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Les nouveaux vélos pour les champions et pour nous

Les vélos du Tour de FranceAvec le Tour de France 2024 parti d’Italie fin juin et deux Français vainqueurs des deux premières étapes l’audience télévision explose en Europe. Ce sont des centaines de milliers de
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Les vélos du Tour de France

Avec le Tour de France 2024 parti d’Italie fin juin et deux Français vainqueurs des deux premières étapes l’audience télévision explose en Europe. Ce sont des centaines de milliers de spectateurs sur les routes et des millions de téléspectateurs sur leurs canapés qui suivront les coureurs sur leurs petites merveilles de technologie que sont devenus les vélos de course.

Loin des vélos en acier des années 1913 réparables dans une forge par Eugène Christophe, la demande de légèreté des machines a exigé d’abord des épaisseurs de tubes du cadre de plus en plus faibles, puis le remplacement de l’acier par l’aluminium et plus récemment l’usage des composites carbone qui apportent le faible poids et une rigidité améliorée (1). Tous les vélos des équipes du Tour de France ont maintenant non seulement des cadres moulés en fibre de carbone + polyester mais aussi des roues en carbone pour que le poids avec les accessoires soit de l’ordre de 7 kg (2).

Parlons d’ailleurs des accessoires. Pour transmettre l’effort, le moyeu du pédalier est muni d’un capteur d’effort qui traduit au coureur la puissance qu’il dépense, en watt. Depuis quelques années les roulements « en céramique » (3) disposent de billes en alumine dans les couronnes d’acier, très dures sur des surfaces de contact réduites et améliorent ainsi de plus de 80% le glissement et la fluidité des pièces en mouvement. Il en est de même pour le dérailleur électromagnétique qui peut être commandé par un « shifter », un petit bouton sur le guidon qui par bluetooth commande les changements de vitesse. Enfin, depuis longtemps, les bons vieux freins à patins ont été abandonnés. Ce sont des freins à disques sur les moyeux des roues à commande, soit hydraulique, soit électrique. Par ailleurs sur les roues en carbone les boyaux et chambres à air ont laissé place aux tubeless qui contiennent un solvant avec un polymère qui, en cas de crevaison limitée, comble le trou et permet au coureur de rouler encore un peu (4). Chaque vélo est adapté à la taille du coureur et à sa recherche d’aérodynamique, pour cela la tige du guidon est abaissée et même la tige de selle est creusée à l’arrière d’une cavité qui diminue la trainée arrière. Toutes ces améliorations technologiques n’ont qu’un seul but, améliorer le rendement énergétique , donc faire économiser quelques « wattheures » au coureur et diminuer son rythme cardiaque. Bien sûr la Fédération internationale a veillé à ce que ces progrès technologiques ne rompent pas l’égalité des chances et elle a limité le poids minimum des machines à 6,8 kg. Ne vous y trompez pas le coût de ces superbes vélos n’est pas à la portée du tout-venant, il est compris entre 12 000 et 20 000 €. Quand on sait qu’il y a entre 1000 et 2000 vélos qui se baladent dans la caravane du Tour voilà une caravane en or !

Le vélo de tout le monde

J’espère que vous avez payé moins pour votre vélo. En Europe la mode et le souci de préserver notre environnement continuent à soutenir le marché du vélo. Il s’en est vendu environ 25 millions en 2023 dont à peu près 20% avec assistance électrique (VAE). En France, le marché représente un CA de 3,5 Mrd € avec 2,23 millions de machines vendues à un prix moyen de 980 € dont 700 000 VAE au prix moyen de 1 900 €.

Alors avez-vous bien contribué à la préservation de notre chère planète ? Si vous avez un VAE l’empreinte carbone en France est de l’ordre de 17 g (CO2e)(i)/km parcouru si vous gardez votre engin 15000 km. C’est légèrement plus que pour un vélo ordinaire mu par la force musculaire qui est de 11 à 13 g CO2e/km parcouru. Ces chiffres sont très bons comparés au TGV 35 g CO2e/km parcouru par passager, 70 g CO2e/km pour une voiture électrique et plus de 100 g CO2e/km pour une voiture thermique. Seule la marche à pied (1 à 2 g CO2e/km) et le métro (8 à 10 g CO2e/km) sont plus performants que le vélo. L’essentiel de cette empreinte carbone est dû à la fabrication. Prenons un vélo de 20 kg en aluminium : la production du cadre en Chine exige 181 kg CO2e ; s’il est à assistance électrique il faut ajouter 20 kg CO2e pour la batterie et 37 kg CO2e pour le moteur. Comment réduire son empreinte carbone ? il est clair que s’il était fabriqué en France, avec de l'aluminium de recyclage ou de refusion, de 181 kg CO2e on passerait à peine à 20 kg CO2e (compte tenu de l'énorme différence d'énergie entre l'aluminium primaire et celui de seconde fusion et des mix électriques Français et Chinois comparés). Et encore moins si par « retrofit » (ii) on transformerait votre bon vieux vélo en VAE.

Bien, me diriez-vous : « mais je consomme de l’électricité ! ». Les batteries des voitures électriques (5) ont mauvaise réputation à cause de leurs poids, mais sur le VAE la batterie est bien plus petite et d’une capacité souvent inférieure à 1 kWh. Par exemple, pour faire 100 km un VAE demande environ 1 kWh ce qui représente en France 0,5 g CO2e/km parcouru soit moins de 4% des émissions totales, et en Allemagne 4 g CO2e/km un peu plus à cause du mix électrique.

Si vous êtes passionnés de cyclisme et d’environnement on peut encore améliorer l’empreinte carbone du VAE avec d’autres matériaux comme un cadre en bois ou en fibres de carbone recyclées ou en aluminium vert (6) avec des batteries au sodium (7) plutôt qu’au lithium, etc.

La forme physique

En cette année olympique n’oubliez pas que tous les jours faire du vélo vous fait perdre des calories par km parcouru et entretient votre moteur personnel : le cœur. Grâce aux hormones fabriquées par le cerveau au cours de l’effort, comme l’endorphine, vous vous sentirez mieux (8).

On a parfois accusé nos champions qui montraient une débauche de « watts » lors d’ascensions en montagne, d’avoir dissimulé dans le cadre de leur vélo de course un micromoteur et une micro-batterie électrique : les contrôles par infrarouge en course et par rayons X au garage ont montré que c’était faux. Par contre le dopage chimique par détournements de médicaments reste toujours possible, mais la chimie analytique fait continuellement des progrès et les risques de se voir rattraper par la patrouille toujours plus probables.

Pour vous en pédalant au fil des kilomètres, dopez-vous de grand air pur et de paysages apaisants, alors vous réussirez vos vacances.

Jean-Claude Bernier
Juillet 2024

 

(i) (CO2e) pour CO2 équivalent, unité créée par le GIEC pour mesurer et comparer les effets climatiques d’un gaz à effet de serre, sachant que les différents gaz n’ont pas le même impact sur l’effet de serre et ont une durée de vie dans l’atmosphère différente.
(ii) rénovation
 


Pour en savoir plus
(1) Les matériaux dans le sport, (r)évolutionnaires !, P. Bray, O. Garreau et J.-C. Bernier, fiche Chimie et... en fiches cycle 4 (Mediachimie.org)
(2) Les matériaux de la performance C. Agouridas, J.-C. Bernier, D. Olivier et P. Rigny, La chimie dans le sport, collection Chimie et... Junior (EDP Sciences, 2014)
(3) Les céramiques et les réfractaires, indispensables à l’industrie primaire, J. Poirier, Colloque Chimie et matériaux stratégiques, novembre 2022
(4) Comment fabriquer des pneus à partir d’un arbre ? La vulcanisation,  J.-C. Bernier, série Réaction en un clin d'œil (Mediachimie.org)
(5) Le lithium un élément chimique indispensable pour notre mobilité actuelle, É. Bausson, fiche Chimie et... en fiches cycle 4 (Mediachimie.org)
(6) Comment verdir les métaux ? J.-C. Bernier et F. Brénon, éditorial (Mediachimie.org)
(7) Les batteries sodium-ion, J.-C. Bernier, éditorial (Mediachimie.org)
(8) Sport et cerveau, C. Agouridas, J.-C. Bernier, D. Olivier et P. Rigny, La chimie dans le sport, collection Chimie et... Junior (EDP Sciences, 2014)

 

Crédit illustration : Pexels / Pixabay

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Les pistes d’athlétisme

On ne sait pas comment est mort Philippidès après avoir parcouru les 42 km entre Marathon et Athènes pour annoncer la victoire sur les Perses, à bout de souffle ou les pieds meurtris, car il n’y avait dans l’Antiquité ni
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On ne sait pas comment est mort Philippidès après avoir parcouru les 42 km entre Marathon et Athènes pour annoncer la victoire sur les Perses, à bout de souffle ou les pieds meurtris, car il n’y avait dans l’Antiquité ni revêtement des chemins ni chaussures adaptées à la course. Depuis le renouveau des Jeux Olympiques on porte maintenant une grande attention non seulement aux athlètes et aux champions mais aussi à leur environnement stades, pistes de courses, accessoires sportifs (1). La piste d’athlétisme où sont courues la plupart des épreuves de sprint et de fond a une grande importance dans ces jeux.

Un peu d’histoire

En Europe c’est vers 1850 que les stades ont pris leur forme actuelle composée d’une piste oblongue, deux lignes droites et deux courbes les réunissant faisant environ 400 m ou 440 yards. Sur le modèle des jeux de la Grèce Antique qui à Olympie aux alentours de 800 ans av. J.-C. regroupaient les athlètes venant de toutes les régions sous domination grecque.

Au XIXe siècle et début du XXe les pistes étaient cendrées (on brulait pas mal de charbon à cette époque), composées de terre et de cendres et l’anneau de la piste était séparé en couloirs (6 à 9) pour les courses de sprint à l’aide de cordes suite à une contestation lors du 400 m aux jeux de 1908. Ces cordes assez gênantes entre compétiteurs voisins furent vite abandonnées au profit de marquages au sol à l’aide de peinture blanche ou de poudre blanche. Ces pistes grises cendrées favorisaient les chutes, dérapages et les blessures. Les revêtements furent remplacés progressivement par de l’herbe ou par de la brique pilée après 1930, ce qui va leur donner une teinte rouge orangée comme sur les terrains de tennis. La technique s’étant améliorée le terrain de la piste comprend plusieurs couches : des cailloux ou graviers – du mâchefer – du calcaire concassé – de la brique broyée finement le tout damé sur environ 6 cm.

Puis dans les années 1950 on arrive à remplacer le revêtement des routes par de l’asphalte (2) qui comprend du goudron issu de la distillation du charbon avec beaucoup d’hydrocarbures non saturés comme liant et un granulat de gravier. À cause de son caractère cancérigène le goudron sera progressivement remplacé par le bitume issu des fractions lourdes du pétrole comportant elles des hydrocarbures saturés. Les années 1960 montrent des pistes d’athlétisme nouvelles, avec un colorant rouge. Ces pistes bitumées (10% de bitume et 90% de granulat de tailles choisies) vont apporter un entretien facilité une porosité contrôlée pour l’évacuation des pluies et une durée améliorée. Mais elles seront vite détrônées.

Les pistes modernes

En 1959 le directeur de 3M du Minnesota passionné de course de chevaux souhaite une piste pour eux ménageant leurs muscles et évitant les blessures. 3M étant spécialisé dans les films plastiques, il teste alors un revêtement constitué d’élastomère et de caoutchouc dans un élevage de chevaux appelé « Tartan », le nom restera bien qu’il n’ait rien à voir avec un vêtement traditionnel écossais. Ce « ruban » s’avérera trop couteux pour les kilomètres de piste d’un hippodrome, aussi 3M le propose aux stades d’athlétisme. C’est ainsi que dès les Jeux de 1968 à Mexico une piste en Tartan « rouge » est inaugurée. Est-ce la qualité de la piste ou l’altitude à 2200 m qui entraine une exceptionnelle chute des records olympiques précédents ? Les deux sans doute (3).

Après, les pistes évolueront en épaisseur et en quantité de polyuréthane ainsi que leur couleur, bleue à Rio en 2016 pour améliorer la concentration et le calme des athlètes, rouge de nouveau à Tokyo au Japon pour mieux satisfaire les télévisions.
La piste à Tokyo en 2021 fabriquée sur mesure par l’entreprise italienne Mondo ne fait que 14 mm d’épaisseur. Au-dessous du polyuréthane sont disposés des granulés de caoutchouc en design hexagonal qui ménagent de petites poches d’air. La piste absorbe l’énergie des coureurs et la renvoie avec un effet « trampolino » dans le sens de la marche. Plusieurs coureurs ont dit qu’ils avaient l’impression de « courir sur de l’air » ou de « marcher sur des nuages » sur cette piste très rapide. Il faut dire aussi que les grands fabricants de chaussure de sprint ont fait des efforts. Les chaussures « miracles » ont une semelle élastique avec crampons disposés en hexagone doublée d’une semelle rigide en carbone, des couches de mousse en polyester et polyamide recouverts d’un tissu imper respirant de type « Gore-Tex ».

De plus les fabricants ont fait un réel effort de développement durable et par souci de l’environnement : les mousses de polyamides viennent d’un bioprocédé rendu célèbre par Arkema utilisant des graines de ricin (4) et leur expansion est faite par insufflation d’azote qui les garantit exemptes de CFC, HCFC ou COV (composés organiques volatils). Par ailleurs le principal fabricant a mis en place une chaine de recyclage (5).

La conjonction des chaussures et de la piste apporte un progrès sur les temps de course en sprint et en fond de l’ordre de 2 à 4% ce qui fait dire au roi du sprint Usain Bolt « avec ces chaussures je serais passé au 100 m sous les 9"50 ! ». Car entre 1912 et 2021 pour le 100 m on est passé de la cendrée au Tartan et de 10,6 à 9,58 secondes !

La piste de Paris

Pour les Jeux 2024 à Paris qui vous intéressent au plus haut point, c’est encore le stade de France qui sera doté d’une piste « Mondotrack EB » qui a nécessité 1000 rouleaux de polyéthylène et polyuréthane avec leur support caoutchouté d’épaisseur 15 mm déroulés sur la piste il a fallu 2 800 pots de colle et elle est de couleur violette ! Oui vous avez bien lu : Violette. Comme d’habitude la France se singularise, fini le rouge ou le bleu, c’est le violet, choisi pour apaiser les compétiteurs et peut être les politiques et faire plaisir aux caméramans de télévision. La piste sera en violet clair et les zones de service en violet plus sombre. De plus, obéissant aux tendances de « green washing », le fabricant a incorporé dans la charge minérale des coquilles de moules et d’huitres broyées (soit du calcaire ou carbonate de calcium) ce qui permet de dire qu’il y a pour cette piste au moins 50% de matériaux renouvelables bien mieux qu’à Londres (6). En principe la piste devrait être finie début juin et un premier gala est prévu pour essais le 25 juin.

Certains esprits chagrins ou radicaux avaient émis des réserves sur les granulats de caoutchouc utilisés pour les terrains de sports avec la crainte de libérer des HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques). On peut rappeler que les sprinters n’y passent que quelques secondes et sont donc peu exposés, mais plus sérieusement rappeler surtout que deux réglementations suivies par les fabricants sont impératives et protectrices. Le règlement CLP définit que pour que les granulats de caoutchoucs soient considérés sans danger, ils doivent rester en deçà de certains seuils spécifiques quant à la présence de substances classées dangereuses telles que certains HAP.

Le règlement REACH indique que seuls les granulats de caoutchoucs considérés sans danger sont autorisés pour la fabrication de terrains de sports.

Alors bons jeux, vibrez à Paris ou devant la télévision, la chimie (7) ne sera pas seulement présente sur les revêtements de piste mais sur les sautoirs, les courts, les terrains, les maillots, les prothèses partout pour les jeux olympiques et paralympiques.

Jean-Claude Bernier
Juin 2024

 

Pour en savoir plus :
(1) Chimie et Sports en cette année Olympique et Paralympique, Conférences du Colloque du 7 février 2024
(2) Les infrastructures de transport : les apports de la chimie dans les projets d’avenir, H. Van Damme, Colloque Chimie et Transports, avril 2013, Fondation de la Maison de la chimie
(3) Optimisation des performances, complexité des systèmes et confrontation aux limites J.-F. Toussaint, La chimie et le sport (EDP Sciences, 2011) isbn : 978-2-7598-0596-9, p. 45
(4) Comment faire des polyamides à partir d’huile de ricin ? Du ricin au Rilsan®, une réaction de polymérisation à la française, J.-P. Foulon, Réactions en un clin d’œil, Mediachimie.org
(5) Les matériaux au service de la performance de la chaussure, A. Lahutte, Conférence Chimie et Sports en cette année Olympique et Paralympique, février 2024, Fondation de la Maison de la Chimie
(6) Un stade plus écologique est-il possible ?, A. Harari, Question du mois, Mediachimie.org
(7) 2023-2024 : Sports et chimie, une sélection de ressources pour découvrir et comprendre pourquoi la chimie occupe une place si importante dans le domaine du sport de haut niveau (Mediachimie.org)

 

Crédit illustration : Visuel du stade de France / Paris2024.org

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Sur le devant de la scène

Elle offre ses courbes et ses méandres à ceux qui veulent bien la voir le long des quais, du haut de certains monuments mais aussi en amont et en aval de la capitale. Elle sera reine le 26 juillet car sur plus de 6 km
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Elle offre ses courbes et ses méandres à ceux qui veulent bien la voir le long des quais, du haut de certains monuments mais aussi en amont et en aval de la capitale.

Elle sera reine le 26 juillet car sur plus de 6 km elle accueillera plus de 10 500 athlètes, et offrira un spectacle à des milliers de spectateurs qui sans doute « en prendront plein les Jeux ». Au-delà du 26 juillet, elle sera le théâtre de compétitions de nage en eau libre, de l’épreuve de natation des triathlètes des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.

Mais tout ceci ne sera possible que si son eau est dépolluée, si les bactéries ont disparu pour rendre à ce fleuve l’honorabilité qui lui revient après les récurrentes promesses faites depuis plus de 20 ans par nos politiques.

La Seine sera sans doute sur le devant de la scène grâce à la chimie et à l’expertise de ces acteurs industriels qui s’intéressent à l’eau. Au-delà des Jeux, ce sujet est primordial, vital, parfois préoccupant car soit nous allons en manquer soit nous allons être confrontés à des zones fluviales ou autres étendues aquatiques polluées par des rejets industriels et humains.

Mediachimie.org s’intéresse à ces sujets depuis de nombreuses années et explore les avancées, les problématiques, les solutions apportées. Laissez-vous guider au fil de l’eau pour découvrir toutes ces ressources et comprendre, réfléchir et prendre conscience si ce n’est déjà le cas de ce sujet ESSENTIEL !

Jean Gomez

 

Quelques ressources à explorer sur le site www.mediachimie.org :

 

Crédit illustration : Cérémonie d'ouverture, l'embarquement des athlètes, © Paris 2024 - Florian Hulleu

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Plus vert que vert ; l’hydrogène blanc ou l’hydrogène naturel

Le dihydrogène H2 est un gaz très léger, insipide et incolore. Mais depuis quelques années en fonction de son origine on lui a collé presque toutes les couleurs de l’arc en ciel ! Noir ou gris s’il est préparé à partir du
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Le dihydrogène H2 est un gaz très léger, insipide et incolore. Mais depuis quelques années en fonction de son origine on lui a collé presque toutes les couleurs de l’arc en ciel ! Noir ou gris s’il est préparé à partir du charbon ou du méthane, vert ou jaune s'il est préparé par électrolyse de l’eau (1) avec une électricité issue des énergies renouvelables ou nucléaire, de gris il devient bleu si on récupère le CO2 lors de sa synthèse. Tout le code des couleurs y était passé jusqu’à ce que plus récemment on lui trouve la couleur blanche originelle ? oui… Puisqu’il s’agit de l’hydrogène natif issu tout seul de notre bonne vieille Terre comme des restes et souvenirs qui lui restent après les condensations des atomes à la suite du Big–Bang.

La première fois que j’ai entendu parler de l’hydrogène « naturel », c’est lors de discussions avec le professeur Armand Lattes lors de nos nombreuses rencontres à la SCF au milieu des années 2000. Il avait eu connaissance d’émanations d’hydrogène en Russie et en Ukraine et, par l’intermédiaire d’un de ses jeunes thésards à Toulouse Viacheslav Zgonnik, prit contact avec un géologue russe V. N. Larin qui était spécialiste du contexte géologique de ces émanations. À l’époque nous pensions (à tort) qu’il s’agissait de l’influence du réchauffement climatique sur le permafrost. Alerté par Armand Lattes l’IFPEN (i) ne dut qu’à la présence d’Hervé Toulhoat (2) de lancer un programme exploratoire qui a abouti à de très sérieuses connaissances scientifiques prolongé par un Groupement de Recherche (GDR) coopératif HydroGeMM sur l’hydrogène du sous-sol considéré au départ comme une joyeuse galéjade toulousaine !

20 ans après, avec l’engouement pour l’énergie décarbonée, les gisements géants d’hydrogène ne font pas que rêver les chercheurs du CNRS et de l ‘IFPEN mais aussi nombre d’entreprises minières dont 40 compagnies multiplient les explorations et forages de par le monde en 2024.

Comment se forme cet hydrogène « natif »

Au moins trois processus ont été identifiés :

  • a) dans les fosses océaniques profondes aux endroits où deux plaques continentales se chevauchent des émanations volcaniques ont été vues : des « fumées noires » avec des émanations de sulfures métalliques, de sulfates et d’hydrogène dans un fluide à 300° C , acide à pH 3 et constituant un milieu extrême prébiotique ou des archaebactéries transforment ces sources de soufre, d’oxygène et d’hydrogène en ATP (ii) source énergétique de la vie (3). Sont également vues des émanations de fumées blanches à températures plus basses 60° à 70°C et des excrétions de carbonate de calcium CaCO3, de magnésite principalement constituée de carbonate de magnésium et de silicates (4).
    On parle alors en ces domaines de serpentinisation avec des réactions suivantes :
    3 Fe2SiO4 + 2 H2O = 2 Fe3O4 + 3 SiO2 + 2 H2
    2 Fe3Si2O5(OH)4 + 6 Mg(OH)2 = 2 Mg3Si2O5 (OH)4 + 2 Fe3O4 + 6 H2
    (Chrysolite ferreuse) (iii) + Brucite (Mg(OH)2) = Serpentine (iv) + Magnétite (Fe3O4) + dihydrogène
     
  • b) La radioactivité naturelle dans certaines croûtes terrestre peut, par radiolyse, décomposer l’eau
  • c) l’oxydo-réduction dans des zones cratoniques
    Au début de l’Archéen, période de l’histoire de la Terre comprise entre 4 et 3 milliards d’années, l’océan était dépourvu d’oxygène et contenait du fer ferreux (Fe2+) en solution. Avec l’oxygénation des océans, ce fer ferreux s’est oxydé en fer ferrique (Fe3+) et il s’est déposé sous la forme de couches d’oxydes de fer tels que la magnétite (Fe3O4) et l’hématite (Fe2O3), alternant avec des dépôts d’argiles et de carbonates. Ces dépôts successifs, qui s’expliquent par une sédimentation sous une épaisseur d'eau variable avec une concentration plus ou moins importante d’oxygène, se sont formés au cours du temps, entraînant ainsi la formation d’importants gisements de minerais de fer (5)

    Les couches situées à moindre profondeur ont été oxydées par les pluies et les eaux de surfaces contenant de l’oxygène. Par contre celles situées à plus grande profondeur, plusieurs centaines de mètres, baignées par de l’eau anoxique d’un aquifère profond peuvent engendrer un flux d’hydrogène suivant la réaction :
    2 Fe3O4 + H2O = 3 Fe2O3 + H2

Une exploitation industrielle ?

Les flux d’hydrogène issus des rides médio océaniques et volcans sous-marins à très grande profondeur sont difficilement exploitables. Ces rides dues au mouvement des plaques continentales peuvent aussi s’observer à terre dans certaines régions dans l’Afar (en Éthiopie) ou en Islande par exemple. Des recherches sur la possibilité d’exploitation de l’hydrogène à côté de l’usage des calories en géothermie mériteraient d’être conduites. Par contre le mécanisme d’oxydoréduction par la magnétite ouvre un horizon immense car ces nombreuses zones cratoniques, aires sédimentaires anciennes datant de 2 à 3 milliards d’années, sont nombreuses dans le monde et incitent les compagnies minières exploitant le minerai de fer à aller voir plus en profondeur si des flux d’hydrogène sont décelables.

Le journal du CNRS de décembre 2023 citait la découverte de dihydrogène par le laboratoire de GéoRessources de Nancy lors de forages au-dessous de couches de charbon exploitées dans d’anciennes mines de Lorraine. D’abord menés afin de trouver du méthane, mais surprise, plus on descendait en profondeur plus la teneur en hydrogène dans le méthane augmentait pour atteindre 15% à 1100 m. Des travaux menés avec l’IFPEN et les géologues amènent à penser que par extrapolation la teneur pourrait dépasser 90% à -3000m !

D’où l’enthousiasme des chercheurs qui pensent avoir trouvé en Lorraine un gisement de plus de 40 millions de tonnes d’hydrogène naturel. De la découverte à l’exploitation il y a encore un long chemin. Une seule compagnie au monde, Hydroma au Mali, exploite depuis 4 ans, un puits qui produit de l’hydrogène pur à 96%, à la pression de 4 bars et utilisé pour alimenter une turbine à gaz qui produit de l’électricité localement. Par vision aérienne on a identifié des zones de dépression circulaires de rayon de quelques centaines de mètres où rien ne pousse ; en Russie, en Ukraine, aux Etats unis, au Brésil les géologues les appellent « les ronds de sorcière », de l’hydrogène s’en échappe de façon non constante et non continue mais non négligeable : ces zones sont dans des aires cratoniques.

Une nouvelle source d’énergie décarbonée ?

De nombreuses compagnies minières ou leaders dans l’énergie s’intéressent à ce nouveau paradigme non prévu dans la planification énergétique. C’est que le prix de l’hydrogène gris est en moyenne inférieur à 2$/kg, le vert proche de 6$/kg alors que le blanc revient à 1$/kg.

La compagnie NH2E (v) aux États-Unis a foré un premier puits au Kansas. En France la société 45-8 Energy a obtenu en décembre 2023 l’autorisation de recherche dans les Pyrénées, TBH2 en Aquitaine et plus de 40 compagnies se lancent dans de telles recherches. Car selon un modèle de l’institut d’études géologiques des États-Unis (USGS) de 2022, la captation efficace des réserves mondiales pourrait satisfaire la demande énergétique globale pendant plus de 1000 ans (6).

Revenons sur terre cependant : rien ne garantit que l’hydrogène natif tienne ses promesses, la captation, son stockage, sa distribution poseront les mêmes problèmes que l’hydrogène gris ou vert. Sa compression ou sa liquéfaction consomment plus de la moitié de son potentiel énergétique. Mais les optimistes font remarquer que si on s’était arrêté à la fin du XIXe siècle aux faibles manifestations de présence du pétrole en surface on n’aurait jamais exploité les immenses réserves de l’or noir.

En sera–t-il de même pour l’or blanc ?

Jean-Claude Bernier
Avril 2024

 

(i) IFP Energies nouvelles
(ii) Adénosine triphosphate
(iii) La chrysolite ferreuse est le silicate de magnésium et de fer II (Mg, Fe) 2 SiO4;
(iv) La serpentine est une famille de minéraux du groupe des silicates. Formule chimique : (Mg,Fe,Ni)3 Si2O5(OH)4
(v) Natural Hydrogen energy https://www.nh2e.com/
 


Pour en savoir plus
(1) Qu’est-ce que l’hydrogène vert ?, F. Brénon, Question du mois, Mediachimie.org
(2) IFPEN et l’hydrogène naturel, H Toulhouat, L’Actualité Chimique N° 483 (avril 2023) p. 11-12
(3) Les origines de la vie, du minéral aux biomolécules, d'après la conférence de T. Georgelin, Colloque Chimie, aéronautique et espace, novembre 2017, Fondation de la Maison de la Chimie
(4) Hydrates de gaz et hydrogène : ressources de la mer du futur, J.L. Charlou,  La chimie et la mer (EDP Sciences, 2009) isbn : 978-2-7598-0426-9, p. 99
(5) Action de l’eau sur le fer, G. Chaudron, C. R. Acad. Sci., 159 (1914) pp. 237-239, gallica.bnf.fr
(6) Le dihydrogène est-il une solution d’avenir pour lutter contre le réchauffement climatique ?, É. Bausson, F. Brénon et G. Roussel, Dossier pédagogique Nathan / Mediachimie (Mediachimie.org)

 

Crédit illustration : source image rcphotostock /pexels

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Des textiles d'athlètes pour les volontaires des JOP Paris 2024

À J -125, la tenue des 45 000 volontaires des Jeux Olympiques et Paralympiques élaborée par Décathlon a été dévoilée. Ces tenues, puisque plusieurs pièces (chaussures, chaussette, pantalon double fonction, tee-shirts,
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À J -125, la tenue des 45 000 volontaires des Jeux Olympiques et Paralympiques élaborée par Décathlon a été dévoilée. Ces tenues, puisque plusieurs pièces (chaussures, chaussette, pantalon double fonction, tee-shirts, chapeau, banane, marinière transformable, chapeau, sac) constituent ce bagage vestimentaire, ont été testées par les athlètes et élaborées par le fabricant en répondant aux critères suivants : déperlance, élasticité, résistance, ergonomie.

Cet uniforme des volontaires fortement identifiable allie fonctionnalité et confort. Il est annoncé comme éco-conçu, moderne et modulable. Dans une volonté d’éco-conception et d’éco-responsabilité, l’ensemble de cette panoplie, unisexe, a été réalisée avec une part importante de Made in France.

La chimie, une fois de plus, a œuvré pour proposer des textiles adaptés aux volontaires. Si dans ce cas la quête de performances sportives n’est pas de mise, il n’empêche que les textiles proposés répondent en tous points à ceux des sportifs de haut niveau et donc aux contraintes de température extérieure, de température du corps et aux critères fixés ci-dessus par le COJO.

Pour en savoir plus sur le sujet consultez nos articles :

Alors ouvrons grands les jeux !

Jean Gomez

 

Crédit illustration : © Paris 2024 x Decathlon
 

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Des matériaux pour des sauts olympiques

J’avais dans un premier temps voulu intituler cet édito une chimie pour s’envoyer en l’air mais des interprétations ambiguës pouvaient complétement dénaturer le propos. Il s’agit bien ici en 2024 de parler des épreuves
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J’avais dans un premier temps voulu intituler cet édito une chimie pour s’envoyer en l’air mais des interprétations ambiguës pouvaient complétement dénaturer le propos. Il s’agit bien ici en 2024 de parler des épreuves olympiques qui permettent à certains athlètes de s’élever loin du sol et de vaincre la pesanteur pour établir un nouveau record. Deux épreuves retiennent notre attention, l’une discipline olympique depuis 1896 lorsque le baron Pierre de Coubertin l’introduit dans les premiers Jeux olympiques de l’ère moderne, le saut à la perche, l’autre plus récente intégrée aux Jeux de Sydney en 2000 est la version gymnastique d’un jeu de jardin, le trampoline.

Le saut à la perche

Utilisé dans la Grèce antique comme moyen pour franchir les ruisseaux à l’aide de longues tiges de bois on en retrouve trace dans des jeux irlandais vers 550 av. J.-C. sous forme de saut en longueur. Au XVIIIe siècle aux Pays-Bas, le Fierljeppen est un jeu consistant à franchir une rivière avec une longue perche de plusieurs mètres. Ce n’est que fin du XIXe siècle que les sauts en longueur laissent la place aux sauts en hauteur avec une impulsion du coureur vers le haut et non plus horizontale. Intégré dans les championnats anglo-saxons les règles s’imposent progressivement et en 1892 les championnats de France couronnent un stadiste avec un saut à 2,41 m. En 1896 c’est un Américain William Hoyt qui remporte la médaille d’or des premiers Jeux avec un saut à 3,30 m.

Commence alors la course aux matériaux pour la perche. Au départ perches en bois rigides peu flexibles puis en Bambou un matériau composite naturel (1) qui plie sans nécessairement se rompre. Viennent ensuite des alliages d’aluminium et de cuivre dont les coefficients d’élasticité ont été optimisés et enfin des perches en composites avec des nappes de fibres de verre cylindriques bien collées par des polyesters et mieux encore des fibres de carbone tressées et enserrées dans un polymère (2). Ces dernières perches peuvent se plier largement et se déplier en lançant l’athlète vers le haut. C’est très grossièrement un réservoir d’énergie car il s’agit bien dans cette compétition d’accumuler et de restituer le maximum d’énergie.

Pour un athlète de 80 kg et pour sauter à 5 m il faut 80 x 10 x 5 = 4000 J avec une seule impulsion. Un athlète capable de développer 1,3 kW en 0,3 seconde (saut à pieds joints) n’atteindra que 70 cm. Il faut donc une course d’élan qui va donner une énergie cinétique Ec = ½ mv2, une énergie potentielle de l’athlète capable avec les bras et les muscles des abdominaux de se retourner et de pointer vers la barre, Ep, et bien sûr l’énergie de flexion restituée par la perche vers le haut Ef.


L’équation totale est alors Etotale = Ec + Ep + Ef qui permet en une seconde d’atteindre la puissance (i) nécessaire pour sauter 5 m et plus. La perche en composite absorbe et restitue l’énergie comme un arc qui a été tendu et qui va lancer une flèche vers la cible. Les perches en composites doivent allier rigidité et flexibilité, elles ont une longueur comprise entre 5 et 6 m et pèse environ 20 kg (3). C’est pourquoi on voit au début de la course d’élan le sauteur porter la perche verticalement et l’abaisser progressivement avant de l’enfoncer dans le butoir et de donner son impulsion vers le haut. C’est un moment crucial car la propulsion doit être dirigée vers le haut et vers l’avant sinon le sauteur s’expose à un « retour piste » très dangereux car il retombe sur la piste et non sur les matelas de mousse en polyester de l’autre côté du sautoir. Discipline très exigeante, ce n’est que depuis 2010 que les recordmen tutoient les 6 mètres ; d’abord l’ukrainien Sergueï Bubka, puis le français Renaud Lavillenie et depuis 2023 Le Suédois Armand Duplantis à 6,23 m. Y a-t-il encore des degrés de progression ? Seuls l’entrainement et la recherche en matériaux nouveaux nous l’apprendront.

Le trampoline

C’est dans les années 1930 qu’un jeune américain Georges Nissen, en voyant au cirque les trapézistes se laisser tomber dans un filet, a l’idée de fabriquer un appareil qui leur permettrait de rebondir avec un tissu accroché à un cadre rigide par des ressorts. Avec trois amis il fait une tournée aux États-Unis et au Mexique pour populariser son invention qui est baptisée « el trampolin » en espagnol. C’est en 1941 qu’il crée la première société de fabrication des trampolines qui sont utilisés pour l’entrainement des pilotes, et c’est après 1950 que des épreuves de trampoline sont intégrées dans les compétitions universitaires d’athlétisme. Les premiers championnats du monde voient le jour en 1964 et en 1980 le trampoline est intégré comme sport de démonstration dans les Jeux olympiques et ne devient sport olympique qu’en 2000 aux Jeux de Sydney.

Le trampoline de compétition est constitué d’un cadre métallique de 4x2 m situé à 1,15 m du sol et entouré de matelas de mousse de polyester pour la sécurité des gymnases. Le tapis de sol est en polypropylène avec des mailles très serrées (260 g/m2(4) accroché par des œillets métalliques au cadre par 120 ressorts en acier dur à teneur en carbone supérieure à 0,45% et souvent galvanisés (5). Les athlètes par impulsion sautent sur le tapis de saut qui avec les ressorts leur restituent de l’énergie et peut les propulser à chaque impulsion à plus de huit mètres en hauteur. Les acrobaties et figures dans les airs, sauts périlleux, retournés, rouleaux, etc. sont appréciés par un jury qui donne une note technique et artistique. Les champions olympiques 2020 sont Ie biélorusse Ivan Litvinovich et chez les femmes la chinoise Zhu Xueying. En 2024 la compétition doit se dérouler à l’Arena Bercy le 2 août. En fait c’est plutôt l’activité de loisirs qui a entrainé les compétitions. On trouve pour quelques centaines d’euros des trampolines de jardin de formes carrée ou circulaire avec un tapis de saut protégé par des coussins et un filet de protection pour la sécurité des enfants. Les salles de sport ont aussi installé des « jumping fitness » où il s’agit de faire des exercices de sport sur trampoline, une séance de 15 minutes remplaçant le jogging.

Dans ces deux sports, le saut à la perche et le trampoline, les forces musculaires alliées à la technologie des matériaux sont une belle démonstration de l’énergie déployée, conservée et amplifiée, non seulement pour atteindre des records mais pour décrire des trajectoires et sauts de toute beauté.

Jean-Claude Bernier
janvier 2024

(i) La puissance est l’énergie libérée pendant un certain temps.

 

Pour en savoir plus
(1) Les matériaux composites dans le sport,Y. Rémond et J.-F. Caron, in La chimie et le sport (EDP Sciences, 2011) isbn : 978-2-7598-0596-9
(2) Les matériaux de la performance, C. Agouridas, J.-C. Bernier, D. Olivier et P. Rigny, in La chimie dans le sport, collection Chimie et... Junior (EDP Sciences, Fondation de la Maison de la Chimie, 2014), isbn : 978-2-7598-1238-7
(3) Les matériaux dans le sport, (r) évolutionnaires !, P. Bray, O. Garreau et J.-C. Bernier, Fiche Chimie et... en fiches (Mediachimie.org)
(4) Les textiles et les vêtements pour le sport, C. Agouridas, J.-C. Bernier, D. Olivier et P. Rigny, in La chimie dans le sport, collection Chimie et... Junior (EDP Sciences, Fondation de la Maison de la Chimie, 2014), isbn : 978-2-7598-1238-7
(5) Corrosion des métaux et protection, D. Soissons, Dossier pédagogique Nathan / Mediachimie (Mediachimie.org)
 

Crédits illustrations : Perche par andreas N / Pixabay ; Trampoline, Finale Jeux olympiques de la jeunesse d'été de 2018, Martin Rulsch, CC BY-SA 4.0, Wikimedia Commons

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Deux enfants terribles pour le climat, el Niño et La Niña

Des températures anormalement élevées cet automne en France, des précipitations fortes et continues en Europe en novembre, des cyclones à répétition dans le Pacifique Sud m’ont fait consulter les relevés de température
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Des températures anormalement élevées cet automne en France, des précipitations fortes et continues en Europe en novembre, des cyclones à répétition dans le Pacifique Sud m’ont fait consulter les relevés de température globale de la moyenne atmosphère des organismes américains utilisant les satellites depuis 1979 (figure 1) (1).


Figure 1. Température de la basse atmosphère au niveau mondial basée sur le satellite UAH, jusqu'en septembre 2023

J’ai été surpris par le pic détecté pour octobre 2023 à plus de +0,91°C, bien au-delà du record relevé en 1998 de +0,6°C. D’après les climatologues ce serait dû à des phénomènes de dynamique des océans et en particulier de l’océan Pacifique. Je me suis alors rappelé un séjour au Chili invité par des collègues universitaires à Santiago et à Valparaiso. C’était une visite de l’École supérieure de la pêche dans cette dernière université où j’ai vu des écrans Sonar montrant l’abondance de bancs de poissons le long des côtes Ouest de l’Amérique du Sud attirés par la remontée d’eaux froides. On m’avait alors expliqué les phénomènes climatiques « la Niña » et « el Niño ». Depuis, ces deux manifestations de la dynamique des océans et leur influence sur le climat de la planète « La Niña » et « el Niño » ont eu les honneurs de la presse mondiale qui en a constaté leurs influences (2) sans que les scientifiques en comprennent bien les origines.

La Niña

Dans une situation normale dans le Pacifique Sud les alizés du sud-est sont bien établis autour de l’anticyclone de l’île de Pâques. Ces vents réguliers soufflent d’est en ouest entrainant les eaux chaudes de surface vers l’ouest. Ce déplacement provoque une remontée des eaux profondes froides à l’est du Pacifique le long des côtes du Pérou et du Chili et apparait au sud de l’équateur une langue froide. Ces eaux froides plus riches en nutriment à l’est attirent les bancs de poissons à la grande satisfaction des pêcheurs sud-américains. À l’ouest les eaux de surface sont plus chaudes et l’évaporation conduit à des précipitations plus abondantes vers l’Indonésie jusqu’au nord de l’Australie. Si la Niña se prolonge, elle peut entrainer des inondations dans ces pays (figure 2).


Figure 2. Conditions La Niña, superposée sur la carte des anomalies de température moyenne de surface de la mer. En orange les zones de réchauffement de la surface de la mer, en bleu-vert les zones plus froides. Dessin NOAA Climate.gov de Fiona Martin.

El Niño

Lors d’un épisode El Niño les hautes pressions de l’anticyclone de l’île de Pâques faiblissent, les alizés s’arrêtent voire s’inversent, les eaux chaudes refluent vers l’est avec leurs cortèges de nuages chargés d’eau, les tempêtes et les ouragans apparaissent bien plus à l’est et affectent la Polynésie française et les côtes du Pérou avec de fortes précipitations qui provoquent des inondations et des glissements de terrain.

De plus, le long des côtes les eaux chaudes plus pauvres en nutriments n’attirent plus les poissons au grand dam cette fois des pêcheurs péruviens et chiliens (3). Au contraire à l’ouest, le temps est bien plus sec et lors d’épisodes El Niño des incendies peuvent frapper l’Indonésie et l’Australie (figure 3).

Le nom El Niño a été donné à ce phénomène par les pêcheurs qui l’ont observé, car il apparaissait à son maximum souvent en décembre par référence au « petit garçon » ou « El Niño de Navidad », l’enfant Jésus célébré à Noël.


Figure 3. Conditions El Niño, superposée sur la carte des anomalies de température moyenne de surface de la mer. En orange les zones de réchauffement de la surface de la mer, en bleu-vert les zones plus froides. Dessin NOAA Climate.gov de Fiona Martin.

Les oscillations océaniques et le climat

Ces phénomènes couplés Océan /Atmosphère appelés ENSO (El Niño Southern Oscillation) par les météorologues dépendent principalement de la température des eaux de surface du Pacifique. Plus la température est élevée plus l’évaporation (4) est forte. A 15°C un m3 d’air au-dessus de la surface contient 13 g d’eau, à 26°C c’est presque le double (24 g/m3). D’où les fortes précipitations, la formation d’orages et un excédent de cyclones majeurs sur l’ensemble du Pacifique.

Dans le dernier épisode intense de El Niño de 1997/98, 18 cyclones y avaient été observés alors qu’en 1999 avec la Niña seuls 7 cyclones avaient été recensés sur l’ensemble de l’océan Pacifique. Ce phénomène se reproduit régulièrement avec une périodicité de 2 à 7 ans. Sont alors libérées davantage d’humidité et de chaleur dans l’atmosphère (5) ce qui conduit à une hausse des températures mondiales comme en 1998 et 2016 qui donnèrent des températures globales jusque-là jamais enregistrées. El Niño qui a commencé cet été et qui atteint son maximum en décembre est bien parti avec le réchauffement climatique (6) pour battre le record de température mondiale en 2023.

Ces oscillations océaniques font partie des phénomènes météorologiques encore peu expliqués, comme le « jet-stream » qui est un courant d’air se déplaçant à grande vitesse à haute altitude entre la troposphère et la stratosphère d’ouest en est et qui est mis à profit par les compagnies aériennes transatlantiques pour gagner du temps et économiser le carburant entre l’Amérique et l’Europe.

El Niño a semble-t-il aussi un effet sur ces jet-streams ; les précipitations augmentent en Californie et le courant jet polaire se déplace plus au sud. Ces courants d’air notamment en Atlantique Nord accompagnent aussi les tempêtes sur le « rail des dépressions » qui nait près de Terre-Neuve et lors des hivers doux et humides suit le 50° parallèle jusqu’aux Îles Britanniques et nos régions du Nord-Ouest.

Les météorologues suivent attentivement ces phénomènes planétaires et peuvent par exemple pour la France donner des tendances à 3 mois avec des probabilités pour cet automne à 70% plus chaud et à 50% plus humide que les normales.

Des études supplémentaires seront encore nécessaires pour expliquer tous ces phénomènes climatiques et les prévoir. La nature reste difficile à modéliser !

 

Jean-Claude Bernier
Novembre 2023


(1) UAH satellite based temperature of the global lower atmosphere, thru September 2023, site Dr Roy Spencer’s Global Warming Blog
(2) L’augmentation de température, Les conséquences du réchauffement climatique (vidéo) CEA 2015
(3) Une chimie de la mer pour l’avenir de la terre, E. Durocher, J.-P. Labbé, J.-C. Bernier, Fiche Chimie et... en fiches (Mediachimie.org)
(4) Changements d’état (vidéo) Palais de la découverte, hébergé sur le site www.canal-u.tv
(5) Chimie, atmosphère et climat, E. Durocher, J.-P. Labbé, J.-C. Bernier, Fiche Chimie et... en fiches (Mediachimie.org)
(6) Le changement climatique, C. Agouridas, J.-C.Bernier, D. Olivier et P. Rigny, La chimie, l'énergie et le climat, collection Chimie et... Junior, EDP Sciences, Fondation de la Maison de la Chimie (2017)

 


Circulation atmosphérique dans le Pacifique Sud au large du Chili : localisation des masses anticycloniques (A) et dépressionnaires (L), Isostasie123 - travail personnel, Wikimedia Commons (licence CC BY-SA 3.0)

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La transition énergétique ne tient qu’à un fil : les réseaux électriques

Le dernier rapport de l’agence Internationale de l’Energie (AIE) attire notre attention sur le problème des réseaux électriques (1) qui sans nouveaux investissements et développements de réseaux intelligents vont bloquer
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Le dernier rapport de l’agence Internationale de l’Energie (AIE) attire notre attention sur le problème des réseaux électriques (1) qui sans nouveaux investissements et développements de réseaux intelligents vont bloquer les transitions énergétiques. En effet, les transitions énergétiques en Europe et dans le monde s’appuient entre autres sur une électrification bas carbone. L’électricité va remplacer le gaz, elle va propulser les voitures particulières et les camions, les projets hydrogène vont multiplier les électrolyseurs, les champs d’éoliennes off-shore en mer et les fermes photovoltaïques dans les déserts exigent des liaisons et de longs réseaux fiables et intelligents (2).

Il existe au niveau mondial 80 millions de kilomètres de lignes dont 7% pour le transport longue distance (THT 400 kV et HT 225 kV)* et 93% pour la distribution (MT 15 à 30 kV et BT 400 et 240 V)* au total cela représente plus de 100 allers -retours terre – lune ! Pour la France on identifie environ 100 000 km de lignes HT et environ 580 000 km de lignes MT et 650 000 km de lignes BT dont à peu près 213 000 km souterraines.
La transition énergétique va augmenter l’électrification bas carbone du chauffage, de l’industrie, du transport (3). Dans la consommation finale d’énergie mondiale, l’électricité qui représentait 21% en 2022, devrait monter jusqu’à 35% en 2050. D’où le risque de ne pouvoir faire face à ces progressions si on ne peut relier par un conducteur la production d’électricité au consommateur. L’Allemagne s’est trouvée dans ce cas où sa production éolienne basée prioritairement dans le nord ne pouvait être acheminée dans les zones de consommation du sud. On peut ajouter que, dans les pays européens où la densité de population est plutôt forte, l’implantation d’une ligne haute tension (225 kV) peut prendre 6 à 12 ans pour obtenir les permis et être construite. C’est bien plus rapide en Chine et en Inde.

Les conducteurs

L’AIE estime vital de construire et rénover environ 80 millions de kilomètres de réseau, c’est-à-dire l’équivalent du réseau actuel qui serait doublé d’ici 2040. C’est demander le doublement des investissements actuels et aussi des ressources en matériaux.

En effet, quels sont les matériaux nécessaires pour acheminer l’électricité de la centrale à votre prise de courant ? Les grands spécialistes des câbles font appel à deux bons conducteurs : le cuivre Cu de conductivité ρ  = 59 106 S.m-1 l’Aluminium Al ρ = 37 106 S.m-1. L’aluminium est moins bon conducteur mais il est plus léger d=2,7 que le cuivre d= 8,9 et d’autre part les prix sont nettement différents 8 €/kg pour le cuivre et 2 €/kg pour l’aluminium. C’est pourquoi les alliages d’aluminium comportant comme additifs Mg et Si, parfois renforcés acier, sont utilisés pour les lignes aériennes HT, dites de transport, alors que le cuivre est plus utilisé pour les lignes basse tension (BT) dites de distribution et les lignes enterrées ou sous-marines (4).

Y aura-t-il suffisamment de métaux pour conduire cette (r)évolution ?

Le calcul est complexe : plus la tension est forte moins la section du câble est grande pour une puissance délivrée et donc le poids de conducteur par kilomètre est plus faible (5).

Pour le transport en haute tension par voie aérienne en fil d’aluminium il faut : 11 kg/Mw/km alors que pour la distribution en basse tension il faut 65 kg/Mw/km. Pour des conducteurs en cuivre il faut entre 101 kg/Mw/km et 438 kg/Mw/km suivant le transport ou la distribution de l’électricité. Une extrapolation sur les 88 millions de km de lignes à doubler dont 7% pour le transport et 93% pour la distribution donne respectivement 62 000 tonnes et 4,86 Mt d’aluminium et si la moitié de la distribution en basse tension est faite avec le cuivre il en faut 16,3 Mt.

Rappelons que les productions mondiales sont 67 Mt pour Al et 26 Mt pour le Cu. Pour la France on compte 100 000 km de lignes haute tension gérée par RTE, 586 000 km de moyenne tension (15-30 kV) et 650 000 km de basse tension (400 et 230 V) dont 230 000 km enterrées gérées par EDF. L’estimation des besoins en conducteur conduit à environ 40 000 tonnes d’Al et 286 000 tonnes de Cu s’il fallait doubler le réseau. Notons que dans l’infrastructure d’un réseau il y a aussi les pylônes (6) qui supportent le poids des lignes, ils sont environ 100 000. Ils peuvent atteindre 90 mètres en acier avec une dizaine d’isolateurs en céramique pour la THT. Ils relient entre eux les nœuds de connexion et surtout les postes de transformateurs HT /BT qui comportent des tonnes d’acier spéciaux fer silicium (3%) à grains orientés et à forte perméabilité magnétique, leur nombre est d’environ 4000 en France. D’ailleurs Enedis envisage de doubler ses investissements à 5,5 Mrds € par an comme RTE d’ici 2040 approchant des 10 Mrds € annuels pour le réseau électrique, coûts cachés de la transition.

Et la chimie où est-elle ?

Elle est déjà bien présente dans la chimie métallurgique de préparation de l’aluminium et du cuivre de qualités électriques, mais si vous avez déjà épluché un fil électrique vous avez constaté qu’autour de l’âme en cuivre une enveloppe plastique (7) jouait un rôle de protection et d’isolant. On utilise le polyéthylène pour les THT et HT, il peut être réticulé si on cherche une bonne résistance au froid (lignes de montagne). Les copolymères éthylène /propylène sont plus utilisés pour les moyennes et basses tensions. Les couches de caoutchouc et silicones qui ont de très bonnes résistances aux basses et hautes températures sont souvent présentes pour les câbles enterrés ou sous-marins.

Dans les transformateurs, outre les papiers siliconés de l’isolation, on trouve les huiles isolantes qui servent aussi de fluide caloporteur jusqu’aux radiateurs externes pour éliminer la chaleur due aux effets Joule et aux pertes par courants de Foucault. Ces huiles autrefois à base de PCB (polychlorobiphényle) remarquablement stables mais toxiques pour l’environnement ont été remplacées par des huiles mélangeant naphtènes (aromatiques) et alcènes à haut point éclair pour éviter les incendies.

Le prix des conducteurs, des isolants plastiques, des aciers à grains orientés (GO), des pylônes, des moyens de construction a explosé en 10 ans. Alors que les investissements dans les énergies renouvelables ont doublé en 10 ans, ceux en faveur des réseaux électriques sont restés stables. On a augmenté le volume du liquide dans le réservoir mais on n’a pas changé le petit robinet. Faute de prévision et dans un contexte de sous-investissement dans les réseaux s’est créé un goulot d’étranglement et on entre en dépendance du gaz et du charbon à la merci de coupures de courant dont l’impact économique est encore bien plus grand.

Jean-Claude Bernier
novembre 2023

 

*Très Haute Tension THT, Haut Tension HT, MT Moyenne Tension, BT Basse Tension

 

Pour en savoir plus
(1) Electricty grids and secure energy transitions (AIE) Octobre 2023
(2) Réseaux de transport de l’électricité et transition énergétique de S. Henry, article et conférence, Colloque Chimie et enjeux énergétiques, Fondation de la Maison de la chimie (2012)
(3) Le transport ou le stockage de l’énergie électrique, de C. Agouridas, J.-C. Bernier, D. Olivier et P. Rigny, in La chimie, l’énergie et le climat, collection Chimie et... Junior, EDP Sciences, Fondation de la Maison de la Chimie (2014), ISBN : 978-2-7598-2098-6 (2014)
(4) Câble High-Tech en PACA (vidéo, Des Idées plein la tech’) Virtuel / Universcience / Fondation Internationale de la Maison de la Chimie
(5) Les métaux stratégiques pour l’énergie, de B. Goffé, article et conférence, Colloque Chimie et enjeux énergétiques, Fondation de la Maison de la chimie (2012)
(6) Zoom sur quelques aspects de la corrosion des ouvrages d’art, de J.-P. Foulon, Zoom sur… Mediachimie.org
(7) Polymères stratégiques, sensibles pour l’industrie : bioressources, recyclage, quelle stratégie ?, de D. Bortzmeyer, article et conférence, Colloque Chimie et matériaux stratégiques, Fondation de la Maison de la chimie (2022)

 

Crédit illustration : Lignes à haute tension (Sagy, Val d'Oise), France, Spedona/JH Mora, travail personnel / Wikimedia Commons (licence CC BY-SA 3.0)

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Le sport, c’est de la chimie

Cette année la Fête de la science, année préolympique oblige, est consacrée au sport. La Fondation de la Maison de la Chimie et Mediachimie.org ont déjà largement étoffé le sujet. Rappelons le colloque « La Chimie et le
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Cette année la Fête de la science, année préolympique oblige, est consacrée au sport. La Fondation de la Maison de la Chimie et Mediachimie.org ont déjà largement étoffé le sujet. Rappelons le colloque « La Chimie et le sport » de mars 2010 qui va être renouvelé et actualisé par le prochain colloque en février 2024 « Chimie et sports olympiques ». En effet, le sport par ses multiples facettes fait appel à la chimie. C’est d’abord dans notre corps avec tous nos systèmes biologiques, puis dans notre cerveau où des hormones sont libérées, le tout avec une alimentation équilibrée et sans dopage. Mais si les performances s’améliorent c’est aussi grâce aux nouveaux matériaux.

La machine biologique

Quand on a une activité sportive nos muscles ont besoin d’énergie (1) (2). Cette énergie est stockée et transportée dans nos cellules sous forme de molécules d’ATP (adénosine triphosphate) qui par hydrolyse va donner un phosphate inorganique Pi et l’ADP (adénosine diphosphate) avec surtout de l’énergie libérée utilisable par l’organisme. L’ATP nous est fournie à chaque fois que nous respirons par l’oxygène transporté dans nos milliards de cellules et par le glucose ou les acides gras qui viennent de notre alimentation et sont transformés en ATP. Nos muscles sont composés de fibres où se juxtaposent deux types de protéines, l’actine et la myosine. Lorsque le cerveau commande un mouvement, le message acheminé vers le muscle comporte l’ATP mais aussi des ions calcium qui vont agir sur ces deux protéines et commander la contraction ou le relâchement. Pour que notre corps marche bien pour pratiquer un sport retenons qu’il faut de l’oxygène et donc bien respirer et des sucres et des protéines, donc bien s’alimenter.

Le cerveau

Ces molécules ne sont pas seules motrices pour la pratique du sport, il y a aussi des hormones qui sont fabriquées dans le cerveau (3) surtout par deux glandes, l’hypophyse et l’hypothalamus. C’est par exemple l’endorphine qui donne une sensation de bien-être. Notons aussi que pour les grands champions qui dépassent leurs limites les endorphines comme toute morphine a une capacité analgésique qui masque la douleur d’un effort intense (4). Une autre hormone, la dopamine, procure une sensation de plaisir et diminue la fatigue. On voit souvent son action lorsqu’un grand champion a gagné une course : son bonheur efface un peu les séquelles de son effort final. N’oublions pas non plus l’adrénaline que procure toujours un challenge que l’on se donne : elle augmente notre résistance au stress. Enfin une dernière sécrétion, celle de la sérotonine qui a une action sur la détente et le sommeil. Ce sont évidemment des libérations exacerbées par des entrainements intenses de nos grands champion. Mais nous en bénéficions lorsque nous pratiquons à notre niveau (5) un sport, des molécules qui ont des effets bénéfiques sur notre santé mentale et notre santé tout court !

Les matériaux de la performance

Usain Bolt est recordman du 100 m grâce à ses capacités naturelles et à son entrainement, mais aussi grâce aux super-chaussures (6) avec au moins 4 couches : une semelle externe élastique avec des crampons légers, une semelle interne rigide en composite carbone – carbone, une couche de mousse polyester, une tige et un tissu qui maintiennent le pied en PTFE. Les records en demi-fond le doivent aussi aux nouvelles pistes d’athlétisme en polyuréthane disposant en sous-couches de granulés de caoutchouc ménageant de petites poches d’air. La piste absorbe l’énergie mais le renvoie au coureur avec un effet « trampolino ».

Si Armand Duplantis a franchi 6,23 mètres au saut à la perche en septembre, c’est bien sûr dû à ses aptitudes acrobatiques et à son entrainement, mais aussi à sa perche fabriquée en matériau composite (7) avec des fibres de carbone noyées dans des polyesters. S’il avait eu un bambou ou une perche en aluminium il aurait plafonné à 4 ou 5 mètres.

Oui l’entrainement est essentiel mais la chimie des matériaux booste les performances en athlétisme mais aussi en ski, en canoé kayak, en voile et en vélo.

Pour courir il faut de l’essence

Vous avez déjà entendu ces commentaires de reporters sportifs concernant un battu à l’arrivée : « oui il n’avait plus de jus ». En effet il y a a nécessité pour les sports qui demandent un effort de longue durée, vélo, tennis, marathon…, d’avoir une bonne alimentation avant, durant et après l’effort : une bonne hydratation, des protéines légères ou des sucres assimilables rapidement durant l’effort et avant la compétition des sucres lents ou au contraire un aliment hyper protéiné et sans sucres. Eviter les boissons vitaminées et surtout les aliments dits « dopants ». Il y a toujours suivant les disciplines des soupçons de dopages, souvent avec des molécules de médicaments que l’on détourne de leur usage. Heureusement de plus en plus les fédérations internationales augmentent le nombre de substances interdites et les contrôles. La chimie analytique a développé pour cela des moyens de détection.

Bougez, courez, pédalez, sautez, lancez, jouez, vous allez déjouer le stress, vous éloignerez les maladies cardiovasculaires, l’obésité, l’ostéoporose et le « mal de dos ». En un mot vous vivrez mieux !

Octobre 2023
Jean-Claude Bernier

 

Pour en savoir plus
(1) Quelle chimie dans le sport ? épisode 1 : le métabolisme énergétique aérobie (video), R. Blareau, Blablareau au labo / Mediachimie
(2) Quelle chimie dans le sport  ? épisode 2 : les métabolismes énergétiques anaérobies (vidéo), R. Blareau, Blablareau au labo / Mediachimie
(3) Sport et cerveau, C. Agouridas, J.-C. Bernier, D. Olivier et P. Rigny, in La chimie dans le sport, collection Chimie et... Junior, EDP Sciences, Fondation de la Maison de la Chimie (2014), isbn : 978-2-7598-1238-7
(4) La fabrique des champions, C. Agouridas, J.-C. Bernier, D. Olivier et P. Rigny, in La chimie dans le sport, collection Chimie et... Junior, EDP Sciences, Fondation de la Maison de la Chimie (2014), isbn : 978-2-7598-1238-7
(5) Effets de l’exercice physique et de l’entrainement sur la neurochimie cérébrale : effets sur la performance et la santé mentale Ch.-Y. Guezennec Colloque La chimie et le sport, Fondation de la Maison de la chimie (2010)
(6) Chimie et pluie des records aux jeux de Tokyo, J.-Cl. Bernier, éditorial Mediachimie.org
(7) Les matériaux dans le sport, (r)évolutionnaires !, P. Bray, O. Garreau et J.C. Bernier, Fiche Chimie et… en fiches Mediachimie.org

 

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- Éditorial
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Comment est fabriqué le ballon de rugby ?

La Coupe du monde de rugby en France suscite en cet automne un engouement très britannique mais aussi très international avec ces vingt équipes venues du monde entier. On connait moins le rugby que le football avec ses
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La Coupe du monde de rugby en France suscite en cet automne un engouement très britannique mais aussi très international avec ces vingt équipes venues du monde entier. On connait moins le rugby que le football avec ses règles où se mélangent les passes en arrière et les mêlées organisées et où 30 athlètes affamés se disputent la possession d’un curieux ballon ovale.

En 2023 le ballon officiel de match « INNOVO » du fabricant du Sussex Gilbert n’a plus grand-chose à voir avec le ballon originel que prit à la main William Webb Ellis vers 1823 qui créa ainsi ce nouveau jeu. Il est probable que ce fut un ballon de football plutôt rond qu’ovale qui fut d’abord fabriqué par un cordonnier William Gilbert de la ville de Rugby.

C’est donc à lui qu’on attribue l’invention du ballon de rugby fait au départ de vessies de porc fraiches recouvertes de quatre panneaux de cuir. C’est à la demande des étudiants qu’il fait évoluer leurs formes avec des ballons de plus en plus ovales, plus faciles à attraper, à tenir en courant, roulant plus mal et sortant moins du terrain. De 1850 à 1880 la petite entreprise fabrique plusieurs milliers de ballons par an.

Une première modification est introduite par Richard Lindon qui invente une vessie en caoutchouc (1) qui se gonfle avec une pompe à air et évite de gonfler à la bouche les vessies de porc qui ont parfois contaminé les ouvriers chargés du gonflage. Progressivement les dimensions du ballon se normalisent autour de 30 cm de long et de 60 cm de circonférence du petit périmètre. Si la vessie reste en caoutchouc souple le ballon en cuir est lisse et donc glissant ; lorsqu’il pleut le cuir absorbe l’eau en augmentant son poids et se déforme plus facilement ce qui n’arrange pas le jeu au pied et complique la tâche des tireurs qui transforment les essais par tirs au but.

C’est dans les années 1990 que le ballon « synthétique » va s’imposer : le cuir va être remplacé par du caoutchouc plus dur, du polychlorure de vinyle (PVC) (2) ou du polyuréthane (PU) (3). La vessie en latex est de plus en plus substituée par un caoutchouc butyl (4) et à une pression de 9,5 PSI (i) elle se dégonfle moins.

Les nouvelles compétitions, Tournoi des Nations, Coupes d’Europe et Coupes du monde, vont voir une course à l’innovation. La petite entreprise Gilbert devenue grande reste encore une marque de référence devant Adidas et Summit. C’est elle qui est en 2023 la marque officielle de la Coupe du monde en France avec le ballon « INNOVO » qui contient une vessie en copolymère butyl (ii) protégée par 4 plis de polycoton et caoutchouc et une double valve brevetée « truflight » insérée dans une couture des 4 panneaux de polyuréthane sur lesquels sont moulés des « crips », picots en forme d’étoiles de hauteurs millimétriques différentes du centre vers les extrémités permettant une meilleure dispersion de l’eau, une bonne prise en main et un aérodynamisme amélioré. Dissimulées dans les coutures, faites à la main, la double valve et son contrepoids contribuent à un équilibre parfait. En 2023 cette double valve munie de capteurs donne naissance avec le partenaire de Gilbert Sportable Technologies à un « ballon intelligent » (5). Les entraineurs ou les équipes peuvent intégrer des ballons connectés et afficher sur écran d’ordinateur les statistiques du match, en temps réel. La vitesse du ballon, sa rotation, la distance de la passe, la précision du coup de pied… toutes données exploitables, ne serait-ce que pour préparer la prochaine Coupe du monde en Australie en 2027.

Plus simple et terre à terre pour les enfants et l’initiation à ce beau sport, préférez le ballon en mousse de polyester qui est aussi amusant.

Jean-Claude Bernier
septembre 2023

 

(i) Le PSI ou Pound-force/square inch est l'unité anglosaxone de mesure de pression. 1 PSI = 6,89476 kPa = 0,0689476 Bar donc 9,5 PSI = 0,655 bar.
(ii) La caoutchouc butyl est un copolymère d’isobutylène et d’isoprène
 

Pour en savoir plus
(1) Comment fabriquer des pneus à partir d’un arbre ? La vulcanisation,  Jean-Claude Bernier (fiche Une réaction en un clin d'oeil)
(2) PVC voir Produit du jour de la société chimique de France
(3) Chimie et pluie de records aux jeux olympiques de Tokyo, Jean-Claude Bernier (éditorial) ; PU voir Produit du jour de la société chimique de France
(4) Le caoutchouc synthétique BUP
(5) Shootez, vous êtes connectés, Jean-Claude Bernier (editorial)

 

Crédit illustration : Erwan Harzic- Travail personnel / Wikimedia Commons (licence CC BY-SA 4.0)