industriellement par réaction de l’ammoniac sur CO2 à 180°C et sous pression de 150 bars en 2 étapes :

CO2 + 2 NH3 = NH2COONH4

suivie de NH2COONH4 = CO(NH2)2 + H2O   (5)

La consommation d’engrais dans le monde s’élève à près de 180 millions de tonnes dont environ 120 Mt azotés qui exigent, rien qu’en matière première, 72 Mt de gaz naturel. On estime que rien que la production de 170 Mt d’ammoniac est responsable de 2% des émissions de CO2 mondiales.

Des procédés plus propres ?

C’est alors qu’intervient la recherche de procédés alternatifs « plus propres ». On trouve alors plusieurs couleurs pour NH3 comme pour le dihydrogène (6) :

  • l’ammoniac « gris » par le procédé traditionnel Haber-Bosch issu du méthane ou d’hydrocarbures,
  • l’ammoniac « bleu » avec encore Haber-Bosch mais avec la capture du CO2,
  • l’ammoniac « vert » toujours Haber-Bosch mais avec de l’hydrogène obtenu par électrolyse de l’eau.

Pour l’instant seule une installation en Arabie Saoudite et un projet au Canada sont ou seront capables de fournir et commercialiser de l’ammoniac bleu qui, à cause du transport vers l’Europe, devient un peu gris-bleu !

Les deux plus importants producteurs d’ammoniac européens YARA et BASF penchent vers une solution de décarbonation en utilisant de l’hydrogène produit par des électrolyseurs proches des réacteurs d’ammoniac. Si l’électricité utilisée vient d’éoliennes alors il sera vert, si c’est de l’électricité issue du nucléaire il tendra vers le jaune. En fait techniquement on peut se passer de sources de méthane mais le problème est économique car l’ammoniac « vert » a un prix de revient lié au prix du MWh et est bien plus élevé que le « gris » sauf si le prix du gaz reste anormalement élevé.

La recherche pour des procédés « durables »

Y a-t-il des méthodes « douces » pour obtenir l’ammoniac ? Le principal problème chimique est de casser la molécule de diazote dont la liaison N≡N est particulièrement forte. Plusieurs recherches sont menées pour y parvenir, une équipe américaine a réussi à hydrogéner l’azote de l’air en solution grâce à un complexe hydrocarboné de zirconium. Des chercheurs de Rice University ont réussi par électro catalyse à produire environ 10 g d’ammoniac par heure à partir d’un catalyseur constitué de microcouches 2D de sulfure de molybdène où les atomes de soufre sont partiellement remplacés par du cobalt. Une autre équipe coréenne a simulé la même réaction d’un enzyme nitrogénase que certaines bactéries utilisent pour fabriquer l’ammoniac à partir de l’azote de l’air avec des feuillets de nitrure de Bore BN. C’est la même stratégie qu’a suivi une équipe de Montpellier en s’attaquant aux nitrates dispersés dans l’environnement pour les transformer par électro catalyse en NH3.

Ces réactions ont en commun de ne pas dégager de gaz à effet de serre (CO2) et aussi d’être à l’échelle du laboratoire capable de générer quelques grammes par heure. Il faudra encore des années avant qu’un procédé industriel robuste puisse concurrencer le procédé classique.

L’industrie européenne

Oui l’industrie de l’ammoniac en Europe est vitale. Le cours du gaz qui inférieur à 50 € le MWh en 2020 a dépassé les 300 € au plus fort de la crise en août 2022 pour revenir à des valeurs proches de 100 € pénalise fortement la production d’ammoniac et celle d’engrais azotés. Le nitrate et l’urée ont vu leurs prix multipliés par 3 entre 2021 et 2022 ce qui contraint les agriculteurs à diminuer drastiquement les intrants et même à les supprimer pour les petites exploitations avec des répercussions sur les rendements (7).

Même la chaine des constructeurs automobile est atteinte. Devant le prix du gaz et de l’énergie les chimistes européens ont partiellement arrêtés les unités d’ammoniac et réduit les fabrications d’au moins 30% d’où un manque d’urée pour la dépollution automobile (AdBlue) et industrielle. D’un point de vue plus général, la chimie européenne suivant la déclaration du président de BASF en Allemagne se pose la question de sa survie ou de ses délocalisations si la situation tendue sur l’énergie et le gaz perdure.

Jean-Claude Bernier et Françoise Brénon

 

Pour en savoir plus :
(1) Comment fabriquer des engrais avec de l’air ? La synthèse de l'ammoniac, Françoise Brénon (Réaction en un clin d’œil, Mediachimie.org)
(2) Comment fabriquer de l’essence avec du charbon ? La réaction de Fischer-Tropsch, Jean-Claude Bernier (Réaction en un clin d’œil , Mediachimie.org)
(3) Vision de l’hydrogène pour une énergie décarbonée, conférence et article de Xavier Vigor Colloque Chimie et énergies nouvelles, 10 février 2021
(4) Le nitrate d’ammonium, un engrais dangereux ?, Jean-Claude Bernier (éditorial, Mediachimie.org)
(5) La première synthèse organique, Marika Blondel-Mégrelis (Mediachimie.org)
(6) Qu’est-ce que l’hydrogène « vert » ?, Françoise Brénon (Question du mois, Mediachimie.org)
(7) Agriculture du futur : s’appuyer sur les savoirs et non sur les croyances, Jean-Yves Le Deaut, Colloque Chimie et Agriculture durable, un partenariat en constante évolution scientifique, 10 novembre 2021

 

Crédits : image d'illustration, licence CC0, PxHere

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La chimie recrute ?

La chimie est partout et emploie des opérateurs, techniciens, ingénieurs et docteurs dans de très nombreux secteurs d’activité, la chimie mais aussi la pharmacie, la cosmétologie, l’énergie, la plasturgie, la métallurgie,
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La chimie est partout et emploie des opérateurs, techniciens, ingénieurs et docteurs dans de très nombreux secteurs d’activité, la chimie mais aussi la pharmacie, la cosmétologie, l’énergie, la plasturgie, la métallurgie, l’électronique, les matériaux, la protection des cultures et même dans la police scientifique… La chimie se diversifie dans la chimie du végétal, la biomasse, le recyclage, l’environnement, la santé…

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter :

En recherche, en développement, en production, en commercial…, les compétences sont et seront encore plus recherchées au cours des prochaines années.

Lycéens et étudiants, vous qui décidez de vos choix futurs, découvrez les domaines d’activité en entreprise, les fonctions ou métiers associés ainsi que des vidéos dans l’espace Métiers.

Pour vous aider à trouver la bonne voie consultez :


Une rubrique « ? Métiers, des réponses à vos questions » complète les informations.
 

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Pourquoi réduire la consommation de sel dans l'alimentation ?

C’est un problème de santé publique et aussi de chimie analytique !  Nous avons besoin de sel (chlorure de sodium de formule NaCl) pour maintenir constant notre équilibre électrolytique : c’est-à-dire les rapports entre
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C’est un problème de santé publique et aussi de chimie analytique ! 

Nous avons besoin de sel (chlorure de sodium de formule NaCl) pour maintenir constant notre équilibre électrolytique : c’est-à-dire les rapports entre les concentrations des différents ions (sodium, potassium, chlorure, calcium, magnésium, phosphate) et l’eau contenus dans notre organisme. Or on perd du sel dans l’urine et la sueur et c’est pourquoi nous devons consommer du sel. Si le sel est vital pour notre organisme un excédent de sel entraine une augmentation de la pression artérielle conduisant à des maladies cardiovasculaires et des AVC. Il est à signaler que l’organisme a besoin d’un minimum de sel pour bien fonctionner car si nous n’en absorbions pas du tout les effets de toxicité seraient les mêmes que ceux décrits lors d’une trop grande consommation. L’OMS recommande de diminuer la consommation de sel depuis une dizaine d’années pour atteindre un objectif de 30% de baisse en 2025.

Pour réduire la consommation en sel, il faut : i) diminuer la dose journalière qui est située actuellement entre 6,5 et 12,5 g de sel/jour, ii) réduire le taux de sel dans les aliments consommés, iii) réduire l’usage du sel de table, en ne dépassant pas le taux de 1,5 % en masse d’aliment, iv) abaisser l’optimum de préférence au goût en utilisant par exemple des arômes de cacahuète ou des ajouts d’herbes aromatiques (persil, basilic, origan… qui renforcent la perception du sel. Des tests sont actuellement en cours sur l’utilisation des différentes variétés de sel (sel fin, fleur de sel, sel micronisé) [1].

La saveur salée fait partie des cinq saveurs fondamentales dont l’amer, l’acide, le salé, le sucré et l’unami (qui vient du japonais : goût protéine des viandes). Leur carte de répartition n’est pas localisée dans des zones précises de la langue contrairement à une idée répandue jusque dans les années 70 [2]. La saveur salée est perçue par toutes les papilles de la langue par un mécanisme transmembranaire qui déclenche un influx nerveux transmis au cerveau nous permettant d’apprécier cette saveur. Les seuils de détection varient avec l’âge de 0,3 g/L pour les juniors à 0,8 g/L pour les seniors, sans différence observable entre les hommes et les femmes. Mais il n’y a pas que le cation sodium du chlorure de sodium qui est responsable de la saveur salée : l’ion potassium, le lithium (non consommable) et l’ion ammonium participent aussi à cette saveur. Le chlorure d’ammonium est utilisé dans les pays du Nord où les rennes sont domestiqués de cette manière car ils en raffolent !

Disposer de mesures précises de la teneur en sel de nos aliments est donc nécessaire.

Des observations qualitatives de fluorescence ont montré que le sel pénètre peu dans la viande grillée de bœuf mais assez profondément dans la chair du poulet cuit [1] .

Des mesures IRM (imagerie par résonance magnétique) issues de la résonance magnétique nucléaire (RMN) du sodium (23Na), nécessitant d’utiliser des champs magnétiques forts de l’ordre de 4,7 teslas (environ cent mille fois le champ magnétique terrestre !) permettent de doser avec une grande précision la teneur en sodium des aliments [1]. Par exemple on a pu mesurer exactement la quantité de sel dans des jambons après un séchage de plus de six mois (8 g de sel pour 55 g d’eau !) Mais cette méthode permet aussi d’obtenir une cartographie de la répartition du sel à l’intérieur des aliments (sans la destruction de cet aliment). Des carottes cuites dans des solutions classiques de cuisine ont été analysées et la concentration du sel au bord des carottes est égale à 7,2 g/L tandis qu’à l’intérieur de la carotte elle est deux fois plus faible ! Une étude plus fine des formes des spectres montre l’existence d’ions sodium libres mais aussi d’ions sodium liés aux molécules voisines contenues dans l’aliment, ce qui donne des informations sur la relation entre la saveur salée plus ou moins longue en bouche et la nature des aliments !

À noter que l’emploi du glutamate de sodium comme alternative au chlorure de sodium fait encore l’objet actuellement de travaux de recherche car il est responsable des saveurs : salée mais aussi unami !

Jean-Pierre Foulon et l'équipe Question du mois

 


Note : L’IRM du sodium est aussi utilisée avec succès pour doser les ions sodium dans le cerveau humain (travaux de recherche réalisés à l’hôpital de Marseille en 2022 !) permettant des diagnostics médicaux très précieux.

Pour en savoir plus :
[1] Comment réduire le sel dans notre alimentation ?  série de cinq conférences vidéos par H. This, C. Hugol-Gential, J.M. Bonny, T. Thomas-Danguin, J.P. Poulain, en libre accès sur le site de l’Académie de l’agriculture, séance 19/10/2022
[2] Le goût : de la molécule à la saveur, Loïc Briand, in La chimie et les sens (EDP Sciences, 2018) pp. 189-209 ; vidéo et chapitre du Colloque La chimie et les sens (22 février 2017).

 

Crédits : image d'illustration, licence CC0, PxHere

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Pourquoi utiliser de l’ammoniac ou de l’ammoniaque dans des applications domestiques ?

La molécule de formule NH3 appelée ammoniac(i) est un gaz, très soluble dans l’eau. On donne aussi le nom d’« ammoniaque » ou « solutions ammoniacales » à ses solutions aqueuses. La forme gazeuse est présente à l’état
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La molécule de formule NH3 appelée ammoniac(i) est un gaz, très soluble dans l’eau. On donne aussi le nom d’« ammoniaque » ou « solutions ammoniacales » à ses solutions aqueuses.

La forme gazeuse est présente à l’état naturel lors de la décomposition de substances protéiques. 80% de sa production industrielle par le procédé Haber-Bosch(ii) sert à la synthèse des engrais.

Pour ce qui est des applications domestiques, on trouve la solution aqueuse en magasin de bricolage, dans les rayons de produits ménagers ou sur Internet, avec les informations d’utilisations suivantes « nettoyant, décapant », « dégraisse, détache les tissus, ravive les couleurs », « nettoyer les tapis et moquettes, nettoyer les surfaces vitrées… ». Il existe aussi des mélanges prêts à l’emploi.

En ce qui concerne le nettoyage de l’argenterie, l’utilisation des solutions d’ammoniac est discutable(iii).

La solution d’ammoniac est également une des composantes utilisée pour réaliser des « frisures permanentes » sur cheveux(iv), ou dans des colorations capillaires.

Les noms rencontrés sur les étiquettes du commerce

Ammoniaque alcali 22° baumé ; ammoniaque 13° ; ammoniac 13% ; ammoniaque alcali 13 % ; alcali 13% ; ammoniaque (ou ammoniac) alcali 22° hydroxyde d’ammonium ref alcali en solution à 20% (en poids d’ammoniaque dans l’eau).

Ces noms recouvrent-ils la même chose et quelles sont les significations de toutes ces informations ?

Que se passe-t-il lors de la dissolution de l’ammoniac gazeux dans l’eau ?

Lors de la dissolution du gaz ammoniac dans l’eau il s’établit un équilibre dont l’équation bilan (A) est la suivante :

(A) NH3 (aq) + H2O (l) = NH4+(aq) + OH-(aq)

Mais cet équilibre ne produit qu’une très faible quantité d’ions ammonium NH4+. Ainsi la solution contient très majoritairement des molécules d’ammoniac hydratées. Par exemple, pour 17 g de gaz ammoniac NH3 dissout dans 1 L d’eau cela conduit à l’équilibre à avoir 99,6 % sous forme NH3,aq(v). Il se forme seulement 0,4 % sous forme NH4+ et simultanément la même faible quantité d’ions hydroxyde OH-.


Ainsi écrire que l’ammoniaque (correspondant à l’ammoniac en solution) aurait pour formule chimique NH4OH est donc inexact et source d’erreur(vi). Cette formulation date du XIXe siècle(vii).

La solution aqueuse d’ammoniac est aussi une solution basique en raison de la présence des ions OH-(viii).

Le mot « alcali » a pris plusieurs définitions au cours des siècles. En tant qu’adjectif il signifie que le produit est une base forte et donc que sa solution a concrètement un pH allant de 10 à 14 selon sa concentration(ix), ce qui est le cas de la solution d’ammoniac. En tant que nom, « l’alcali » ou « alcali volatil » est synonyme de solution d’ammoniac. Ce terme est toutefois désuet.

Pourquoi l’ammoniac peut-elle retirer des taches de couleurs ?

L’ammoniac NH3 peut donner des complexes en s’associant aux molécules responsables de la tache et ainsi « l’encapsuler » ou faire passer sous forme ionique un colorant qui sera alors soluble dans l’eau. Son caractère basique participe aussi au processus de dégraissage.

Ces propriétés étaient utilisées dès l’Antiquité ! À Pompéi et dans la Rome antique il existait des ateliers de foulonnerie où l’on nettoyait les vêtements des dignitaires. Le linge était foulé avec les pieds par des esclaves dans des bacs contenant des argiles et de l’urine humaine récoltée dans la ville. En effet l’urine contient de l’urée qui se transforme en ammoniac grâce à une enzyme uréase (naturellement présente dans l’urine) selon :

(NH2)2CO (urée) + H2O → CO2 + 2 NH3


Précautions à prendre dans un usage domestique(x)

En raison de son caractère basique, il est conseillé d’utiliser des gants lors de la manipulation d’une solution aqueuse d’ammoniac et d’éviter le contact avec les yeux et les muqueuses.

L’odeur caractéristique de l’ammoniac ne vous échappera pas ! Au moment de manipuler ce produit il est vivement conseillé d’ouvrir les fenêtres pour aérer la pièce et d’éviter de respirer les vapeurs.

Ne pas stocker ni manipuler le produit près d’une source de chaleur, car NH3 dissous peut facilement redonner de l’ammoniac gazeux s’échappant du flacon.

Ne pas stocker la bouteille d’ammoniac à proximité d’une bouteille d’acide chlorhydrique (éventuellement possédée comme détartrant). En effet les vapeurs de NH3 comme celles de chlorure d’hydrogène (HCl) pouvant s’échapper des flacons donneront des cristaux blancs de chlorure d’ammonium(xi), qui se déposeront sur les bouchons. On peut observer que les grandes surfaces ne respectent pas toujours ces règles de stockage !

Dans diverses circonstances vous pouvez identifier la présence d’ammoniac. Par exemple :

  • L’ammoniac apparait dans des processus de fermentation réalisés dans l’industrie agroalimentaire. Ainsi les caves d’affinage du Comté se distinguent par une forte odeur due à des vapeurs d’ammoniac(xii).
  • Le Hákarl, plat traditionnel de l'Islande obtenu par fermentation de chairs de certains requins, a une odeur très forte due à la transformation in fine de l’urée en ammoniac, comme vu pour les urines grâce à l’action de l’uréase. La chair du poisson passe alors d’un pH 6 à un pH 9.
  • L’émanation de l’ammoniac gazeux a lieu également si on laisse vieillir trop longtemps certains fromages ou certains poissons et est associée de façon générale aux processus de putréfaction.

Pour en savoir plus sur la concentration des solutions vendues

Pour les étiquettes indiquant un pourcentage, il s’agit du pourcentage massique(xiii) correspondant au rapport entre la masse de la quantité d’ammoniac introduite(xiv) dans l’eau sur la masse totale de la solution obtenue. Donc l’information « solution à 13% » signifie que 100 g de solution contient 13 g de NH3.

Qu’est-ce que le degré Baumé ?

Il est étonnant de trouver encore une information en degré Baumé, unité exclue des unités légales françaises depuis 1961. À 20 °C, la correspondance entre la densité et les degrés Baumé (noté B) pour les liquides moins denses que l'eau (densité < 1) est : d = 140 / (B + 130). Cela donne pour la solution d’ammoniac à 22° d = 140/(22+130) = 0.921 et donc une masse volumique(xv) de 0,921 kg/L.

Les étiquettes au laboratoire de chimie

Dans les laboratoires de chimie l’étiquette indique un pourcentage massique, P, une masse volumique ρ en g par litre (g.L-1) et une masse molaire M en g par mole (g.mol-1). Ces 3 données permettent de déterminer la concentration molaire en ammoniac, [NH3,aq], exprimée en mol par litre (mol.L-1) ; la relation à utiliser est C = P* ρ /M où bien sûr la masse molaire de l’ammoniac est M = 17 g.mol-1 et non 35 g.mol-1, comme on le trouve de façon erronée sur certains flacons, sur des sites Internet grand public et même sur la fiche officielle associée à son numéro CAS(xvi) ! Cette masse molaire erronée provient de l’hypothèse fausse que l’ammoniaque aurait pour formule NH4OH(xvii).

Conclusion

Si l’ammoniac est connu depuis l’Antiquité par ses usages qui perdurent et satisfont les consommateurs, son identification ne date que de la fin du XVIIIe siècle et est due à Claude Louis Berthollet(xviii).

Et qu’en est-il des dénominations ammoniac ou ammoniaque et des formules chimiques NH3 ou NH4OH associées ? Cette chronique illustre que la chimie est une science étudiant des phénomènes complexes à modéliser dont l’interprétation ne fait pas nécessairement l’unanimité et évolue en fonction des connaissances.

Lydie Amann et Françoise Brénon et l’équipe question du mois

 

 

(i) du grec Ammoniakon, « de Ammôn », nom grec d'Amon, dieu égyptien, car on extrayait près du temple d’Ammon en Lybie un minerai nommé salmiac, qui libérait ce gaz. Le salmiac contient du chlorure d’ammonium NH4Cl.

(ii) Consulter Comment fabriquer des engrais avec de l'air ? La synthèse de l'ammoniac

(iii) Pour l’argenterie, le noircissement de l’argent étant lié à la formation de sulfure d’argent très stable, l’ammoniac ne suffit pas à le détruire par complexation. Pour en savoir plus :  Nettoyer l’argenterie par « une recette de grand-mère » : comment ça marche ?

(iv) Pour en savoir plus Pourquoi ça frise ou ça défrise ?

(v) Ce calcul résulte de la valeur de la constante d’équilibre


 

On notera que 17 g de NH3 correspond à 1 mol d’ammoniac soit environ la dissolution de 25 L de gaz à température ambiante.

(vi) Voir la bonne définition du Larousse https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/ammoniaque/2936

(vii) On lira avec intérêt cet article du Chemical Education Why We Are all Using a Nonexistent Substance: NH4OH

(viii) L’acidité et la basicité d’une solution aqueuse sont mesurées sur une même échelle par le pH, grandeur reliée à la concentration en ions H+aq par pH = - log[H+aq].

Les concentrations en H+aq et OH-aq étant toujours liées par la relation [H+aq] * [OH-aq] = Cte. On considère qu’une solution est basique si son pH est supérieur à 7 et acide si pH <7.

(ix) En prenant le même exemple que précédemment (cf. note v), le pH de cette solution vaut 11,6.

(x) On peut consulter la fiche de toxicologie de l’ammoniac sur le site de l’INRS ici.

(xi) La réaction mise en jeu est : HCl (gaz) + NH3 (gaz) → NH4Cl (s). À ce sujet consulter l’anecdote historique La chimie contre les mauvaises odeurs.

(xii) La teneur en ammoniac dans l’air y est de l’ordre de 23 ppm (partie par million en volume dans l’air (mL/m3) d’après le CIGC - Comité Interprofessionnel de Gestion du Comté).

(xiii) Pourcentage massique :

(xiv) Compte tenu de l’équilibre (A) très peu déplacé, la masse d’ammoniac introduite est quasiment égale à la masse de NH3(aq) à l’équilibre.

(xv) La masse volumique se calcule par la relation ρ = d*ρ(eau) sachant que ρ(eau) = 1 kg/L

(xvi) Le numéro CAS de la solution aqueuse est : 1336-21-6 et celui du gaz est 7664-41-7.
Il s’agit de son numéro d'enregistrement unique auprès de la banque de données de Chemical Abstracts Service.

(xvii) Exemple : Le chimiste dans son laboratoire prend une bouteille et étudie l’étiquette pour en connaitre les caractéristiques. Il lit par exemple : P = 28%  ρ = 0,90 kg/L  et M = 35,05 g/mol. Une autre bouteille donne les mêmes informations sauf au niveau de la masse molaire M = 17 g/mol.
Or, l’expression de la concentration molaire exprimée en mol /L a pour expression : C = P* ρ /M .
Ainsi, l’application numérique pour la bouteille 1 donne donc C voisine de 7,2 mol. L-1 et pour la bouteille 2 de 15 mol. L-1, le facteur 2 provenant du facteur 2 entre les 2 masses molaires. Pourtant les dosages acido-basiques de ces 2 solutions montrent que chacune des 2 bouteilles a une concentration en ammoniac NH3 voisine de 15 mol/L. L’erreur provient du fait que l’ammoniaque est assimilée à l’hydroxyde d’ammonium NH4OH en solution (d’où M = 14 + 16 + 5 = 35 g.mol-1) ce qui est erroné comme l’a montré l’étude de l’équilibre de dissolution dans lequel l’ammoniac reste essentiellement sous la forme NH3(aq).

(xviii) voir Berthollet et la découverte de la composition de l’ammoniac

 

Crédits illustration : DR. F. Brénon pour Mediachimie

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Des Nobels de chimie pour la chimie click !

L’américain Barry Sharpless (pour la seconde fois après ses travaux sur la catalyse en particulier de réactions stéréospécifiques d’époxydation, couronnés par le Prix Nobel en 2001 !), le danois Morten Meldal et
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L’américain Barry Sharpless (pour la seconde fois après ses travaux sur la catalyse en particulier de réactions stéréospécifiques d’époxydation, couronnés par le Prix Nobel en 2001 !), le danois Morten Meldal et l’américaine Carolyn Bertozzi ont reçu le Prix Nobel de Chimie le 5 octobre 2022 pour « le développement de la chimie click et de la chimie bio-orthogonale » selon le communiqué de l’Académie Royale de Suède.

Qu’entend-on par chimie click ?

Il s’agit d’un concept simple envisagé par B. Sharpless au début des années 2000 : faire réagir deux molécules pour créer une liaison robuste, comme une ceinture de sécurité fait avec un « clic », pour reprendre la formulation du comité Nobel ; par exemple des réactions de cycloaddition mettant en jeu des molécules dipolaires 1-3 (les charges positives et négatives sont réparties sur trois atomes adjacents).

Parallèlement M. Meldal découvrait par hasard une réaction de cyclisation entre un alcyne (molécule à triple liaison carbone-carbone) avec une molécule dipolaire spécifique l’azoture (molécule à trois atomes d’azote) (i).Il généralisa alors en fonctionnalisant deux molécules l’une avez une extrémité azoture et l’autre avec une extrémité alcyne conduisant à des produits de cycloadditions variés. La réaction nécessite l’emploi d’un catalyseur à base de cuivre. Le rendement est quantitatif si on rigidifie l’alcyne dans une structure cyclique (cyclo-octyne) (ii).

Mais l’élément cuivre n’est pas très compatible avec des réactions dans les milieux biologiques in vivo et c’est là que C. Berzotti proposa en 2003 de fixer sur une molécule polymère de polysaccharide la partie azoture ce qui conduit à la réaction de cyclisation sans nécessité d’employer le catalyseur au cuivre !

Ce sont des réactions quantitatives (100% de rendement), rapides, très sélectives et surtout sans sous-produit ce qui correspond bien aux douze commandements de la chimie verte ! Elles sont souvent réalisées dans l’eau (donc pas de problème de toxicité ici !) et à température ambiante ou jusqu’à 37°C (température des êtres humains bien sûr !).

Qu’entend-on par chimie bio-orthogonale ?

C’est Carolyn Berzotti qui a introduit ce concept en 2003 et il faut comprendre par là qu’il s’agit de l’ensemble des réactions conduisant à la formation ou la rupture de liaisons au sein des milieux biologiques sans interagir (c’est le sens particulier du mot orthogonal ici !) avec les fonctions chimiques présentes dans des milieux complexes : intracellulaire, le sang ou même jusqu’à l’organisme tout entier. C. Bertozzi avec son équipe a généralisé la réaction entre des azotures et des alcynes greffés sur toutes les molécules type sucres d’un organisme vivant tels que les modèles du poisson-zèbre ou la souris en ajoutant sur les molécules des groupes fluorescents permettant de suivre l’évolution réactionnelle.

Cependant peu de réactions synthétiques sont vraiment bio-orthogonales et peuvent être réalisées dans un animal. Les réactions les plus courantes sont justement les cycloadditions entre les azotures et les cyclo-octynes !

La chimie bio-orthogonale peut alors conduire par ces réactions click à i) fonctionnaliser des matériaux tels que les NTC (nanotubes de carbone) ou des polymères pour créer des propriétés adhésives par exemple ii) des nouvelles stratégies thérapeutiques en construisant des médicaments in vivo et en contrôlant leur vitesse de libération dans des organes malades bien ciblés telles que des cellules cancéreuses.

Jean-Pierre Foulon
8 octobre 2022

 

(i) L’azoture a pour formule globale N3- et pour représentation

   (Wikimedia, domain public)

(ii) Cyclo-octyne

    (Wikimedia, domain public)
 

Illustrations et schémas disponibles sur http://nobelprize.org/
© Johan Jarnestad/The Royal Swedish Academy of Sciences

 

 

 

Pour en savoir plus
(1) Deux articles du numéro spécial de chemiobiologie de l’Actualité Chimique n° 468 de décembre 2021 :

(2) Reprogrammation de la réactivité du fer dans le cancer,  R. Rodriguez, article et conférence, colloque Chimie et Nouvelles thérapies du (13 novembre 2019)

 

Illustrations :

Portraits Carolyn R. Bertozzi, Morten Meldal, K. Barry Marshall © Nobel Prize Outreach. Ill. Niklas Elmehed. 

Autres illustrations © Johan Jarnestad/The Royal Swedish Academy of Sciences

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Fête de la science 2022

La Fête de la science 2022 se tiendra en France métropolitaine du 7 au 17 octobre et en Outre-mer et à l'international du 10 au 27 novembre sur la thématique du « Réveil climatique ». Mediachimie.org accompagne cette fête
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La Fête de la science 2022 se tiendra en France métropolitaine du 7 au 17 octobre et en Outre-mer et à l'international du 10 au 27 novembre sur la thématique du « Réveil climatique ». Mediachimie.org accompagne cette fête et vous propose une sélection de ressources en relation avec cette thématique.

Découvrez les vidéos de la série « Des Idées plein la Tech » qui vous invitent dans des laboratoires de centres de recherche et d'entreprises innovantes :

Amusez-vous en testant vos connaissances avec nos QUIZ :

Vous vous posez la question : « Comment la chimie et ses métiers peuvent-ils contribuer à la lutte contre le changement climatique » ? Vous trouverez des réponses dans l’espace métiers :

Découvrez aussi des fiches Grand oral pour le Bac, issues du partenariat Nathan / Mediachimie qui abordent ce sujet :

La Fête de la science, ce sont également des milliers d'animations gratuites, partout en France. Les activités proposées par chaque région de France et d’Outre-mer sont consultables sur le site https://www.fetedelascience.fr/

 

Illustration : Capture écran. Twitter @FeteScience

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H₂O, la molécule vedette de l’été

La sécheresse qui a sévi en 2022 et les vagues de chaleur estivales ont entrainé cet été des évènements extrêmes et des manifestations « hypohydriques » que nous n’avions pas souvent connus. La plus spectaculaire a été
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La sécheresse qui a sévi en 2022 et les vagues de chaleur estivales ont entrainé cet été des évènements extrêmes et des manifestations « hypohydriques » que nous n’avions pas souvent connus. La plus spectaculaire a été les nombreux départs de feux de forêts ou de broussailles facilités par une végétation asséchée mais aussi la faible croissance des cultures vivrières et le jaunissement des prairies que broutent les animaux, les coupures d’eau potables dans certains villages ruraux et les fissures apparues dans de nombreuses maisons individuelles bâties sur terrain argileux.

Tout ceci montre une fois de plus l’importance d’une molécule ; l’eau H2O indispensable à la vie quotidienne et à la vie tout court.

H2O l’indispensable

Notre corps est composé en moyenne à 65% d’eau (pour un adulte) (1). En cas de canicule il est indispensable de boire car si la teneur baisse de quelques % des troubles apparaissent. On peut être privé de nourriture pendant plusieurs jours mais pas d’eau. Toute activité physique nécessite une énergie chimique stockée dans notre corps sous forme d’une précieuse molécule l’ATP (2) qui se transforme en ADP en libérant de l’énergie PI utilisée par nos muscles. L’équation simplifiée dans un effort d’endurance (3) qui consomme du dioxygène est :

Glucose + O2 + ATP = PI +ADP + CO2 + H2O.

Lors d’un effort sportif on libère donc du CO2 mais aussi de l’eau. C’est pourquoi lors par exemple du tour de France les coureurs doivent boire beaucoup de litres d’eau car ils en perdent beaucoup sous forme de vapeur ou de sueur.

Cette eau essentielle à la vie combien en dispose-t-on ? Sur notre planète Terre, l’eau est essentiellement sous forme d’eau salée (97,5 %) et 70% de l’eau douce est sous forme de glace ou de neige. Pour l’humanité c’est bien sûr la ressource en eau douce qui est importante elle est de l’ordre de 35 millions de km3 dont la moitié est normalement accessible (4).

     

Peut-on craindre une pénurie ? Les experts de la FAO estiment les besoins à 14 000 km3/an soit moins de la moitié des ressources en eaux souterraines qui paraissent suffisantes surtout si on y ajoute une bonne fraction récupérable des 70 000 km3 eaux pluviales annuelles. Encore faut-il différencier la consommation de l’eau et son prélèvement. Pour faire tourner une turbine produisant de l’électricité l’eau prélevée à la rivière y retourne instantanément. En agriculture l’eau nécessaire à l’irrigation est consommée car elle passe dans la plante ou est évaporée.

Une végétation sans H2O

La photosynthèse utilisée par les plantes est une réaction d’oxydo-réduction utilisant l’eau et le dioxyde de carbone CO2 de l’atmosphère qui, sous l’action des photons venant du soleil, fabrique les réserves de la plante sous forme de molécules hydrocarbonées (ici le glucose).

La réaction globale peut s’écrire : 6 CO2 + 6 H2O + photons = C6H12O6 + 6 O2

La chlorophylle est le pigment de couleur verte des feuilles qui permet l’absorption des photons.

Lorsque l’eau vient à manquer les arbres avertis par leurs capteurs sécrètent de l’éthylène à partir d’un de leur acide aminé la méthionine et ne synthétisent plus la chlorophylle responsable de la couleur verte (5). D’où en cette période de sécheresse les couleurs jaunes des prairies et l’amoncellement de feuilles rouges ou marrons dans nos rues en pleine été plutôt qu’en automne.

Le manque d’eau limite également le rendement de la photosynthèse en diminuant les réserves de la biomasse en molécules hydrocarbonées sucres ou amidons d’où la maigreur des épis de blé et de maïs appauvrissant les récoltes de 2022.

H2O au secours des feux de forêts

Les végétaux asséchés sont des cibles choisies pour s’enflammer le plus souvent accidentellement. L’augmentation de la température et la pyrolyse des végétations entrainent l’émission de nombreux composés volatils. Sont présents des composés benzéniques et phénoliques et beaucoup de terpènes pour les pins sans compter l’émission forte d’éthylène en situation de stress hydrique et thermique qui transforme l’arbre en une torche enflammée (6).

Une fois de plus l’eau vient au secours de ces incendies. Lorsqu’on arrose les flammes avec de l’eau, celle-ci se vaporise en puisant des calories au foyer et grâce à sa chaleur latente de vaporisation élevée fait baisser la température de 750°C à 400°C. De plus la vapeur d’eau prive la combustion des composés carbonés de l’oxygène de l’air. Les célèbres Canadair© larguent sur le front de flammes 7 m3 d’eau avec des agents retardateurs tels que les polyphosphates ou argiles, des agents mouillants ou moussants comme l’hexylène glycol (ou 2-méthyl-2,4-pentanediol) qui isolent le végétal de l’air brulant environnant. La couleur rouge des largages est apportée par l’oxyde de fer (Fe2O3) en suspension pour que les avions suivants voient la trace de l’intervention précédente. Notons bien qu’une bonne pluie de 10 mm venue du ciel a bien plus d’efficacité car à elle seule elle représente 100 m3 d’eau par hectare.

Des conséquences du manque de H2O

Plus insidieux sont les effets de la sécheresse sur les réserves souterraines et les bâtiments. Lorsque les terrains souvent argileux sont très secs, ils deviennent durs et peu perméables car leur porosité diminue. En cas de pluie l’eau ruisselle et ne pénètre pas en profondeur pour rejoindre les nappes phréatiques et réserves souterraines qui s’épuisent ce qui entraine des coupures d’eau potable (7). Et comme souvent après les vagues de chaleurs surviennent des orages libérant des volumes de pluie importants en quelques heures qui provoquent par ruissellement des inondations en milieu rural comparables à celles des zones urbaines cimentées et bitumées. Plus grave aussi est la fissuration des habitations dont on dit que potentiellement 10 millions de foyers pourraient être touchés. Ceci est dû aux variations de volume de roches naturelles les argiles ou phyllosilicates lamellaires (8). L’exemple type est la montmorillonite Si4Al2O10(OH)2 où Al peut être partiellement substitué par Mg. La structure en feuillets s’équilibre électriquement alors avec des cations séparant les feuillets. Ces cations plus ou moins hydratés peuvent en fonction de l’hydratation faire varier les inter-distances entre 10 nm et 1000 nm. D’où une aptitude au gonflement et inversement au retrait lors d’une déshydratation qui peut provoquer des déplacements de terrain importants au gré des variations d’humidité. C’est ce qui arrive à nombre de maisons individuelles bâties sur des terres argileuses majoritaires en France.

Ces inconvénients et tracas ne sont rien comparés à ceux que subissent un milliard d’individus qui sur terre manquent d’eau potable et les 2 milliards qui en plus ne disposent pas d’installations de traitement des eaux usées… La chimie a encore beaucoup à faire !

Jean-Claude Bernier
Août 2022

Pour en savoir plus :
(1) Chez un nourrisson, l’eau représente 75 % de son poids total, chez l’adulte, elle descend à 65 % (soit par exemple 45 litres d’eau pour un homme de 70 kg).
(2) Optimisation des performances, complexité des systèmes et confrontation aux limites, in La chimie et le sport, collection Chimie et… junior (EDP Sciences) 2015
(3) Quelle chimie dans le sport ? Épisode 1 : le métabolisme énergétique aérobie , vidéo Blareaureau au labo - Mediachimie
(4) L’eau, un nouvel « or bleu », de J.-C. Bernier, L’actualité chimique n° 381 (janvier 2014) p. 4-5
(5) Pourquoi et comment les feuilles se colorent en automne et tombent en hiver ? de C. Agouridas et F. Brénon, Question du mois, Mediachimie.org
(6) La chimie des feux de forêts, de J.-C. Bernier, éditorial, Mediachimie.org
(7) L’eau, une ressource indispensable pour la ville, de A. Charles, A. Harari et J.-C. Bernier, série « Chimie et… en fiches », Mediachimie.org
(8) Cristaux, cristallographie et cristallochimie. Des symétries aux propriétés : fiche 4 - les systèmes monoclinique et triclinique, de A.Harari et N. Baffier, année de la cristallographie (2014), Mediachimie.org
 

Crédits :
Figures : DR Mediachimie.org
Illustration : Pxhere / licence CC0 Domaine public Lien

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Connaissez-vous le verre vert ?

À cette question je sens que nombreux vous répondrez : « mais oui bien sûr j’ai plusieurs bouteilles de bière qui sont de couleur verte ». Et vous aurez raison. Car en effet, du point de vue chimique, il se trouve que
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À cette question je sens que nombreux vous répondrez : « mais oui bien sûr j’ai plusieurs bouteilles de bière qui sont de couleur verte ». Et vous aurez raison. Car en effet, du point de vue chimique, il se trouve que dans les sables utilisés pour faire ces bouteilles en verre, il y a des impuretés de fer et notamment l’oxyde FeO qui contient du fer à l’état d’oxydation Fe2+. C’est lui qui donne cette coloration verte car il absorbe les rayonnements rouges. Par contre si on oxyde le fer en Fe3+ on obtient alors une coloration brune due à l’absorption des rayonnements bleus (1). La plupart des verres utilisés pour l’agroalimentaire, notamment les boissons, sont de ces couleurs et ils méritent en plus le « label vert » car ils sont majoritairement recyclés.

Fabrication

Revenons un peu sur la fabrication du verre (2). Il s’agit d’une réaction à haute température entre 3 composants : la silice SiO2 (sable), le carbonate de sodium Na2CO3 et le carbonate de calcium ou calcaire CaCO3. On forme alors à 1600°C un verre composé de SiO2, Na2O et CaO) à l’état liquide. Il y a simultanément un avec dégagement de CO2 issu de la décomposition des carbonates. Cette fabrication initiale dans des fours verriers exige une forte énergie fournie majoritairement par des carburants fossiles gaz ou fioul et des matières premières minérales . En France, on fabrique environ 5 millions de tonnes de verre par an sur 60 sites verriers qui consomment 3% de l’énergie totale et émettent aussi 3% du CO2 (3) émis par l’industrie.

Comment alors « décarboner » l’industrie verrière et « verdir » notre verre ?

Recyclage

Depuis les années 70, l’habitude de recycler le verre a été prise et de nombreux points de collectes des bouteilles, flacons et bocaux en verre ont été établis, ce qui permet de recycler près de 80% des verres creux. Sur le territoire plus de 3 bouteilles sur quatre sont recyclées, plus de 2 Mt sont collectées et sont à 100% recyclées.

Pour être efficace et renouvelable à l’infini, le recyclage (4) doit commencer par un tri très strict, et tout d’abord pour les particuliers, lorsqu’on dépose les bouteilles dans les containers. Après les collectes s’opère un tri mécanique qui permet d’éliminer les papiers et objets métalliques puis un tri optique automatique permettant d’éliminer les objets céramiques non fusibles et enfin un tri infra rouge qui permet de séparer les verres colorés des verres blancs transparents. Après ce tri sévère, les verres sont broyés et transformés en calcin, poudre qui peut alors être refondue à environ 1500°C puis à nouveau moulé et façonné en de nouvelles bouteilles.

Cette re-fusion est économique, peut se faire à température plus basse et économise de l’énergie ; elle évite aussi l’émission du CO2 issu de la décomposition des carbonates observé lors de la première fabrication. On estime que la fusion d’une tonne de calcin évite entre 400 kg et 700 kg de CO2 et permet l’économie de 1,300 t de matière première dont plus de 800 kg de sable.

Certaines verreries expérimentent l’oxycombustion qui consiste à remplacer l’air d’alimentation des brûleurs qui chauffent le four par de l’oxygène pur ce qui évite de réchauffer l’azote de l’air, et ainsi d’économiser 25% de gaz, et de réduire d’environ 15% les émissions de CO2 et surtout de diviser par 10 celles des oxydes d’azote (NOx.).

Le verre plat

Le recyclage du verre creux est plutôt bon. Il n’en est pas de même pour le verre plat et la laine de verre qui sont des déchets issus du BTP. La modernisation d’une ligne de production de verre feuilleté à Aniche dans le Nord a permis l’expérience d’une production bas carbone.

Dans le cas général, après la fusion, le verre fondu passe sur un bain d’étain fondu selon le procédé float, et se refroidit de 1100°C à 600°C. Après refroidissement les plaques sont découpées puis après stockage passent dans une ligne où elles sont lavées puis chauffées en salle blanche dans une machine hermétique où elles sont collées deux par deux avec une couche interne de polybutyral de vinyle (PBV)(i) qui améliore les performances acoustiques, d’isolation et anti-effraction des vitrages.

Une expérience en mai 2022 a constitué à produire 2000 t de verre plat zéro carbone avec une alimentation exclusive en électricité verte et biogaz et en recourant au calcin seul, évitant ainsi l’émission de 1000 t de CO2 et le recours à 2300 t de matières premières (sable et carbonates).

Cette expérience préfigure une évolution de la production du verre plat où l’introduction de calcin de verres plats doit progressivement augmenter. Le gisement en France de vitrages issus de la déconstruction ou du remplacement des fenêtres est de 200 000 t et seulement 5% sont utilisés. Cela tient aux difficultés de collectes lors des chantiers et de la qualité nécessaire à obtenir un calcin avec moins de 0,5% d’impuretés.

Il en est de même pour la laine de verre (5). Seule une usine à Orange pour l’instant collecte et recycle les panneaux et rouleaux fibreux qui souvent trainent sur les chantiers de déconstruction ou de rénovation avant d’être enfouis. Seules moins de 1000 t sont recyclées après tris et dissolution du polymère d’imprégnation sur un gisement national estimé 120 000 t. Ici encore la constitution d’un réseau regroupant les sociétés du BTP et les nombreuses entreprises artisanales de la construction parait nécessaire.

Ne soyons pas trop pessimistes ; même si les productions de verre ne sont pas encore « décarbonées », les vitrages isolants et intelligents (6) permettent d’économiser de l’énergie puisqu’ils sont 5 à 8 fois plus efficaces qu’une simple vitre et de nous préserver aussi des températures externes. De même les panneaux en laine de verre avec un coefficient de conduction de la chaleur λ très faible permettent de supprimer les passoires énergétiques et donc d’économiser des kWh et d’éviter l’émission de millions de tonnes de CO2.

Voilà des productions verrières « vertes » ?

 

Recyclage du verre 

 

Jean-Claude Bernier
Juillet 2022

 

(i) PBV : le motif répétitif de ce polymère synthétique a pour formule :

avec R = C3H7

 

Pour en savoir plus
(1) La couleur des verres, de Jacques Livage, colloque Chimie et lumière (20 février 2020)
(2) Comment faire des vitrages avec du sable ? La réaction de fusion du verre, de Jean-Claude Bernier, série Une Réaction en un clin d’œil, Mediachimie.org
(3) Le CO2, matière première de la vie, in La chimie, l’énergie et le climat, collection Chimie et… junior (EDP Sciences) 2017
(4) Recyclage et valorisation des déchets, Revue Chimie Paris (2013)
(5) Isolation dans l’habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories !, de Jean-Claude Bernier, in La chimie et l’habitat (EDP Sciences) 2011
(6) Vers des vitrages intelligents et connectés pour des bâtiments durables et confortables, de Stéphane Auvray, colloque Chimie et lumière (20 février 2020)
 

Crédits :
Recyclage du verre : DR Mediachimie.org
Molécule PVB :CC BY-SA 4.0, Lien
Illustration : Nordseher /Pixabay Lien

- Éditorial
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Un Chimiste du solide, médaille d’or du CNRS

La médaille d’or du CNRS est l’une des plus prestigieuses distinctions scientifiques françaises. Elle est attribuée cette année au professeur Jean-Marie Tarascon, aujourd’hui professeur au collège de France, mais sa
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La médaille d’or du CNRS est l’une des plus prestigieuses distinctions scientifiques françaises. Elle est attribuée cette année au professeur Jean-Marie Tarascon, aujourd’hui professeur au collège de France, mais sa carrière s’est déroulée dans plusieurs lieux scientifiques et pas exclusivement dans l’hexagone.

Jeune diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure de Chimie de Bordeaux il fait sa thèse au laboratoire de Chimie du solide de P. Hagenmuller avec J. Etourneau sur la synthèse et l’étude des borures de terres rares. Après sa thèse il part à l’université de Cornell aux États-Unis pour un stage post doc, mais il est repéré par la Bell Telephone Company qui l’engage dans son laboratoire de recherche où il continue à travailler sur les chalcogénures et siliciures aux propriétés supraconductrices. C’est après 1985 qu’il est rattrapé par la folie des supra YBaCuO et à la Bell, nuit et jour il enchaine les synthèses et substituants dans la pérovskite pour élever la température de transition au-delà de 91K.

C’est le tremblement de terre en Californie qui coupe le courant au labo et montre la faiblesse des batteries au plomb de secours qui l’oriente vers l’électrochimie.

Il travaille d’abord sur un spinelle qu’il connait bien LiMn2O4 qui par substitutions l’amène progressivement aux LiMnCoO4 puis au LiCoO2. Les bases cathodiques des batteries lithium–ion étaient posées et il réalise avec l’équipe de la Bell la première batterie tout plastique largement brevetée.

C’est en 1995 à la suite du décès du professeur M. Figlarz qu’à la demande de plusieurs scientifiques il revient en France à l’université d’Amiens et prend la direction du Laboratoire de réactivité et chimie du solide. Il lui donne une orientation marquée vers les matériaux pour le stockage de l’énergie. Il développe une plateforme d’essais et de tests de batteries « boutons » prototypes en mettant à profit ses connaissances cristallographiques et l’apport d’équipements de diffraction RX et de microscopie électronique avec l’association au CNRS. Très vite le laboratoire picard devient un centre d’attractivité. Il réussit dans les années 2000 à fédérer un bon nombre de laboratoires sous le nom d’ALISTORE (i), qui réunit avec des crédits européens les meilleurs laboratoires d’électrochimie en Europe, académiques et industriels. En 2010 il obtient la création du réseau français RS2E (ii) qui permet à plusieurs unités du CNRS, des universités, du CEA et des industriels de mettre en commun leurs réflexions et leurs innovations sur le plan national. Il continue les innovations et avec son complice de la première heure Mathieu Morcrette, conscient que les quantités de lithium, de cobalt ou de nickel ne sont pas éternelles, il imagine la batterie au sodium qui est bien moins couteuses et plus respectueuse des ressources naturelles. Progressivement il augmente avec son équipe sa capacité de stockage et crée la société picarde TIAMAT energy (iii) qui produit et commercialise les nouvelles batteries ion–sodium. Nommé professeur au Collège de France en 2014, il se préoccupe maintenant plus particulièrement de la fiabilité des batteries en imaginant d’y mettre des capteurs et des éléments autoréparables pour prolonger leur durée de vie et améliorer leur longévité.

Jean-Marie Tarascon avec encore son bon accent du Sud-Ouest chère aux rugbymen est non seulement un chercheur remarquable et un entraineur d’hommes et de femmes innovants, c’est aussi un bon pédagogue qui a la passion de convaincre son auditoire ; voir par exemple les conférences sur les batteries et le stockage de l’énergie (iv) au collège de France. Il sait aussi avec des mots simples expliciter la chimie à l’intérieur d’une batterie pour les jeunes lycéens.

Lors d’une dernière conférence qu’il donnait sur une vision du stockage de l’énergie pour un développement durable, il jetait un regard lucide sur le développement des batteries et leur conditions d’usage : utiliser de l’énergie renouvelable pour charger les batteries, développer des matériaux d’électrodes à plus haute capacité et avec des métaux abondants, développer des batteries plus éco-compatibles, injecter de l’intelligence artificielle dans les batteries pour autoriser une longue voire une seconde vie, lancer une politique de recyclage massive incluant des circuits courts et des procédés de récupération avec des normes strictes.

Cela ressemble furieusement à une feuille de route R&D pour le futur du stockage électrochimique.

Merci Jean-Marie !

Jean-Claude Bernier
Juillet 2022

 

(i) https://alistore.eu/
(ii) https://www.energie-rs2e.com/fr
(iii) http://www.tiamat-energy.com/
(iv) Sélection de conférences et cours de M. Tarascon au Collège de de France

 

Illustration : capture Entretien avec Jean-Marie Tarascon, Collège de France, 2015, licence CC by-nc-sa 3.0

- Question du mois
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Pourquoi ne pas mélanger de l’eau de Javel et du détartrant ?

Peut-être avez-vous été tenté, en vous croyant plus efficace, de mettre simultanément de l’eau de Javel et du détartrant dans la cuvette des WC afin de la désinfecter et de la rendre plus blanche. Surtout ne faites pas
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Peut-être avez-vous été tenté, en vous croyant plus efficace, de mettre simultanément de l’eau de Javel et du détartrant dans la cuvette des WC afin de la désinfecter et de la rendre plus blanche.

Surtout ne faites pas cela ! Pour en être convaincu, découvrez la composition de ces produits et leurs rôles respectifs.

Le tartre ou calcaire

Ces deux termes sont synonymes. De formule chimique CaCO3, il s’agit du carbonate de calcium.

Le calcaire qui se dépose provient des eaux dites dures (car riches en ions calcium et magnésium mais aussi en ions bicarbonate (i)). En effet les eaux de pluie qui s’infiltrent, s’enrichissent en ions présents dans les couches géologiques traversées. Ainsi les régions calcaires vont conduire à des eaux dures dans les nappes phréatiques (ii).
La réaction de déposition du calcaire sur les canalisations et dans la cuvette des WC est la suivante :

Ca2+ + 2 HCO3-CaCO3 (solide) + CO2 (gaz) + H2O

Le détartrant

Comme son nom l’indique il a pour rôle de retirer le tartre.

Or l’ion carbonate présent dans le calcaire est une base (composé capable de capter des ions H+ (iii) ) et le détartrant est un acide (composé capable de libérer des ions H+). Ils peuvent donc réagir l’un sur l’autre selon

CaCO3 + 2 H+aq → Ca2+ + CO2 (g) + H2O

Les bulles que vous observez sont donc des bulles de dioxyde de carbone et le dépôt de calcaire est éliminé. Le dégazage du dioxyde de carbone rend la réaction totale (iv).

L’acide présent dans un détartrant de WC varie selon les marques (v). On rencontre essentiellement des mélanges sous forme de gels ou poudres contenant de l’acide chlorhydrique, de formule HCl ou de l’acide phosphorique H3PO4 ou de l’acide sulfurique H2SO4. Sur une échelle de pH allant de 0 à 14 dans l’eau, la solution acide d’un détartrant pour WC a un pH proche de 1 ou 2 selon les produits. Le vinaigre ne convient pas (vi).

L’eau de javel

L’eau de Javel est une solution basique contenant aussi des ions hypochlorite ClO- et des ions chlorure Cl-.

La solution basique est due à de la soude ou hydroxyde de sodium NaOH dissoute dans l’eau. Ainsi l’eau de Javel a un pH voisin de 12 ou 13 selon sa concentration.

Quand vous utilisez l’eau de Javel vous recherchez à utiliser les propriétés des ions hypochlorite. En effet leur propriété essentielle est d’être un oxydant puissant ce qui a pour effet de détruire pratiquement tous les composés comme les virus, les bactéries et autres microorganismes ainsi que les produits issus de la décomposition de la matière organique. Les colorants et les odeurs disparaissent aussi.

Que se passe-t-il donc lors d’un mélange de détartrant et d’eau de Javel ?

L’acide du détartrant va consommer les ions hydroxyde de la soude présente dans l’eau de Javel selon la réaction, H+aq + OH- → H2O. Donc le pH va diminuer. Si on se retrouve en excès de détartrant le milieu devient acide et les ions hypochlorite deviennent alors instables en présence des ions chlorures.

Il se forme un dégagement de dichlore, gaz très dangereux pour la santé selon

ClO- + Cl- + 2 H+ → Cl2(g) + H2O

Alors n’hésitez pas à avertir vos connaissances et les enfants qu’il ne faut pas réaliser un tel mélange.

N’oubliez jamais de lire la notice des produits ménagers que vous utilisez. Dans le cas du détartrant il expressément écrit : « ATTENTION : Ne pas mélanger avec du chlore ou de la Javel ». Dans le cas de l’eau de Javel, l’information est la suivante : « Attention ! Ne pas utiliser en combinaison avec d'autres produits. Peut libérer des gaz dangereux (chlore) ».

La bonne marche à suivre

Dans un premier temps éliminer le calcaire en laissant agir le détartrant. Une fois le calcaire éliminé, rincer abondamment la cuvette en tirant successivement 2 à 3 chasses d’eau.

Puis ajouter de l’eau de Javel et laisser agir. Enfin, rincer abondamment.

Dans la mesure du possible aérez la pièce.

Et prenez toujours des précautions quand vous manipulez de l’eau de Javel : portez des lunettes et des gants de ménage.

Françoise Brénon et l’équipe question du mois
 

 

(i) Le bicarbonate a pour autre nom hydrogénocarbonate et pour formule chimique HCO3-. L’eau naturelle ayant un pH voisin de 6 à 7 les ions carbonate passent sous la forme hydrogénocarbonate, en raison de la stabilité de ces espèces en fonction du pH.

  

(ii) Les régions de France où l’eau est dure sont celles où les terres sont calcaires (Ile-de-France, Champagne crayeuse, Nord, Alpes…). Les régions où l’eau est douce c’est-à-dire qu’elles contiennent peu d’ions calcium et magnésium sont les régions de la Bretagne et du Massif Central…).

(iii) L’ion H+ est aussi appelé ion hydrogène. On le note pour simplifier H+aq, notation que l’on lit « ion hydrogène aqueux ».

(iv) Vous avez déjà rencontré cette réaction dans la question du mois : Pourquoi le champagne, le vin ou du Coca-Cola® peuvent-ils abimer le marbre ?

(v) Pour en savoir plus on peut consulter les fiches techniques des produits commerciaux en cherchant "fiche technique" + nom du produit sur un moteur de recherche.

(vi) Le vinaigre blanc contient de l’acide acétique (avec un pH voisin de 3,5) ce qui n’est pas assez efficace pour détartrer les WC. On l’utilise plutôt par exemple pour détartrer les cafetières. La composition des détartrants commerciaux tout prêts pour cafetières sont plutôt les acides citrique, lactique, sulfamique… (gamme de pH 2 à 4).

 

Crédits illustration : DR. Mediachimie

- Événements
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Colloque Chimie et Matériaux Stratégiques - mercredi 9 novembre 2022

Le cycle des Colloques “Chimie &…” s'enrichit d'un nouvel opus : Chimie et Matériaux StratégiquesMercredi 9 novembre 2022 Maison de la Chimie, 28 bis rue Saint-Dominique, 75007 Paris   Les métaux et matériaux stratégiques
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Le cycle des Colloques “Chimie &…” s'enrichit d'un nouvel opus :

Chimie et Matériaux Stratégiques
Mercredi 9 novembre 2022

Maison de la Chimie, 28 bis rue Saint-Dominique, 75007 Paris

 

Les métaux et matériaux stratégiques sont le plus souvent relativement rares ou difficilement accessibles, inégalement répartis sur la planète, mais mondialement indispensables dans des utilisations industrielles stratégiques, notamment la décarbonation de l’Énergie dans toutes ses applications industrielles et environnementales.

Les conflits géopolitiques actuels ne font qu’amplifier l’importance de ce thème, car ces matériaux sont indispensables à la vie d’un État et leur manque entraine des impacts industriels et économiques négatifs importants, liés à un approvisionnement ou à une exploitation difficile.

Dans le cadre de notre mission de formation des jeunes et d’information des citoyens, il nous est apparu important de faire un point scientifique objectif sur les différentes facettes de ce thème transdisciplinaire au cœur de l’actualité, dans lequel la chimie joue et jouera un rôle important. Les conférenciers ont été choisis parmi les meilleurs experts de la recherche, de l’industrie, de la politique et de l’économie, dans les différents domaines concernés.

Ce colloque est ouvert sur inscription à un large public avec une attention particulière aux jeunes et à leurs enseignants. Pour que ce colloque puisse être accessible au plus grand nombre, il sera diffusé en direct sur la chaine YouTube de Mediachimie. Le niveau se veut accessible à tous pour permettre un large débat.

Danièle OLIVIER | Vice-Présidente de la Fondation internationale de la Maison de la Chimie

 

Voir le direct sur Mediachimie ou sur Youtube.

En savoir plus

Inscription gratuite et obligatoire : INSCRIPTIONS

- Éditorial
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L’hélium, l’autre gaz indispensable

Depuis plusieurs semaines on entend parler de la crise du gaz, le conflit avec la Russie mettant les nations européennes dans une situation énergétique délicate du fait d’une dépendance non maîtrisée aux importations du
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Depuis plusieurs semaines on entend parler de la crise du gaz, le conflit avec la Russie mettant les nations européennes dans une situation énergétique délicate du fait d’une dépendance non maîtrisée aux importations du gaz russe. Il s’agit bien évidemment du méthane CH4 (1) utilisé comme combustible et aussi matière première pour l’industrie chimique. Il y a un autre gaz dont on parle peu mais qui est tout aussi indispensable, non dans le domaine de l’énergie, mais dans celui de la santé, de la soudure, de l’électronique, de la recherche et de la défense, c’est l’hélium.

Un gaz rare très curieux

L’hélium (symbole He) de numéro atomique 2 et de masse molaire 4 g/mol est un gaz plus léger que l’air (0,138 g/L), très bon conducteur de la chaleur. Il a une température de liquéfaction très basse – 269°C (4K). C’est, après l’hydrogène, l’élément le plus répandu dans la croute terrestre provenant des particules α (He2+) issues de la désintégration d’éléments radioactifs (2). L’hélium liquide est incolore et subit un changement de phase à son point lambda à – 271°C où il devient « superfluide » c’est-à-dire qu’il n’a pas de viscosité mesurable, qu’il passe à travers des capillaires quasi nanométriques et rampe le long des surfaces. 1000 fois plus conducteur thermique que le cuivre, ses propriétés sont expliquées en le classant comme un fluide quantique. Curiosité de laboratoire, il est très utile pour l’exploration du domaine proche du zéro absolu, des propriétés des « atomes froids » et bientôt des nouveaux calculateurs quantiques.

Un gaz industriel

L’hélium est un sous-produit de l’extraction du gaz naturel qui peut en contenir de 0,3% à 7%. C’est en 1927 que l’un des premiers gisements d’Hugoton Basin fut exploité aux États-Unis. D’autres réserves gazières naturelles comme celui du CO2 dans le Wyoming sont exploités depuis 1986.

Toute une série d’opérations est effectuée pour obtenir un gaz pur. On le débarrasse d’abord des impuretés comme l’eau, le mercure et le sulfure d’hydrogène (H2S) par adsorption sur du charbon actif puis on sépare le méthane par cryogénie. On refroidit ensuite à – 196°C pour éliminer l’azote et les restes de méthane. Enfin on brûle le gaz avec de l’oxygène sur catalyseur pour éliminer l’hydrogène (3). Enfin on brûle l’hydrogène restant en présence de l’hélium avec de l’oxygène sur catalyseur (4).

Une dernière purification donne un gaz hélium pur à 99,99% qui peut être stocké.

Les États-Unis sont les principaux producteurs, viennent ensuite le Qatar, l’Algérie, l’Australie, la Russie et la Pologne. La production mondiale est de l’ordre de 160 millions de m3 dont 50% aux États-Unis.

La saga de la production d’hélium est assez intéressante. Dans les années 1970 les États-Unis sont en situation de quasi-monopole. Le gouvernement fédéral a financé avec un partenariat privé un pipe-line de 600 km reliant les installations de production aux cavités de stockage texanes. Les volumes extraits de l’ordre de 4000 tonnes sont multipliés par 5 pour atteindre 20 000 t en 1970. Le gouvernement juge que les stocks sont suffisamment importants et la production diminue largement.

Le processus est accéléré avec la fin de la guerre froide dans les années 90 et compte tenu de la dette des sociétés fédérales de maintenance des infrastructures et de stockage, la loi de privatisation de l’hélium en 1996 précipite l’écoulement du milliard de m3 stockés mais fait baisser les prix qui n’encouragent pas les nouveaux investissements US. La forte demande internationale qui s’accélère pour l’électronique et la fibre optique en Europe et en Asie va multiplier le prix au m3 qui passe de 2 $ à plus de 6 $, l’hélium devenant un produit critique. La production va alors s’internationaliser d’abord en Algérie où une alliance Air Products – Air liquide – Sonatrach va mieux exploiter l’extraction à partir des ressources gazières. Puis c’est le Qatar, avec les entreprises allemande Linde et française Air liquide, qui voit sa production sera multipliée par trois. Le tableau indique la production mondiale internationalisée actuelle maintenant en millions de m3 :

paysUSQatarAlgérieRussieAustraliePologne
M m3835114541

Un gaz très utile

Sa faible température d’ébullition (4K) le fait abondamment utiliser en cryogénie. Les bobines des aimants en NbTi (nobium, titane) ou NbSn (nobium, étain) des supraconducteurs des IRM en contiennent chacun plusieurs dizaines de litres, le grand collisionneur de Hadrons (LHC, Large Hadron Collider) du CERN en contient 120 t et les bobines des aimants du projet ITER en contiendront des milliers de litres (5); dans nos laboratoires les spectromètres RMN sont également refroidis à l’hélium liquide (6).

Gaz inerte et ininflammable il est utilisé pour purger les réservoirs d’hydrogène liquide et aussi pour pressuriser les réservoirs d’oxygène liquide utilisé comme propergol (7) pour les moteurs Vulcain des fusées Ariane. La NASA pour sa part utilise plusieurs millions de m3 par an. Son inertie le fait utiliser dans la soudure à l’arc pour l’inox, le cuivre et l’aluminium ; il protège les métaux de l’oxydation et il est moins couteux que l’argon. Il protège sous pression le tirage des monocristaux de silicium ou germanium et celui des fibres optiques. Plus léger que l’air il sert à gonfler les ballons et dirigeables, à la place de l’hydrogène ; rien que pour les ballons sondes la météo en utilise près de 4 millions de m3 annuellement.

Du fait de sa moindre solubilité dans les solutions aqueuses et notamment dans le sang il remplace l’azote dans les bouteilles servant à la respiration des plongeurs et évite ainsi les embolies gazeuses par dégagement d’azote dans les artères lors de la décompression.

Bien plus fluide que l’air il est utilisé dans les disques durs scellés des serveurs du « cloud » : on peut ainsi empiler plus de disques durs et l’hélium favorise la vitesse de lecture des données. Il peut les garder en température à 4 ou 5°C améliorant leur longévité.

Enfin il permet de faire la fête : on gonfle facilement les ballons multicolores (8) des anniversaires et en inspirant l’hélium à la place de l’air sa faible densité change la voix vers les aigus pour amuser l’assistance.

Plus sérieusement, l’Europe avait déclaré en 1994 l’hélium produit critique et stratégique compte tenu de sa production géographiquement centrée et de son utilisation indispensable pour certaines industries. En 2020 sa criticité a été annulée. En France il y a une capacité faible de production au Blanc-Mesnil et une société 48-Energy a déposé un permis de recherche dans la Nièvre.

Jean-Claude Bernier
Juin 2022



Pour en savoir plus
(1) Le biogaz, une énergie d’avenir ? de Jean-Claude Bernier, éditorial Mediachimie.org
(2) Les réactions nucléaires dans les étoiles, par Lucien Ransinangue, dossier pédagogique Nathan / Mediachimie.org
(3) Gaz de schistes : pour aujourd’hui ou pour demain ? de Julien Lefebvre, Noël Baffier et Jean-Claude Bernier, une fiche Chimie et…en fiches, cycle 4, Mediachimie.org
(4) Zoom sur les derniers résultats de la production d’hydrogène « décarboné » de Jean-Pierre Foulon et Françoise Brénon, Zoom sur, Mediachimie.org
(5) Quelle échéance dans la disponibilité pour l’option « fusion de l’hydrogène » ?, de Bernard Bigot, Colloque Chimie et énergies nouvelles (10 février 2021)
(6) La résonance magnétique nucléaire au service de la biologie structurale, de Nicolas Birlirakis et al.,  L’Actualité Chimique n°353-354 (juin-juillet-août 2011) p. 100-109
(7) La propulsion des fusées et des futurs avions chez Air Liquide, de Pierre Crespi, Colloque Chimie, aéronautique et espace (8 novembre 2017)
(8) Pourquoi mon ballon s’envole ? Question du mois, Mediachimie.org

- Éditorial
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Bernard Bigot un chimiste manager

Bernard Bigot, directeur général du programme ITER, est décédé la semaine dernière. Les milliers de chercheurs, d’ingénieurs, d’ouvriers des centaines d’entreprises qui travaillaient sur ce projet mondial « le réacteur
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Bernard Bigot, directeur général du programme ITER, est décédé la semaine dernière. Les milliers de chercheurs, d’ingénieurs, d’ouvriers des centaines d’entreprises qui travaillaient sur ce projet mondial « le réacteur thermonucléaire expérimental international » de Saint-Paul-lez-Durance sont bouleversés. Bernard Bigot avait pris la direction d’ITER en 2015 alors en pleine crise existentielle et en avait relevé le défi en lui donnant un nouvel élan.

Mais Bernard n’était pas qu’un super manager, c’était aussi un vrai chimiste, élève de l’École Normale Supérieure de Saint-Cloud et agrégé de sciences physiques option chimie. Il prépare une thèse en chimie théorique à l’Université d’Orsay dans l’équipe brillante dirigée par Lionel Salem au milieu des années 70. Docteur d’État ès sciences physiques, c’est en 1985 qu’il participe à la création de l’École normale supérieure de Lyon où il occupera diverses fonctions de directeur des études (1986-1993) tout en dirigeant un laboratoire de recherche en chimie théorique. Lyon et l’École Normale Supérieure resteront toujours privilégiés dans son cœur. On se rappelle avec quelle fierté et amour il conduisait un soir d’été en 1998 une délégation scientifique venue de Chine sur les hauteurs de Fourvière.

Hélas pour Lyon ses qualités le font remarquer à Paris et il est nommé en 1993 au Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche à la Mission scientifique et technique (MST) puis directeur général de la recherche et de la technologie (DGRST) jusqu’en 1997. Il montre là sa vision de la recherche internationale et active l’évolution des équipements et des laboratoires des grands organismes de recherche pour faire face à la concurrence internationale. C’est lui qui impulse notamment la dotation en spectromètres de RMN à haut champ en biochimie, à Grenoble et Gif-sur-Yvette, équipements dont la France était sous-dotée. Il montre aussi sa puissance étonnante de travail. Il n’était pas rare de le rencontrer lors d’une réunion à 22 h rue Descartes et d’en trouver ses conclusions dans la boite mail à 7 h du matin.

En 1998 il accepte la direction de l’Institut de recherche sur la catalyse du CNRS à Lyon où il avait déjà plusieurs années auparavant encouragé l’implantation d’une équipe de théoriciens brillants, puis en 2000 la direction de l’ENS de Lyon qui lui était restée chère. Il y montre encore là ses capacités d’organisation aidé par un travail remarquable des enseignants et aussi sa préoccupation constante d’attirer vers la science les jeunes collégiens et lycéens en favorisant les contacts des chercheurs avec les lycées et collèges.

Il doit à nouveau quitter Lyon en 2002 comme directeur du cabinet du ministre Claudie Haigneré jusqu’en 2003, date où il est nommé Haut-commissaire à l’énergie atomique puis en 2009 administrateur général du Commissariat à l’énergie atomique jusqu’en 2013. Sous sa direction le CEA change de nom en y ajoutant à l’énergie nucléaire les énergies alternatives. Il y imprime sa marque en mettant l’accent sur la chimie nucléaire, les procédés bas carbone et les futures bases de l’énergie nucléaire. Cette préoccupation de l’énergie future va le conduire à prendre en 2015 la direction générale du projet international de « fusion nucléaire » alors en plein doute. Comment gérer et animer cette entreprise de coopération internationale sans équivalent au monde. Dans les conseils siège l’Europe mais aussi la Chine, l’Inde, le Japon, la Corée, la fédération de Russie, le Japon et les Ėtats-Unis. Il réforme les processus de décisions, les chaines de fabrication, le management. Sept ans après, plus de 75% du génie civil est réalisé et en ordre de marche. Des pièces de très haute technologie acheminées par voie maritime ou terrestre venant des partenaires du bout du monde sont montées en Provence. Il fallait voir son enthousiasme lorsque dernièrement les super aimants de plusieurs centaines de tonnes avaient rejoint leur logement au 1/10 de mm près. Il avançait avec optimisme sûr que le premier plasma serait produit en 2025 !

Pour nous à la Maison de la chimie il a accepté en 2006 d’être président du conseil d’administration de la Fondation (internationale). C’est sous son impulsion que se sont développées les actions en direction des jeunes et du grand public visant à mieux faire connaître la chimie. Citons les colloques « Chimie et … » qui ont connu à presque chaque fois (hors pandémie) plus de 1000 à 1200 participants dont 1/3 de lycéens et dont il a présidé le 18e « Chimie et Notre-Dame » en février dernier.

Citons aussi le site « Mediachimie.org » qui contient plus de 1800 références sur la chimie à destination des professeurs de lycées et de collèges mais aussi des élèves, des étudiants et de tout public s’intéressant à la science et à la chimie. C’est avec l’approbation de Bernard Bigot que des coopérations avec Nathan et la Fondation La main à la pâte, création de l’Académie des sciences, ont été réalisées élargissant le champ visé à un nombre encore plus grand d’internautes et d’élèves.

Oui nous sommes tristes, nous avons perdu un collègue chimiste, un professeur, un président internationalement respecté, un entraineur d’hommes et de femmes, mettant toute son énergie au service de la nation et à œuvrer pour un monde meilleur en participant activement au sein d’ITER, à la réalisation d’une source d’énergie propre et inépuisable telle que la fusion nucléaire comparable à celle qui alimente le Soleil et les étoiles.
Sa grande préoccupation des générations futures nous a tous poussé à diffuser largement la science et la technique, nous lui devons tous de nous avoir entrainés dans cette belle aventure collective… Merci Bernard.

Nos pensées vont à sa famille et les équipes de Mediachimie s’associent à leur profond chagrin.

Mai 2022
les équipes de Mediachimie.org

 

Voir aussi la page d'hommage à Bernard Bigot sur le site de la Fondation de la Maison de la chimie

Crédit photo : ITER Organisation iter.org.

- Éditorial
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Le méthanier au secours de l’Europe

Les contraintes géopolitiques et le conflit ukrainien ont mis en lumière la dépendance de l’Europe vis-à-vis du gaz russe importé via des gazoducs traversant plusieurs pays à partir des champs d’extraction de la Russie.
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Les contraintes géopolitiques et le conflit ukrainien ont mis en lumière la dépendance de l’Europe vis-à-vis du gaz russe importé via des gazoducs traversant plusieurs pays à partir des champs d’extraction de la Russie. Plusieurs pays sont directement impactés dont la Hongrie, la Bulgarie et l’Allemagne. La France qui n’a plus de gisement national (1) et a diversifié ses sources est moins concernée. Sa consommation en baisse depuis plusieurs années est cependant de l’ordre de 390 tWh/an dont 37% pour le résidentiel, 25% pour le tertiaire et 33 % pour l’industrie dont l’industrie chimique qui est « gazo-intensive » puisque le gaz dont le méthane est non seulement une source d’énergie mais une matière première, comme le pétrole (2). Les importations hexagonales de gaz se font pour 60% par gazoducs et pour 40% sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL) transporté par des méthaniers.

Qu’est -ce qu’un méthanier ?

C’est un navire de conception et de structure adaptées à la matière transportée, soit ici un gaz comportant de 70 à 95% de méthane (CH4) mais liquéfié à basse température – 162°C (3). Six cents fois moins volumineux qu’à l’état gazeux, son transport maritime permet une souplesse d’approvisionnement sur de très grandes distances en variant les sources : Qatar, Algérie, Nigéria, États Unis. Plus souple qu’un gazoduc dont les infrastructures traversent plusieurs pays avec des risques géopolitiques et des blocages comme vécus pour gaz Stream 2, le méthanier peut se fournir dans n’importe quel pays qui dispose de terminaux cryogéniques de liquéfaction et l’acheminer en quelques jours à la vitesse moyenne de 19 nœuds vers les terminaux de gazéification. La France dispose de 4 terminaux : Fos Tonkin et Fos Cavaou (13), Dunkerque (59) et Montoir de Bretagne (44). Un cinquième est en projet au Havre. Ces terminaux permettent d’accueillir chacun de 8 à 13 milliards de m3 annuels.

Quels sont les types de méthaniers ?

De façon générale ils comportent de 4 à 5 cuves isolées thermiquement avec des dispositifs très perfectionnés de détection de fuites. Ils disposent d’une double coque pour qu’en cas d’échouage ou de collision les cuves ne soient pas fissurées et sont prioritaires sur les voies maritimes compte tenu de leur dangerosité.

On en distingue trois types :

  • les méthaniers à membrane - soit d’inox (acier inoxydable Fe, Ni, Cr) enveloppant des blocs de mousse de polyuréthanne dont l’enveloppe de 1,2 mm d’épaisseur gaufrée permet d’encaisser les variations de dilatation lors du refroidissement – soit d’invar (Fe64Ni36) ayant un très faible coefficient de dilatation recouvrant en 2 couches de 0,8 mm des caissons isolants en contreplaqué comportant de la perlite ou de la laine de verre (4)
  • les méthaniers à sphères – les cuves sont sphériques au nombre de 4 ou 5 en aluminium enfermant un isolant de type polystyrène en double couche. Ils sont reconnaissables grâce à une partie des sphères visibles sur le pont. Ces navires sont moins soumis au ballotage lorsque les cuves ne sont pas remplies et que la mer ou le vent rend la navigation plus difficile.
  • les méthaniers prismatiques – les cuves sont directement posées sur la coque intérieure du navire. Elles sont en aluminium avec une seule couche d’isolant. Ils exigent cependant une forte couche d’isolant entre la cuve et la quille pour éviter les fuites à – 162°C qui gèleraient la coque du navire.

Il y a plus de 550 méthaniers en service dans le monde avec en moyenne des capacités de 160 000 m3 de gaz liquéfié. Le plus grand le Rasheeda peut transporter 266 000 m3 de gaz liquéfié (soit 160 millions de Nm3 gaz ou 1,76 tWh). Les méthaniers sont peu polluants car souvent de propulsion diésel aménagé, comme les fuites de gaz sont de l’ordre de 0,15% par jour, le méthane est réinjecté dans les moteurs pour améliorer le rendement énergétique.

Quel chemin pour le GNL ?

Sur les plateformes d’extraction il faut d’abord le désulfurer puis le gaz purifié est liquéfié par cryogénie, stocké dans des réservoirs refroidis puis ensuite chargé dans les cuves du méthanier. Sur les terminaux gaziers le GNL du méthanier est transféré dans des cuves de stockages et peut prendre plusieurs directions ; le transport vers des stations de carburants au moyen de camions citernes réfrigérés, le « regazéifieur »où il est réchauffé puis mis sous pression pour rejoindre le réseau de distribution après avoir été odorisé.

Face à la décision pour les pays européens de diminuer drastiquement leur dépendance au gaz russe, les commandes d’approvisionnement au Moyen-Orient, en Afrique et aux États-Unis (5) se développent. Ce ne sont pas les méthaniers qui feront défaut ce sont plutôt les terminaux gaziers pour accueillir, stocker et gazéifier le GNL qui manqueront. L’investissement pour un port d’accueil et les infrastructures de traitement dépasse le milliard d’euros et prend un à deux ans de construction. Il faut donc s’attendre à une augmentation du prix de l’énergie. Déjà en juin 2021 le prix du GNL en Asie avait eu un coup de chaud et en Europe depuis janvier 2022 l’augmentation en avril approche les  80%.

Oui la politique d’indépendance énergétique coute cher et les économistes montrent que s’y ajoute le prix de la transition écologique c’est la « Greenflation » qui nous atteint durablement.

Jean-Claude Bernier
Mai 2022

Pour en savoir plus
(1) Une stratégie industrielle payante, deJean-Claude Bernier, L’Actualité chimique (2014)
(2) L’extraction du pétrole et du gaz, une animation issue de la série "Les incollables" (CEA)
(3) L’encyclopédie du gaz, un site proposé par la société Air Liquide
(4) Isolation dans l’habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories, de Jean-Claude Bernier, in La chimie et l’habitat (EDP Sciences 2011)
(5) Gaz de schistes : pour aujourd’hui ou pour demain ?, de Julien Lefebvre, Noël Baffier et Jean-Claude Bernier, une fiche Chimie et…en fiches, cycle 4, Mediachimie.org
 

Crédit illustration : LNG Tanker Energy Progress at Wickham Point in March 2016 - Ken Hodge – Flickr - Licence CC BY-NC-N 2.0

- Question du mois
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Pourquoi mettre une peinture antirouille sur les grilles de jardin ?

Le printemps est propice au bricolage et à l’embellissement des habitations. Portails, grilles de jardin, balustrades, garde-corps et autres objets en fer ou acier n’y échappent pas ! Votre pièce métallique extérieure
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Le printemps est propice au bricolage et à l’embellissement des habitations. Portails, grilles de jardin, balustrades, garde-corps et autres objets en fer ou acier n’y échappent pas !

Votre pièce métallique extérieure s’est dégradée. Il faut avant tout traitement de prévention et de décoration éliminer la dernière couche de peinture souvent écaillée et cloquée et ôter la rouille par grattage et ponçage, éliminer toute trace de résidus puis dégraisser la surface avec un solvant organique (par exemple le white spirit(i) ou l’acétone(ii)) afin d’avoir un support net et sec.

Remettre alors une simple couche de peinture ne suffit pas si l’on veut augmenter la durée de vie du support.

Qu’est-ce que la rouille ?

Le fer est un métal qui se corrode en présence de l’oxygène de l’air et de l’humidité. La rouille qui se forme a une composition qui évolue au cours du temps et du taux d’humidité. Pour simplifier, on peut dire qu’elle est au final essentiellement formée de composés du fer à son degré oxydation III, FeO(OH) et Fe2O3 hydraté.

Cette couche d’oxydes en raison de sa structure à l’échelle microscopique n’adhère pas à la surface du fer, est perméable à l’air et l’humidité et forme des boursoufflures ; ainsi le métal peut continuer à s’oxyder.

Il est donc nécessaire de protéger le fer ou l’acier. Plusieurs étapes peuvent être nécessaires, successives ou simultanées.

Le décapage chimique = éliminer la rouille

La rouille peut être attaquée par les acides (entités libérant des ions H+)(iii). On ne peut pas utiliser n’importe quel acide à l’échelle du grand public. En effet par exemple il ne faut pas utiliser d’acide chlorhydrique ni sulfurique qui s’ils détruisent bien la couche de rouille attaquent aussi le fer en profondeur en dégageant du dihydrogène. En cas d’usage il est indispensable de se protéger les yeux par des lunettes de laboratoire et les mains avec des gants adaptés et d’effectuer un rinçage.

L’acide oxalique de formule HOOC-COOH est un décapant un peu plus facile à manipuler.

À l’issue d’une telle étape la surface du métal est mise à nu et il ne reste pas trace du produit décapant.

Produit chimique antirouille à la fois curatif et préventif

L’acide phosphorique H3PO4 en est le modèle type. Il peut être directement étalé au pinceau ou à la brosse sur la pièce à traiter. Si celle-ci est petite elle peut être totalement immergée dans cet acide.

Il y a à la fois destruction de la rouille et modification de l’acier à sa surface. En effet, une fois la rouille attaquée par l’acidité de l’acide phosphorique les ions Fe2+ et Fe3+, apparus à la surface de l’acier, se combinent aux ions phosphate pour former des phosphates de fer solides(iv) qui, de par leurs structures, adhèrent à la surface du fer, protégeant ainsi la surface sous-jacente d’une attaque ultérieure par l’oxygène et l’eau et contribuent de fait à diminuer la vitesse de corrosion. On parle de passivation du fer ou d’inhibition à la corrosion ou encore de couche anticorrosion.

Les acides carboxyliques, de formule générique RCOOH, avec un groupe R à longue chaine carbonée (8 à 10 atomes de C par exemple) peuvent jouer le même rôle. On parle d’acide gras. L’ion carboxylate formé RCOO- se combine aussi aux ions Fe3+ pour créer une fine couche protectrice de passivation(v).

Couche d’apprêt

L’apprêt est une couche de peinture primaire destinée à améliorer l'adhérence, l'efficacité de la protection anticorrosion ou à limiter les irrégularités de surface. Une fois étalé, cet apprêt reste sur la pièce traitée. C’est par exemple le cas du produit Rustol ©(vi) « vernis solvanté qui forme un film protecteur » isolant le métal du milieu extérieur.

Les peintures contiennent les pigments(viii) pour répondre à la couleur demandée incorporé à un mélange, à base de résines polymères qui formeront un film après étalement et séchage du solvant. En plus du côté esthétique, ce film joue un rôle d’étanchéité.

Le résines polymères pour peintures métalliques sont à base de composés glycérophtaliques aussi appelés alkydes ou de polyuréthannes(ix). Il existe aussi des résines dites « alkyd-uréthanes »(x). Ces peintures se trouvent soit en phase solvant organique (white spirit) soit aussi depuis les années 2000 pour certaines sous forme d’émulsion en phase aqueuse.

La peinture antirouille « tout-en-un »

Pour simplifier le travail du bricoleur et des professionnels et éviter de déposer d’une part une ou deux couches d’antirouille suivies de la peinture de finition, certaines peintures actuelles pour le fer contiennent à la fois les pigments et les composants antirouille, le tout incorporé au mélange de résines polymères décrites ci-dessus.

Les produits antirouille passivant intégrés au sein de ces peintures, sont pour la plupart à base de dérivés de l’acide phosphorique comme les phosphates de zinc ou d’ammonium(xi). On peut aussi trouver des carboxylates de sodium.

Des progrès considérables dans ces formulations de peinture permettent d’avoir une efficacité de plusieurs années.

Toutefois il faut éviter de rayer ou d’écailler la surface ou de poser longtemps un autre objet métallique comme des supports de jardinière métallique(xii) pour balustrade de balcon. Les déjections d’oiseaux sont aussi une cause de dégradation des peintures.

Si vous achetez une grille de jardin galvanisée, c’est-à-dire que l’objet en fer a été intégralement recouvert d’une fine couche de zinc en usine, sa durée de vie est beaucoup plus grande. Il s’agit là d’un autre mode de protection du fer(xiii). Dans ce cas le métal au contact avec l’extérieur n’est plus du fer mais du zinc. Pour le peindre il faut préalablement étaler ou pulvériser une couche primaire pour acier galvanisé à base de résine époxy pour faciliter l’accrochage de la peinture de finition.

Allez, bon courage et maintenant à vos pinceaux et rouleaux !

Françoise Brénon et l’équipe question du mois

Ballustrade avec rouille. Photo : F. Brénon

 


(i) Le white spirit est un mélange d’hydrocarbures contenant 8 à 12 atomes de carbone et sans benzène. À l’échelle industrielle le dégraissage des métaux se fait de plus en plus à la vapeur d’eau sèche pour limiter le rejet de vapeurs organiques issues des solvants (COV).

(ii) L’acétone a pour formule H3CCOCH3

(iii) selon par exemple : Fe2O3 + 6H+ = 2 Fe3+ + 3 H2O

(iv) Le phosphate formé en surface avec les ions ferriques est par exemple FePO4, selon la réaction Fe2O3 + 2 H3PO4 → 2 FePO4 + 3 H2O et avec les ions ferreux Fe3(PO4)2, 8 H2O source Techniques de l’Ingénieur § 1.2.2.3. « Traitements de surface des métaux avant peinture. Procédés » Théophile Guéguen (1992)

(v) Selon les conclusions de la thèse (page 167) de Stéphanie Hollner, sur le « Développement de nouveaux traitements de protection à base d’acide carboxylique pour la conservation d’objets en fer du patrimoine culturel » il est établi que « dans le cas des solutions à base d’acide décanoïque ou de décanoate de sodium, le carboxylate de fer formé est constitué par des agrégats de type Fe3O dans l’entité chimique [Fe3O(CnH2n+1COO)6 (H2O)3]+, NO3- , xH2O avec n = 10 »

(vi) La fiche technique du Rustol© est ici  (site du fabricant https://www.owatrol.com)

(vii) Pour en savoir plus consultez le Zoom sur les pigments de J.-P. Foulon, Mediachimie.org

(viii) Le film thermodurcissable tridimensionnel résulte de la réaction de polymérisation entre du glycérol et de l’anhydride phtalique .

(ix) Les polyuréthannes découlent d’une réaction entre un diol (HO-R-OH) et un diisocyanate (OCN-R'-NCO) pour conduire à un polymère de motif répétitif → -(OCONH- R'-NHCOO-R)- . Les chaînes R et R’ peuvent être insaturées permettant une réticulation conduisant à un composé également tridimensionnel. Ces peintures sont parfois vendues sous forme de 2 composants à mélanger avant usage.

(x) Il s'agit d'alkydes modifiés dans lesquels une partie de l'anhydride phtalique est remplacée par un isocyanate tel que le diisocyanate de toluène (TDI). Ils sèchent généralement plus rapidement et présentent une résistance à l'abrasion et une résistance à l'hydrolyse améliorées, mais sont plus chers.

(xi) Phosphate de zinc de formule Zn3(PO4)2 et phosphate d’ammonium de formule (NH4)3PO4. Avec le phosphate de zinc, Il peut se former à la surface du fer des phosphates mixtes de zinc et de fer II passivants.

(xii) Dans ce cas on observe des créations de micro-piles, le fer étant attaqué en certains endroits et parfaitement sain en d’autres.

(xiii) Pour en savoir plus, vous pouvez consulter la partie B de la ressource Corrosion des métaux et protection,  David Soissons, Dossier pédagogique Nathan / Mediachimie.org

- Éditorial
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Alerte à la pénurie de métaux

Des fabricants automobiles qui doivent s’arrêter de produire, des constructeurs immobiliers en panne de châssis de fenêtres, des électriciens avec des délais de conducteurs en cuivre impossibles, des pots catalytiques en
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Des fabricants automobiles qui doivent s’arrêter de produire, des constructeurs immobiliers en panne de châssis de fenêtres, des électriciens avec des délais de conducteurs en cuivre impossibles, des pots catalytiques en panne faute de catalyseurs… la liste des incidents de production dans l’industrie s’allonge et le conflit russo-ukrainien ne va pas arranger les choses.

Les métaux de la transition énergétique

L’objectif de « zéro carbone » en 2050 en Europe accélère le recours aux énergies renouvelables comme l’éolien, ou le photovoltaïque et pour les transports la vente de véhicules électriques.

Si cette stratégie va réduire la dépendance de l’Europe au pétrole elle va sans doute en créer une nouvelle aux matériaux critiques (1). En effet une éolienne offshore utilise près de 20 000 kg/MW de métaux, le cuivre en majorité, mais aussi l’aluminium, l’acier et des métaux plus rares comme le néodyme mêlé au fer et au bore avec des ajouts de dysprosium et de praséodyme pour ses aimants permanents (2). L’éolienne terrestre en contient deux fois moins par MW mais tout de même huit fois plus qu’une centrale thermique au gaz. Les panneaux solaires sont à peu près tous basés sur le silicium qui reste abondant mais contiennent aussi des dopants comme le gallium, le germanium, l’indium et pas mal de kilogrammes de cuivre et d’aluminium. La voiture électrique contient cinq fois plus de métaux critiques que la voiture thermique, dont le cuivre mais aussi des alliages de terres rares (Nd, Dy, Pr) pour ses nombreux moteurs électriques. Il faut aussi compter les batteries lithium-ion qui contiennent du lithium mais aussi du cobalt, du nickel du manganèse (3). S’y ajoutent les circuits électroniques dont les transistors de puissance (LDMOS) ont des circuits imprimés riches en cuivre étain et argent et quelques contacts en or (1%). Sachant que rien qu’en France l’objectif de l’énergie éolienne de 34 GW se traduit en 50 000 t de métaux dont plus de 20 000 t de cuivre /molybdène et 1 500 t de terres rares ! En multipliant par la puissance à installer en Europe, on arrive à des valeurs astronomiques.

Les prévisions des experts

Suivant un scénario visant à rester en dessous des 2°C de réchauffement global en 2100, les projections sont instructives. Le tableau des besoins en 2050 montre qu’il faudrait annuellement multiplier par 4 à 30 les productions annuelles de 2021 !

Métalaluminiumcuivrenickellithium
Besoins en Mt20080243
Production annuelle en Mt64212,50,1

 

On découvre que pour atteindre les objectifs de neutralité carbone au cours de la seconde moitié de ce siècle de grandes infrastructures de production, de stockage et de transport de l’énergie doivent être construites or elles affichent une « intensité matière » bien supérieure à celles des technologies conventionnelles utilisant les combustibles fossiles (4). Une étude portant sur les véhicules légers (actuellement 1,2 milliard en circulation) prévoie un doublement d’ici 2050 et majoritairement électriques. Sachant que nos véhicules contiennent déjà 10 à 20 kg de cuivre, les véhicules électriques en contiennent quatre fois plus. Selon les extrapolations il faudra 200 à 400 Mt de cuivre soit 10 à 20 années de production annuelle pour le seul domaine du transport.

C’est pourquoi dans le dernier rapport de Philippe Varin (5) plusieurs métaux stratégiques sont cités comme devenus critiques : le cuivre, le cobalt, le lithium. S’y ajoutent le nickel, l’étain, le tungstène, les trois lanthanides déjà citées (Nd, Dy, Pr) dont la criticité avaient déjà fait l’objet d’alertes de la part des métallurgistes et du BRGM (6).

Un aspect économique et géopolitique

Pour faire face au nouveau business des véhicules électriques, de nombreuses « gigafactories » se créent partout en Europe pour s’affranchir de la concurrence asiatique. Elles engendrent une forte tension sur les marchés des matériaux. Le cuivre atteint 10 000 $ /t, le nickel 43 000 $/t, l’aluminium a battu son record à 3 000 $/t et le lithium a augmenté de 500% en deux ans à 60 000 €/t. En ces domaines la dimension géopolitique intervient et l’accès aux contrats de marchés à moyen ou long terme est très difficile avec des pays dominant le marché. Le cobalt par exemple est fourni à 66% par la République démocratique du Congo, les terres rares par un consortium chinois qui a 90% de la production mondiale, le Chili et le Pérou fournissent 40% du cuivre, l’Australie et le Chili couvrent 60% du marché du lithium. L’Indonésie et les Philippines vendent l’équivalent de 30% du nickel. C’est dire que l’Europe est particulièrement pauvre en ressources minières exploitées. Ceci se retrouve notamment pour la fabrication des packs de batteries pour l’automobile ; l’Europe ne produit que 1% des métaux bruts nécessaires et à peine 8% des matériaux raffinés et graphite pour électrodes et donc est obligée de les acheter en Chine (66%) ou à d’autres pays en Asie (13%).

Quelles solutions pour l’Europe et la France ?

Investir dans les productions minières existantes et rentables au Portugal pour le lithium, en Pologne en Espagne et en Bulgarie pour le cuivre, en Nouvelle Calédonie (France) pour le nickel, relancer la production minière en France et en Europe, le tungstène dans les Pyrénées où la France fut jusqu’en 1988 le 3e producteur mondial, le plomb dans le Massif Central, l’antimoine en Bretagne, où toutes ces mines furent fermées dans les années 1990 faute de rentabilité (7), la fièvre haussière des métaux qui risque de durer devrait permettre de trouver de nouveaux investissements, à condition que l’acceptabilité minière soit meilleure que le rejet des éoliennes ! L’exploitation des ressources géothermales profondes qui peuvent fournir de l’énergie et du lithium séparé des eaux thermales en Alsace et en Allemagne est devenue très rentable (8). Une autre solution est de prendre des parts dans les entreprises minières dans les pays qui disposent de réserves importantes en Afrique, en Australie, en Amérique latine comme l’a fait depuis longtemps la Chine. Encore une autre solution est le recyclage (9), car contrairement aux combustibles fossiles, les métaux primaires ne sont pas perdus et peuvent être réutilisés après usage. C’est largement le cas pour le fer, l’aluminium et le cuivre. Pour les autres métaux présents dans les nouvelles et hautes technologies le potentiel de recyclage est limité par leur concentration dans les produits en fin de vie et le cout en énergie et en procédé pour que les métaux récupérés restent compétitifs par rapport au cout de la production primaire. Les exemples des déchets et équipements électriques et électroniques (DEEE) et des batteries lithium-ion sont illustratifs. On opère souvent par tri puis broyage et pyrométallurgie qui détruit les plastiques et ensuite hydrométallurgie qui sépare les métaux. Pour les premiers, il faut que la concentration des métaux comme l’argent, le cuivre et l’or soit du même ordre que celle des ressources minières pour être rentable. Pour les seconds (les batteries), si le traitement des batteries des smartphones et ordinateurs est économiquement rentable grâce à leur teneur en cobalt, pour celles de l’automobile les teneurs plus faibles en cobalt, où il est souvent remplacé partiellement par le nickel et le manganèse voire par le phosphate de fer, rendent difficile un traitement industriel d’ensemble et sa rentabilité.

Le rapport Varin remis en janvier aux Ministères de la Transition énergétique et de l’Industrie a permis à l’État de prendre des mesures. Un observatoire des métaux critiques va être créé avec le Bureau de recherche géologique et minière (BRGM), un nouveau délégué interministériel pour la sécurisation des approvisionnements sera nommé et plus de 500 M€ seront consacrés à des appels à projets. Deux plateformes consacrées aux recyclages sont d’ores et déjà décidées, l’une à Dunkerque pour les batteries lithium et l’autre à Lacq pour le recyclage des terres rares des aimants permanents (on se rappellera avec douleur qu’en 2016 Solvay avait fermé à la Rochelle l’unité de séparation des terres rares où un savoir-faire plus que cinquantenaire existait !) les temps changent, les industries s’adaptent, les métaux critiques seraient-ils une nouvelle richesse ? La chimie est en première ligne (10).

Jean-Claude Bernier
Mars 2022

Pour en savoir plus :
(1) Ces matériaux si rares pour la transition énergétique, J. Lefebvre, J.-C. Bernier et N. Baffier, série Chimie et… en fiches, Mediachimie.org
(2) Les terres rares, un enjeu global, Y. Dubosc, revue Chimie Paris
(3) Stocker l’énergie pour communiquer in La chimie dans les Technologies de l'Information et de la Communication, collection Chimie et... Junior, EDP Sciences, Fondation de la Maison de la Chimie
(4) Les matériaux stratégiques pour l’énergie, B. Goffé, Colloque chimie et enjeux énergétiques
(5) France 2030 : Le rapport "Varin" sur la sécurisation de l’approvisionnement en matières premières minérales remis au Gouvernement, Site Minéral Info, République Française
(6) Le nouveau tableau de Mendeleïev du World Metal Forum
(7) La France, nouvel Eldorado ? J.-C. Bernier, revue Actualité chimique
(8) Géothermie et batteries : quel rapport ? J.-C. Bernier , éditorial, Mediachimie.org
(9) Imitons la nature pour recycler les métaux,, J. Lefebvre, J.-C. Bernier et N. Baffier, série Chimie et… en fiches, Mediachimie.org
(10) Les chimistes dans les énergies nouvelles face au développement durable F. Brénon et G. Roussel, série Les chimistes dans..., Mediachimie.org

 

Crédit illustration : Cerro Colorado - Gabri Solera – Flickr - Licence CC BY-NC-ND 2.0

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La chimie au grand oral du baccalauréat

Le grand oral du bac est une épreuve du baccalauréat qui évalue votre capacité à prendre la parole en public de façon claire et convaincante : solidité des connaissances, qualité de l’argumentation et de la
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Le grand oral du bac est une épreuve du baccalauréat qui évalue votre capacité à prendre la parole en public de façon claire et convaincante : solidité des connaissances, qualité de l’argumentation et de la démonstration,capacité à argumenter, à relier les savoirs et à convaincre, gestion de la prise de parole.

Vous déterminez deux questions sur lesquelles vous travaillez durant l’année et vous présenterez le jour de l’examen l’une des deux, sélectionnée par le jury (5 minutes) avant d’échanger avec le jury sur la question (10 minutes). Enfin la dernière partie de l’épreuve (5 minutes) est dédiée à votre projet d’orientation.

Les questions que vous devez présenter doivent être en lien avec vos deux spécialités, soit prises isolément, soit abordées de manière transversale. Avant tout, vous cherchez un thème qui doit vraiment vous intéresser et vous questionner. Le plus simple pour réussir à trouver des bons sujets, c'est de les lier à vos projets d'orientation.

Pour réussir ce grand oral, il est aussi nécessaire de vous entraîner et de vous saisir des opportunités de vous exercer à l'oral.

Pour vous aider à vous construire des bases solides, les équipes de Mediachimie se sont associées avec l’éditeur Nathan pour la création de dossiers complets proposant des problématiques en lien avec la chimie. Les différents thèmes abordés dans ces dossiers sont en lien à la fois avec les enseignements de spécialité de terminale et les problématiques actuelles dans lesquelles la chimie joue un rôle primordial.

Retrouvez
ici les dossiers Grand Oral.

- Éditorial
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Comment verdir les métaux ?

Nous consommons sans vraiment nous en apercevoir des kilogrammes de métaux. Nos automobiles sont lourdes d’acier et d’aluminium, la structure de nos ponts est riche en acier, nos canettes de coca ou de bière sont des
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Nous consommons sans vraiment nous en apercevoir des kilogrammes de métaux. Nos automobiles sont lourdes d’acier et d’aluminium, la structure de nos ponts est riche en acier, nos canettes de coca ou de bière sont des enveloppes fines d’aluminium ou d’acier.

Avec le rebond de l’activité industrielle après la pandémie, les productions des deux principaux métaux sont reparties à la hausse en 2021. 1,95 milliard de tonnes pour l’acier (dont 1 milliard pour la Chine) et 64 millions de tonnes pour l’aluminium (dont 26 pour la Chine). Ces productions s’accompagnent d’émissions de gigatonnes de gaz carbonique (1). Les experts calculent que ces deux industries métallurgiques représentent entre 7 et 9 % des émissions planétaires.

Un peu de chimie

On peut comprendre facilement que la réduction des oxydes, que sont les minerais, par le carbone produit du CO2.

Pour l’acier (2a et 2b) et donc le fer, la réduction se fait dans des hauts fourneaux. Le minerai mélangé au coke dans le haut du fourneau, rencontre en descendant le gaz réducteur CO qui résulte de la réaction entre l’air chaud insufflé par le bas de la cuve à haute température suivant la réaction
2C + O2 → 2CO. Les réductions observées sont :

En dessous de 620°C : 3 Fe2O3 + CO → 2 Fe3O4 + CO2
Entre 620° et 950°C, on observe Fe3O4 + CO → 3 FeO + CO2
Puis au-dessus de 950°C : FeO + CO → Fe + CO2

Au sein du haut fourneau, à haute température, le monoxyde de carbone est régénéré à chaque fois que CO2, produit par les réactions précédentes, rencontre une couche de coke selon l’équilibre, dit de Boudouard, C + CO2 →2 CO.

La fonte, fer liquide ayant dissout un peu de carbone, coule dans le bas de la cuve vers 1800 °C. Les gaz ressortent en haut du haut fourneau et contiennent entre autres du dioxyde de carbone. Finalement, pour une tonne d’acier se dégagent 2,2 tonnes de CO2.

Pour l’aluminium, après traitement préalable du minerai (la bauxite) afin obtenir l’oxyde Al2O3, la réduction finale se passe en milieu fondu. Al2O3 est dissout dans un bain fluoré contenant la cryolithe AlNa3F6 et du fluorure de calcium CaF2. L’électrolyse à 960°C conduit au dépôt d’aluminium sur l’électrode de graphite et la réaction s’écrit 2 Al2O3 + 3 C → 4 Al + 3 CO2.

Le procédé conduit à l’émission d’environ 4 tonnes de CO2 par tonne d’aluminium auxquelles il faut ajouter l’empreinte carbone des 12 à 14 MWh nécessaires à l’électrolyse. On comprend donc dans la perspective de la neutralité carbone en 2050 que la recherche et le développement de procédés émettant moins de CO2 soient d’actualité.

L’acier vert

Plusieurs voies sont ouvertes pour diminuer les rejets de CO2 :

  • La réduction directe du minerai (DRI ou Direct Reduction Iron) par des gaz chauds à 900°C, gaz naturel (méthane, CH4) ou hydrogène H2 (3) selon :
    Fe2O3 + 3 H2 → 2 Fe + 3 H2O ou Fe2O3 + CH4 → 4 Fe + 2 H2O + CO
  • Si l’hydrogène est vert (4) ou peu carboné (5) la réduction d’émission est supérieure à 80% et pour le gaz naturel à plus de 50%. Les éponges de DRI sont ensuite fondues et purifiées au four à arc électrique.
  • L’injection de gaz ou d’hydrogène dans le haut fourneau ou la réinjection d’un mélange CO + H2 permet de réduire de 20 à 30% les émissions.
  • La capture et le stockage du CO2 à la sortie du haut fourneau (CCUS ou Carbon Capture Utilization and Storage) permet un gain de 63% sur les émissions.
  • Ou mieux encore convertir les gaz sidérurgiques CO et CO2 en éthanol par bio transformation.

De nombreux projets voient le jour en Europe, ArcelorMittal compte investir 10 Mrds € d’ici 2035 pour réduire d’au moins 30% son empreinte carbone. Déjà le consortium Hybrit a fourni au constructeur Volvo en Suède 25 tonnes d’acier vert par réduction directe (DRI) de minerai fourni par le minier LKAB et de l’hydrogène fourni par hydroélectricité de Vattenfall. La France n’est pas mal placée avec l’association Arcelor-Air liquide et le nucléaire pour produire l’hydrogène bas carbone. Il n’en reste pas moins que les volets énergétique et financier sont de vrais casse-têtes. On estime que la décarbonatation du secteur exigera plus de 50 Mrds€ d’investissement et près de 400 TWh d’électricité renouvelable dont 250 pour produire 6,5 millions de tonnes d’hydrogène. Devant cette énorme défi les sidérurgistes rappellent qu’ils sont déjà les champions de l’acier vert puisque plus de 45 % des ferrailles sont recyclées dans les fours à arc électrique, qui certes consomment du carbone, mais n’émettent que 0,3 à 0,6 tonne de CO2 au lieu de 2,2 tonnes pour l’acier brut.

L’aluminium vert

Pour la France Péchiney a été historiquement le berceau de la production (6a et 6b) et (7) avec des cuves d’électrolyse dont il a été le leader pendant longtemps et une production d’aluminium dans les vallées alpines et pyrénéennes profitant de l’électricité issue des barrages hydrauliques de montagne ce qui « verdissait » sa production avant l’heure. Le procédé Hall-Héroult, malgré les progrès sur le rendement électrique atteignant près de 95% sur les dernières cuves C 60, arrive dans ses ultimes années car même avec un mix électrique français favorable on émet 3,5 t de CO2, par tonne d’aluminium, auquel il faut ajouter l’énergie du procédé Bayer pour obtenir l’alumine à partir de la bauxite (7). Dès la fin des années 90, le centre de recherches de Voreppe près de Grenoble se lançait dans l’étude d’électrodes inertes pour remplacer celles en carbone, d’abord métalliques puis céramiques non attaquables dans les bains fluorés (8). Après le rachat de Pechiney par Alcan puis Rio Tinto ces études se sont poursuivies et viennent d’aboutir avec une coentreprise ELYSIS entre Alcoa et Rio Tinto à la construction de cuves prototypes avec des cathodes en cermet comportant une ferrite de nickel substituée capable sous une tension de quelques volts et une intensité de 450 kA, de fournir un aluminium sans carbone. En effet, en l’absence d’électrode en graphite, au sein de l’électrolyseur et en milieu cryolithique fluoré, la réaction est alors Al2O3 → 2 Al + 3/2 O2. De plus, le courant électrique provient des centrales hydrauliques canadiennes, ce qui est une véritable révolution technologique.

Ici encore n’oublions pas que le recyclage de l’aluminium (9) est très important puisque l’aluminium de deuxième fusion représente près de 60% de la production en France en émettant 3 à 10 fois moins de CO2 que l’aluminium primaire et mérite le label « vert ».

Ce recyclage est d’autant plus nécessaire que le coup d’État en Guinée (2e producteur mondial de bauxite après l’Australie) menace l’approvisionnement en bauxite et que la Chine a également nettement diminué sa production en arrêtant un certain nombre de centrales électriques au charbon et en confinant, cause pandémie, une partie de la province chinoise produisant 20 % du métal. Le cours de l’aluminium a ainsi dépassé les 3000 $ /t, son record.

Vite à vos poubelles de couleur pour le tri des canettes et capsules…

Jean-Claude Bernier et Françoise Brénon
Février 2022

Pour en savoir plus
(1) Le dioxyde de carbone, matière première de la vie (dossier pédagogique Nathan / Mediachimie)
(2) (a) La recherche de la composition de l’acier à la fin du XVIIIe siècle ; (b) Aciers sur le site L’Élémentarium
(3) L’hydrogène, une source d’énergie pour le futur (Chimie et… en fiches, Mediachimie.org)
(4) Qu’est-ce que l’hydrogène vert ? (question du mois, Mediachimie.org)
(5) Zoom sur les derniers résultats de la production d’hydrogène « décarboné » (Mediachimie.org)
(6) (a) Les débuts de l’industrie de l’aluminium et (b) Aluminium sur le site L’Élémentarium
(7) Comment faire des casseroles avec la bauxite : l’électrolyse (Réaction en un clin d’œil, Mediachimie.org)
(8) L’électrolyse et les applications industrielles (dossier pédagogique Nathan / Mediachimie)
(9) Recyclage et valorisation des déchets Revue Chimie Paris n°340
 

Source illustration : PxHere, licence CC0