Le noir de carbone est un matériau constitué à près de 99 % de carbone et se présente sous la forme de petites sphères de 100 nm environ entre elles pour former d’abord des agrégats de quelques centaines de nm et ensuite d’agglomérats de l’ordre de 50 µm. La production mondiale actuelle est estimée à plus de 18 millions de tonnes par an pour un marché de plus de 20 milliards d’euros ! […]
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Vidéo du mois : La Gloriette du Muséum
Dominant le Jardin des Plantes à Paris, la Gloriette du Muséum est une des plus anciennes constructions métalliques, fabriquée au XVIIIe siècle dans les forges de Buffon. Mais les métaux, ça s’oxyde…
Une histoire plusieurs fois centenaire
« Mon beau sapin roi des forêts que j’aime ta verdure… », ce chant de Noël rappelle chez beaucoup de Français leur jeunesse à l’approche des fêtes. Dès le début décembre ils achètent nombre de sapins. Il s’en vend près de 6 millions, 5 millions de sapins naturels et 1 million de sapins artificiels. Cette tradition remonte aux temps les plus anciens. Dès l’Antiquité, les Romains fêtaient fin décembre le solstice d’hiver qui voyait la « renaissance du soleil » en accrochant des branches de conifères à leurs maisons. Au XIIe siècle on retrouve une tradition celtique du même type. Mais c’est en 1521 que l’on retrouve une trace de cet arbre décoré pour Noël en Alsace, dans les archives de la ville de Sélestat. C’est venue de Pologne que s’inscrit plus tard en France la tradition avec Marie Leszczynska, épouse de Louis XV, qui installe un sapin décoré de pommes et de friandise à Versailles en 1738. Progressivement la tradition s’établit sur le territoire français, après les pays de l’est de l’Europe.
Les sapins décorés
Actuellement la production d’un sapin pour les fêtes demande 5 à 10 ans. Elle se fait en culture et non plus dans les forêts. On vend près de 78% de sapins de Nordmann (Abies nordmanniana), 19% d’épicéas (Picea abies) et 3% d’autres types. La principale région de production se trouve dans le Morvan et dans les régions montagneuses comme en Franche-Comté, en Corrèze, le Limousin, les Ardennes et le Jura. L’épicéa, qui est le moins cher et le plus commun, dégage de bonnes odeurs (1) mais perd ses aiguilles. Évitez d’avoir un chat acrobate si vous ne voulez pas balayer un tapis d’aiguilles tous les jours. Plus cher le Nordmann avec une teinte vert sombre et au doux toucher est moins odiriférant mais il ne perd pas ses aiguilles. Le sapin noble (Abies nobilis) dégage plus de 40 odeurs fraiches et boisées ; souvent vendu en pot il ne perd pas non plus ses aiguilles. Pour les décorations, les guirlandes imitant les aiguilles en aluminium brillant et les guirlandes lumineuses avec des petites lampes électriques sont remplacées maintenant par des LED multicolores bien plus économiques et robustes. Notons en passant que l’électricité a permis de remplacer les petites bougies qu’on fixait sur les branches avec de petites pinces et qui furent responsables de nombreux incendies !
Le sapin écologique
Les sapins naturels dégagent plus ou moins des odeurs fraiches et boisées qui sont dues à des composés olfactifs (2) comme la pinène (C10H16) présente sous deux formes isomères.
L’α-pinène présente dans l’essence de térébenthine est aussi connue comme antiseptique, elle es aussi présente dans la sauge. L’autre odeur fraiche du sapin est celle de l’acétate de bornyle à l’odeur de résine naturelle qui est aussi utilisé dans les parfums ou les désodorisants (3). Synthétisé par plusieurs arbres de la famille des conifères on s’en sert en phytothérapie pour ses propriétés sédatives. Pour rester écolo, ne projetez pas un spray de neige artificielle sur les branches, ces bombes contiennent des fibres broyées de coton ou de polyester avec un peu de colle et du formaldéhyde, projetées par un gaz sous pression inflammable. Pensez aussi à la vie d’après pour votre sapin. S’il est en pot replantez le dans le jardin ou dans un espace public, vous pourrez l’utiliser de nouveau l’an prochain. Sinon beaucoup de municipalités ont mis à disposition des espaces de collectes. Broyés, les arbres vont servir à fabriquer du compost. Une tonne d’aiguilles broyées donne environ 400 kg de compost (4). Mieux l’ONF avec certaines municipalités de la côte Atlantique collecte les sapins en janvier pour les déposer sur les dunes. Ils constituent des obstacles au sable balayé par le vent et fixent le cordon dunaire. Bien sûr, les sapins qui ont été floqués de neige artificielle ne sont pas utilisables.
Enfin, si vous n’avez pas de sapin, profitez de la chimie extractive (5) pour une aromathérapie avec les huiles essentielles. L’huile de coriandre, l’essence d’orange douce, la cannelle de Ceylan ou l’huile de sapin bouvier vous fourniront une ambiance reposante, à condition de ne pas abuser de vos diffuseurs (6).
Jean-Claude Bernier
décembre 2024
Pour en savoir plus
(1) Le laboratoire des odeurs, vidéo de la série Des Idées Plein la Tech', Réalisation : F. Demerliac ; Production : Fondation de la Maison de la Chimie / Virtuel
(2) La chimie et les produits d’hygiène et de soins corporels, C. Agouridas, J.-Cl. Bernier, D. Olivier et P.Rigny, La chimie dans la vie quotidienne, collection Chimie et... Junior (EDP Sciences, Fondation de la Maison de la Chimie, 2018)
(3) Formulation des parfums et chimie verte, A. Pichard, M. Savignac et J.-Cl. Bernier, fiche Chimie et …en fiches, Mediachimie.org
(4) Transformer les déchets en ressources, conférence M. Olivier, colloque Chimie et grandes villes, novembre 2023, Fondation de la Maison de la Chimie
(5) Vision d’avenir de l’industrie dans le domaine des parfums, arômes, senteurs et saveurs, conférence d'Éric Angelini, colloque La chimie et les sens, février 2017, Fondation de la Maison de la Chimie
(6) La bonne chimie est-elle dans le bon dosage ?, C. Agouridas, Question du Mois, Mediachimie.org
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Bientôt les fêtes, et donc la période des gâteaux ! Pour faire des gâteaux, on utilise des matières grasses, de l'eau, éventuellement des œufs, mais les deux ingrédients essentiels sont le sucre(i) et la farine.
Ici on ne va s’intéresser qu’à la farine ou plutôt aux différentes sortes de farine. En effet il n'y a pas que la farine de blé, car de nombreuses plantes, et pas seulement des céréales, peuvent donner des farines utilisables en cuisine. Elles sont obtenues en broyant des graines de céréales (blé, orge, épeautre, maïs...), de légumineuses (lentilles, pois chiches, haricots, soja…), de racines (manioc, pommes de terre), etc.
Elles contiennent toutes essentiellement de l’amidon. Il y a également des protéines (gluten par exemple), et d’autres composés comme des fibres si la farine est faite avec des graines complètes (avec leurs enveloppes).
L’amidon n’est pas constitué d’une seule et même molécule mais a une structure complexe qui varie selon la plante dont il est issu, d’où l’apparition de différences entre les farines.
Pour comprendre cela, il nous faut tout d’abord parler du D-glucose et de ses polymères à partir desquels est constitué l’amidon. On peut le représenter dans un plan et en perspective. Mais le cycle n'est pas plat, et on préfèrera la représentation dite « chaise ». Il existe 2 structures(ii) nommées α et β, selon la position dans l’espace du groupe OH porté par le carbone numéroté 1 (figures 1a et 1b). Le D-glucose est un sucre simple.
Fig. 1a. α-D glucose | Fig. 1b. β-D glucose |
Les polymères de glucose et l'amidon
Des molécules de D-glucose peuvent s’associer entre elles pour donner de longues chaines appelées polymères de glucose. Il y a dans la nature de nombreux homopolymères(iii) du glucose selon la façon dont les molécules s’enchaînent.
On observe ainsi parmi ceux-ci(iv), deux enchainements possibles conduisant à deux homopolymères de glucose, l’amylose et l’amylopectine, qui constituent l’amidon.
- L’amylose est un polymère linéaire formé de plus de 1.000 unités D-glucose liés par des liaisons O-glycosidiques (α-1,4) (figure 2a).
Fig. 2a. Les numéros des atomes de carbone auxquels est lié l’atome O sont indiqués.
Elle prend une structure hélicoïdale stabilisée par des liaisons hydrogène entre les unités (6 unités par tour d’hélice) (figure 2b).
Fig. 2b. Amylose : Structure partielle ; le pointillé indique que la chaine se prolonge. - L’amylopectine est ramifiée et comporte plus de 10.000 unités D-glucose unies par des liaisons O-glycosidiques intra-chaînes (α-1,4) et inter-chaînes (α-1,6) (figures 3a et 3b).
Il y a un branchement toutes les 20 unités environ. Sa structure est plus désordonnée que celle de l'amylose.Fig. 3a. Les numéros des atomes de carbone sont indiqués Fig. 3b. Structure partielle simplifiée ; 1 seule ramification est représentée et les chaines sont évidemment plus longues.
Les farines et les compositions de leur amidon
Les proportions entre amylose et amylopectine vont être caractéristiques de l’amidon de chaque farine, dont la teneur en protéine (gluten ou autre…) est également spécifique. Ainsi blé, épeautre, orge, seigle contiennent du gluten tandis que millet, sorgho, avoine, quinoa, sarrasin n'en contiennent pas.
Pour ce qui est des ratios amylose/amylopectine on observe :
blé 35/65, maïs 25/75 (mais selon les cultivars(v) on peut avoir des chiffres très différents, comme des maïs avec un ratio jusqu'à 70/30 !), pour le manioc, la pomme de terre, en revanche il y a peu d'amylose, 20/80, et pour le riz il y a de fortes variations d’un riz à l’autre la teneur en amylose pouvant aller d’une valeur inférieure à 5% jusqu’à une valeur supérieure à 24%.
Les fécules : ce ne sont pas des farines
La plus connue est la Maïzena®. Attention ! Il s'agit d'une marque déposée et appartenant à Unilever(vi) Il vaut mieux parler de fécule de maïs. Pour faire de la fécule, on met la farine en suspension dans l'eau, on agite énergiquement et on rince plusieurs fois : on a ainsi enlevé les protéines (gluten par exemple) qui partent dans l'eau.
La fécule ne contient donc que de l'amidon, ce qui donne une poudre plus fine. Nous voilà donc de retour vers l'amidon ! Il est donc logique que les diverses fécules se distinguent par leur proportion en amylose et amylopectine, comme les farines dont elles sont issues.
La fécule est un excellent liant pour les sauces et facilite leur préparation. Il est plus facile de faire une sauce avec une fécule (celle de maïs) qu'avec de la farine.
Elle est aussi un excellent gélifiant ou épaississant. Les amidons, mis en suspension dans l'eau, chauffés puis refroidis, donnent des gels d'autant plus fermes que l'amidon est riche en amylose. En effet, les chaînes linéaires d'amylose se réassocient au cours du refroidissement, ce que ne peuvent faire les chaînes ramifiées d'amylopectine. Ainsi ceux riches en amylose (maïs) sont utilisés dans les poudres pour faire des flans. Les amidons riches en amylopectine (pomme de terre) sont plus des épaississants que des gélifiants.
La fécule est plus fine que la farine de blé et sert à alléger la pâte des gâteaux. Deux cuillerées de farine de blé équivalent à une de fécule de maïs quant à l'effet épaississant. Comment cela s'explique-t-il ? la farine est faite à partir de la mouture de la totalité de la graine (amidon + germe + enveloppe du grain), alors que la fécule ne contient que de l'amidon.
Quels critères pour choisir parmi les farines ?
Les enzymes, amylases, catalysent la digestion de l'amidon qui consiste globalement en une hydrolyse lente conduisant in fine au glucose. L’enzyme facilite la coupure des liaisons O-glycosidiques qui relient les cycles en partant d’une extrémité non réductrice de la molécule puis de proche en proche. En raison de sa structure, l'amylose est digérée plus lentement que l'amylopectine(vii). Cela peut être un critère de choix.
Actuellement, la « mode » en diététique, est de s’intéresser à l'index glycémique, IG(viii). L'IG permet de classer les aliments en fonction du pic de sucre qu'ils provoquent dans le sang. Un IG élevé, supérieur à 70, provoque un pic de la glycémie puis une chute rapide qui peut entraîner un effet « coup de barre ». Un aliment à IG modéré, entre 40 et 69, ou bas, inférieur à 40, diffuse de l'énergie plus progressivement dans l'organisme. C'est pour cet effet que certaines farines sont recommandées (voir en note le tableau d’Indice Glycémique de diverses farines(ix)).
Mais il ne faut pas se fier exagérément à l'IG, car les farines contiennent aussi des protéines, et des matières grasses, quel que soit leur IG. Il faut plutôt privilégier les farines complètes pour leurs meilleures qualités nutritionnelles. Concernant l’intolérance au gluten, les personnes concernées rechercheront pour leur régime des farines pauvres en gluten (riz, maïs, sarrasin, châtaigne, épeautre).
Conclusion
Que choisir, farine ou fécule ? La farine reste incontournable comme « matériau de base ». La fécule est un « outil » qui permet d'épaissir une sauce et de remplacer une partie de farine en rendant le plat obtenu moins énergétique puisque moins riche en glucose (50 g de fécule remplace 100 g de farine).
Coté diététique, les gâteaux restent très énergétiques car ils contiennent des matières grasses, du sucre et de la farine ou de la fécule, qui n’oublions pas conduiront à du glucose au cours de la digestion. Donc faites-vous plaisir mais avec modération si vous voulez « garder la ligne » !!
Nicole Moreau et Françoise Brénon
(i) Le sucre de table habituel est du saccharose de formule C12H22O11. Son hydrolyse conduit à du glucose et du fructose. C’est ce qui se passe au cours de la digestion du sucre.
(ii) Ces 2 structures sont dites anomères et le carbone n°1 est un site anomérique. Elles sont en équilibre par ouverture puis fermeture du cycle au niveau de la fonction acétal (entourée en rouge sur la figure ci-contre).
(iii) « homo » signifie qu'il s'agit du même sucre répété plusieurs fois, le contraire étant « hétéro ».
(iv) Il existe un autre enchainement de D-glucose (β-1,4) qui conduit à la cellulose polymère de structure des végétaux, qui peut former des fibres.
(v) Le cultivar est une variété de plante obtenue par sélection.
(vi) Maïzena sur Wikipedia.
(vii) En effet, l’attaque commence par les extrémités non réductrices des molécules de l’amylose et de l’amylopectine. Voir sur les figures 2b et 3b les parties entourées en bleu. Pour une chaîne d'amylose, il n'y a qu'une extrémité non réductrice, alors qu'il y en a plusieurs (en raison des ramifications) pour une chaîne d'amylopectine. L’extrémité réductrice est la fonction acétal (entouré en rouge) capable de s’ouvrir pour redonner l’aldéhyde réducteur. En outre, l'amylose adopte une conformation hélicoïdale, rendant l'accès des enzymes plus difficile.
(viii) Pour en savoir plus sur l’Index Glycémique, consulter Indice Glycémique sur le site Wikipedia et L’index glycémique, c’est quoi ? sur le site France Assos Santé
(ix) Indice glycémique de diverses farines
Farine | IG |
Son d'avoine, son de lupin | 15 |
Amande, noisette, cacahuète | 20 |
Soja | 25 |
Orge mondée | 30 |
Lentille, coco, pois chiche | 35 |
Sarrasin, petit épeautre, avoine, | 40 |
Quinoa, épeautre complet, blé T150 | 45 |
Seigle T130 | 50 |
Blé T80 | 60 |
Châtaigne | 65 |
Maïs, millet | 70 |
Riz complet | 75 |
Blé T45, fécule de maïs | 85 |
Riz blanc, fécule de pomme de terre | 95 |
La lettre T indiquée pour certaines farines indique le taux de cendre. Plus le T est élevé, plus la farine sera complète, plus le T est bas plus la farine de froment sera blanche et riche en amidon.
Pour aller plus loin
Des additifs pour texturer des aliments, M. Desprairies, La chimie et l’alimentation, coordonné par Minh-Thu Dinh-Audouin, Rose Agnès Jacquesy, Danièle Olivier et Paul Rigny (EDP Sciences, 2010) ISBN : 978-2-7598-0562-4, p. 83
Crédits
- Figures 1a et 1b : α-D glucose et β-D glucose, Wikipedia, domaine public
- Figures 2a et 3a : Sauget, Alix, Développement de matériaux composites fibreux hautes perfomances à matrice bio-sourcée. (Thèse, Université de Lorraine, 2014) figures complétées
- Figures 2b et 3b : Zubay, Geoffrey, Biochemistry (Addison-Wesley, 1983) ISBN 0-201-09091-0
- Illustration : F. Brénon, travail personnel
Réservez votre journée du mercredi 12 février pour participer au colloque accessible au grand public à la Maison de la Chimie.
Colloque Chimie et Alimentation
Mercredi 12 février 2025
Maison de la Chimie, 28 bis rue Saint-Dominique, 75007 Paris
L'alimentation a forgé l'espèce humaine et est fondamentale pour sa survie dans un contexte de croissance de la population mondiale et de changement climatique.
Tout au long de la vie, la qualité de l'alimentation est un facteur important du bien-être et de la santé. Avec l'évolution du mode de vie, l'industrie alimentaire ne cesse de progresser. Les problèmes et les défis à relever sont mondiaux, ils concernent toutes les couches de la société et sont d'ordre politiques et scientifiques. Nous nous limiterons au domaine scientifique plus généralement dans le cadre occidental européen.
L'alimentation est un domaine transdisciplinaire dans lequel les sciences de la chimie sont intervenues très tôt au niveau : de la production des aliments, de leurs transformations, de leur conservation et dans l'art culinaire, car la chimie, science de l'étude des molécules et de leur réactivité, est indispensable pour comprendre et maitriser les phénomènes mis en jeu dans ces différents domaines de l'alimentation.
Pour les maitriser, il faut comprendre, y compris à l'échelle industrielle, les phénomènes qui surviennent lors des transformations culinaires et lors de celles des ingrédients alimentaires en aliments. Il faut comprendre la chimie d'assimilation des molécules et des métaux des aliments pour mieux manger, pour y prendre du plaisir, pour être en bonne santé ou pour manger demain quand nous serons 9 ou 10 milliards d'individus sur la planète. L'actualité montre que la souveraineté alimentaire est un défi national.
L'objectif de ce colloque est de présenter l'apport des sciences de la chimie sur ces différents points, et de tenter avec les connaissances les plus récentes, de répondre aux questions que se posent les citoyens et notamment les jeunes, y compris sur la sécurité alimentaire.
Dans cet objectif, les conférenciers choisis sont des experts des domaines scientifiques universitaires et industriels et des institutions nationales et européennes concernés.
La croissance de l'industrie alimentaire entraine le besoin d'une main d'œuvre multidisciplinaire bien formée et les choix d'orientation vers ces secteurs porteurs se font dès nos lycées de formation générale ou professionnelle.
Un temps sera donc consacré à la réponse aux questions des scolaires dans le cadre des débats.
Danièle Olivier
Vice-Présidente de la Fondation de la Maison de la Chimie
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Une polémique a enflé en cet automne au sujet de la vente par Sanofi à un fonds d’investissement américain CD&R de sa filiale Opella. Car il se trouve que dans ses usines de Lisieux et de Compiègne, Opellia fabrique plus de 450 millions de boites de Doliprane® l’un des médicaments le plus vendu en France. Si vous avez un peu de fièvre (1), un rhume saisonnier, des douleurs articulaires, un cachet ou une gélule dosés à 500 ou 1000 mg soulagent assez vite les troubles. Car le Doliprane® de Sanofi ou l’Efferalgan® d’UPSA et autres antipyrétiques contiennent un principe actif : la molécule de paracétamol, contraction de N-acétyl-para–aminophénol de formule brute C8H9NO2.
Pour être plus précis, Sanofi et UPSA ne fabriquent pas le principe actif qui lui est produit en Chine ou aux USA, mais ils réalisent dans leurs usines françaises des médicaments à base de paracétamol en mélangeant le principe actif et des excipients adaptés à la forme finale (gélule, comprimé, poudre, suppositoire, solution injectable, boite…).
Le paracétamol (2)
Tout d’abord une anecdote. En 1886 deux médecins chercheurs strasbourgeois travaillent sur l’effet du naphtalène et de ses dérivés sur la parasitose intestinale. Ils envoient l’un de leurs étudiants en chercher chez une pharmacie en ville. Mais au lieu d’observer une action antiparasitaire, ils observent une action antipyrétique car par erreur le produit livré n’était pas du naphtalène mais de l’acétanilide utilisé à l’époque pour étalonner les bancs Kofler afin de déterminer les températures de fusion (3). Ce n’est que plus de 60 ans plus tard, en 1948, qu’une étude américaine montre que l’acétanilide est dégradé dans le corps humain en un métabolite très actif le paracétamol, antipyrétique. C’est une illustration que dans la recherche de médicaments (4) les découvertes peuvent être faites « par hasard », par sérendipité (5), où l’observation éclairée des chercheurs a toute son importance.
En fait dès 1878 la synthèse du paracétamol avait été réalisée par un chimiste américain H. Northrop Morse en réduisant du 4-nitrophénol en 4–aminophénol, suivie d’une acylation par l’anhydride éthanoïque suivant la réaction finale suivante :
C’est après un symposium en 1951 à New York que furent présentées les antalgiques et antipyrétiques de la molécule. Sa commercialisation est retardée par la présence d’impuretés comme le para-aminophénol toxique. C’est en 1955 que la FDA donne l’autorisation de mise sur le marché. Les laboratoires McNeil le commercialisent sous le nom de Tylenol® puis au Royaume-Uni sous le nom de Pimadol®. En fait les entreprises qui vendaient déjà de l’aspirine (6) ne se précipitaient pas sur la fabrication de cette nouvelle molécule.
Ce fut après 1960 qu’on appuya sur le fait qu’elle ne provoquait pas de maux d’estomac contrairement à l’aspirine et que la vente décolla. En France les laboratoires Bottu mettent sur le marché le Doliprane® en 1964. Rachetés par Sanofi le succès ne vient pas tout de suite mais la décennie 1980 voit son envolée avec plusieurs formes de pharmacopées en vente.
La maitrise nationale des médicaments
L’annonce de la vente d’Opella au fond américain CD&R tombe mal pour le gouvernement. La politique volontariste de réindustrialisation dans l’hexagone et la volonté émise en 2021 en pleine crise du COVID de garantir la souveraineté sanitaire française sont mises à mal. Les ministres de l’économie et des finances sont intervenus auprès des acteurs de la coentreprise pour que malgré les 50% du fonds américain, la production des médicaments à base de paracétamol et l’emploi sur les sites de Lisieux et de Compiègne soient préservés. Enfin l’État va déclencher la procédure IEF de contrôle des investissements étrangers sur ce dossier. Cette procédure ne suffit pas. Plutôt que des déclarations médiatiques de plusieurs politiques, des actions concrètes et des investissements industriels sont capables de faire revenir en France et en Europe la chimie fine des principes actifs. En 20 ans les proportions entre l’Asie et l’Europe ont été inversées. En Asie en 2023, on compte 55% de sites chimiques en fabriquant alors que seuls 36% résistent en Europe.
Un signe de renouveau : en France, à Roussillon en Isère la société Seqens, créée en 2003 sur la reprise de certains principes actifs chimiques de Rhodia, investit en 2024 plus de 100 millions d’euros sur une plateforme chimique qui comprend deux bâtiments.
Le premier pour la synthèse du paracétamol qui va utiliser un procédé innovant en flux continu (7) permettant de travailler sur des quantités réactionnelles réduites avec moins de solvants. Le procédé a été mis au point au centre de Porcheville (Yvelines). Son efficacité est bien meilleure que celle des procédés traditionnels en Batch grâce à des gains en énergie de plus de 60% et des rejets solides et liquides divisés par 20 (8). Cet investissement subventionné par l’État à 30%, en avances remboursables, doit permettre de démarrer la production à la fin de cette année et après autorisations avec une commercialisation en 2026. Les prévisions sont de l’ordre de 10 000 à 15 000 t/an. Des contrats déjà signés avec Sanofi et UPSA garantissent l’achat d’une partie de la production mais déjà des clients européens se profilent. Reste la question du prix. Sur une boite actuelle à 2,20 € le principe actif représente moins de 10 centimes. Pour le produit français on parle de 2 à 3 centimes de plus, mais toujours moins de 5% du prix du médicament. Ceci est en discussion notamment avec UPSA qui investit dans son usine d’Agen de conditionnement. L’État s’est engagé sur un moratoire de non-baisse des prix sur les médicaments comportant le paracétamol en échange d’un approvisionnement hexagonal.
Un deuxième projet de réindustrialisation du principe actif est en cours sur Toulouse par une jeune société, Ipsophène, avec un procédé innovant (9) ) breveté par le laboratoire Ipsomedic d’Aubagne. Le démarrage est prévu pour fin 2025 avec pour objectif une production de 4000 t/an.
Souhaitons que ces actions de réindustrialisation de l’industrie pharmaceutique qui vont à contre-courant de la stratégie (10) des grands groupes à savoir se désinvestir de la chimie des médicaments à faible valeur ajoutée et gagner plus d’argent avec les biopharmaceutiques couteux, puisse réussir.
Peut-être verrons-nous comme sur les poulets label rouge, bientôt en pharmacie, sur les boites de Doliprane® ou d’Efferalgan® une petite cocarde tricolore. En fait pour répondre à la question en tête de cet édito, tant pis pour les patriotes, la qualité du paracétamol n’en fait pas une molécule française… À la limite alsacienne ? Mais hélas à l’époque en 1886 l’Alsace était allemande !
Jean-Claude Bernier
novembre 2024
Pour en savoir plus
(1) Frimas, rhumes et grippes…, J.-Cl. Bernier, éditorial, Mediachimie.org
(2) Le paracétamol, produits du jour de la Société chimique de France
(3) Fusion d'un solide ? Banc Köfler, R. Blareau et F. Brénon, vidéo Blablareau au labo et Mediachimie.org
(4) L’intelligence artificielle un moteur dans la recherche en chimie, E. Besson, fiche Chimie et …en fiche lycée, Mediachimie.org
(5) De la sérendipité à l’intelligence artificielle en recherche pharmaceutique, L. Schio, colloque Chimie et intelligence artificielle, février 2023, Fondation de la Maison de la Chimie
(6) L’aspirine une origine végétale, Mission des Herbonautes, partenariat Muséum National d'Histoire Naturelle / fondation de la Maison de la Chimie
(7) Zoom sur la chimie en flux continu, J.P. Foulon, Medaiachimie.org
(8) Pour une industrie chimique propre et durable, C. Agouridas, J.-C. Bernier, D. Olivier et P. Rigny, La chimie et la sécurité des personnes, des biens, de la santé et de l'environnement, collection Chimie et... Junior, EDP Sciences
(9) La jeune société Ipsophene veut installer une usine de paracétamol à Toulouse, L’Usine Nouvelle, 13/07/2023
(10) Et si Sanofi se trompait de stratégie, B. Meunier, tribune, Les Échos, 13/11/2024
Crédit illustration : © JC Bernier
Le Grand Prix : Les Jeunes Journalistes de la Chimie (GPJJC) est un concours pour les étudiants en école de journalisme, organisé par la Fondation de la Maison de la Chimie. Le concours est ouvert aux étudiants des 14 écoles reconnues par la profession (PDF), à la fois aux premières et deuxièmes années, mais également aux élèves alternants.
Comme pour la précédente édition en 2024, le but est d’élire le meilleur reportage vidéo et le meilleur article de presse d’information scientifique sur un thème d’actualité lié à la chimie, et de contribuer à faire émerger de futurs journalistes scientifiques.
La nouveauté cette année : après sélection des binômes sur les thèmes choisis par le jury, ils concourront pour le meilleur article ainsi que pour le meilleur reportage.
Un même binôme pourra donc être récompensé à la fois pour les deux catégories, les approches n’étant pas complémentaires et les travaux seront évalués indépendamment l’un de l’autre.
Un jury composé de scientifiques et de journalistes de presse écrite et audiovisuelle sélectionnera sur dossier, parmi l’ensemble des candidatures reçues, quatre binômes d’étudiants journalistes pour participer au concours. S’ensuivra une période d’investigations et de production de trois mois et l’annonce des lauréats en juin 2025.
Candidatez en binômes jusqu’au 10 mars 2025 : en savoir plus
18 mars 2025 : Annonce des 4 binômes sélectionnés par le jury