Dans le monde de l’art, une peinture dont les couleurs se dégradent perd son attrait et sa valeur. Les conservateurs des musées, les collectionneurs et les peintres redoutent ces phénomènes de dégradation. Conserver les couleurs originelles d’une œuvre d’art présente un enjeu esthétique et économique auquel les chimistes, les physiciens et les biologistes s’intéressent depuis très longtemps.
Couleurs des pigments
Un pigment est « un matériau insoluble dans le milieu dans lequel on le disperse, par opposition au colorant, soluble dans le milieu dans lequel il est dispersé » (1).
Les pigments organiques naturels (d’origine végétale ou animale) et synthétiques (fabriqués en laboratoire) contiennent essentiellement des atomes de carbone et d’hydrogène. Ils sont constitués majoritairement d’une alternance de liaisons simples C-C et de liaisons doubles C=C entre des atomes de carbone. Ces liaisons dites conjuguées (alternées) sont des chromophores, responsables de la couleur des pigments organiques (alizarine, indigo, mauvéine...). Les molécules absorbent dans le domaine du visible (à des longueurs d’onde λ comprises entre 400 et 800 nm) et réfléchissent la ou les radiations non absorbées (dites complémentaires). La présence de groupes auxochromes (du grec auxein : accroitre) modifie les longueurs d’onde des radiations absorbées (2).
Les pigments inorganiques (ou minéraux) ont des couleurs liées à la composition chimique d’édifices contenant des ions métalliques (fer, chrome, cobalt, nickel, manganèse, cuivre…) entourés par des molécules ou des ions (eau, sulfure, oxyde, hydroxyde…). Ces composés absorbent également dans le domaine visible et réfléchissent les radiations non absorbées. Les longueurs d’onde de ces radiations dépendent de la nature du métal et des molécules ou des ions qui l’entourent. L’oxyde de fer (III) Fe2O3 (hématite) est rouge tandis que l’hydroxyde oxyde de fer (III) (Goethite) FeO(OH) est jaune (3).
Il arrive parfois que les impuretés du pigment soient responsables de sa couleur : le pigment alumine Al2O3 est blanc ; et en présence de traces d’ions Cr (III) piégés (0,0000000001 %), il a une couleur rouge (rubis) (4).
Dégradation des couleurs des pigments
Lorsque les molécules responsables de la couleur des pigments organiques sont irradiées par des lumières naturelle ou artificielles, elles absorbent une partie de l’énergie lumineuse et se retrouvent dans un état dit « excité », plus haut en énergie que l’état dans lequel ils se trouvaient au départ. Si cette transition énergétique, appelée absorption, se fait dans le domaine ultraviolet (λ < 380 nm) la molécule se retrouve dans un état excité (état instable) et peut subir des transformations structurales. Lorsqu’elle revient dans son état le plus stable (état fondamental) elle ne retrouve pas toujours l’alternance des liaisons simples et doubles, par conséquent elle n’absorbe plus dans le domaine visible et ne participe plus à la couleur du pigment. Progressivement, au fil des jours et des années, le nombre de molécules responsables de la couleur diminue et le pigment parait de plus en plus terne (5).
La dégradation de la couleur peut aussi provenir d’une oxydation du pigment. Vincent Van Gogh, dans une lettre adressée à sa sœur le 6 juin 1890, décrit la couleur des deux chemins « de sable ensoleillé rose » qui contournent l’église du tableau L’église d’Auvers-sur-Oise, vue du chevet (1890). La laque utilisée contenait de l’éosine. La couleur rose a été modifiée par un phénomène d’oxydation photochimique : dans un état excité la molécule d’éosine devient plus sensible à l’oxydation (son pouvoir réducteur augmente) et se transforme en une autre molécule. Au fil du temps, les deux chemins sont passés du rose au marron.
Les pigments inorganiques sont réputés pour leur stabilité. Néanmoins, certains peuvent s’oxyder et changer d’aspect. Dans les œuvres Le Cri (1893), d'Edvard Munch, et La Joie de vivre (1905-1906), d'Henri Matisse, le sulfure de cadmium CdS s’est oxydé à l’air pour se transformer en sulfate de cadmium CdSO4 : certaines parties de ces tableaux sont passées du jaune vif au blanc cassé (6).
Dégradation de la couleur du mélange « pigment + liant »
Le bleu outremer est un pigment qui a fait l’objet de nombreuses études scientifiques. Le pigment naturel était extrait dès le Moyen Âge du lapis-lazuli. Il est très onéreux ; et est utilisé par Johannes Vermeer en 1658 pour peindre le tablier bleu de La Laitière. En 1826, Jean Baptiste Guimet met au point la synthèse du bleu outremer et remporte le prix initié par la Société d’encouragement pour l’industrie nationale.
La couleur du bleu outremer est due à la présence d’atomes de soufre (emprisonnés dans des cages d’aluminosilicates) (3) qui absorbent une partie de la lumière visible et réfléchissent des radiations lumineuses bleues. En 1827, Jean Auguste Dominique Ingres utilise ce pigment synthétique pour le bleu de la toge d’Apelle dans l’Apothéose d’Homère. En 1908, Vassily Kandinsky peint la surface de l’eau dans Paysage d’automne avec bateaux.
Au fil des années, on a observé que les parties peintes au bleu outremer ont blanchi dans de nombreuses œuvres majeures. Des études de vieillissement contrôlé ont montré que le blanchiment n’est pas dû à l’humidité ni à chaleur ; mais qu’un environnement acide ainsi que les radiations lumineuses en sont responsables. Dans les conditions muséales, l’atmosphère n’est pas acide ; donc seule la lumière peut provoquer le blanchiment des peintures au bleu outremer.
Les chercheurs ont tout d’abord éclairé le pigment seul. Sa couleur reste bleue. Puis ils ont éclairé le mélange « pigment + liant » : il blanchit après plus de 1000 heures d’exposition. Sous l’effet de la lumière, les cages d’aluminosilicates qui entourent les atomes de soufre accélèrent la dégradation du liant : il y a un effet photocatalytique. Le liant se retrouve dans un état fragmenté et rugueux : les petits grains se comportent comme des miroirs et réfléchissent davantage la lumière, provoquant ainsi un effet de blanchiment (7).
Protection des pigments avec des filtres anti UV
Les radiations lumineuses sont à l’origine de nombreuses dégradations des couleurs des pigments. Les peintres protègent leurs œuvres avec des vernis contenant des filtres anti-UV. Ce sont actuellement des molécules organiques (octocrylène, avobenzone…) qui absorbent les rayonnements UV et convertissent une partie de l’énergie lumineuse en énergie thermique.
Dégradation de la couleur du vernis
Un vernis est un liquide contenant une résine dispersée ou solubilisée dans une essence. Il a une fonction esthétique (mat ou brillant) et protectrice. Les résines naturelles (copal, mastic, Dammar…) et synthétiques (acrylique, polyuréthane…) sont constituées de polymères organiques.
Un vernis déposé sur un tableau se doit d’être incolore afin de ne pas modifier la teinte des peintures qu’il protège. Au fil des années, les vernis ont tendance à jaunir et les couleurs du tableau sont par conséquent dégradées (8).
En réalité, le jaunissement commence lorsque la résine naturelle est récoltée de l’arbre. Le dioxygène de l’air provoque la formation de radicaux (très réactifs) qui déclenchent des réactions en chaine de diverses natures. Elles conduisent à augmenter les tailles des polymères et à créer des ramifications, dont certaines contiennent des chromophores. L’exposition des vernis aux UV de la lumière accélère ce processus de jaunissement, qui a démarré avant même que le vernis ne soit déposé sur le tableau (9).
Enfin, il peut y avoir des réactions chimiques entre les molécules contenues dans le vernis et les ions métalliques (fer, manganèse, plomb …) qui constituent les pigments inorganiques. Des édifices appelés complexes peuvent se former et provoquer l’apparitions de couleurs supplémentaires (10).
La dégradation des couleurs des peintures est un sujet scientifique passionnant. Les méthodes d’analyses évoluent chaque année. Les chercheurs du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) s’intéressent en particulier aux effets du changement climatique sur les pigments, les liants et les vernis des œuvres d’art, ainsi que sur les composés chimiques utilisés pour une restauration et une conservation « respectueuses et durables » (11).
Freddy Minc
Pour en savoir plus
(1) Les pigments et les colorants : on en parle ?, M. Jaber et Ph. Walter, L’Actualité Chimique n°444-445 (octobre-novembre 2019) p. 13-15
(2) Dye structure and colour, O. N. Witt sur le site Britannica
(3) La chimie crée sa couleur… sur la palette du peintre, B. Valeur, article du colloque La Chimie et l’Art (2009) sur Mediachimie.org
(4) Diamant, saphir, émeraude… Gemme, la couleur de tes défauts, conférence de Emmanuel Fritsch et Benjamin Rondeau (2006)
(5) Eté : les UV abîment-ils les couleurs des objets ?, V. Handweiler sur le site de Sciences et Aveni
(6) Zoom sur les pigments, J.P. Foulon sur Mediachimie.org
(7) Quand la peinture bleu outremer perd des couleurs, A. Michelin sur le site du MNHM et Pourquoi certains tableaux vieillissent mieux que d'autres, A. Michelin sur le site The Conversation
(8) Identification non-destructive des vernis des œuvres d’art par fluorescence UV, M. Thoury, thèse, HAL Id tel-00164825 , version 1
(9) La dégradation des vernis (PDF), B. Achette, Musée Fabre dossier pédagogique mission Arts et Sciences au service éducatif
(10) Aging and yellowing of triterpenoid resin varnishes - Influence of aging conditions and resin composition, P. Dietemann et al., Journal of Cultural Heritage 10 (2009) pp. 30-40
(11) Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF)
Crédit illustration : Lapis luzuli - Adobe Stock © Björn Wylezich
Le méthane, CH4, est le principal constituant du mélange gazeux d'hydrocarbures, appelé gaz naturel, qui s’est formé par sédimentation et décomposition de matières organiques sur des millions d’années aussi bien dans des terrains sédimentaires qu’au fond des océans. Il fait ainsi parti des énergies fossiles et est très largement utilisé à des fins énergétiques (centrales thermiques, carburant...).
C’est aussi l'hydrocarbure le plus abondant dans l'air, car il est produit naturellement, en particulier dans les zones humides : gaz des marais, responsable de la formation des feux follets, qui terrifiaient nos ancêtres il n'y a pas si longtemps. C’est en étudiant ce gaz des marais que Alessandro Volta (celui qui a inventé la pile voltaïque) l’a découvert en 1776 (1).
Le méthane est produit par fermentation anaérobie (i), de la matière végétale grâce à divers micro-organismes.
En mimant la nature, il peut aussi être produit volontairement à partir de déchets organiques dans des installations spéciales de méthanisation, allant d’unités de petites tailles « à la ferme » jusqu’à des usines. On est donc ici dans un processus de renouvelabilité. C’est ainsi que le méthane issu de ces procédés est appelé « biogaz » ou « biométhane ».
Historique
Le principe de gestion des déchets apparaîtra en France au XVIe siècle, lorsque François Ier démocratise l'emploi des paniers pour récupérer les déchets ménagers. En 1883, le préfet de la Seine Eugène Poubelle (2) invente le célèbre récipient qui porte encore son nom. En 1922, à l'initiative de la ville de Paris, est créée la société TIRU (3), qui, après la loi « Grenelle 1 » (4), et la reprise par le groupe Paprec, devient une société qui conçoit, construit et exploite des unités de valorisation des déchets, en particulier par méthanisation.
Comment est gérée la méthanisation (5) ?
Selon l'arrêté du 23 novembre 2011 (modifié par l'arrêté du 24 juin 2014) (6) fixant la nature des intrants dans la production de biométhane pour l'injection dans les réseaux de gaz naturel, peuvent être méthanisés des déchets : agricoles (fumier, lisier, sous-produits animaux, résidus de cultures…), de l'industrie agroalimentaire (fruits et légumes, déchets d'abattoirs…), urbains (biodéchets ménagers triés, ou issus de la restauration collective, des grandes et moyennes surfaces, déchets verts, boues de stations d'épuration…), et industriels (eaux de lavage de procédés industriels, boues industrielles, graisses…).
Depuis le 1er janvier 2016, conformément à la loi Grenelle II (ii), les entreprises et les professionnels de la restauration doivent traiter leurs biodéchets s’ils en produisent plus de 10 tonnes/an et ainsi éviter la mise en décharge, aboutissant à un tassement, donc à un milieu anaérobie, producteur de gaz à effet de serre (dont surtout le méthane !). À l’horizon 2025, dans le cadre de la loi de transition énergétique, l’intégralité des biodéchets en restauration devra être triée à la source, y compris ceux des ménages (7).
Comment s'obtient ce biométhane ?
Les déchets fermentescibles sont stockés dans une cuve cylindrique et hermétique que l’on appelle « digesteur » ou « méthaniseur » dans laquelle ils sont soumis à l’action de micro-organismes (bactéries) en l’absence d’oxygène. Les réactions biologiques mises en jeu par la méthanisation sont complexes, mais globalement on repère trois grandes étapes : l’hydrolyse et l’acidogénèse où les chaînes organiques complexes (protéines, lipides, polysaccharides) sont transformées en composés plus simples (acides gras, peptides, acides aminés) suivi de l’acétogénèse où les produits de l’acidogénèse sont convertis en acide acétique et enfin la méthanogénèse où l’acide acétique est transformé en méthane et en gaz carbonique.
Schéma explicatif du processus de méthanisation (©Connaissance des Énergies)
Source https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/methanisation
Le processus produit deux sortes de composés, le Biogaz et le Digestat. Le processus produit aussi des CSR, Combustibles Solides de Récupération, utilisables en cimenterie. Le biogaz, appelé Biométhane après purification et odorisation , est envoyé dans les réseaux et sert à produire de l'énergie pour les usages industriels, domestiques, ou comme carburant (il est alors appelé GNV (iv)(v)). Le digestat peut lui aussi être utilisé, sa partie liquide, riche en azote sous forme ammoniacale comme engrais, et la partie solide comme amendement des sols qu'il enrichit et restructure (compost).
Ce processus peut aussi être réalisé dans les exploitations agricoles où il permet d'éviter l'émission libre de méthane dont l'effet de serre, 25 fois plus puissant que celui du dioxyde de carbone, le rend dangereux pour l’environnement.
Bénéfices pour l'environnement
La valorisation énergétique des déchets joue un rôle important dans la mise en œuvre de la transition énergétique et écologique de notre pays à double titre : en tant que solution de traitements des déchets, complémentaire du recyclage ; dans une logique de souveraineté et d’élargissement du mix énergétique.
Déjà, l’incinération avec récupération d'énergie entraîne une économie significative de combustibles fossiles (gaz, fioul, charbon…). Elle permet, par la vente de l'énergie, de diminuer d'au moins 20 % le prix de traitement des déchets urbains. Elle réduit de 90% le volume et de 70% la masse des déchets. Mais elle entraîne un dégagement de CO2.
Mais l’intérêt de la méthanisation est de pouvoir faire une double valorisation :
- une valorisation matière via la production du digestat : 90% des matières entrantes seront transformées en engrais organique, local et renouvelable, qui permet de remplacer les engrais minéraux actuellement utilisés, dont la synthèse implique des énergies fossiles et l'importation de composés comme les phosphates, ou la potasse, coûteux.
- une valorisation énergétique via la production du biogaz : 10% des matières entrantes sont transformées en biogaz renouvelable, en remplacement de gaz fossile importé.
Les déchets organiques sont en effet une matière parfaitement recyclable, dont notre agriculture a besoin, et qui ne doivent plus être jetés en mélange avec les déchets ultimes : leur tri à la source, pour produire du compost ou du digestat utilisés pour fertiliser les champs, évite leur gaspillage et des importations et augmente le taux de valorisation des déchets non dangereux. Leur valorisation en méthanisation participe à la production d'énergie renouvelable.
Développement de la méthanisation
L'Europe est la principale zone de production de biogaz par méthanisation. Le processus se développe d’abord en Allemagne et en Italie, puis en France.
Selon le Commissariat général au développement durable, le nombre d'installations de sites d'injection de biométhane en France, de 1 en 2011, 17 en 2015, 214 en 2020, 551 en 2023 devrait continuer à fortement augmenter dans les prochaines années, au regard des nombreux projets en cours et au fort potentiel de la filière (7000 sites prévus en 2050).
Mais il faut rester vigilant quant à l'utilisation des « cultures énergétiques » (8). En effet, les possibles changements d’usage des terres et/ou des systèmes de production pour assurer l’alimentation du méthaniseur, production de cultures dédiées sur des terres anciennement dédiées à la production alimentaire (terres arables ou prairies) ; modification des successions de cultures pour maximiser l’insertion de cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE) peuvent conduire à une possible compétition avec l'alimentation, d'où un impact sur les volumes et les prix, voire une annulation de l'intérêt climatique de la méthanisation.
Par exemple, en Allemagne la politique publique a favorisé un fort développement des surfaces en maïs pour l’alimentation des méthaniseurs, en partie au détriment des surfaces en prairies. L'Italie a tendance à suivre ce modèle, mais de façon plus modérée, grâce à des fermes diversifiées.
Nicole Moreau et l’équipe question du mois
(i) anérobie = sans oxygène. Le contraire est aérobie
(ii) directive mise à jour en décembre 2023 https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/biodechets
(iii) Quel que soit le procédé, le traitement comprend au moins les 3 étapes : désulfurisation, qui enlève le SH2; déshydratation, qui enlève l'eau; décarbonation, qui enlève le CO2.
(iv)Tout gaz injecté dans le réseau de distribution doit posséder une odeur suffisamment caractéristique pour qu'une fuite puisse être immédiatement perceptible. On ajoute au biogaz un liquide incolore à l'odeur caractéristique, le tétrahydrothiophène (THT), à hauteur de 15 à 40 mg/m3.
(v) GNV = Gaz Naturel pour Véhicules, et les véhicules l'acceptant.
Pour en savoir plus
(1) Volta sur Wikipédia
(2) Poubelle sur Wikipédia
(3) Histoire de la société TIRU
(4) Le Grenelle de l'environnement : quels engagements ? sur le site Vie-publique.fr
(5) FNADE Fédération nationale des activités de dépollution et de l'environnement
(6) Arrêté du 23 novembre 2011 fixant la nature des intrants dans la production de biométhane pour l'injection dans les réseaux de gaz naturel sur le site Legifrance.fr
(7) Biodéchets sur le site écologie.gouv.fr du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
(8) Effet de la méthanisation sur l’usage des sols et les systèmes de production PDF - F. Levavasseur, L. Boros, M. Carozzi, R. Girault, L. martin, P. Martin et S. Houot HAL open science, Effet de la méthanisation sur l'usage des sols et les systèmes de production (PDF), Florent Levavasseur, Léa Boros, Marco Carozzi, Romain Girault, Lucie Martin, et al., Webinaire CLIMAE « Quel impact de développement des énergies renouvelables sur l'usage des sols agricoles », Métaprogramme CLIMAE, May 2023, En Ligne, France. 〈hal-04262845〉
Parasport : les origines
La compétition sportive pour les personnes souffrant de handicaps physiques trouve son origine en 1948, lorsque le Dr. Guttmann, neurochirurgien britannique d’origine allemande, décide d'organiser les premiers « Jeux mondiaux des chaises-roulantes et des amputés », pour réinsérer psychologiquement ses patients paraplégiques, vétérans de la Seconde Guerre mondiale.
En 1952, cet événement prend une dimension internationale et, depuis les premiers Jeux paralympiques de 1960 qui se tiennent à Rome, une semaine après les J.O., les suivants se déroulent tous les 4 ans dans la ville choisie pour les Jeux olympiques.
Le handisport nécessite du matériel adapté, aussi bien pour les déplacements (prothèses de membres ou fauteuils roulants), que pour les accessoires spécifiques (sangles, ballons pour non-voyants, protections, etc.).
Les prothèses sont les dispositifs artificiels destinés à remplacer une partie amputée du corps, membre, portion de membre, articulation. Elles existent depuis l’Antiquité ! Jusque dans les années 1980, les athlètes handicapés ne portaient pas de prothèses spécifiques lors des compétitions sportives.
Par la suite, des prothèses spécialement conçues pour les parasports ont été développées. Elles doivent remplir plusieurs fonctions : légèreté, résistance mécanique, biocompatibilité, confort. Les matériaux et les conceptions utilisés dans les prothèses diffèrent selon le type de sport pratiqué.
Elles sont souvent faites sur mesure et privilégient l’efficacité plutôt que l’esthétique.
De quoi sont faites les prothèses des sportifs handicapés ?
Les prothèses des blessés de la Première Guerre mondiale étaient en bois et cuir ! Désormais elles se caractérisent par des matériaux aux propriétés différentes. Les métaux comme le titane, l’aluminium ou l’acier, sont utilisés pour leur résistance et leur légèreté (en réalité ce sont des alliages acier inox, nickel-titane, etc.). Mais de nouveaux matériaux ont fait leur apparition comme la fibre de carbone, le kevlar, la fibre de verre, les matériaux composites, les silicones, etc. et ils ont largement modifié les performances des athlètes handicapés.
Oscar Pistorius, champion paralympique et olympique sur 400 m, utilise des lames en fibre de carbone, jouant le rôle de pied et de mollet. Sa « flex foot » est inspirée de la jambe arrière du guépard, le plus rapide des animaux.
Herr Hugh, grimpeur de très haut niveau dans les années 80, a créé des jambes prothétiques lui permettant d'escalader à nouveau après son accident. Dans son cas, le pied est en titane.
Ces prothèses sont aujourd’hui largement utilisées et résument bien l’apport des matériaux nouveaux.
Exemple d’une prothèse de membre inférieur
Elle comporte 3 éléments : l’emboîture, le manchon, la prothèse (fig. 1).
Figure 1. Flex foot. Source Brevet national des collèges 2020
https://lewebpedagogique.com/technopp/archives/640
1 - L’emboîture relie la prothèse au moignon (membre amputé), elle est la base sur laquelle se fixent les éléments de la prothèse, elle permet l’appui au moignon et transmet l’énergie du corps vers le « membre artificiel ».
Elle peut être réalisée avec un matériau composite (i) appelé « carbone tubulaire ». Ce sont des fibres de carbone (ii) imprégnées de résine acrylique (iii).
D’autres composites sont formés avec du Kevlar (iv), des fibres de verres ou de carbone, tous biocompatibles, qui permettent l’allègement de la prothèse et un meilleur aérodynamisme.
L'emboîture est conçue sur mesure pour éviter tout mouvement du moignon dans l'emboîture.
2 - Le manchon est l’interface entre la peau et l’emboîture, il est destiné à protéger le membre.
Partie souple de la prothèse, il est le plus souvent en silicone (v), matériau choisi pour son élasticité, sa biocompatibilité, sa durabilité et sa capacité à réduire les frottements et les irritations. Des copolymères ou du polyuréthane sont aussi employés.
3 - La prothèse elle-même, pied, genou, jambe, main… ne supporte pas les mêmes efforts selon le sport pratiqué.
Les « lames de course » constituant les prothèses des coureurs à pied sont désormais majoritairement en fibre de carbone.
En fait, les fibres de carbone tissées sont imprégnées de résine époxy et c’est ce matériau composite qui possède un ensemble de propriétés remarquables (cf. tableau comparaison) :
- légèreté due à la très faible densité de 1,8
- résistance 10 fois supérieure à celles de l’acier, ce qui donne une résistance spécifique 50 fois supérieure à celle de l’acier (quotient résistance /densité) (résistance à la compression et la traction, flexibilité)
- tenue en température
- longévité, due à l’inertie chimique (sauf à l’oxydation).
La fibre de carbone contribue au renforcement de nombreux composites. Mais sa production est complexe (vi) et la rend très coûteuse. La réparation et le recyclage des pièces sont problématiques.
Les avancées et les perspectives
Aujourd’hui de nouveaux composants électroniques révolutionnent l’efficacité des prothèses pour compenser le handicap.
Les progrès les plus innovants résident dans les prothèses bioniques (fig. 2) dans lesquelles un (ou plusieurs) composant(s) est géré électroniquement pour reproduire au mieux le fonctionnement humain. (bionique est la contraction de biologique et électronique).
Figure 2. Main bionique https://fr.motorica.org/blog
Des capteurs et des composants, conducteurs ou semi-conducteurs électroniques, captent l’activité (contraction-énergie) des muscles du membre résiduel et la transmettent à la prothèse.
Dans ce domaine, le graphène et les nanotubes de carbone, nouvelles formes (allotropes) du carbone de découverte récente, sont très prometteurs. Le graphène (vii) est constitué d’un feuillet d’atomes de carbone disposés sur un réseau de type nid d’abeille. Sa résistance à la rupture est deux cents fois supérieure à celle de l'acier (tout en étant six fois plus léger).
Un ou plusieurs feuillets peuvent s’enrouler pour former un nanotube de carbone (viii) (fig. 3).
Figure 3. Nanotube de carbone.
Source : Mstroeck. Licence CC BY-SA 3.0, Wikimedia Commons
Flexibles et ultra-résistants, les nanotubes de carbone peuvent, entre autres propriétés, transmettre les courants électriques du corps humain, grâce à leur comportement métallique ou semi-conducteur. Ainsi la présence de nanotubes de graphène a-t-elle permis (1) de fabriquer des mains prothétiques fonctionnelles capables d'interagir avec des écrans tactiles (utile pour les sports électroniques !).
En conclusion, le temps de la jambe de bois du pirate est bien révolu ! L'évolution scientifique et technologique des prothèses permet maintenant aux sportifs handisports de pratiquer leur discipline à haut niveau.
Dans certains cas, les avancées technologiques donnent des capacités accrues aux athlètes handicapés, au point que leurs performances peuvent égaler voire devancer celles des sportifs valides. Par exemple la prothèse permet à l'athlète une restitution d'énergie plutôt constante (et donc moins de fatigue pour l’athlète). La lame de carbone d’un sprinter, selon sa conception ou sa longueur, donne à l’athlète une foulée plus longue et transmet une énergie supérieure à celle des athlètes non amputés. Peut-on alors parler d’« athlètes augmentés par la technologie » ?
Des questions éthiques sur la participation de ces athlètes au côté d’athlètes valides dans les compétitions internationales (2) existent déjà. Toutefois, au cours de l’histoire de l’athlétisme paralympique, seuls quelques athlètes ont atteint les performances des athlètes valides…
Andrée Harari et l’équipe question du mois
(i) Les matériaux composites sont constitués de deux ou plusieurs composants dont les propriétés, différentes mais complémentaires, confèrent au composite des caractéristiques spécifiques.
Dans le cas présent ils présentent, pour l’application recherchée, les avantages suivants :
- résistance : le matériau supporte de nombreux chocs et pressions externes grâce au renfort des fibres de carbone,
- volume et masse plus faibles : allègement parfois considérable du produit final,
- durée de vie : du fait de sa résistance et sa relative inertie chimique, le matériau est durable.
(ii) La fibre de carbone est constituée de fibres extrêmement fines (5 à 10 microns de diamètre) d’atomes de carbone agglomérés en microcristaux. L’alignement des cristaux le long de l’axe de la fibre la rend très résistante. Plusieurs milliers de fibres de carbone sont enroulées ensemble pour faire un fil. Les fibres de carbone étant formées de domaines graphitiques, elles présentent les propriétés électriques du graphite.
Cependant les propriétés sont unidirectionnelles, (anisotropie). Ce n’est pas le cas des métaux qui sont capables de supporter des charges dans n’importe quelle direction (propriété isotrope).
(iii) Une résine acrylique est un polymère thermoplastique ou thermodurcissable obtenu à partir d'acide acrylique (H2C=CHCOOH), ou autres composés apparentés. Ses propriétés utiles sont la résistance mécanique, la biocompatibilité, la transparence.
(iv) Le Kevlar (nom commercial du poly(p-phénylènetéréphtalamide) (PPD-T) est un polymère thermoplastique constitué de noyaux aromatiques séparés par des groupes amide. Les liaisons hydrogène lui confèrent son exceptionnelle résistance spécifique (rapportée à la densité), supérieure à celle de l'acier, mais inférieure à celle des fibres de carbone.
Comme les autres fibres textiles, il ne fait pas partie des matières plastiques (fig. 5).
Structure du kevlar. Licence CC BY-SA 3.0, Wikimedia Commons
(v) Les silicones, ou polysiloxanes, sont des composés inorganiques (il n’y a pas d’atomes de carbone dans la chaîne principale) formés d'une chaîne silicium-oxygène dans laquelle des groupes se fixent sur les atomes de silicium. Le type le plus courant est le polydiméthylsiloxane linéaire (PDMS).
PDMS. licence CC BY-SA 3.0, Wikimedia Commons
Si l'on fait varier les chaînes, les groupes fixés et les liaisons entre chaînes, les silicones fournissent une grande variété de matériaux dont la consistance varie du liquide au plastique dur, en passant par le gel.
(vi) La fibre de carbone est fabriquée à partir des précurseurs comme :
- Les fibres de polyacrylonitrile (fibres de PAN de formule H2C=CH–C≡N). Ces dernières sont oxydées vers 200-300°C pendant une durée allant de 30 minutes à 3 heures et deviennent infusibles. Ces fibres sont ensuite carbonisées sous atmosphère inerte entre 1 000 °C et 1 500 °C pour éliminer les éléments H, N, et O. La graphitisation par un second traitement thermique à haute température (plus de 2 000 °C) améliore la structure des fibres.
- Le brai, goudron issu de distillation de résidus de pétrole ou de houille.
- La cellulose.
(vii) Le graphène est un composé bidimensionnel cristallin, identifié en 2004.
Cette forme de carbone, correspond à un feuillet unique de graphite, de réseau hexagonal, type nid d’abeille. Ses propriétés sont donc bidimensionnelles :
- résistance à la rupture deux cents fois supérieure à celle de l'acier (tout en étant six fois plus léger)
- exceptionnelles conductivités électrique et thermique
- durabilité
Structure du graphène. Domaine public, Wikimedia Commons
(viii) Un nanotube de carbone, observé pour la première fois en 1991 (4) (5), est une structure cristalline composée d'atomes de carbone qui peut être décrite comme un feuillet de graphène enroulé sur lui-même. C’est un tube creux, de diamètre interne d’environ un nanomètre (10-9 m) et d’une longueur de l'ordre de quelques microns.
Les nanotubes peuvent être mono-feuillet ou multi-feuillets. La structure d'un nanotube de carbone multi-feuillets correspond soit à plusieurs feuillets de graphène concentriques, soit à un seul feuillet de graphène enroulé sur lui-même de façon hélicoïdale.
Du point de vue électrique, les nanotubes mono-feuillets ont la particularité remarquable d’être soit métalliques (conducteurs) soit semi-conducteurs. En outre ils ont une excellente rigidité (mesurée par le module de Young), comparable à celle de l'acier et une extrême légèreté.
Références
(1) Nanotubes de graphène, sur le site Motorica (2021)
(2) Le sport augmenté, une révolution en marche à autoriser ?, Journée Transhumansime : de nouveaux droits, Mai 2021, Aix-en-Provence, France, M. Lahaye, V. Perkins, Ch. Charleux, G. Nicolas, V. Andrieu et A. Mahalatchimy, halshs-03406451v2
(3) Electric Field Effect in Atomically Thin Carbon Films K. S. Novoselov, A. K. Geim, S. V. Morozov et al., Science, vol. 306, n° 5696 (2004) p. 666–669
(4) Helical microtubules of graphitic carbon, S. Iijima, Nature, 354 (1991) p. 56-58.
(5) Who should be given the credit for the discovery of carbon nanotubes? M. Monthioux et V. L. Kuznetsov, Carbon, vol. 44, n°9 (2006) p. 1621-1623
Pour aller plus loin
* Les nouvelles prothèses Serge Lécolier, Revue Chimie Paris, n°338-339 (2012) p. 8-11
* Handicap et évolution scientifique et technologique : la prothèse dans le handisport (PDF) Comité Départemental Olympique et Sportif de l'Aisne, aisne.franceolympique.com
* Société Össur, fabricants de produits orthopédiques non invasifs
* Cours de physique du solide : les nanotubes de carbones (pdf) sur le site de l'Institut Rayonnement-Matière de Saclay (Iramis) - CEA
* Cette main bionique peut fonctionner plusieurs années, R. Fouchard, News de science (2023) sur le site des Techniques de l’Ingénieur
* Prothèses bioniques : retrouver les fonctions perdues, article réalisé avec M. Maier, de l'École des neurosciences (unité FR3636), CNRS - Université Paris Descartes, Site de la Fondation pour la Recherche Médicale
Crédit illustration : Championnats du monde d'athlétisme IPC 2013. 200 mètres féminin T44. De gauche à droite : Sophie Kamlish (GB), Marie-Amelie Le Fur (France), Marlou van Rhijn (Netherlands)
Fanny Schertzer, licence CC BY-SA 3.0, Wikimedia Commons
Les beaux jours approchent et vous voulez profiter de votre piscine. Il faut donc s’assurer que son eau est saine et propre à la baignade. Et vous allez faire de la chimie sans vous en rendre compte !
L’eau dans les piscines doit avoir les caractéristiques suivantes :
- abiotique, donc aucun organisme vivant (autre que les baigneurs !),
- limpide,
- non agressive pour les baigneurs.
Quels sont les organismes vivants concernés ? Il s'agit de microorganismes (bactéries, virus, champignons...) et d'algues. Pour lutter contre ces organismes, il est nécessaire de désinfecter l’eau par l’acide hypochloreux, ClOH.
Le traitement le plus rencontré utilise des « galets de chlore »
L’acide hypochloreux, ClOH, est généré in situ en introduisant des « galets de chlore » dit « lents » et « chocs » qui sont deux composés voisins, l’acide trichloroisocyanurique (TCU) et le dichloroisocyanurate de sodium (DCU) (i).
La réaction mise en jeu (par exemple pour le TCU) est : TCU + 3 H2O = 3 ClOH + acide isocyanurique (ii)
Dans les documents commerciaux, ClOH est surnommé « chlore actif ».
Le « chlore lent », peu soluble dans l’eau, permet une dissolution progressive du galet et donc une concentration faible et continue en ClOH. Pour une piscine de 55 m3, il faut deux galets de 250 g pour 7 à 10 jours.
Le « chlore choc » se dissout très rapidement permettant d’augmenter très vite, si nécessaire, la concentration en ClOH (en cas de problème d’algues ou à la sortie de l’hivernage, par exemple).
Il peut arriver qu’on observe une accumulation d’acide isocyanurique au cours du temps. Si sa concentration est trop élevée, les galets n’agissent plus. On dit alors que la piscine est « saturée ». À noter que l’acide isocyanurique est inoffensif pour la baignade (iii). Pour éviter la saturation il faut vidanger une partie de l’eau (environ 1/3) avant chaque hivernage, l’appoint sera apporté par l’eau de pluie avec éventuellement un peu d’eau du robinet.
Pour éliminer les algues, il faut ajouter des sels d’ammonium quaternaire, en combinaison avec du « chlore choc ». Un exemple de sel d’ammonium est donné en note (iv). La prolifération des algues, qui contribuent à une eau trouble et verdâtre ainsi qu’à des dépôts rendant les surfaces glissantes, est favorisée par la lumière, par une augmentation de la température et par une élévation du pH.
La régulation du pH, le plus proche de 7,2, est indispensable pour trois raisons.
- D’une part pour que l’eau ne soit pas agressive pour la peau, il faut que le pH soit compris entre 7,2 et 7,6.
- D’autre part, l’acide hypochloreux est en équilibre dans la solution avec les ions hypochlorite ClO-. Or le pouvoir destructeur des microorganismes de l’acide hypochloreux est environ 100 plus fort que celui des ions hypochlorite [1] et la teneur en acide hypochloreux chute de 66 % à 50 % lorsque le pH augmente de 7,2 à 7,5.
- Enfin il ne faut pas que le pH devienne trop acide car un dégagement de dichlore pourrait se produire (v). Ainsi, si le pH devient inférieur à 7,2, on ajoute du carbonate de sodium Na2CO3, appelé commercialement « pHplus ».
Pour avoir une eau limpide on ajoute du sulfate d’aluminium. Il permet d’agréger (vi) les particules en suspension et de faciliter la filtration ultérieure. Les galets commerciaux (environ 100 g) de ce composé sont enfermés dans un sachet non-tissé ayant l’apparence d’une chaussette. Un résidu gluant se forme dans la « chaussette » évitant d’encrasser les canalisations.
L’acide hypochloreux détruit les microorganismes mais se combine aussi aux composés organiques azotés tels que la sueur, les peaux mortes… que peuvent apporter les baigneurs et baigneuses, pour donner des chloramines ou des composés encore appelés « chlore combiné ». D’où la douche savonnée et le shampoing fortement recommandés en amont. Ces chloramines sont lacrymogènes, d’où la sensation d’avoir les yeux qui piquent, et ont une forte odeur attribuée par erreur « au chlore ». La consommation de ClOH par ces composés diminue la quantité de ClOH disponible pour éliminer les microroganismes. Si c’est le cas, il faut donc augmenter la concentration en acide hypochloreux.
Pour éliminer les chloramines il est nécessaire d’aérer et de renouveler partiellement l’eau de la piscine.
Le traitement par électrolyse
Il existe un autre mode de traitement des eaux de piscine, vendu sous les noms de « piscine au sel » ou « électrolyse au sel » ou « désinfection au sel ». Ce procédé est souvent présenté comme « plus écologique que le chlore » ou « traitement naturel donc plus écologique ». On lit aussi que ce procédé n’utilise pas de « chlore chimique » mais du « chlore naturel » !
Alors tout d’abord soyons clair, ce n’est pas le sel qui désinfecte l’eau de la piscine comme pourraient le faire croire certaines publicités, c’est toujours l’acide hypochloreux ClOH ou « chlore actif ». Et bien sûr c’est la même molécule chimique que celle obtenue avec les « galets de chlore ».
Comment ça marche ?
On introduit 3 à 6 g de chlorure de sodium (vii), NaCl, par litre d’eau de la piscine. Cette concentration est environ 6 à 11 fois moins concentrée que celle de l’eau de mer.
Un électrolyseur est un appareil présentant une cellule d’électrolyse comportant deux plaques en titane (ce sont les électrodes) et un système électrique permettant de créer une différence de potentiel constante (comme un générateur de courant continu). L'eau salée de la piscine est alors pompée à travers le système de filtration et acheminée jusqu'à la cellule d'électrolyse après être passée par les sondes d’analyses, le surpresseur et le réchauffeur. On crée une différence de potentiel (basse tension) entre les 2 électrodes ce qui provoque le passage d’un courant électrique qui va engendrer une réaction chimique à chacune des électrodes.
À l’anode il y a l’oxydation des ions chlorure en acide hypochloreux (viii). On a donc créé in situ le même composé qu’avec les « galets lents et chocs ». Il a bien sûr les mêmes propriétés de désinfection et d’élimination des microorganismes et des algues.
À la cathode, l’eau est réduite en dihydrogène (ix). Ce dihydrogène est entrainé dans le flux (on peut observer des bulles dans l’eau à proximité de la cellule d’électrolyse).
Donc l’électrolyse de l’eau salée a pour réaction globale : 2 H2O + Cl- → ClOH + H2 + OH-.
La réaction globale faisant apparaitre globalement des ions OH-, il est toujours indispensable, de contrôler le pH. Aussi les installations sont souvent proposées équipées d’un régulateur automatique de pH utilisant de l’acide sulfurique.
Lors de la réaction de ClOH sur les microorganismes, il est réduit en chlorure, Cl-, ce qui régénère le sel. C'est ainsi un cycle fermé.
Il faut toutefois surveiller régulièrement la concentration en sel et l’ajuster en cas de dilution par la pluie ou si l’eau de la piscine a été renouvelée ou s’il y a formation de chloramines qui consomment ClOH ce qui casse en partie ce cycle.
Les rayons ultraviolets (UV) provoquant une destruction photochimique de ClOH selon 2 ClOH → O2 + 2 H+ + 2 Cl-, cela rend plus difficile de maintenir le taux de « chlore actif » dans une piscine en plein air. Il faut donc aussi adapter la production par électrolyse au fait que la piscine soit couverte ou non.
L’état des électrodes joue un rôle important sur l’efficacité de la production de ClOH. En particulier leur durée de vie sera affectée si l’eau est très calcaire (ou dite « dure »). Les électrodes sont parfois proposées avec inversion de polarité possible pour alterner leur rôle d’anode ou de cathode et empêcher des dépôts de tartre (calcaire CaCO3).
Enfin le sel favorise la corrosion des installations, ce qui est à prendre en compte dans le coût d’entretien.
Françoise Brénon
(i) Le nom « acide trichloroisocyanurique » est impropre car ce n’est pas un acide. Son nom officiel est le 1,3,5-trichloro-1,3,5-triazinane-2,4,6-trione). Les formules développées sont :
(ii) L’acide iso cyanurique a pour formule développée
(iii) L'acide cyanurique est classé comme « essentiellement non toxique ». Seule donnée sur la toxicité de l’acide isocyanurique : néphrotoxique chez l’animal si ingéré en grande quantité https://reptox.cnesst.gouv.qc.ca/Pages/fiche-complete.aspx?no_produit=11965
(iv) Exemple : Le chlorure de benzalkonium est un mélange de chlorures d’alkylbenzyldiméthylammonium, de formule générale [C6H5-N+(CH3)2CH2 R] Cl-, R représentant des radicaux « alkyl » de C8 à C18. Il est généralement répertorié dans la
littérature sous le numéro CAS n° 8001-54-5.
Exemple du plus couramment employé :
(v) Selon la réaction ClOH + Cl- + H+ → Cl2 + H2O. le dichlore formé est un gaz très toxique.
(vi) En effet si les particules sont très fines (< 20-40 µm) elles ne sont pas éliminées par le filtre à sable. Le phénomène en présence de sel d’aluminium est appelé floculation. Les ions Al3+ donnent un hydroxyde hydraté colloïdal Al(OH)3, x(H2O) agrégeant les particules en suspension, facilitant une filtration ultérieure.
(vii) Se reporter sur la notice du constructeur de l’appareil. Et on peut regarder des conseils en ligne.
(viii) Selon Cl- + H2O → ClOH + H+ + 2 électrons
(ix) Selon 2 H2O + 2 électrons → H2 + 2 OH-
Pour en savoir plus
[1] L'eau de Javel : sa chimie et son action biochimique, G. Durliat, J.L. Vignes et J.N. Joffin. BUP n° 792 (1997) pp. 451-469 et tout particulièrement pages 462-464 où est expliqué le rôle du pH et le pouvoir bactéricide de l’acide hypochloreux supérieur à celui des ions hypochlorite.
[2] Le traitement des eaux de piscine, collection Techno, Nathan (1987)
[3] Guide-piscine 2015, SIET, guide de bonnes pratiques, issu de travaux menés par l'ensemble des professionnels du traitement et de l'analyse des eaux de piscines. Concerne plus particulièrement les piscines collectives.
[4] Pour les piscines avec électrolyseurs on peut consulter les notices des constructeurs. Par exemple Distripool, ou Sterilor ou Dytech…
Crédit illustration : OceanProd / Adobe Stock
Rencontres régionales, nationales, européennes, coupes du monde et bientôt les Jeux olympiques à Paris, que d’occasions pour se retrouver dans les stades. Mais un stade est source de pollution comme tout lieu public accueillant un grand nombre de personnes. De plus en plus d’installations sportives relèvent avec succès le défi climatique en intégrant de nouveaux dispositifs très prometteurs. Découvrons quelques solutions pour rendre un stade plus écologique.
Un constat : les chiffres sont impressionnants (1) (2)
L’arrosage des pelouses consomme énormément d’eau : cela représente près de 100 millions de m3 chaque année en France. La consommation électrique est de 100 000 kWh pour l'éclairage d’un stade pendant un match.
L’émission de dioxyde de carbone CO2 est considérable et concerne aussi bien celui généré pour fabriquer le béton utilisé pour la construction et les rénovations que celui émis pour les transports des supporters lors de chaque rencontre. Par exemple, « En prenant en compte les infrastructures, l’Euro 2016 en France, a de son côté engendré l’émission de 2,8 millions de tonnes de CO2e (i), avec 80% des émissions liées aux stades et un peu moins de 20% liées aux spectateurs. » (2)
Des solutions existent en repensant la nature des pelouses, les matériaux de construction, les transports, la gestion du stade, la limitation des déchets et même en faisant des médailles recyclées ! Nous citerons ici deux exemples où la chimie peut participer à cette amélioration.
Les pelouses hybrides
Il existe plusieurs natures de sols sportifs :
- les sols classiques composés de terre et de sable, qui concernent surtout les clubs amateurs,
- les pelouses naturelles,
- les pelouses artificielles à base de matériaux plastiques,
- les sols hybrides qui concernent depuis 15 ans tous les terrains pour les compétitions de haut niveau.
Apparu en 1990 le gazon hybride est constitué de plusieurs matériaux : du gazon naturel, des fibres de gazon synthétique et un substrat.
Ce gazon hybride, développé par la technologie AirFibr est donc constitué d'un gazon naturel, enraciné dans un substrat de synthèse breveté composé de granulés de liège, de microfibres synthétiques (1 % de la masse de gazon) et de sable fin. Le sable est le composant majoritaire du substrat.
Les microfibres synthétiques renforcent l'enracinement du gazon. Ces microfibres sont généralement faites de polyéthylène (PE), de polypropylène (PP) ou de polyamide (PA) partiellement renforcé de fibres de verre. Elles se présentent sous forme de mono-filaments ou elles sont « fibrillisées » afin de simuler les brins de gazon naturel et de mieux stabiliser les granulats de remplissage. L’insertion des fibres est maintenue en place par une deuxième base qui est faite de latex ou de polyuréthane. Les granulés de liège absorbent les chocs et réduisent les risques de blessure des joueurs (3).
Un terrain hybride améliore la vitesse de jeu, la transmission du ballon, la souplesse de la pelouse et rend le terrain praticable par tous les temps. Le drainage est immédiat, l’eau est absorbée très rapidement et l’évaporation est retardée. Ainsi, le terrain n’est jamais inondé, comme cela peut être le cas avec de la pelouse naturelle.
Ces pelouses peuvent aussi bien être engazonnées par semis que par rouleaux de placage. La surface de jeu homogène reste plane et stable, quelles que soient les conditions climatiques.
L'avantage de cette dernière technique offre aux stades une flexibilité dans la gestion du terrain. En effet, en moins d'une semaine, la pelouse est changée et jouable. Grâce à ce délai court entre le placage et l'accueil d’un match, il est désormais possible de multiplier le taux d'utilisation des stades, notamment en mutualisant le terrain (football et rugby), en accueillant des événements socio-culturels (concerts, festivals) tout au long de l’année. Ceci permet donc de diminuer le nombre de bâtiments avec en conséquence des économies multiples.
Remarque concernant les pelouses artificielles
L’utilisation de billes de pneu recyclés en tant que substrat pour un terrain synthétique, qui permet une utilisation plus intensive comparée à la pelouse et de réaliser une substantielle économie d’eau et d’entretien, est soumise depuis 2018 à une réglementation européenne (4) imposant une très faible teneur en HAP (Hydrocarbures aromatiques polycycliques). La Commission européenne a décidé en 2023 de les interdire à partir de 2031. Reste encore à trouver les solutions de remplacement (5).
Et des médailles à partir de téléphones portables recyclés !
Les médailles de la Coupe du monde de rugby disputée en France en 2023, en or, argent et bronze (alliage majoritairement composé de cuivre et d’étain) ont été fabriquées à partir de téléphones portables recyclés. Ce procédé a déjà été utilisé aux JO de Tokyo en 2021.
Pour cela 206 000 appareils ont été récoltés dans les clubs de rugby et 1491 médailles ont été frappées à la Monnaie de Paris. Le recyclage a été fait dans l’entreprise WeeeCycling [6], située en Normandie, affineur ne travaillant qu’à partir de déchets sans utiliser de minerai d’extraction. Des traitements chimiques et thermiques des déchets électriques et électroniques permettent d’en extraire des métaux précieux et stratégiques à très haut niveau de pureté, moyennant des émissions de CO2 « jusqu’à 2000 fois plus faibles que celles des procédés miniers ».
Après broyage et séparation mécanique, les déchets passent dans des fours permettant de former un alliage séparé des impuretés et des métaux communs, grâce à des réactions d’oxydo-réduction par voie thermique. Les métaux communs sont valorisés par ailleurs. Ces processus n’utilisent que des déchets et leurs pouvoirs calorifiques sont utilisés de manière optimisée avec une faible consommation énergétique (1500 à 2000 fois plus faibles que les procédés miniers traditionnels). La purification de chaque métal est obtenue par différentes phases de séparation et d’affinage chimique et électrochimique.
Ainsi, pour un téléphone de masse égale à 100 g, on obtient 25 mg d’or, 0,34 g d’argent, 8 g de cuivre et environ 1 g d’étain (6) (7a) (7b).
Quelques exemples de réalisations et de projets
Le stade de football de Rodez (8) est équipé d’une pelouse hybride. Un système composé d’arroseurs disposés de manière régulière sur l’ensemble du terrain permet une répartition optimale de l’eau et un arrosage rapide juste avant le match ou pendant la mi-temps, pour humidifier le terrain.
Le système d’arrosage est relié à un système de gestion centralisée lui-même relié à une station météo. Des sondes d’humidité fournissent des informations complémentaires au système sur l’air, l’humidité, les précipitations et le sol, permettant de réajuster la programmation de l’arrosage et d’apporter à la plante la juste quantité d’eau dont elle a besoin. Le terrain a été livré en octobre 2019. M. Rouquié, directeur des sports de la ville de Rodez précise qu’ « avec ce terrain hybride, les apports en eau sont plus fréquents mais moins importants et que la consommation en eau est passée de 5000 m3 à 3000 m3 ».
Un stade de football à Saint-Pol-sur-Mer, dans le Nord, vient d'être équipé d’une pelouse Mixto® de type hybride très drainante par l’entreprise idverde, pour un coût intermédiaire entre celui d’un revêtement conventionnel totalement en herbe et celui d’une pelouse hybride classique (9).
À Lyon, au Groupama Stadium, 50 000 m2 de panneaux solaires ont été installés dans son complexe d’activités pour couvrir une partie des besoins en électricité de l’enceinte (10).
En 4ème division anglaise, le club de Forest Green Rovers promet, d’après le journal La Croix du 15 novembre 2022, de « construire le stade le plus écologique du monde » (prévu pour 2025 avec 5000 places). Il sera entièrement composé de bois, le stade sera alimenté par des sources d’énergie renouvelable (panneaux solaires) et les pelouses seront hybrides sans pesticide. À suivre donc !
Enfin, pour l’ensemble des stades, les pelouses conventionnelles étant très régulièrement et longuement arrosées avant les matchs, on pourrait réutiliser l’eau de pluie.
Odile Garreau et l’équipe question du mois
(i) La notation CO2e est relative aux équivalents dioxyde de carbone qui sont une mesure de l'effet des différents gaz à effet de serre (GES) sur le climat. https://www.connaissancedesenergies.org/questions-et-reponses-energies/gaz-effet-de-serre-quest-ce-que-l-equivalent-co2
(ii) chiffres donnés avant l’installation de la station météo
Sources et Pour en savoir plus
(1) Euro 2016 : l’empreinte écologique démesurée du football en question, C. Fournier, Media youmatter.world
(2) Foot et climat : le bilan carbone du ballon rond, entreprise SAMI Plateforme climat Consultant carbone
(3) Pelouse hybride augmentée AirFibr, société Natural Grass, travail de recherche et développement réalisé en partenariat avec l'Institut de Biomécanique Humaine des Arts et Métiers ParisTech.
(4) Restriction guideline: Annex XVII entry 50, paragraphs 5 and 6 on PAHs: articles within or excluded from the scope, ECHA europa.eu
(5) Enquête Interdiction du pneu sur les terrains synthétiques : les Villes vont payer plus cher, actu.fr
(6) Les spécialités de traitement des déchets de la société WeeeCycling et Processus de transformation de la société WeeeCycling
(7a) Pourquoi ne faut-il pas jeter son smartphone hors d’usage ? F. Brénon, Question du mois, Mediachimie.org
(7b) Projet THYMO | Recyclage des métaux contenus dans les cartes électroniques des téléphones portables GeoRessources, TJFU, Institut Carnot ICEEL, CNRS Centre Est
(8) Stade de football de Rodez : Irrigation spécifiques des terrains hybrides,F. Martin, article de Irrigazette, The leading International Irrigation magazine
(9) idverde invente une pelouse sportive hybride très résistante, Stanislas du Guerny, article de Les Echos 25/10/2016
(10) L’équivalent de 7 terrains de foot ! OL Vallée en passe d’accueillir 50 000 m2 de panneaux photovoltaïques, Lyon Entreprises.com
Crédit illustration : image par Pexels / Pixabay
L'athlète kényan Kelvin Kiptum, qui avait battu le record du monde du marathon en 2 h 00 min 35 s lors du marathon de Chicago le 8 octobre dernier, soit 34 secondes de mieux que le précédent record établi par le double champion olympique kényan Eliud Kipchoge lors du marathon de Berlin en 2022, est décédé dans un accident de la circulation ce 11 février 2024. Quand on pense que de 2000 à 2020, sauf en 2004 où c’était un Italien, ce sont des Kényans, Éthiopiens et Ougandais qui ont été médaillés d'or, et que de 1956 (1) à 2000 on a eu pour chaque olympiade des Africains sur le podium du marathon, on peut croire qu'il ne s'agit pas d'une coïncidence. Alors, quelle est l’explication ?
Explications plausibles
Il y a probablement une part d'explication que les outils des sciences sociales permettent de comprendre : les Africains ne participent aux jeux que relativement récemment. Les meilleurs sportifs préfèrent l'athlétisme sur piste et le marathon a mis plus de temps à être pratiqué que les autres distances. On ne trouve pas de marathoniens ivoiriens, togolais ou namibiens, mais essentiellement des Éthiopiens ou des Kényans. Pourquoi ?
Il y a une raison physiologique : ces pays ont des altitudes moyennes d'environ 1300 m et comportent de hauts plateaux (Vallée du Rift). Les populations vivent donc le plus souvent en altitude. Or en altitude, par suite de la baisse de la quantité d'oxygène, il y a augmentation de la fréquence cardiaque. Au bout d'un certain temps, l'organisme augmente sa production d'érythropoiétine, l'hormone qui dirige la synthèse des globules rouges. Ces globules devenant plus nombreux, il y a un meilleur transport d'oxygène et la fréquence cardiaque peut diminuer, ainsi que l'essoufflement. Et ces effets durent plusieurs semaines. C'est aussi pourquoi les athlètes vont s'entraîner en altitude (le Centre national d'entraînement en altitude de Font-Romeu est à 1850 m).
Vivant en altitude, Kényans ou Éthiopiens ont des modes de vie proches : les enfants vont à l'école à pied, souvent en courant, car c'est loin. Le parcours est accidenté et ils ne portent pas de chaussures de sport ; ils sont souvent pieds nus (cela leur donne un meilleur style de course les forçant à atterrir sur la pointe du pied). Cela leur procure un "entraînement" constant en altitude. Enfin les modes de vie restent rigoureux, et ils font tout à pied. On lira avec profit le travail de fin d'études de Nicolas Tilman (2). La nourriture est moins riche, et ils sont minces (Eliud Kipchoge, médaille d'or en 2020 mesure 1,67 m et pèse 52 kg), avec " de petits mollets ". C'est très important d'après le physiologiste Bengt Saltin (3) (4) car avec en moyenne 400 g de moins pour chaque jambe, il leur faut environ 8% de moins d'énergie pour la soulever. Ils utilisent aussi plus d'oxygène dans chaque inspiration, car leurs nombreux trajets à pied en courant ont augmenté leur capacité VO2(i). Selon Véronique Billat (5), directrice du laboratoire d'étude de la physiologie de l'exercice de l'INSERM, les Kényans courent par à-coups à l'entraînement, placent des accélérations, ralentissent, repartent et cela sur des terrains accidentés ; ils développent ainsi des fibres musculaires intermédiaires, entre lentes et rapides.
Fonctionnement de l'hémoglobine
L'organisme humain n'a que peu de réserve en oxygène. Il lui faut donc constamment en absorber. C'est le rôle de la respiration. Le transport de cet oxygène des poumons vers les organes qui en ont besoin se fait grâce à l'hémoglobine des globules rouges. Les muscles vont stocker cet oxygène grâce à une protéine, la myoglobine.
La myoglobine (figure 1) est une protéine contenant un hème (figure 2), où peut s'insérer un ion Fer(II), Fe2+. C'est lui qui fixe l'oxygène, donnant l'oxy-myoglobine.
L'hémoglobine (figure 3) est un tétramère, dont chaque sous-unité est proche de la myoglobine. Elle contient donc 4 ions Fe(II), Fe2+, et peut fixer jusqu'à 4 molécules de dioxygène(ii). Mais si on regarde les courbes de fixation du dioxygène sur ces deux protéines (figure 4), on voit une différence : la myoglobine le fixe rapidement et est vite saturée (à une pression partielle d'environ 25 mmHg). L’hémoglobine a une fixation sigmoïdale : elle fixe peu de dioxygène à faible pression partielle, puis de plus en plus ensuite à mesure que la pression est élevée. Cette différence vient de l'interaction entre les sous-unités de l'hémoglobine : la fixation du dioxygène modifie la structure de la protéine, la rendant plus apte à en fixer. On dit qu'il y a coopérativité entre les sous-unités. Ce phénomène se dénomme allostérie, phénomène découvert à l'Institut Pasteur par François Jacob et Jacques Monod (Prix Nobel 1965).
Figure 1. Myoglobine. Source : Wikimedia Commons. Domaine public.
Figure 2. Hème. Il s'agit d'une porphyrine, molécule formée de 4 cycles pyrroliques. Un Fe2+ se trouve au centre. On trouve des tétrapyrroles dans d'autres molécules biologiques, comme la chlorophylle, où c'est un Mg2+ qui est au centre. Source : Wikimedia Commons. Domaine public.
Figure 3. Hémoglobine. Il y a 4 sous-unités, semblables à la myoglobine.On voit les 4 porphyrines. Source : Wikimedia Commons. Domaine public.
Fig. 4 Fixation de l'oxygène par la myoglobine et l'hémoglobine. © Encylopaedia Universalis sous licence CC BY-NC
Les conséquences sont que :
- au niveau des poumons où la pression en oxygène est forte, l'hémoglobine le fixera aisément, à 100% (plateau). Elle est alors de couleur rouge vif (sang artériel)
- au niveau des organes, la pression est faible, donc l’affinité diminue, et la protéine accepte de donner son oxygène, là encore de manière allostérique : le départ de chaque oxygène rend le départ du suivant plus facile. Elle devient alors rouge foncé, proche du bleu (sang veineux). On n’a pas cette régulation pour la myoglobine, pour laquelle l’affinité est toujours forte, supérieure à celle de l'hémoglobine : elle ne perd donc pas son oxygène, même à faible pression partielle et est donc capable de le stocker dans les muscles.
Pour en revenir à nos athlètes, on comprend pourquoi l'entraînement en altitude, en augmentant la quantité de globules rouges, donc d'hémoglobine, donc la capacité à fixer et transporter l'oxygène permet à leurs muscles de mieux résister à la fatigue. Si on associe l'altitude à un mode de vie conduisant à un entraînement (involontaire) dès l'enfance, on comprend mieux les performances des athlètes d'Afrique de l'Est, sans avoir besoin de rechercher d'éventuelles caractéristiques génétiques.
Nicole Moreau
(i) La consommation maximale d'oxygène ou VO2 max est le volume maximal de dioxygène qu'un sujet humain peut consommer par unité de temps lors d'un exercice dynamique aérobie maximal. Rapportée à l'unité de masse corporelle, elle s'exprime en ml/min/kg. Cette valeur est un excellent indicateur de la performance potentielle du sujet dans les épreuves d'endurance : plus elle est élevée, meilleure sera la performance éventuellement réalisée.
(ii) L'hémoglobine fixe aussi le CO2, et participe à son élimination de l'organisme. A noter aussi l'affinité de l'hémoglobine pour le monoxyde de carbone, CO et l'ion cyanure CN-, d'où la toxicité de ces éléments.
Pour en savoir plus
(1) En 1956, Abebe Bikila, médaille d'or, Éthiopien, avait couru pieds nus ! Il réitérera son exploit en 1960, mais avec des chaussures.
(2) Cité par Véronique Billat La course à pied. Une histoire de Noirs. Origines d’une telle suprématie de Nicolas Tilman
(3) Bengt Saltin (1935–2014), Bangsbo J, Kjær M, Hellsten Y., J Physiol. 2014 Dec 1;592(23):5149-51. doi: 10.1113/jphysiol.2014.285411
(4) Mollets noirs et blancs mollets, Revue Jeune Afrique (2004)
(5) Fiche Wikipedia relative à Véronique Billat
Illustration : Marathon de Francfort (2017), JeLuF, travail personnel, CC BY-SA 4.0, Lien
Vous pratiquez la plongée sous-marine, le surf ou autres sports nautiques et vous utilisez des combinaisons isothermes en « néoprène® ». Au moment d’acheter votre combinaison vous vous posez la question : laquelle choisir qui soit à la fois performante et respectueuse de l’environnement ? Une recherche sur Internet avec le mot-clef « néoprène » vous propose des alternatives écologiques à leur fabrication.
Voici quelques propositions trouvées et reprises de très nombreuses fois sur Internet par les services commerciaux de vendeurs de combinaisons.
- Nos combinaisons sont en « néoprène issu du calcaire contrairement à la plupart des néoprènes issus de produits pétrochimiques. »
- « Le néoprène biologique Yamamoto est respectueux de l’environnement et se compose à 99.7% de carbonate de calcium »
On notera que sur le site de Yamamoto (i) il est écrit : YAMAMOTO est fier d'utiliser Limestone CR à 100 %. Le calcaire est fabriqué à partir du mont Kurohime qui stocke des milliards de tonnes de calcaire le plus pur. A partir de ce calcaire le plus pur, YAMAMOTO utilise uniquement le calcaire de la plus haute qualité, contenant 99,7 % de carbonate de calcium… Le pourcentage de 99,7% ne concerne donc pas le néoprène. - Un numéro de mars 2021 du magazine de l’ADEME (ii), a pour titre « Des combinaisons de surf à base de coquilles d’huîtres ». Il y est précisé : « Le dernier modèle conçu par l’entreprise est fabriqué à partir de coquilles d’huître broyées. Une matière 100 % naturelle et renouvelable qui remplace le limestone que l’on trouve dans la composition du néoprène des combinaisons classiques ». Cette information a été également reprise par la presse (iii).
Alors décryptons tous ces mots et posons-nous la question : comment peut-on fabriquer une combinaison en néoprène® à partir de pétrole ou à partir de calcaire et celle-ci est-elle une alternative écologique ?
Tout d’abord qu’est-ce que le néoprène® ? [1] [2]
C’est un nom commercial (iv) devenu un nom courant pour désigner le caoutchouc de polychloroprène (noté souvent par le sigle CR pour Chloroprène Rubber). Il n’existe pas dans la nature (v), c’est donc un produit de synthèse.
Il faut disposer d’une molécule monomère, le chloroprène (vi), qui pourra réagir sur elle-même un très grand nombre de fois pour former de très longues chaines moléculaires où les atomes de carbone s’enchainent, pour conduire au polymère, le polychloroprène (cf. figure1).
(n peut être de plusieurs milliers) | |
Figure 1
Il faut donc tout d’abord créer le chloroprène.
Il existe 2 voies de synthèse : soit à partir du pétrole (de très loin la plus répandue depuis 1960) soit à partir d’un mélange de calcaire et de charbon [1] [2] [3] [4].
La première voie passe par l’obtention de butadiène molécule obtenue en très grande quantité (vii) au cours du vapocraquage des essences légères issues du pétrole (viii)(ix).
La deuxième voie passe par l’obtention d’acétylène à partir de calcaire ou limestone (x) et de charbon. Le calcaire est du carbonate de calcium CaCO3 et le charbon est la source de carbone C.
Tableau comparatif des 2 voies par Françoise Brénon
Les atomes de carbone surlignés en jaune (C) proviennent du carbonate de calcium, ceux surlignés en turquoise (C) proviennent du charbon et ceux surlignés en rose (C) proviennent du pétrole. Mais bien sûr, la molécule de chloroprène qu’elle soit dérivée du pétrole ou du calcaire est chimiquement unique. Les atomes de carbone n’ont pas de mémoire !
Et observons que le carbone contenu initialement dans le calcaire se trouve dans CO2 formé (réaction 1).
Alors cette deuxième voie est-elle plus respectueuse de l’environnement ?
Certes elle n’utilise pas de pétrole, ressource non-renouvelable. Mais les mines de calcaire non plus ne sont pas renouvelables et surtout les atomes de carbone provenant du carbonate de calcium se trouvent dans CO2 dégagé ! Au total, pour cette voie, le dioxyde de carbone formé provient pour moitié du carbonate, CO2, cf. réaction (1) et pour l’autre moitié du charbon CO2, cf. réactions (3 et 3’).
Enfin ce procédé très énergivore soulève la question de l’énergie électrique utilisée : est-elle verte et renouvelable, ou non ?
Peut-on dire que « le néoprène calcaire se compose à 99.7% de carbonate de calcium ? »
Cette phrase qui apparait dans de nombreuses communications commerciales n’a pas de sens : elle laisserait à penser que la combinaison est essentiellement constituée de calcaire pratiquement pur ce qui est absurde ou que les atomes de carbone du polychloroprène sont ceux issus du carbonate CaCO3, ce qui est faux.
En effet, pour que le carbonate de calcium soit considéré comme la matière première durable de la fabrication du néoprène, il aurait fallu que l’atome de carbone contenu dans CaCO3 soit la source des atomes de carbone qui constituent la chaine polymérique du néoprène. Or il n’en est rien : le carbone présent dans la chaine du néoprène -(CH2-CCl=CH-CH2)n- provient exclusivement du charbon. On devrait plutôt l’appeler le néoprène charbon !
Remplacer le calcaire des mines par des coquilles d’huîtres : quelle conséquence ? Cela rend effectivement le carbonate de calcium renouvelable, mais cela s’accompagne toujours du même dégagement de CO2 et ne change pas la source des atomes de carbone du chloroprène.
Quant à l’obtention de carbone, nécessaire à la réaction (2) issue de coke, elle est très polluante. Celle à partir de charbon de bois l’est moins et est biosourcée, mais peut être source de déforestation.
Le néoprène limestone est-il biologique ?
Le terme biologique signifie « Qui a rapport à la vie, aux organismes vivants ». Alors, affirmer que le néoprène calcaire ou limestone issu de mines est un néoprène biologique traduit ici une utilisation inappropriée voire trompeuse du terme biologique !
C’est la double utilisation de la coquille d’huître et de carbone biosourcé, ce qui n’est pas cité dans les articles, qui permettrait de donner à cette fabrication un caractère renouvelable (tout en restant très énergivore et en libérant du CO2).
Comment passe-t-on aux mousses néoprène ?
C’est en réalité ces étapes qui vont différencier les qualités des mousses dont sont faites les combinaisons.
Tout d’abord le chloroprène est polymérisé en polychloroprène (xi). Il existe plusieurs grades et viscosités de polychloroprènes. Il est à noter que le chloroprène est fabriqué seulement pour la synthèse du polychloroprène et qu’il existe peu de producteurs dans le monde (xii).
Les fabricants de mousse achètent le polychloroprène aux producteurs précédents. Pour réaliser la mousse, ce polymère est mélangé avec une huile qui sert de liant, des charges renforçantes comme le noir de carbone (xiii), des réactifs pour mener à bien la vulcanisation (xiv), c’est-à-dire créer des ponts entre les différentes chaines de polychloroprène, et divers additifs (xv) dont un générant des bulles de gaz in situ, pour conduire à des mousses alvéolées vendues sous formes de feuilles de différentes épaisseurs.
Le noir de carbone peut provenir de pneus recyclés qui vont subir d’abord une pyrolyse (xvi) [5].
Les procédés mis en jeu peuvent fortement varier d’un fabricant (xvii) à l’autre et vont conduire à des mousses néoprène de différentes qualités.
Et la combinaison ?
Le fabricant de combinaisons achète et sélectionne la qualité et l’épaisseur des feuilles de mousse de néoprène et les associe à des tissus extensibles (xviii) en plusieurs couches contre collées. Les étapes finales sont du ressort de la confection. La qualité des coutures, assemblage cousu-collé est importante pour l’étanchéité.
Alors quelle alternative au pétrole ou au charbon pour une combinaison néoprène ?
Utiliser par exemple des déchets ou résidus agricoles constituant une biomasse pour obtenir un butadiène biosourcé [6].
Les sociétés Michelin, IFPEN et Axens sont très impliquées dans cette approche à partir d’éthanol issu de cette biomasse et démarrent une unité expérimentale en France en 2024 (xix). Ce procédé présente globalement une très faible émission de gaz à effet de serre. Le chloroprène obtenu à partir de ce butadiène biosourcé serait une piste plus écologique.
Et dans une approche d’économie circulaire il faut récupérer les combinaisons usagées. Actuellement des filières se mettent en place. Pour le moment, certaines combinaisons sont broyées mais le résidu est utilisé dans d’autres applications (xx).
Remarque : il existe d’autres combinaisons pour les sports nautiques utilisant par exemple du caoutchouc naturel (naturel rubber NR) ou des mélanges. Elles ne doivent pas porter le nom de néoprène synonyme de polychloroprène. Certains noms commerciaux ambigus sont aussi des sources de confusion.
Conclusion
Il ne faut pas se laisser tromper par les termes chocs utilisés à mauvais escient sans prise en compte de la réalité scientifique comme argument de vente mais il faut développer son esprit critique. Afin de prouver techniquement et scientifiquement que l’option retenue puisse être déclarée « plus respectueuse de l’environnement », il est nécessaire de réaliser l’analyse du cycle de vie du produit fini intégrant toutes les étapes de fabrication et elle doit prendre en compte une multitude de critères selon les principes de la chimie verte [7].
Par exemple tenir compte ici :
- du bilan énergétique global selon les deux voies, sans oublier l’extraction du calcaire ou le ramassage des coquilles et du transport à l’usine pour la voie acétylène ;
- du type de source de carbone dans le cas de la voie acétylène à comparer à la source pétrole ;
- des émissions de dioxyde de carbone et leurs éventuelles compensations lors de l’usage de réactifs biosourcés.
Françoise Brénon et Gérard Roussel
Ajout mai 2024 : vous pouvez également regarder cette vidéo de « Blablareau au labo » sur le sujet.
(i) https://yamamoto-bio.com/material-e/sus2.html
(ii) Des combinaisons de surf à base de coquilles d’huître, ADEME Magazine (mars 2021) ADEME, Agence de la transition écologique.
(iii) Par exemple dans Ouest France sous le titre « Des combinaisons marines fabriquées avec des coquilles d’huîtres » (publié le 2/06/2021) et dans Le Parisien avec le titre « A La Rochelle, une combinaison de surf fabriquée à base de coquilles d’huîtres » (publié le 1/02/2020)
(iv )Néoprène est un nom de marque de la compagnie américaine Dupont, donné dès 1930, à son produit à base de polychloroprène.
(v) Contrairement au caoutchouc naturel, (NR, pour Natural Rubber), obtenu à partir de la sève de l’hévéa.
(vi) En nomenclature il s’appelle le 2-chlorobuta-1,3-diène
(vii) Le butadiène est aussi très utilisé pour l’obtention d’autres caoutchoucs synthétiques et 40 % de sa production est consommée par les pneumatiques.
(viii) Raffinage pétrolier, fiche pédagogique sur le site Connaissancedesenergies.org
(ix) Vapocraquage = cassures de molécules en présence de vapeur d’eau, pour obtenir des molécules de longueur plus courtes. La température est voisine de 700 °C et varie selon la composition de l’essence légère dont on part. https://lelementarium.fr/focus/vapocraquage-des-hydrocarbures/ et https://fr.wikipedia.org/wiki/Vapocraquage
(x) Limestone est le mot anglais pour calcaire.
(xi) Exemples de grades de polychloroprène société DENKA (Japon)
(xii) Les fabricants de chloroprène et de polychloroprène sont, en 2024, Asahi Kasei (Japon), BRP Manufacturing (USA), Canada Rubber Group, Chongqing Changshou Chemical (Chine), Denka (Japon) qui a repris l’activité de Dupont de Nemours aux USA en 2014 et produit le CR aux USA à partir du butadiène, et au Japon à partir du calcaire et du charbon (voir page 9 et 10 de General Introduction and Some Advances on Denka Neoprene® Latex (PDF)), ARLENXEAO (Pays-Bas / France), Macro International (USA), SHOWA DENKO K.K. (Japon), Tosoh (Japon) et Zenith Industrial Rubber Products (Inde).
Sources : https://www.researchandmarkets.com/reports/5143078/global-neoprene-market-2020-2024?w=4 et https://www.usinenouvelle.com/article/arlanxeo-totalement-aux-mains-de-saudi-aramco.N1240402
(xiii) L’ajout de noir de carbone donne la couleur noire aux combinaisons. Mais c’est surtout un excellent agent de protection contre les UV et l’abrasion et il apporte une ténacité à la mousse caoutchoutique. Il peut représenter 30 % de la mousse.
(xiv) Le système de vulcanisation contient de l’oxyde de zinc ZnO, de l’acide stéarique, du soufre ou produits soufrés et des accélérateurs de vulcanisation.
(xv) Parmi ces additifs on trouve des antioxygène, anti-ozone, ignifugeant et des composés générant un gaz (azote en général).
(xvi) La pyrolyse des pneus, préalablement broyés, consiste en une décomposition chimique par une très forte augmentation de température en l'absence d'oxygène, pour conduire à du carbone.
(xvii) Le leader mondial du marché dans la production de mousse néoprène pour combinaison est la société SHEICO basée à Taïwan et qui a ses usines dans l’Asie du Sud-Est.
(xviii) Fibres synthétiques telles que le polyester ou l’élasthanne dérivé du polyuréthane.
(xix) Inauguration d’un démonstrateur en janvier 2024. Voir https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/article/inauguration-du-1er-demonstrateur-industriel-francais-production-butadiene-partir-dethanol-biosource et le schéma réactionnel sur le site de l’IFPEN.
(xx) https://surfwear.sooruz.com/webshop/fr/153-recyclage-combinaison-surf
Pour en savoir plus
[1] Le néoprène, L. Dollinger et P. Ledesma-Diaz-Caneja (2017) sur le site Ramène ta science (Chimie Paris ParisTech PSL)
[2] Manufacture and use of chloroprene monomer, M Lynch, Chemico-Biological Interactions, 135-136 (2001) pp. 155-167
[3] Chloroprène par la voie du pétrole sur le Portail Substances Chimiques de l’INERIS
https://substances.ineris.fr/fr/substance/getDocument/2557 (PDF)
[4] The footprint chronicles: green neoprene? (PDF) 2012 Patagonia
[5] Vidéo d’obtention de la mousse de néoprène (en anglais) par la société Sheico disponible sur YouTube
[6] Les chimistes dans : La chimie du végétal comme substitut du pétrole, F. Brénon et G. Roussel, Série Les Chimistes dans (Mediachimie.org)
[7] La chimie peut-elle se mettre au vert ?, Eric Bausson, Dossier pédagogique Éditions Nathan / Fondation de la Maison de la Chimie (Mediachimie.org)
Crédit illustration : Kate Baucherel / Pixabay, licence de contenu Pixabay
Le caramel aurait été inventé vers l'an 1000 par les arabes au cours de la manipulation du sirop de canne à sucre. Son nom, apparu au XVIIe siècle viendrait, via le portugais camelo, du latin Calamellus, diminutif de calamus, « roseau », à cause de l'analogie de forme entre le sucre durci et la tige de roseau (i).
Il ne faut pas confondre les caramels, friandises dures ou molles, contenant généralement du caramel et d'autres ingrédients (ii), et le caramel, c'est à dire la substance brune à l'odeur et au goût caractéristiques. Pour faire du caramel à la maison, on chauffe du sucre dans une casserole, éventuellement après l'avoir dissous dans un peu d'eau. Selon la durée de cuisson, on aura un caramel clair ou un caramel plus foncé.
Mais quel est donc que ce composé coloré et comment se forme-t-il ?
Les réactions
À la cuisine
Quand on chauffe la solution de sucre (ou le sucre en poudre seul), de l'eau s'évapore (la température est alors de 100°C) et le composé reste blanc. Si on continue, la température s'élève, et une couleur dorée ainsi que la bonne odeur caractéristique du caramel apparaissent vers 160°C. Si on continue à chauffer, la couleur s'intensifie et le caramel devient brun. Le stade « caramel blond » est difficile à saisir, car dès que la température de 160°C est atteinte, cela va très vite évoluer (iii)… Les industriels, pour faire des substances conférant le parfum caramel, ajoutent des produits qui vont ralentir cette évolution, comme de la crème, qui donnera des caramels mous, ou du beurre, du sel, du citron etc. (ii). Ces caramels modifiés seront alors considérés comme des additifs des friandises auxquelles ils sont ajoutés.
Que se passe-t-il ?
Si la glace fond lorsqu’on la chauffe, on la retrouve en refroidissant. C’est réversible. Pas pour le caramel.
C'est que la glace est un composé unique, H-O-H, alors que le sucre de table ou saccharose (iv), C12H22O11, est un disaccharide (v) formé de deux molécules, glucose (cycle à 6 atomes) et fructose (cycle à 5), chacune de formule C6H12O6 liées de façon très spécifique (fig. 1).
Figure 1 (vi). Formule du saccharose (G-F), du glucose (G) ou α-D-glucopyranose, du fructose (F) ou β-D-fructofuranose.
Lors du chauffage, ces deux molécules vont se séparer, et peuvent réagir l'une sur l'autre, soit comme initialement, G-F, soit F-G ou G-G ou F-F et cela en diverses positions. En outre, ces monoses sont fragiles, et comme on le verra plus loin, peuvent se modifier, ce qui complique encore les choses. En regardant les formules, avec toutes ces fonctions alcool, on comprend la difficulté de répondre à la question « qu'est-ce que le caramel ? ».
Il y a environ 200 ans Péligot [1] a fait la première publication sur le sujet, et ce n'est qu'en 1989 [2] que la fraction volatile du caramel, responsable de son odeur, a été identifiée comme le 5-(hydroxyméthyl)-2-furfuraldéhyde (fig. 2). Mais pendant longtemps, on a ignoré la nature exacte du caramel.
Figure 2 (vii). 5-(hydroxyméthyl)-2-furfuraldéhyde
Un peu plus de chimie et l'élucidation du mystère
Souvent, quand vous parlez de la chimie du caramel, on vous répond « Ah oui, bien sûr, la réaction de Maillard ! ». Ce n'est pas exact, cette dernière est caractéristique de la saveur des viandes grillées,
et nécessite la présence de protéines ou d'acides aminés [3]. Mais la caramélisation appartient, comme la réaction de Maillard, au groupe des réactions de brunissement non enzymatique des aliments. Un article de 2000 [4] élucide complètement le mystère.
Lorsqu'on chauffe la solution de saccharose, le disaccharide s'hydrolyse en glucose et fructose. Une catalyse acide facilite la réaction, d'où l'addition recommandée de jus de citron pour faire du caramel. Le fructose donne rapidement des dianhydrides de fructose (DAF) par dimérisation (fig. 3). On sait que les monoses, représentés sous forme cyclique, sont des acétals cycliques et qu'ils sont en équilibre avec la forme ouverte (fig. 4). C'est ce qui permet d'expliquer la formation des anhydrides. Mais il y a de multiples possibilités et plusieurs isomères en équilibre. Ces molécules se retrouvent à plus de 80% dans le caramel fait avec du fructose.
Figure 3. Exemple de dianhydride de fructose, DAF
Source : L'Actualité chimique (novembre 2000) p 25 (schéma 1) [4]
Figure 4 (viii). Formes ouvertes du glucose (à gauche) et du fructose (à droite)
Le glucose peut s'additionner aux DAF en les glycosylant, ce qui donne des glucosyl-DAF (plusieurs, selon le groupe OH auquel il s'attache). Il peut aussi se polymériser en oligosaccharides. Sous la dénomination polydextrose, ces polymères (fig. 5) sont des additifs alimentaires autorisés utilisés comme « agents de charge » sous la dénomination de E1200. Un agent de charge est un composé qui n'est pas digestible et augmente la quantité de produit sans augmenter la valeur énergétique (ici, 1 kcal/g).
Figure 5. Exemple de polydextrose (agent de charges)
Source Heli Putaala
Authentification des caramels
Le caramel dit « aromatique » est un ingrédient largement utilisé pour l’aromatisation des desserts lactés, et le caramel « colorant » est un additif de nombreuses boissons, eaux de vie, aliments pour animaux ou encore de produits pharmaceutiques. Ces deux types de caramels sont définis depuis 1988 par la norme Afnor NF V00-100 (ix), comme devant provenir exclusivement du traitement thermique ménagé de sucres alimentaires en présence de catalyseurs définis (jus de citron, vinaigre, acide citrique...). Pour contrôler ces caramels, on peut rechercher l'agent odorant 5-(hydroxyméthyl)-2-furfuraldéhyde (fig. 2) , mais comme ce produit est commercial et bon marché, il pourrait donc être volontairement ajouté, ce qui rend sa seule recherche peu sûre. La recherche des DAFs est un moyen plus efficace de contrôle de l'authenticité des caramels commerciaux.
En cette période de consommation de friandises, il est important de savoir ce que l'on mange !
Nicole Moreau et l’équipe Question du mois
(i) Dictionnaire historique de la langue française, édition Le Robert
(ii) par exemple, dans le célèbre Carambar, on peut trouver : mono- et diglycérides d'acides gras – sirop de glucose – lait écrémé concentré sucré – sucre – huile de coprah hydrogénée – cacao maigre en poudre – sel – arôme artificiel – gélatine – cannelle, ou autres suivant le type de carambar.
(iii) H. This « A propos de caramel .
(iv) On trouve parfois le nom de sucrose, qui ne doit pas être utilisé en français, car c'est un " faux ami ", c'est le mot anglais désignant le saccharose. Le nom du saccharose dans la nomenclature est le α-D-glucopyranosyl-(1-2)-β-D-fructofuranoside.
(v) Les sucres simples sont des monosaccharides ou monoses. On parle ensuite de di-, tri-saccharides, etc.
(vi) saccharose, Don A. Carlson, Wikimedia Commons, licence CC BY-SA 3.0
glucose ou α-D-glucopyranose, Wikimedia Commons, domaine public
fructose ou β-D-fructofuranose, Wikimedia Commons, domaine public
(vii) 5-(hydroxyméthyl)-2-furfuraldéhyde , Wikimedia Commons, domaine public
(viii) glucose Christopher King, travail personnel, Wikimedia Commons, licence CC BY-SA 3.0
fructose , Wikimedia Commons, licence GPL
(ix) Afnor NF V00-100
Pour en savoir plus
[1] Péligot E., Ann. Chim. Phys., 2nd Ser. (1838) 67, p. 113
[2] Cottier L., Descotes G., Neyret C., Nigay H., Ind. Aliment. Agric. (1989) 106, p. 567
[3] Ledl F., Schleicher E., Angew. Chem., Int. Ed. Engl. (1990) 29, p. 565
[4] Les molécules de la caramélisation : structure et méthodologies de détection et d'évaluation, Defaye J., Garcia Fernandez J.M., Ratsimba V., L'Actualité chimique (novembre 2000) p. 26-27
[5] Et pour sourire à propos du caramel : « Caramel » - produit du jour- Société Chimique de France (SCF)
Crédit illustration : --Where next Columbus? (talk) Wikimedia Commons, licence CC BY-SA 3.0
Vous avez peut-être reçu en cadeau le dernier bijou électronique qu’est votre smartphone. Mais savez-vous que c’est un condensé de chimie au sein d’un assemblage très complexe souvent comparé à un mille feuille ?
Figure 1. Structure en mille feuille. Source : capture de la vidéo La chimie cachée du smartphone ! (Blablareau au labo)
L’écran tactile qui permet à vos doigts de sélectionner des lettres sur le clavier, agrandir les images, bref en un mot à « cliquer » … est constitué d’un verre résistant à base d’aluminosilicate(i) avec un peu d’oxyde de potassium pour limiter les fissures superficielles. En plus petites quantités il contient également des éléments chimiques qui contribuent par exemple à la vivacité des couleurs de l’affichage comme le lanthane (La) ou d’autres qui limitent l’émission de lumière UV.
Derrière l’écran tactile se trouve la dalle d’affichage qui permet à l’écran d’être lumineux et de reconstituer de très belles images colorées. La dalle est caractérisée par un très grand nombre de pixels (en moyenne 2,5 millions). A chaque pixel est associée une couleur qui sera émise grâce à des LED ou des OLED(ii) selon le type de votre smartphone. De nombreuses terres rares telles que Ytrium (Y), Lanthane (La), Terbium (Tb), Thulium (Tm), Praséodyme (Pr), Europium (Eu), Dysprosium (Dy), Gadolinium (Gd) et Cérium (Ce) sont utilisées sur l’ensemble des dalles d’affichage LCD et OLED.
Pour continuer la description du mille-feuille, il y a plusieurs cartes de circuit imprimés où sont soudés les circuits intégrés et les processeurs, les « cerveaux » du smartphone. Ceux-ci sont constitués de milliers de transistors contenant les puces qui commandent les fonctions de votre appareil. Les éléments chimiques qui s’y trouvent peuvent être regroupés selon la fonction à laquelle ils contribuent.
Le câblage nécessite du cuivre (Cu), de l’argent (Ag), de l’or (Au) et du tantale (Ta).
Pour le microphone il faut du nickel (Ni) et des terres rares telles que du dysprosium (Dy), du praséodyme (Pr), du terbium (Tb), du néodyme (Nd) et du gadolinium (Gd).
Les puces ont besoin de silicium (Si) ultrapur dans lequel est incorporé en quantités infinitésimales de l’antimoine (Sb), de l’arsenic (As), du phosphore (P) et du galium (Ga). On parle de dopage du silicium.
Et le tout doit être soudé, le plus souvent avec un mélange étain, plomb (Sn, Pb), ou pour les soudures sans plomb avec un mélange étain, cuivre, nickel (Sn, Cu, Ni) et plus rarement car très coûteux avec un mélange étain argent cuivre (Sn, Ag, Cu).
Tout cela ne peut pas fonctionner sans une batterie performante, puissante et légère. Actuellement vos smartphones possèdent des batteries lithium-ion dont la cathode contient les éléments lithium (Li), cobalt (Co), manganèse (Mn) et nickel (Ni) et l’anode du carbone graphite. L’électrolyte contient des composés organiques et des sels à base de lithium, phosphore et fluor(iii).
La majorité des boitiers est en matière plastique, donc à base de carbone et d’hydrogène, dans lequel un peu de brome (Br) est présent pour jouer le rôle de retardateur de flamme. Des composés à base de nickel sont également incorporés pour limiter les interférences électromagnétiques. Dans certains cas les boitiers sont en alliage de magnésium.
Alors oui la liste des éléments chimiques présents dans un smartphone est longue et on estime qu’elle représente environ la moitié de la classification périodique !
Beaucoup de ces éléments sont devenus des matériaux critiques soit parce qu’ils sont en quantité limitée sur la planète ce qui conduira à un épuisement de la ressource non renouvelable, soit que leurs disponibilités, leurs répartitions et leurs accès rencontrent des problèmes de géopolitique. Sans compter certaines conditions d’extraction dans quelques pays qui soulèvent de véritables questions éthiques.
Les procédés d’extraction et de purification sont consommateurs d’énergie et pour certains, sources de pollution. Il faut donc impérativement améliorer toutes les étapes.
Enfin le smartphone aura fait environ 4 fois le tour de la terre avant de vous être vendu entre l’extraction des matières premières, la fabrication des principaux composants, l’assemblage et la distribution, toutes ces étapes ne se faisant pas dans les mêmes pays (fig. 2). Donc son bilan carbone est très mauvais.
Figure 2. Source : Les défis du CEA #244 : les matériaux critiques, Smartphone, une mine urbaine, p.27
Alors prenez en soin et utilisez le plus longtemps possible votre smartphone, changez la batterie quand elle devient défaillante, faites réparer quand c’est possible avant de décider d’en changer.
Et alors ne jetez pas votre smartphone. Plusieurs solutions existent : il peut être reconditionné ou subir des transformations pour récupérer les matières premières.
Pour cela apporter le dans le bac de récupération des objets électroniques soit de votre déchetterie soit dans les bacs dédiés en ville ou via le circuit de récupération « ecosystème »(iv).
On en est qu’au début mais le recyclage devient impératif(v).
À ce jour certains matériaux présents dans les cartes électroniques comme l’or l’argent et le cuivre sont récupérés car ils ont une haute valeur marchande. Les coques en plastique sont incinérées. Mais il faut mettre en place le développement du recyclage des autres et tout particulièrement des terres rares et du lithium.
Les procédés sont difficiles à mettre en place compte tenu de la complexité du produit dont on part mais cela avance.
Donc plus il y aura de smartphones mais aussi de tablettes récupérées, plus cela deviendra une mine de seconde main, et plus les procédés de recyclage pourront trouver une base économique viable.
Un beau défi pour les chimistes !
Françoise Brénon
(i) Les verres en aluminosilicates contiennent des oxydes de silicium et d’aluminium (SiO2 et Al2O3). L’oxyde de potassium a pour formule K2O.
(ii) Il y a deux types de smartphones sur le marché soit à cristaux liquides (LCD) soit à AMOLED. Les smartphones dit à cristaux liquides utilisent des LED et les autres smartphones dit à AMOLED utilisent des OLED. LED est le sigle anglais pour diode électroluminescente. OLED est le sigle anglais pour diode organique électroluminescente
(iii) LiPF6
(iv) ecosystem je donne mon téléphone
(v) Pour en savoir plus aller voir la conférence en ligne Le recyclage des terres rares : une stratégie d’approvisionnement à la taille de leurs enjeux du colloque « Chimie, Recyclage et Économie circulaire » du 8 novembre 2023
Pour en savoir plus
La chimie cachée du smartphone ! (vidéo) R. Blareau et F. Brénon. Mediachimie / Blablareau au labo. Les fonctionnements des écrans tactiles et de la dalle d’affichage à Amoled y sont décrits en détail en plus des diverses compositions chimiques.
Exploser un smartphone, C. Agouridas, J.-C. Bernier, D. Olivier et P. Rigny, in La chimie dans les Technologies de l'Information et de la Communication, collection Chimie et junior Mediachimie – EDP Sciences (page 56 et suivantes). Entre autres, le fonctionnement des smartphones à cristaux liquides (LCD) y est détaillé.
Accumulateur lithium-ion : une révolution technologique portable ! (vidéo) R. Blareau et F. Brénon, Mediachimie / Blablareau au labo
Garder son smartphone le plus longtemps possible , sur le site de l'ADEME
Zoom sur Les progrès de l’optoélectronique : des LED aux OLED, J.-P. Foulon (Mediachimie.org)
Pour les problématiques et les solutions liées au recyclage : Colloque Chimie, Recyclage et Économie circulaire du 8/11/2023 à la Fondation de la maison de la chimie
Pour les problématiques relatives aux matériaux critiques : Colloque Chimie et Matériaux stratégiques de novembre 2022 à la Fondation de la maison de la chimie
Biochar est un mot résultant de la contraction en anglais de « biocharcoal » qui désigne un charbon d’origine végétale.
Le biochar est proposé pour l’amendement des sols afin d’en augmenter les qualités et les rendements des productions agricoles.
Le biochar est issu de la biomasse provenant de déchets de bois formulés sous forme de pellets et non issue de la coupe de bois, ce qui évite les déforestations provoquées pour l’obtention traditionnelle du charbon de bois.
Le biochar est produit par pyrolyse de ces déchets, procédé qui consiste en un chauffage modéré entre 250°C et 650°C en l’absence de dioxygène. Il en résulte la production de produits gazeux (méthane et dihydrogène utilisables comme combustibles) mais aussi des produits liquides (hydrocarbures à usage de biocarburant) et d’un composé solide noir qui est le biochar. C’est un procédé sans émission de CO2, qui a été mis au point depuis une douzaine d’années à la suite des travaux de l’équipe Lehmann de l’Université Cornell à Ithaca dans l’état de New York.
La pyrolyse lente vers 350°C conduit à une formation à 35 % de biochar et 10 % de gaz (i). Ainsi il faut presque 4 tonnes de déchets de bois à 75 % de matière sèche pour produire 1 tonne de biochar avec une pureté pouvant atteindre 90 %, qui dans ce cas est appelé le biochar premium.
L’entreprise Pronatura a mis au point une technologie permettant aux machines actuelles de fonctionner 7 jours sur 7 et 24h sur 24 et de produire de 1 à 5 tonnes de biochar par jour. Le rendement (masse de biochar / masse de la biomasse à 15 % humidité) peut atteindre 45 %.
La porosité du biochar obtenu lui confère une surface spécifique (ii) de 420 m2/g qui conduit à de grandes capacités d’adsorption : c’est en quelque sorte un réservoir qui peut stocker jusqu’à deux fois et demie son volume en eau ! Quand la plante a besoin d’eau, pendant les périodes de sécheresse, elle ira la chercher dans ce que le biochar a stocké. Par ailleurs le biochar, en présence d’eau, donne un pH basique (entre 7 et 10) ce qui peut permettre de rééquilibrer l’acidité des sols.
Les effets de l’utilisation du biochar sur les augmentations de rendement concernant les cultures dans les zones tropicales comme celles des zones tempérées sont considérables : tomates +177 %, coton +100 %, maïs +150 %, blé +170 % par exemple !
Des startups sont actives sur ce secteur, en particulier « NetZero » cofondée par le climatologue Jean Jouzel.
La société Terra Fertilis à Argentan, dans l’Orne, est la seule entreprise en France à bénéficier d’une autorisation de mise sur le marché délivrée par l’ANSES : plusieurs villes en achètent pour leurs espaces verts, tout comme des pépiniéristes ainsi que des maraîchers et de nombreuses coopératives agricoles qui manifestent de plus en plus d’intérêt pour la culture du maïs et de la betterave.
Mais le biochar est aussi une solution pour la séquestration à long terme du carbone : une tonne de biochar stocke jusqu’à 3 tonnes de CO2. Actuellement le prix de revient du biochar varie entre 500 et 1000 € la tonne. La valorisation en crédits carbone peut alors être estimée à 300 € /ha. Ceci montre que l’intérêt économique dépend essentiellement du montant des crédits carbone (actuellement fixé à 40 € la tonne de carbone).
Les perspectives de l’utilisation du biochar sont nombreuses en dehors de l’agriculture. Par exemple les producteurs de silicium remplacent le charbon par du biochar dans la réduction industrielle de la silice, SiO2 + C = Si + CO2, ce qui conduit à un bilan carbone neutre car le carbone du biochar provient du bois.
Enfin, la Société Soler qui a deux usines dans l’Aube et une autre en Gironde est le leader en France de la production de biochar avec plus de 50 000 tonnes dans un marché national de 130 000 tonnes.
Il ne faut pas confondre le biochar avec le noir de carbone qui sert actuellement essentiellement à l’industrie des pneumatiques.
Et ne broyez pas du noir !
Jean-Pierre Foulon et l’équipe question du mois
(i) Il s’agit de pourcentage en masse.
(ii) La surface spécifique d’un matériau traduit sa capacité à fixer à l’échelle microscopique des molécules à sa surface. Exprimée en m²/g, c’est la surface disponible par unité de masse du matériau.
Pour en savoir plus :
Site Pleinchamp : Tout savoir ou presque sur le biochar (2023)
Site de Pro-Natura International : le biochar est un intrant qui augmente les rendements agricoles de manière écologique en séquestrant du carbone (2019)
Rapport du GIEC (2022) : Mitigation of climative change (chapitre 7)
Pour rappel
Un charbon très tendance, Jean-Claude Bernier, éditorial du 23 mai 2016 (Mediachimie.org)
Crédit illustration : Biochar après production, Oregon Department of Forestry FlickR, CC BY 2.0, Wikimedia commons