La chimie et les biotechnologies sont compatibles avec l’agriculture durable. La perception des citoyens reste cependant très éloignée de l’apport que l’innovation pourrait apporter au progrès. Depuis une vingtaine d’années, l’utilisation de produits de protection des cultures ainsi que les nouvelles technologies en agriculture sont mises au banc des accusés, responsables pour certains de la perte de la biodiversité, du réchauffement climatique, des pollutions environnementales, de la malbouffe et d’impacts sur la santé humaine.
Je développerai l’exemple des nouveaux outils apportés par la « modification ciblée du génome » qui illustre cette problématique. Les traits recherchés permettent la création de nouvelles plantes, moins consommatrices en intrants et notamment en engrais, utilisant mieux l’azote, allongeant la durée de consommation, mieux adaptés aux changements climatiques, améliorant la qualité nutritionnelle des aliments.
Ces techniques de sélection permettent des modifications beaucoup plus ciblées, plus sures, plus précises, plus rapides pour la sélection des plantes. Les méthodes traditionnelles de mutagénèse chimique ont consisté en une sélection de mutations effectuées au hasard, et n’ont jamais été règlementées. Il serait illogique de préconiser plus de réglementations pour des technologies ciblées où les modifications du génome sont parfaitement connues que pour des techniques aléatoires utilisées depuis 80 ans sans impact en matière sanitaire. Mais les controverses successives, le pilonnage et l’activisme de certains groupes organisés ont frappé l’opinion publique sur des risques sanitaires qui, aujourd’hui, avec vingt ans de recul, ne sont pourtant pas avérés. Les plus hautes instances juridiques, comme le Conseil d’Etat en France, qui tranche les litiges relatifs aux actes de l’administration ou encore la Cour de Justice de l’Union Européenne ont rendu des décisions incohérentes, influencés par ces agitateurs qui entretiennent une confusion de plus en plus marquée entre ce qui relève des savoirs issus d’une démarche scientifique et rigoureuse et ce qui relève des croyances ou des manipulations. Cette dérive conduit à ce que le débat public soit approprié par ceux qui cultivent la peur et qui traduisent cette peur non par le principe de précaution, mais par le principe d’inaction, empêchant de fait toute recherche, menaçant les fondements de la recherche scientifique et notre démocratie. Que signifie le droit s’il ne prend pas en compte les évolutions de la science ?
La vraie question de fond est de savoir comment dès la deuxième moitié du 21 ème siècle, on pourra nourrir près de 10 milliards d’individus sans prélèvements et destructions supplémentaires pour laplanète. Pour y parvenir, il faut impérativement réconcilier biotechnologies et agro-écologie.
Les risques ne doivent pas être balayés d’un revers de main, mais plutôt évalués rationnellement, en tenant à distance les croyances, les partis pris idéologiques, la propagande et les discours sectaires. Car, comme le disait fort justement le mathématicien, philosophe et prix Nobel de littérature Bertrand RUSSEL : « La science n’a jamais tout à fait raison, mais hélas elle a rarement tout à fait tort et, en général, elle a plus de chance d’avoir raison que les théories non scientifiques. Il est donc rationnel de l’accepter à titre d’hypothèse ».
Vidéo de la conférence (durée : 37:59)
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Source : Colloque Chimie et Agriculture durable, un partenariat en constante évolution scientifique, 10 novembre 2021
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Nature de la ressource : article + conférence