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La difficile traque aux émissions de CO2 pour l’aviation

Il y a quelques années, de nombreuses critiques relatives aux déplacements en avion avaient même appelé au boycott des déplacements aériens. Ces critiques n’étaient pas dénuées de fondement puisque par passager et par
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Il y a quelques années, de nombreuses critiques relatives aux déplacements en avion avaient même appelé au boycott des déplacements aériens. Ces critiques n’étaient pas dénuées de fondement puisque par passager et par kilomètre en avion l’émission était de 140 g de CO2 à comparer aux 3,2 g par TGV. Cela avait amené des États à souhaiter supprimer un certain nombre de vols domestiques lorsque la liaison par rail était tout aussi rapide. Face à ces mesures, paradoxalement, les experts de l’aéronautique prévoyaient au contraire une augmentation du trafic mondial confirmé lors de l’après-COVID avec des chiffres sans appel de 8 milliards de passagers attendus en 2040 contre 4,4 milliards en 2019, et l’arrivée de 40 000 avions neufs dont plus de 18 000 pour remplacer les appareils en fin de vie.

Au niveau mondial, le secteur aérien contribue à quelque 3% des émissions de CO2 (1). Dans un élan louable avant 2020, les 193 États de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (OACI), se donnaient comme objectif 0% d’émission en 2050. En 2023, cette même organisation était d’accord pour réduire de 5% les émissions d’ici 2030, en recourant au remplacement du kérosène issu du pétrole par des carburants durables appelés SAF (pour Sustainable Aviation Fuels). Pour sa part, dans la foulée, la Commission européenne dans sa directive « ReFuelEU Aviation » souhaitait que les compagnies de transport aérien incorporent des quantités croissantes de SAF dans le kérosène, 2% en 2024 et 6% en 2030. Bémol en 2025 : l’A4E, association regroupant les principales compagnies aériennes européennes, a tenu le 27 mars à Bruxelles une conférence de presse pour contester ces objectifs européens d’incorporation et dénoncer le calendrier irréaliste compte tenu des faibles quantités de SAF disponibles et de leur prix 3 à 4 fois plus cher que le kérosène. Est-ce un nouveau coup de boutoir contre les règles environnementales européennes face à la concurrence internationale ? Essayons d’y voir clair et quelles sont les pistes d’économie ?

Le poids

Faire voler un plus lourd que l’air ce n’est pas facile, il faut de l’énergie pour le faire décoller et voler sur de longs parcours. Quelques dizaines de kilogrammes en moins permettent d’économiser des litres de carburant. Le remplacement progressif de l’aluminium et des métaux (2) par les matériaux composites en polyesters et fibres de carbone comme dans l’A350 d’Airbus où ces matériaux représentent plus de 50% du poids permet d’économiser environ 20% de la consommation (3). Le remplacement du métal des structures des 156 sièges par un alliage de magnésium sur un A319 permet de gagner plus de 500 kilogrammes. EasyJet a fait repeindre une partie de sa flotte avec une peinture ultra légère ne nécessitant plus de nombreuses couches et permettant l’économie de 1300 tonnes de carburant. Cette même compagnie EasyJet a aussi une politique tarifaire pour les bagages et qui consiste à faire payer plus au-delà d’un certain poids et taille. « Voyager léger », c’est le slogan.

Plus sérieux, la fabrication additive des pièces complexes en composite et le remplacement des polymères thermodurcissables par des thermoplastiques recyclables et surtout permettant de souder ces pièces en évitant l’usage de rivets en métal est un progrès. Le couplage de ces nouvelles méthodes de fabrication permettrait encore une réduction supplémentaire de 6% de la consommation.

Les moteurs

On est assez loin pour l’aviation civile du moteur à pistons et à hélice. L’essentiel des flottes long courrier est équipée de turboréacteurs dont les dimensions ont progressé avec leur puissance. Le leader de la construction de ces moteurs est un franco-américain GE Aviation/Safran qui équipe la plupart des nouveaux avions de ligne Airbus et Boeing (4). Ces moteurs comprennent une soufflante qui comprime l’air à l’avant d’une turbine de combustion avec des pales tournant à très haute température (1200°C) en alliages spéciaux et bientôt en CMC (composites céramiques). Les moteurs CFM 56 des Boeing 747 ont été remplacés par les moteurs LEAP pour l’A320 et Boeing737 permettant d’économiser 25% de carburant. Le dernier, le CFM Rise qui sera opérationnel en 2030, comporte déjà de nombreuses pièces fabriquées en 3D, des pales de soufflantes en composites carbone et des aubes de turbines en céramiques composites. Il sera révolutionnaire dans la mesure où les pales de la soufflante ne seront plus carénées et apparaîtront comme des hélices en avant du turboréacteur. Il devrait permettre un meilleur rendement capable d’économiser encore 20% de plus.

Si sur un gros 747, on estimait par passager la consommation à 3 L/100 km sur un A320 à environ 2,8 L/100 km et sur un A350 à 2,5 L/100 km dans les futurs avions avec le nouveau moteur CFM Rise on devrait être aux environs de 2 L/100 km dépendant bien sûr de la taille de l’avion et du nombre de passagers. Safran Electrical & Power vient en février d’obtenir la certification par l’EASA de son moteur électrique ENGINeUS 100 qui est un concentré d’innovation avec l’électronique de puissance qui contrôle son fonctionnement. Autre atout, sa compacité : il affiche une puissance de 125 kW avec un rapport poids puissance de 5 kW/kg. Il est produit à Niort (79) et au Royaume-Uni à un rythme qui sera de 1000 unités par an et s’adapte bien à l’aviation légère 100% électrique pour 1 à 3 passagers, aux avions hybrides pour 19 passagers, etc. (5) Déjà plus de huit compagnies ont passé commande.

Les carburants alternatifs

Les carburants d’aviation durable (Sustainable Aviation Fuel, SAF) neutres en carbone, peuvent être produits suivant 4 grands procédés chimiques (6) :

  • les procédés oléochimiques de transformation des huiles végétales, animales, usagées ou non, par hydrogénation (HEFA)
  • les procédés biochimiques transformant le sucre en éthanol (ATJ)
  • les procédés thermochimiques par gazéification des déchets organiques et Fischer-Tropsch (FT)
  • les procédés synthétiques à partir de CO2 et hydrogène (Fischer-Tropsch ou méthanol)

Dans tous les cas les SAF doivent être certifiés par les organismes internationaux de normalisation ASTM pour une utilisation sûre dans le domaine aérien et par l’OACI.

Pour l’instant, en 2025 en France, la voie Fischer-Tropsch est étudiée par Elyse Energy à partir de déchets lignocellulosiques du bois et hydrogénation, la voie ATJ à partir du sucre et de cellulose par Futurol et Global Energy permet d’obtenir un SAF qui a été testé en mars par Safran Aircraft. Seul le procédé HEFA est arrivé au stade industriel notamment en Europe par les sociétés Neste et TotalEnergies. Avant que la bioraffinerie de Grand-Puits soit mise en service en 2025, TotalEnergies jongle sur plusieurs sites, avec la raffinerie de La Mède (13) où arrivent les graisses animales et huiles usagées. Elles y sont prétraitées puis hydrogénées grâce à l’hydrogène venant de l’unité de reformage voisine, puis passent dans l’unité d’isomérisation. Pour séparer le carburant pour l’aviation, il manque un étage de distillation à la Mède, donc le HVO part en Normandie à Oudalle (76) pour obtenir le SAF propre qui est ensuite envoyé à Bordeaux (33), d’où partent les citernes alimentant les aéroports. Ce SAF n'est pas encore complétement neutre en carbone car il y a encore 25% d’huiles végétales de colza et l’hydrogène n’est pas « vert » ! Justement l’hydrogène, me direz-vous ? (7) Pour l’instant le kilogramme d’hydrogène vert vaut à peu près 12 fois le prix du litre de kérosène et Airbus vient d’annoncer qu’il retarde la mise au point de son avion à l’hydrogène ZEROe, devant l’incertitude des infrastructures d’alimentation de ce carburant aux aéroports, c’est montrer que la propulsion aérienne à l’hydrogène n’est pas encore mûre. 

Conclusion

Les compagnies aériennes ont raison de dire que les objectifs de réduction des émissions ne seront pas tenus en 2050. Au-delà des annonces et des vols de démonstration, plus médiatiques qu’efficaces, les obstacles sont multiples. Même avec un taux d’incorporation des SAF de 6% en 2030, la production sera largement insuffisante, le procédé d’hydrogénation toujours nécessaire n’est pour l’instant pas nourri d’hydrogène issu de l’électrolyse de l’eau et d’électricité durable. Malgré les efforts d’Airbus et de Boeing, les nouveaux appareils sont livrés au compte-gouttes, empêchant les compagnies d’utiliser les dernières innovations économes en carburant et laissant vieillir leurs flottes. Contrairement à d’autres secteurs de la transition énergétique, l’aviation ne bénéficie pas de subventions mais au contraire de nouvelles taxes frappent le transport aérien.

Devant les doutes sur les ressources et la collecte des millions de tonnes de déchets lipidiques et de biomasse, les investissements dans les filières de HVO (Hydrotreated Vegetable Oil) hésitent et l’engagement d’achat des compagnies aériennes manque. Devant ce cercle vicieux, des experts thermodynamiciens soulignent de plus que la collecte, le prétraitement, l’électrolyse de l’eau, la demande d’énergie pour le raffinage, sont loin d’être négligeables et qu’il conviendrait de faire le bilan carbone de ces SAF. Alors que faire ? Avant de prendre l’avion, faites donc un régime pour maigrir, prenez un petit baluchon très léger, assurez-vous de l’âge récent de l’appareil, sinon prenez le TGV, bien sûr pour New-York ça prendra du temps !

Jean-Claude Bernier
Avril 2025

Pour en savoir plus
(1) Hydrogène, optimisation énergétique et sobriété : l’avenir de l’aviation, P. Labarbe, Fiche Chimie et… en fiches lycées (Mediachimie.org)

(2) Dernières avancées dans les alliages d’aluminium pour applications aéronautiques, T. Warner, colloque Chimie, aéronautique et espace, Fondation de la Maison de la Chimie (novembre 2017)

(3) Les nouveaux matériaux composites pour l’aéronautique, V. Aerts, colloque Chimie, aéronautique et espace, Fondation de la Maison de la Chimie (novembre 2017)

(4) La combustion et les défis de la propulsion aéronautique et spatiale, S. Candel, Colloque Chimie et transports, Fondation de la Maison de la Chimie (avril 2013)

(5) La chimie s’envoie en l’air, J.-C. Bernier, L’Actualité chimique n° 424 (décembre 2017)

(6) La chimie, une solution pour l’avion de demain ?, A. Charles, N. Baffier et J.-C. Bernier, fiche Chimie et… en fiches cycle 4 (Mediachimie.org)

(7) Allons-nous voler à l’hydrogène ? L’évolution du transport aérien, J.-C. Bernier et F. Brénon, éditorial juillet 2021 (Mediachimie.org)
 

Crédit illustration : Niklas Jeromin / Pexels, libre d'utilisation
 

- Question du mois
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Comment réalise-t-on l’impression 3D ou fabrication additive ?

L’impression 3D encore appelée couramment Fabrication Additive (FA) a quitté le domaine du prototypage dans les années 1980 pour gagner le domaine industriel et même le domaine ludique après les années 2000. Elle consiste
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L’impression 3D encore appelée couramment Fabrication Additive (FA) a quitté le domaine du prototypage dans les années 1980 pour gagner le domaine industriel et même le domaine ludique après les années 2000. Elle consiste à réaliser des pièces en 3 dimensions par ajouts successifs de couches de matières principalement des polymères ou des métaux. Elle s’oppose donc à la fabrication soustractive dont le principe est de retirer de la matière à une pièce préalablement moulée (1).

Elle présente de multiples avantages : elle repousse les limites de la technologie en réalisant des formes complexes jusqu’ici irréalisables par moulage ou forgeage, elle permet d’optimiser la quantité de matière première et donc de réduire les coûts et elle permet aussi de réduire les déchets.

Quels sont les procédés de Fabrications Additives ?

Le principe repose sur celui des imprimantes à jet d’encre que l’on retrouve dans tous les bureaux, sauf qu’ici on ne projette plus d’encre chargée en noir de carbone mais un polymère fondu ou une poudre métallique. De même, la buse de projection ne se promène plus de droite à gauche au-dessus du papier (2D), mais elle est animée d’un mouvement vertical au-dessus d’un plateau qui bouge horizontalement (3D).

  • FDM (Fused Deposition Modelling) est le procédé le plus connu. L’imprimante est alimentée par un filament de moins d’un millimètre de diamètre d’un thermoplastique qui passe dans une buse chauffée à environ 150° à 250°C. Commandés par un logiciel qui contient les données géométriques de l’objet à fabriquer, les mouvements du plateau et de la buse construisent l’objet couche après couche. Des bobines de fils de PLA (acide polylactique) biodégradable, d’ABS (acrylonitrile butadiène styrène) ou de PET (polyéthylène téréphtalate basse et haute densité) sont maintenant disponibles très couramment chez les industriels des polymères et en 2009 l’expiration des brevets FDM popularise cette technique et lui donne un fort développement.
  • Autres types de procédés dérivés du FDM :
    • FTI (Film Transfer Imaging) utilise un photopolymère ; après dépôt on illumine avec des lampes infrarouges ou un laser UV pour durcir les couches de résine (SLA StéreoLithography Apparatus) ;
    • MJM (Modelage à Jets Multiples) dispose de plusieurs buses et des arrivées de mélanges pour avoir des couches de polypropylène et d’acrylates ;
    • SLS (Selective Laser Sintering) quitte le domaine des polymères pour la métallurgie. Des couches successives de poudres de métal (aluminium, acier, titane…) sont déposées et sont frittées par un laser IR de puissance (2). Avec les brevets sur le SLS qui ont expiré en 2014, nombre d’entreprises se sont lancées avec des ateliers entiers d’imprimantes à la fabrication de pièces complexes en petites séries pour l’automobile, l’aéronautique et le spatial.
  • Autres types dérivés du SLS  :
    • le SLM (Selective Laser Melting) : on fait fondre à haute température le fil métallique et on dépose des couches de métal fondu.
    • le WAAM (Wire Arc Additive Manufacturing) est un peu une déviation de la soudure à l’arc, puisque le fil est une électrode mise en fusion par arc électrique et le métal fondu est déposé couche après couche. Ce procédé s’est fortement développé depuis 2020. 
    • le MBJ (Metal Binder Jetting), une nouvelle variante, consiste à projeter des gouttes de liants sur un lit de poudre métallique pour l’agglomérer, puis à passer la pièce dans un four de frittage ; le liant est alors brûlé et la pièce consolidée. L’avantage est que l’impression se fait à température ordinaire, et que l’on peut en faire des centaines en même temps : c’est la voie conduisant aux grandes séries.

Les applications

Les applications sont nombreuses.

Beaucoup de petites pièces d’électroménager sont fabriquées en plastique (polyéthylène, rilsan, nylon). Une fois le logiciel d’impression configuré, les imprimantes alimentées par des bobines de résines fonctionnent toutes seules ; la main d’œuvre est réduite ainsi que les coûts de fabrication. Dans les années 2000, la baisse des prix sur les imprimantes grand public de 200 € à 600 € et la possibilité de mutualiser des scanners 3D et des logiciels d’impression gratuits ont multiplié les « fab lab » dans les établissements d’enseignement ou les maisons de la culture. Après quelques années d’emballement, la FA s’est plutôt développée dans l’industrie et le « hobby » est devenu un épiphénomène.

En métallurgie et en matériaux composites, de nombreuses industries l’utilisent soit en sous-traitant à des ateliers spécialisés en FA, soit en interne pour des pièces complexes comme les hélices creuses pour les bâtiments de Naval Group fabriquées par WAAM ; ceci permet de réduire les stocks et les délais d’approvisionnement. Autre exemple : Constellium, le leader français sur l’aluminium commercialise une poudre d’aluminium Aheadd® CP1 étudiée spécialement pour les pièces des bolides de F1.

Dans le sport (3), pour la chaussure tout terrain de rugby et de football « Shark ONE », la semelle, les renforts et la forme ont été imprimés en 3D en PA11 (polyamide 11 ou rilsan) et Pebax® (constitué de blocs de polyamide et de polyéther), des matières éco-responsables de la société Arkema.

En défense, l’armée américaine a développé des mini-usines qui se déplacent sur le terrain avec des imprimantes 3D pour la fabrication de pièces cassées ou manquantes dans l’armement des armées sur le front. En Ukraine, des drones civils ont été modifiés pour porter des charges et de l’armement.

On se rappelle qu’au milieu des années 2000 un logiciel et les données 3D ont été mis sur le Net par un étudiant américain permettant de fabriquer un révolver presque en totalité en plastique et tirant de vraies balles. En 2025, les spécialistes de la lutte anti-terroriste nous mettent en garde sur la facilité et la disponibilité de telles fabrications sur la toile ou sur les réseaux sociaux à des fins criminelles.

Dans le domaine médical, l’extrapolation du prototypage rapide utilisé depuis plus de 30 ans a été un réel progrès pour l’odontologie et la chirurgie. À l’aide des images de l’IRM, on peut fabriquer des prothèses sur mesure et précises, même complexes (mâchoires, articulations de hanches, genoux…) assez rapidement et parfois en temps réel. 

On est près de la science-fiction quand on parle d’impression d’organes humains. 

Une société lyonnaise s’appuyant sur des découvertes du CNRS imprime de la peau (4). On prépare d’abord la bio-encre avec des cellules de peau, de la gélatine, un peu d’alginate et de fibrinogène. On passe ensuite à l’impression sur un support en atmosphère stérile puis dans un incubateur durant 21 jours. On imprime ensuite le derme par-dessus avec la même encre. Cette peau imprimée peut servir aux essais des firmes biopharmaceutiques pour les crèmes et cosmétiques, évitant les tests sur animaux.

La construction n’est pas en reste. La fabrication additive permet de construire des bâtiments. Un très beau projet réalisé en 2024 sur les composites résine–bois regroupant deux industriels de la charpente et de la FA, en collaboration avec l’École du Bois d’Épinal et l’École d’Architecture de Nancy ,vise à réaliser la première machine de « stratoconception » de 20 à 30 mètres pour des halls ou salles de sports.

Quels défis pour la FA ?

L’impression plastique continue à se développer mais elle doit tenir compte du recyclage des fils polymères dans une démarche d’économie circulaire menée par les chimistes. Les procédés de la FA sont ceux qui ont le moins d’impacts sur l’environnement, moins de matière, pas de déchets. Mais lors de la conception des logiciels d’impression, les algorithmes de l’intelligence artificielle peuvent optimiser les structures des pièces à fabriquer, en vue de performances spécifiques. Cette nouvelle application de l’IA commence à diffuser. 

Le dernier défi à relever concerne la formation et le recrutement car on demande de plus en plus de compétences (5) dans ce domaine où chimie, polymères et matériaux sont les mots-clés pour cette industrie 4.0. Des salons sont consacrés à l’impression 3D où des acteurs du secteur présentent leurs réalisations et recrutent, comme le salon 3D Print à Lyon, par exemple.

Jean-Claude Bernier et l’équipe Question du mois

Pour en savoir plus
(1) La 3D, troisième révolution industrielle ?, J.-Cl. Bernier L'Actualité Chimique (juillet 2015)
(2) Le Laser en contexte industriel : une palette d’applications étonnantes, T. Engel, Colloque Chimie et lumière, Fondation de la Maison de la Chimie (février 2020)
(3) Le rôle des matériaux composites dans les performances sportives, Y. Rémond, Colloque Chimie et Sports en cette Année Olympique et Paralympique, Fondation de la Maison de la Chimie (février 2024)
(4) L’impression fait peau neuve, J. Leyes et B.Robert, Grand Prix Jeunes Journalistes de la Chimie 2018 (vidéo et article)
(5) Voir l’Espace Métiers de Mediachimie

 

Crédit illustration : capture vidéo L’impression fait peau neuve, J. Leyes et B.Robert, Grand Prix Jeunes Journalistes de la Chimie 2018

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Vidéo Histoire du mois : Eva Ekeblad et la pomme de terre

Vidéo du mois : Eva Ekeblad et la pomme de terre Le 10 juillet 1724, en Suède, nait Eva de La Gardie, plus connue sous le nom de son époux Eva Ekeblad. Elle côtoie les paysans, cherche un moyen de lutter contre les
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Vidéo du mois : Eva Ekeblad et la pomme de terre

Le 10 juillet 1724, en Suède, nait Eva de La Gardie, plus connue sous le nom de son époux Eva Ekeblad. Elle côtoie les paysans, cherche un moyen de lutter contre les famines et propose de généraliser la culture de la pomme de terre. Cette dernière a été introduite en Suède en 1658 par le naturaliste Olof Rudbeck (1630-1702) dans le jardin botanique d’Uppsala.

Mediachimie a créé pour vous des vidéos passionnantes et riches d’informations sur des anecdotes historiques relatives à la chimie. Retrouvez chaque mois une nouvelle vidéo.

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Grand Prix des Jeunes Journalistes de la Chimie : les finalistes en lice

Le 25 mars dernier, le jury du Grand Prix des Jeunes Journalistes de la Chimie (GPJJC) s'est réuni et a procédé à la sélection des 4 binômes de l’édition 2025 du concours, parmi un total de 17 dossiers de candidature. Les
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Le 25 mars dernier, le jury du Grand Prix des Jeunes Journalistes de la Chimie (GPJJC) s'est réuni et a procédé à la sélection des 4 binômes de l’édition 2025 du concours, parmi un total de 17 dossiers de candidature.

Les 4 dossiers retenus sont :

  • La Paléoprotéomique. Maël BREHONNET - Athéna SALHI-IJBA - Institut de Journalisme de Bordeaux Aquitaine
  • Les parfums de synthèse. Élisa LENGLART-LECONTE - Élisa MARUENDA - École de Journalisme de Grenoble - ELISAS_EJDG
  • Remplacer le sucre : l’édulcorant idéal existe-t-il ? Emma BARETS - Adèle LEBRUN - Institut pratique du journalisme (IPJ) de Dauphine PSL
  • Détruire les PFAS grâce à la chimie. Arthur BAUDIN - Noé MEGEL - Institut français de presse (IFP-Panthéon-Assas)

La prochaine étape sera la rencontre avec le jury le 9 avril prochain à la Fondation, puis deux mois d’investigations pour produire un article et une vidéo.

Rendez-vous en juin pour visionner et lire les productions et surtout connaître le binôme vainqueur du GPJJC 2025 (remise des grands prix le 26 juin à la Fondation de la Maison de la chimie).

Pour information, ci-dessous les membres du Jury :

Françoise BELLANGER
Chaine L’esprit Sorcier TV

Vincent BORDENAVE
Le Figaro - Sciences et Médecine

Carole CHATELAIN
Journaliste Scientifique

Alain COINE
Ancien Délégué Général d’Universcience Partenaires

Bernard MEUNIER
Directeur de recherche émérite au CNRS,
Membre et ex-Président de l’Académie des sciences et membre de l’Académie Nationale de Pharmacie

Danièle OLIVIER
Présidente du Jury
Vice-Présidente de la Fondation de la Maison de la Chimie

Jean-Marc SIGOT
Journaliste scientifique, réalisateur, auteur Chaine L’esprit Sorcier TV

Yann VERDO
Les Echos - Chef de rubrique Science

Philippe WALTER
Vice-Président Fondation de la Maison de la Chimie
Membre de l’Académie des Sciences

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Pourquoi se forme-t-il du tartre sur les résistances chauffantes ? Et peut-on l’éviter ?

Tout d’abord qu’est-ce que le tartre ? Tartre et calcaire sont synonymes et tous les deux constitués de carbonate de calcium de formule chimique CaCO3, c’est-à-dire formés à partir des ions calcium Ca2+ et des ions
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Tout d’abord qu’est-ce que le tartre ? Tartre et calcaire sont synonymes et tous les deux constitués de carbonate de calcium de formule chimique CaCO3, c’est-à-dire formés à partir des ions calcium Ca2+ et des ions carbonates CO32-.

Le carbonate de calcium est très présent dans la nature, dans les terrains dit calcaires : Bassin parisien, Nord, Alpes, Jura, Champagne crayeuse..., comme le montre la figure 1.

L’eau qui pénètre dans ces sols dissout une partie des sels présents et s’enrichit ainsi en sels minéraux avant d’atteindre les nappes phréatiques d’où elle sera pompée puis traitée et rendue potable.


Figure 1
(i)

On définit la « dureté » de l'eau, paramètre qui mesure la quantité d’ions calcium et magnésium, présents dans l'eau. Elle s’exprime en degré TH (°f), pour Titre Hydrotimétrique français.

1 degré TH(°f ) =  4 mg de Ca2+  ou 2,4 mg de Mg2+ par litre d’eau.

On attribue les adjectifs « douce » ou « dure » aux eaux selon la valeur de ce TH.

Échelle (ii)

Notons que dans un terrain calcaire, l’eau s’est enrichie simultanément en ions calcium et carbonate.

Influence du pH sur les ions carbonates 

Les ions carbonates participent à des équilibres acido-basiques, comme le montre la figure 2.

Le dioxyde de carbone CO2 est un acide faible et se transforme pour pH supérieur à 6,35 en ion hydrogénocarbonate (aussi appelé ion bicarbonate). Celui-ci se transforme en ion carbonate pour pH supérieur à 10,3.

L’eau du robinet a un pH compris entre 7,2 et 7,6. Il en est de même des eaux en bouteille non gazeuses. A ce pH, l’eau dure contient donc des ions calcium et des ions majoritairement sous forme d'hydrogénocarbonate et non de carbonate (cf. figure 2).

L’équilibre des espèces carbonatées dans l’eau

En réalité les trois espèces coexistent et sont toujours en équilibre dans l’eau, selon :

Dire que le bicarbonate est majoritaire c’est dire que les ions CO32- et le dioxyde de carbone CO2 sont très minoritaires mais présents.

Au final l’eau dure contient donc des ions calcium et des ions hydrogénocarbonates, qui restent dissous.

Que se passe-t-il quand on chauffe l’eau ?

Le chauffage de l’eau va favoriser le dégazage de CO2 dont la solubilité dans l’eau diminue si la température augmente. Cela va provoquer naturellement un déplacement de l’équilibre précédent vers la droite pour reformer du CO2. Mais il se forme donc simultanément des ions carbonate. Or les ions carbonates et les ions calcium ont une affinité l’un pour l’autre et vont précipiter sous forme de carbonate de calcium. La réaction qui a lieu est la suivante :


Le tartre s’est formé !

C’est la raison pour laquelle vous observez un dépôt de calcaire tout particulièrement sur les résistances de chauffe-eau, de lave-linge, de lave-vaisselle, dans les cafetières, dans les fers à repasser… Cela engendre des dépenses d’énergie supplémentaires, limite l’efficacité des savons et détergents, le linge est rêche…

Comment peut-on éviter ou éliminer ces dépôts ?

Comme nous l’avons vu (figure 2), les ions carbonates sont des bases donc l’action d’un acide va détruire le calcaire. C’est le rôle des détartrants ou du vinaigre que vous pouvez utiliser. La réaction qui a lieu est

CaCO3 + 2 H+ → Ca2+ + CO2 (gaz) + H2O

Evidemment on ne peut pas mettre un détartrant directement au cours d’un cycle de lave-linge ou de lave-vaisselle. Dans ce cas on peut adoucir l’eau en remplaçant les ions calcium par les ions sodium, c’est le rôle du « sel régénérant », constitué de chlorure de sodium pur (NaCl). On peut aussi ajouter à la lessive un composé qui réagit sur les ions calcium (on parle de séquestration ou de complexation) les empêchant de précipiter avec les ions carbonates(iii).

Pour limiter l’entartrage des résistances de chauffe-eau, on peut adoucir l’eau en amont de l’installation.

Consommation d’une eau dure

Boire une eau dure ne pose aucun problème de santé. Bien au contraire : n’oublions pas que l’ion calcium a une grande importance physiologique (os, dents) et qu’il participe au fonctionnement de la cellule et à la contraction musculaire. L’ion magnésium participe à de très nombreux processus biologiques, au bon fonctionnement du système nerveux et son apport est exclusivement nutritionnel.

On prendra soin de ne pas boire l’eau adoucie riche en ions sodium, car une consommation en excès de ces ions peut entraîner de l'hypertension artérielle.

Françoise Brénon

 

(i) Source https://la-meilleure-centrale-vapeur.fr/le-calcaire/
(ii) Source https://fr.wikipedia.org/wiki/Duret%C3%A9_de_l%27eau
(iii) ce sont souvent des tensioactifs anioniques de type carboxylate : RCOO- à longues chaine carbonée (R). Cela peut aussi être des hexamétaphosphates de sodium (Na6P6O18).

 

Crédit illustration : Résistance chauffe-eau, F. Brénon.

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Après le chocolat… la mousse au chocolat !

Après une première vidéo sur la chimie du chocolat et de ses arômes, voici maintenant une vidéo sur les mystères de la mousse au chocolat. À travers cette vidéo de Blablareau au labo, coproduite avec Mediachimie et la
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Après une première vidéo sur la chimie du chocolat et de ses arômes, voici maintenant une vidéo sur les mystères de la mousse au chocolat.

À travers cette vidéo de Blablareau au labo, coproduite avec Mediachimie et la Fondation de la Maison de la Chimie, découvrez comment obtenir une mousse gouteuse, ferme et stable.

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Rendez-nous les neutrons rapides

Avec le renouveau de l’énergie nucléaire (1), de nombreux pays construisent de nouvelles centrales nucléaires. D’après l’AIEA plus de 44 centrales nucléaires sont en construction et plus de 70 projets de SMR sont en
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Avec le renouveau de l’énergie nucléaire (1), de nombreux pays construisent de nouvelles centrales nucléaires. D’après l’AIEA plus de 44 centrales nucléaires sont en construction et plus de 70 projets de SMR sont en cours, la France qui vient de mettre en service un EPR2 à Flamanville se doit d’être présente dans la course.

Les réactions nucléaires

La réaction nucléaire de fission consiste à casser le noyau d’un élément lourd fissile à l’aide de la capture d’un neutron : par exemple, avec l’uranium 235 (2)
0n1 + 92U235 = 38Sr94 + 54Xe139 + 3 0n1 + Energie

L’énergie dégagée est considérable, par fission, 1 gramme d’U235 libère 70 fois plus d’énergie qu’un kilo de fuel. Les 3 neutrons libérés vont aller casser à nouveau 3 noyaux d’uranium. On s’arrange par ralentissement des neutrons à ce que le nombre moyen de fissions caractérisé par un facteur de multiplication k soit nettement inférieur à 3 et très proche de 1 pour que la réaction s’entretienne. C’est typiquement une réaction nucléaire avec des neutrons lents (RNL) pour les ralentir on utilise l’eau, soit bouillante, soit sous pression.

Dans un réacteur à neutrons rapides qu’on ne ralentit pas, on observe une probabilité plus grande de capture par d’autres éléments lourds non fissiles comme l’uranium 238 U238 : n + U238 = Pu239 + 3n.
Cette réaction se produit déjà un peu dans les réacteurs thermiques (RNL) mais on peut la favoriser dans les réacteurs sans ralentisseur, où par exemple on remplace l’eau par le sodium liquide. Ces réacteurs à neutrons rapides (RNR) vont générer et utiliser avec plus de chances comme élément fissile le plutonium (Pu) et d’autres produits de fission (3).

Les réserves d’uranium

En France, 56 réacteurs fournissent chaque année environ 400 TWh d’électricité en utilisant 1250 tonnes de combustible contenant 50 tonnes d’U235 enrichi à 4%. Au cours de la fission 20 tonnes de plutonium sont créées, dont une partie est séparée dans l’usine de retraitement de La Hague et recyclée dans le combustible MOX. Finalement seuls 0,5% des 9000 tonnes de d’uranium naturel (Unat) importé (50/9000) sont utilisés, c’est un vrai gaspillage (4).

Dans un réacteur à eau pressurisée (EPR) ou bouillante (EBR) on consomme annuellement environ 23 tonnes d’uranium naturel par TWh soit pour la France environ 9000 tonnes de Unat. Dans le monde, 60 000 t Unat sont consommées pour produire par l’électricité nucléaire 260 TWh. Comme nous allons vers une consommation d’énergie électrique en constante augmentation, les prévisions de l’AIEA conduisent à presque doubler les installations existantes pour une production de 60 000 TWh exigeant plus d’un million de tonnes d’Unat correspondant à la totalité des ressources mondiales d’uranium. Cette situation met en lumière un risque de pénurie dès la fin de ce siècle avec ses risques géopolitiques et économiques considérables. Les producteurs d’énergie n’investiront dans de nouveaux EPR que s’ils ont la certitude de pouvoir l’alimenter en uranium durant 60 à 80 ans (5).

Les RNR et la surgénération

Devant ce problème physicochimique et économique, la surgénération apporte la solution d’un cycle nucléaire durable. Comment est-ce possible ? Les neutrons rapides ont la propriété de pouvoir être absorbés par un noyau fertile U238 et de le transformer en noyau fissile Pu239 qui à son tour va donner des neutrons rapides. Ceux-ci vont à nouveau transformer d’autres noyaux d’U238 et donner d’autres isotopes du plutonium (239, 240, 241…). On a donc une réaction qui produit sa propre matière fissile et surtout à partir de l’uranium 238 qui constitue 99,3% de l’uranium naturel et qui n’était pas exploités dans les RNL ! Le nombre de neutrons émis par fission de Pu239 est plus important que pour U235 et si la valeur moyenne est supérieure à 2 on peut espérer produire plus de Pu que celui consommé. Dans un réacteur à neutrons rapides contrôlé, on peut soit entretenir la réaction avec sa propre matière fissile, soit en produire plus pour démarrer d’autres RNR. Et en France, on dispose d’une usine de traitement et de séparation pour récupérer le plutonium. De plus les neutrons rapides ont la capacité de transmuter les isotopes des actinides mineurs présents dans le combustible usé (Np237, Pu 238-242, Am 241, Cm244), et donc de supprimer les déchets nucléaires à vie longue et de diminuer la durée du stockage de 10 000 ans à 300 ans (6).

Une vision d’avenir

La France dispose d’un véritable trésor : d’abord 400 000 tonnes d’uranium 238 appauvri et 60 tonnes de plutonium déjà séparés par l’usine de la Hague (7). Cela permettrait d’ores et déjà de démarrer une petite dizaine de RNR et de disposer de réserves énergétiques pour fournir durant plus de 1000 ans les besoins en électricité de l’Hexagone. Les experts traduisent en termes énergétiques les 400 000 tonnes d’uranium 238 qui peuvent devenir fissiles dans les RNR à 900 milliards de tonnes d’équivalent pétrole, soit les réserves mondiales de « l’or noir ».

La France a d’autres atouts car elle dispose d’une expérience sur la filière la plus mature, RNR/ sodium, où le fluide caloporteur est le sodium fondu. Dès 1967 le réacteur Rapsodie à Cadarache, suivi en 1973 du réacteur Phénix, expérimental qui sera arrêté en 2009, a fourni des données très utiles sur la circulation du sodium et les perfectionnements en matière de sûreté. Puis, en 1976, une collaboration européenne a conduit à un réacteur de puissance (1200 MWe) Superphénix qui sera arrêté pour des raisons électorales en 1997. Enfin, en 2006, un nouveau prototype au sodium, ASTRID, qui intègre les nouvelles avancées en matière de sûreté et d’optimisation des coûts est lancé par le CEA, puis malheureusement abandonné en 2019 pour des raisons budgétaires et à nouveau politique (8).

C’est dommage, car plusieurs RNR sous forme de prototypes ou de réacteurs d’études fonctionnent en Chine et en Russie, l’Inde démarre un RNR de 500 MWe et heureusement, une collaboration Japon-Framatome-Orano vise un démonstrateur pour 2040 en France.

Les scientifiques et élus de l’OPECST (Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques) soulignent que la relance d’un programme nucléaire de RNR est une mission de l’État. On peut regretter d’avoir par plusieurs fois arrêté son développement alors que nous étions, par le CEA, leader en ce domaine. L’indépendance énergétique de la France et de l’Europe exige une décision rapide et un investissement massif comme le souhaitent les Académies des sciences et des technologies avec une feuille de route de 2040 à 2100 conduisant à un démonstrateur en 2040 et des réalisations industrielles dès 2060. Vous, les jeunes, profitez de ce nouvel élan, Orano, Framatome, EDF, le CEA renouvellent leurs ingénieurs et techniciens et rajeunissent leurs cadres. La chimie nucléaire vous attend (9).


Schéma simplifié du processus simultané de régénération et de réaction de fission en chaine. Source image : site Sfen.org

Jean-Claude Bernier
Février 2025

Pour en savoir plus
(1) Le nucléaire devenu « vert » ?, J.-C. Bernier, éditorial, Mediachimie.org
(2) Équation d’une réaction nucléaire, Lucien Ransinangue, dossier pédagogique réalisé par les Éditions Nathan en partenariat avec La Fondation de la Maison de la Chimie et Mediachimie
(3) Le cycle de vie du nucléaire, B. Boulis, Clefs CEA, 61 (2013)
(4) De l’uranium à l’énergie nucléaire, vidéo du CEA
(5) On va manquer d’uranium, J.-C. Bernier, L’Actualité chimique (mai 2013)
(6) Le nucléaire dans le futur et la transition énergétique / complémentarité, C. Behar, Colloque Chimie et énergie nouvelles, Maison de la Chimie, 10 février 2021
(7) La chimie et sa R&D dans l’industrie nucléaire, F. Drain, Colloque Chimie et enjeux énergétiques, Fondation de la Maison de la chimie, 14 novembre 2012
(8) ASTRID, démonstrateur technologique du nucléaire de 4e génération, F. Gauché, Clefs CEA, 61 (2013)
(9) Les chimistes dans : le monde de l’énergie nucléaire, série Les chimistes dans… Mediachimie.org

 

Crédit illustration : Sfen, reproduit avec l'autorisation de la Sfen, de la page Quelle est la différence entre un neutron lent et un neutron rapide ? site sfen.org

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Vidéo Histoire du mois : Hippolyte Mège et la margarine

Vidéo du mois : Hippolyte Mège et la margarineUtilisé pour l'alimentation humaine, le beurre, au milieu du XIXe siècle, était rare, donc cher et se conservait mal. Trouver un produit de même valeur nutritive, ne
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Vidéo du mois : Hippolyte Mège et la margarine
Utilisé pour l'alimentation humaine, le beurre, au milieu du XIXe siècle, était rare, donc cher et se conservait mal. Trouver un produit de même valeur nutritive, ne présentant pas ces inconvénients, était nécessaire pour la marine ou les armées. Cette prise de conscience conduisit Napoléon III à lancer un concours, dont le lauréat fut, en 1869, le pharmacien Hippolyte Mège, l’inventeur de la margarine.

Mediachimie a créé pour vous des vidéos passionnantes et riches d’informations sur des anecdotes historiques relatives à la chimie. Retrouvez chaque mois une nouvelle vidéo.

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Pourquoi la taille des grêlons grandit-elle dans les orages violents ?

Au cours des années 2021 et 2022 des épisodes de grêle ont dévasté de nombreuses régions françaises et ont causé des dégâts considérables conduisant beaucoup de villages à des déclarations de catastrophes naturelles.
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Au cours des années 2021 et 2022 des épisodes de grêle ont dévasté de nombreuses régions françaises et ont causé des dégâts considérables conduisant beaucoup de villages à des déclarations de catastrophes naturelles.

Comment se forme la grêle ?

La grêle se forme essentiellement dans de gros nuages humides appelés cumulonimbus dont l’épaisseur peut dépasser 10 km. Lors d’un orage l’été, la température du sol est souvent supérieure à 30 °C et des vents violents surviennent pouvant atteindre des vitesses de 150 km/h. Les gouttelettes d’eau sont entrainées rapidement par des courants ascendants et se refroidissent. En effet la pression atmosphérique baissant avec l’altitude, la température de l’atmosphère diminue quand l’altitude augmente : on parle dans ce cas de « détente adiabatique ». Les gouttelettes se refroidissent rapidement à des températures inférieures à 0 °C mais n’ont pas le temps de geler ; on dit qu’elles sont en « surfusion ». Ce n’est que dans la partie supérieure du nuage que la congélation a lieu sous forme de « noyau de glace » appelés grêlons. La zone orageuse est habituellement très localisée allant de 100 m3 au début de la formation de la grêle mais peut atteindre jusqu’à parfois 1 km3 !

Comment grossissent les grêlons ?

Les gouttelettes d’eau au contact des grêlons s’agglomèrent et grossissent. Les grêlons continuent à monter dans le nuage. Lorsque le courant ascendant ne compense plus le poids du grêlon, ce dernier commence à redescendre avec une vitesse limite constante tout en continuant de grossir. La structure des grêlons est donc constituée de couches successives de glace ce qui leur donne un aspect translucide. Lors de cette chute le grêlon peut sortir du nuage et peut alors commencer à se sublimer (il passe directement de l’état solide à l’état gazeux). Ceci explique que le grêlon dans l’atmosphère est plus gros que celui qui arrive au sol.
Le diamètre des grêlons dépend de leur vitesse de chute et peut varier de 1 cm (v = 35 km/h) à 20 cm (v = 120 km/h). La masse des grêlons peut prendre des valeurs très élevées parfois jusqu’à 1 kg !

Comment peut-on lutter contre les averses de grêle ?

Pour diminuer les risques de grêle on a pensé d’abord à ensemencer des nuages par des substances hygroscopiques. En effet l’augmentation du nombre des noyaux de congélation diminue alors la taille des grêlons. Ainsi a-t-on un moment utilisé des cristaux d’iodure d’argent (AgI) à raison de 10 µg/m3 mais cela s’est révélé potentiellement toxique à l’échelle du nanogramme sur les voies respiratoires de l’organisme. L’emploi du chlorure de calcium (CaCl2) a donné des résultats peu reproductifs, tout comme l’usage des canons anti-grêle par désagrégation des grêlons à l’aide d’ondes de choc ! La protection des vergers par l’emploi de filets contre la grêle reste encore le moyen le plus répandu et le plus efficace.

Étant constitué de glace, un grêlon présente une réflectivité (énergie réfléchie) très faible aux ondes radar utilisés en aéronautique, ce qui rend difficile la distinction entre des petits grêlons et des gouttes d’eau. Cependant un signal radar très fort peut révéler la présence de gros grêlons qui peuvent être responsables de la détérioration des turboréacteurs ou des matériaux d’isolation utilisés dans les travaux de couverture et d’isolation des bâtiments. Seuls des relevés par des observateurs et des passionnés de météorologie fournissent des informations sur la localisation de ces phénomènes. La Mission des Risques Naturels de l’ANELFA et le Bureau d’Etudes Kéraunos récoltent des données des sinistres occasionnés par la grêle qui permettent d’établir ainsi des cartes de la fréquence de ces événements météorologiques par commune et par saison.

Note : La formation de la grêle est très différente de celle de la neige ! Cette dernière a lieu dans des nuages à faibles mouvements, à des températures au sol inférieures à 0 °C, donnant des petits cristaux de glace qu’on appelle flocons.

Jean-Pierre Foulon

 

Voir aussi Contre la sécheresse faut-il ensemencer les nuages ?, éditorial de mai 2023 de J.-Cl. Bernier (Mediachimie.org)

Crédit illustration : soupstock / Adobe Stock

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Diffusion en direct du Colloque Chimie et Alimentation 12/02/2025

Vous qui n’avez pas la possibilité de venir à la Fondation de la Maison de la Chimie le 12 février 2025, vous pouvez assister en direct au Colloque Chimie et Alimentation sur Mediachimie ou sur Youtube La diffusion en
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Vous qui n’avez pas la possibilité de venir à la Fondation de la Maison de la Chimie le 12 février 2025, vous pouvez assister en direct au Colloque Chimie et Alimentation

sur Mediachimie ou sur Youtube

La diffusion en direct est disponible sur cette page.

La captation des conférences sera par la suite disponible en ligne et leur mise à disposition sera indiquée sur la page d'accueil de Mediachimie.
 

Retrouvez une sélection de ressources sur l'alimentation et la chimie pour découvrir et comprendre pourquoi l'alimentation est un enjeu majeur et quel rôle y occupe la chimie.

Vous pouvez aussi tester vos connaissances sur le sujet avec ce quiz.

En savoir plus sur le colloque

Programme (PDF)

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La Chimie tire la sonnette d’alarme

Pont de ClaixLa plateforme chimique de Pont-de-Claix, dans l’Isère, plus que centenaire, est en pleine désorganisation. Sa plus grande unité, Vencorex, spécialisée dans la production d’isocyanates pour les peintures et
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Pont de Claix

La plateforme chimique de Pont-de-Claix, dans l’Isère, plus que centenaire, est en pleine désorganisation. Sa plus grande unité, Vencorex, spécialisée dans la production d’isocyanates pour les peintures et vernis (1), qui emploie plus de 450 personnes, a été placée en redressement judiciaire et vient de subir une grève ainsi un blocage du site de plus de deux mois.

Malgré une sortie de crise début janvier, l’incertitude quant à une solution de reprise pérenne persiste. On craint un effet domino car sur le site de Pont-de-Claix et celui proche de Jarrie, avec Air Liquide, Arkema, Seqens, Solvay, présents sur ce site, règne une synergie pour la mise en commun de l’énergie, de la chaleur, des fluides gaz et vapeur et du traitement des déchets. Des relations entre producteurs et clients s’y sont instaurées. C’est un modèle dans lequel la chimie est essentielle au fonctionnement des industries diverses : Air Liquide produit le CO pour fabriquer en bout de chaîne les peintures, Ventorex purifie le sel pour fournir à l’industrie des plastiques et du médicament du chlore-soude et du chlorure de méthyle, Arkema utilise le sel pour faire des chlorates et perchlorates pour les fusées d’Arianespace (2). C’est toute une industrie en aval qui risque de pâtir de cette crise, le chlore pour Framatome qui purifie le zirconium de l’industrie nucléaire, le chlore pour d’autres plateformes à Marseille ou Lacq. Les salariés d’Arkema se sont à leur tour mis en grève en décembre en raison de l’incertitude de la poursuite de l’activité H2O2, Cl2, chlorates et perchlorates qui pourrait entraîner un nouveau plan social.

C’est évidemment la concurrence asiatique qui mine la compétitivité de Ventorex. Son concurrent direct, le groupe chinois Wanhua, lui propose une reprise non crédible. Les produits chinois arrivent en Europe 30 % moins coûteux. La chimie française avec un prix de l’énergie et du gaz deux à trois fois plus élevé qu’aux États-Unis ou en Chine ne peut plus faire face à la concurrence malgré un savoir-faire de spécialités et un ensemble d’infrastructures quasiment unique souligne le Medef Isère. On voit combien sont nécessaires ces plateformes chimiques iséroises ; sans elles plus de peintures, plus de médicaments, plus de fusées Ariane, plus d’électricité nucléaire et… plus de souveraineté nationale.

France Chimie

C’est aussi ce que souligne France Chimie (3) qui rappelle que la chimie est un acteur majeur de l’économie française avec une balance commerciale encore positive et essentielle pour les autres industries. France Chimie estime qu’au moins 15 000 emplois directs seraient menacés depuis 2024. Le taux d’utilisation des capacités des sites de la chimie de base reste en dessous de 75 % depuis deux ans, situation insoutenable, provoquée par une demande européenne en berne, des charges réglementaires et des coûts de l’énergie suicidaires par comparaison à d’autres régions du monde, les États-Unis , la Chine ou le Moyen-Orient. À cet écart de compétitivité s’ajoute des investissements industriels menés aux États-Unis avec les subventions en milliards de dollars de L’Inflation Reduction Act (IRA) et des pratiques commerciales plus proches du dumping pratiquées par la Chine. Heureusement la chimie de spécialités notamment les parfums, les cosmétiques et les médicaments souffre moins que dans d’autres pays européens. Dans nos industries chimiques le nombre d’apprentis ne faiblit pas et nos ingénieurs chimistes se placent très bien. Cependant, France Chimie, avec plus de 1000 entreprises et fédérations européennes de la chimie, a signé « la déclaration pour un pacte industriel européen » demandant à Bruxelles :

  • un accès à une énergie compétitive (4)
  • restaurer et accélérer les investissements et l’innovation
  • simplifier et diminuer les sur réglementations du pacte vert
  • accompagner l’évolution des métiers et des compétences (5).

Une crise industrielle européenne

Cette crise économique n’est pas réservée à La France. Si Vencorex comme Exxon Mobil à Port-Jérôme en Normandie, qui projette d’arrêter son vapocraqueur, sont cités comme exemples, en Allemagne BASF lance un plan d’économie de plus de 2 milliards d’euros. L’entreprise ferme une dizaine d’installations et prévoit la suppression de 2600 postes, y compris dans son site historique de Ludwigshafen (6). La campagne électorale en cours n’épargne pas Volkswagen qui veut fermer trois usines entrainant plusieurs dizaines de milliers de postes supprimés. Cela illustre la crainte des constructeurs européens d’automobiles qui risquent de payer plus de 15 milliards euros d’amende si les taux de CO2 des flottes commercialisées dépassent la limite imposée par le plan vert de Bruxelles.

L’atonie des ventes de véhicules électriques européens submergés par la vague chinoise plus compétitive a rendu véhéments les patrons de l’automobile auprès de Mme von der Leyen. S’y ajoute pour les batteries la ruine du groupe suédois Northvolt qui voulait devenir le géant européen des batteries et qui se retrouve en quasi-faillite avec 15 milliards € de dette. ACC avec ses coactionnaires TotalEnergies, Stellantis et Mercedes-Benz démarre la fabrication de batteries à Douvrin dans le Nord (7) mais gèle les projets de gigafactories en Italie et en Allemagne. En effet, si les batteries Li-NMC sont les plus utilisées, les fabricants chinois tentent d’imposer la batterie LFP (lithium-fer-phosphate) plus économique et imposent aux Européens une réflexion sur la stratégie chimique à prendre en compte. En métallurgie, face à l’acier chinois et bientôt américain, ArcelorMittal a suspendu son investissement de 1,7 milliard pour la production d’acier par DRI et la réduction par l’hydrogène à Dunkerque, devant le prix de l’hydrogène vert. On aurait pu se réjouir fin 2024 lorsque Plastics Europe a annoncé que la production européenne de plastique avait diminué de 8,3 % à 54 millions de tonnes, mais hélas la production issue du recyclage (8) a aussi diminué de 7 %, car les autres pays du monde ont augmenté la production directe de polymères. L’Europe est donc devenue pour la première fois importatrice de résines. Elle doit faire face à une hausse brutale des importations de résines beaucoup moins chères en provenance de régions où les normes environnementales sont moins strictes, comme en Asie qui représente 54 % de la production mondiale.

La réaction de l’Europe

La Commission européenne est devenue sensible à ces crises et aux revendications de l’industrie et des États. Elle lance une feuille de route qui devrait être officielle fin février. Le mot d’ordre est « compétitivité, compétitivité, compétitivité » ! Déjà un dialogue stratégique est entrepris avec les constructeurs automobiles et les équipementiers. Pour les marchés publics, elle propose une préférence européenne. Elle prône la simplification de ses réglementations et des procédures qui accompagnaient le pacte vert en détricotant les 2300 obligations de la CSRD et de la taxonomie. Il semble que l’arrivée de D. Trump outre-Atlantique ait provoqué une réflexion géopolitique de la Commission européenne, Mme von der Leyen, prudente, parle de « choc de simplification », mais pas encore de détricotage des normes. Tout le monde attend des actes et des mesures financières telles que celles d’un IRA européen, pour que selon le libéral Donald Tusk (Premier ministre polonais) : « l’Europe ne peut pas perdre la compétition mondiale et devenir un continent d’idées naïves. » Heureusement en France nous avons une recherche universitaire, CNRS…, et industrielle de grande qualité. Des pépites naissent qui veulent mettre fin au monopole extérieur (chinois). Citons Tokai Cobex Savoie qui a transformé une ancienne usine Carbone Savoie, qui produisait les blocs graphite pour la production d’aluminium, en une fabrique de poudre micronique de graphite ultra pur pour les électrodes des batteries, graphite qui est à 99 % issu de Chine. Dans ce même domaine des batteries, deux entreprises se lancent dans une technologie disruptive celle des batteries tout solide : Blue Solutions à Quimper qui fournit déjà certains bus et le chimiste Syensqo qui, à Aubervilliers et à La Rochelle où une usine pilote a été inaugurée, mise sur les électrolytes sulfures tout solide. Ces défis de la chimie font penser au slogan lancé en France après le choc pétrolier de 1973, que l'on peut reprendre 50 ans après : « En France on n’a pas de dollars mais on a des idées ! »

Jean-Claude Bernier
Janvier 2025

 

Pour en savoir plus
(1) En quoi la chimie intervient dans la création de peintures, encres et vernis ? Mediachimie.org
(2) La chimie et l’espace, J. Louet, Colloque Chimie, aéronautique et espace, 8 novembre 2017, Fondation de la Maison de la chimie
(3) La chimie s’inquiète pour l’avenir, J.-C. Bernier, Mediachimie.org
Vitesse de déploiement et acceptabilité des nouvelles technologies dans le domaine de l’énergie, G. de Temmerman, Colloque Chimie et énergie nouvelles, 10 février 2021, colloque Fondation de la Maison de la chimie
Métiers de la chimie – Le Havre et ses environs, dossier Mediachimie.org
Plus de gaz plus d’engrais, éditorial, , J.-C. Bernier, Mediachimie.org
Avancées et perspectives dans le domaine du stockage électrochimique de l’énergie (batteries), D. Larcher, Colloque Chimie et énergie nouvelles, 10 février 2021, colloque Fondation de la Maison de la chimie
(8) Recyclage des plastiques …vers une économie circulaire, E. Cheret, Colloque Chimie, Recyclage et Economie circulaire, 8 novembre 2023, colloque Fondation de la Maison de la chimie

Crédit illustration : Usine chimique, Lacq, France, Bernard Blanc/flickr, licence CC BY-NC-SA 2.0

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Qu’entend-on par charbon actif ?

Le charbon actif (CA) est utilisé pour traiter des problèmes de pollution de plus en plus prégnants. Il n’est à confondre ni avec le biochar (i) ni avec le noir de carbone (ii). Comment est-il préparé ?Le CA est d’abord
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Le charbon actif (CA) est utilisé pour traiter des problèmes de pollution de plus en plus prégnants. Il n’est à confondre ni avec le biochar (i) ni avec le noir de carbone (ii).

Comment est-il préparé ?

Le CA est d’abord obtenu par pyrolyse (carbonisation) actuellement à partir de végétaux tels que du bois, des tiges de bambou, des coquilles de noix, ou de coco principalement à une température de l’ordre de 500 °C. Il faut par exemple 50.000 noix pour faire 1 tonne de charbon actif ! Il y a expulsion du gaz carbonique, d’acides organiques volatils contenus dans la matière initiale. On obtient du carbone presque pur de structure caverneuse présentant une surface poreuse d’environ de 5 m2/g. À la différence du noir de carbone, le traitement se poursuit par une activation. Il s’agit dans un premier temps d’un chauffage en présence de vapeur d’eau vers 800 °C. Sous l’action de la température élevée et de la vapeur, la matrice carbonée est littéralement criblée ce qui augmente sa porosité. Dans un second temps un chauffage vers 500 °C en présence d’agents chimiques tels que l’acide phosphorique augmente le nombre des pores permettant d’atteindre des micropores de 1 nanomètre (nm) et une surface de l’ordre de 1500 m2/g dans le charbon actif issu de coques et seulement de 2 à 50 nm pour celui issu des bois. Le CA produit est hygroscopique mais peut adsorber les produis organiques, par exemple 0,5 kg de toluène par kg de carbone. Selon les conditions expérimentales on distingue deux grandes variétés de CA.

Le charbon actif en poudre (CAP) possède une très fine granulométrie de l’ordre de 20 µm environ et de masse volumique d’environ 400 kg/m3. Il est utilisé dans le traitement des eaux pour des pollutions accidentelles à raison de 20 mg/L pour éliminer en particulier des polluants organiques à une concentration pouvant atteindre une concentration de 1.500 mg/m3 et qui sont responsables essentiellement des mauvais goûts et des odeurs désagréables des eaux.

Le charbon actif en grains (CAG) est constitué d’une granulométrie plus de l’ordre du millimètre. Il est trois fois plus cher que le CAP et est utilisé pour éliminer les polluants organiques tels que les pesticides, les composés biologiques non biodégradables et les PFAS. C’est une des étapes dans les unités de traitement des eaux pour l’obtention d’eau potable.

Le plomb et les métaux lourds ne sont pas éliminés de cette façon. L’adoucissement de l’eau n’est pas réalisé par le charbon actif. Par contre si l’eau a été adoucie via le remplacement des ions calcium par des ions sodium (sel pour adoucisseur), le passage de cette eau sur du charbon actif ne modifie pas l’adoucissement.

La régénération du charbon actif nécessite de casser les liaisons existant à la surface du CA. Actuellement le CAP chargé des impuretés est récupéré sous forme de boues et incinéré. Pour le CAG, le « décrassage » peut nécessiter un chauffage vers 1000 °C pour volatiliser les impuretés adsorbées ou dans certains cas un simple lavage avec des solutions aqueuses d’acides ou de bases par exemple.

Les applications du CA sont nombreuses. Outre le traitement de l’eau, il peut être utilisé pour décolorer les jus sucrés, par exemple le sirop de glucose. Les cartouches filtrantes des masques à gaz contiennent du CA pour fixer les gaz toxiques comme les COV (composés organiques volatils) et les dioxines contenues dans les fumées d’incinération. Le CA est aussi présent dans des éco-textiles pour éliminer les odeurs corporelles, dans des hottes aspirantes, dans les filtres à cigarettes…

En médecine, sous forme de granulés, il est employé pour traiter un grand nombre d’intoxication digestive, diarrhée, gastroentérite. Il ne présente pas d’effet toxique mais ne doit pas être conseillé par exemple lors de prise de traitements anticonceptionnels car le CA fixe le principe actif.

Les utilisations du CA se répartissent selon (iii) :

  • Traitement de l’eau 40 %,
  • Purification de l’air 22 %,
  • Agroalimentaire 18 %,
  • Pharmacie, médecine 6 %,
  • Automobiles 4 %.

La production mondiale dépasse actuellement les 2 millions de tonnes.

 

Jean-Pierre Foulon

 

(i) Voir la Question du mois « Qu’entend-on par biochar ? » J.-P. Foulon, Mediachimie.org
(ii) Voir le Zoom sur le noir de carbone, J.-P. Foulon, Mediachimie.org
(iii) Source : Charbon actif sur le site l’Elementarium

 

Crédit illustration : Charbon actif sous forme de poudre et de bloc, Ravedave / Wikimedia Commons, licence CC BY-SA 3.0

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Vidéo Histoire du mois : Agatha Christie et la cocaïne

Vidéo du mois : Agatha Christie et la cocaïneDominant le Jardin des Plantes à Paris, la Gloriette du Muséum est une des plus anciennes constructions métalliques, fabriquée au XVIIIe siècle dans les forges de Buffon. Mais
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Vidéo du mois : Agatha Christie et la cocaïne
Dominant le Jardin des Plantes à Paris, la Gloriette du Muséum est une des plus anciennes constructions métalliques, fabriquée au XVIIIe siècle dans les forges de Buffon. Mais les métaux, ça s’oxyde…

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Quelles différences entre farines et fécules ? Et comment choisir ?

Bientôt les fêtes, et donc la période des gâteaux ! Pour faire des gâteaux, on utilise des matières grasses, de l'eau, éventuellement des œufs, mais les deux ingrédients essentiels sont le sucre(i) et la farine. Ici on ne
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Bientôt les fêtes, et donc la période des gâteaux ! Pour faire des gâteaux, on utilise des matières grasses, de l'eau, éventuellement des œufs, mais les deux ingrédients essentiels sont le sucre(i) et la farine.

Ici on ne va s’intéresser qu’à la farine ou plutôt aux différentes sortes de farine. En effet il n'y a pas que la farine de blé, car de nombreuses plantes, et pas seulement des céréales, peuvent donner des farines utilisables en cuisine. Elles sont obtenues en broyant des graines de céréales (blé, orge, épeautre, maïs...), de légumineuses (lentilles, pois chiches, haricots, soja…), de racines (manioc, pommes de terre), etc.

Elles contiennent toutes essentiellement de l’amidon. Il y a également des protéines (gluten par exemple), et d’autres composés comme des fibres si la farine est faite avec des graines complètes (avec leurs enveloppes).

L’amidon n’est pas constitué d’une seule et même molécule mais a une structure complexe qui varie selon la plante dont il est issu, d’où l’apparition de différences entre les farines.

Pour comprendre cela, il nous faut tout d’abord parler du D-glucose et de ses polymères à partir desquels est constitué l’amidon. On peut le représenter dans un plan et en perspective. Mais le cycle n'est pas plat, et on préfèrera la représentation dite « chaise ». Il existe 2 structures(ii) nommées α et β, selon la position dans l’espace du groupe OH porté par le carbone numéroté 1 (figures 1a et 1b). Le D-glucose est un sucre simple.

 

Fig. 1a. α-D glucoseFig. 1b. β-D glucose

 

Les polymères de glucose et l'amidon

Des molécules de D-glucose peuvent s’associer entre elles pour donner de longues chaines appelées polymères de glucose. Il y a dans la nature de nombreux homopolymères(iii) du glucose selon la façon dont les molécules s’enchaînent.

On observe ainsi parmi ceux-ci(iv), deux enchainements possibles conduisant à deux homopolymères de glucose, l’amylose et l’amylopectine, qui constituent l’amidon.

  • L’amylose est un polymère linéaire formé de plus de 1.000 unités D-glucose liés par des liaisons O-glycosidiques (α-1,4) (figure 2a).

    Fig. 2a. Les numéros des atomes de carbone auxquels est lié l’atome O sont indiqués.

    Elle prend une structure hélicoïdale stabilisée par des liaisons hydrogène entre les unités (6 unités par tour d’hélice) (figure 2b).

    Fig. 2b. Amylose : Structure partielle ; le pointillé indique que la chaine se prolonge.
  • L’amylopectine est ramifiée et comporte plus de 10.000 unités D-glucose unies par des liaisons O-glycosidiques intra-chaînes (α-1,4) et inter-chaînes (α-1,6) (figures 3a et 3b).
    Il y a un branchement toutes les 20 unités environ. Sa structure est plus désordonnée que celle de l'amylose.
    Fig. 3a. Les numéros des atomes de carbone sont indiquésFig. 3b. Structure partielle simplifiée ; 1 seule ramification est représentée et les chaines sont évidemment plus longues.

Les farines et les compositions de leur amidon

Les proportions entre amylose et amylopectine vont être caractéristiques de l’amidon de chaque farine, dont la teneur en protéine (gluten ou autre…) est également spécifique. Ainsi blé, épeautre, orge, seigle contiennent du gluten tandis que millet, sorgho, avoine, quinoa, sarrasin n'en contiennent pas.

Pour ce qui est des ratios amylose/amylopectine on observe :
blé 35/65, maïs 25/75 (mais selon les cultivars(v) on peut avoir des chiffres très différents, comme des maïs avec un ratio jusqu'à 70/30 !), pour le manioc, la pomme de terre, en revanche il y a peu d'amylose, 20/80, et pour le riz il y a de fortes variations d’un riz à l’autre la teneur en amylose pouvant aller d’une valeur inférieure à 5% jusqu’à une valeur supérieure à 24%.

Les fécules : ce ne sont pas des farines

La plus connue est la Maïzena®. Attention ! Il s'agit d'une marque déposée et appartenant à Unilever(vi) Il vaut mieux parler de fécule de maïs. Pour faire de la fécule, on met la farine en suspension dans l'eau, on agite énergiquement et on rince plusieurs fois : on a ainsi enlevé les protéines (gluten par exemple) qui partent dans l'eau.

La fécule ne contient donc que de l'amidon, ce qui donne une poudre plus fine. Nous voilà donc de retour vers l'amidon ! Il est donc logique que les diverses fécules se distinguent par leur proportion en amylose et amylopectine, comme les farines dont elles sont issues.

La fécule est un excellent liant pour les sauces et facilite leur préparation. Il est plus facile de faire une sauce avec une fécule (celle de maïs) qu'avec de la farine.

Elle est aussi un excellent gélifiant ou épaississant. Les amidons, mis en suspension dans l'eau, chauffés puis refroidis, donnent des gels d'autant plus fermes que l'amidon est riche en amylose. En effet, les chaînes linéaires d'amylose se réassocient au cours du refroidissement, ce que ne peuvent faire les chaînes ramifiées d'amylopectine. Ainsi ceux riches en amylose (maïs) sont utilisés dans les poudres pour faire des flans. Les amidons riches en amylopectine (pomme de terre) sont plus des épaississants que des gélifiants.

La fécule est plus fine que la farine de blé et sert à alléger la pâte des gâteaux. Deux cuillerées de farine de blé équivalent à une de fécule de maïs quant à l'effet épaississant. Comment cela s'explique-t-il ? la farine est faite à partir de la mouture de la totalité de la graine (amidon + germe + enveloppe du grain), alors que la fécule ne contient que de l'amidon.

Quels critères pour choisir parmi les farines ?

Les enzymes, amylases, catalysent la digestion de l'amidon qui consiste globalement en une hydrolyse lente conduisant in fine au glucose. L’enzyme facilite la coupure des liaisons O-glycosidiques qui relient les cycles en partant d’une extrémité non réductrice de la molécule puis de proche en proche. En raison de sa structure, l'amylose est digérée plus lentement que l'amylopectine(vii). Cela peut être un critère de choix.

Actuellement, la « mode » en diététique, est de s’intéresser à l'index glycémique, IG(viii). L'IG permet de classer les aliments en fonction du pic de sucre qu'ils provoquent dans le sang. Un IG élevé, supérieur à 70, provoque un pic de la glycémie puis une chute rapide qui peut entraîner un effet « coup de barre ». Un aliment à IG modéré, entre 40 et 69, ou bas, inférieur à 40, diffuse de l'énergie plus progressivement dans l'organisme. C'est pour cet effet que certaines farines sont recommandées (voir en note le tableau d’Indice Glycémique de diverses farines(ix)).

Mais il ne faut pas se fier exagérément à l'IG, car les farines contiennent aussi des protéines, et des matières grasses, quel que soit leur IG. Il faut plutôt privilégier les farines complètes pour leurs meilleures qualités nutritionnelles. Concernant l’intolérance au gluten, les personnes concernées rechercheront pour leur régime des farines pauvres en gluten (riz, maïs, sarrasin, châtaigne, épeautre).

Conclusion

Que choisir, farine ou fécule ?  La farine reste incontournable comme « matériau de base ». La fécule est un « outil » qui permet d'épaissir une sauce et de remplacer une partie de farine en rendant le plat obtenu moins énergétique puisque moins riche en glucose (50 g de fécule remplace 100 g de farine).

Coté diététique, les gâteaux restent très énergétiques car ils contiennent des matières grasses, du sucre et de la farine ou de la fécule, qui n’oublions pas conduiront à du glucose au cours de la digestion. Donc faites-vous plaisir mais avec modération si vous voulez « garder la ligne » !!

Nicole Moreau et Françoise Brénon

 

 


 

(i) Le sucre de table habituel est du saccharose de formule C12H22O11. Son hydrolyse conduit à du glucose et du fructose. C’est ce qui se passe au cours de la digestion du sucre.

(ii) Ces 2 structures sont dites anomères et le carbone n°1 est un site anomérique. Elles sont en équilibre par ouverture puis fermeture du cycle au niveau de la fonction acétal (entourée en rouge sur la figure ci-contre).

(iii) « homo » signifie qu'il s'agit du même sucre répété plusieurs fois, le contraire étant « hétéro ».

(iv) Il existe un autre enchainement de D-glucose (β-1,4) qui conduit à la cellulose polymère de structure des végétaux, qui peut former des fibres.

(v) Le cultivar est une variété de plante obtenue par sélection.

(vi) Maïzena sur Wikipedia.

(vii) En effet, l’attaque commence par les extrémités non réductrices des molécules de l’amylose et de l’amylopectine. Voir sur les figures 2b et 3b les parties entourées en bleu. Pour une chaîne d'amylose, il n'y a qu'une extrémité non réductrice, alors qu'il y en a plusieurs (en raison des ramifications) pour une chaîne d'amylopectine. L’extrémité réductrice est la fonction acétal (entouré en rouge) capable de s’ouvrir pour redonner l’aldéhyde réducteur. En outre, l'amylose adopte une conformation hélicoïdale, rendant l'accès des enzymes plus difficile.

(viii) Pour en savoir plus sur l’Index Glycémique, consulter Indice Glycémique sur le site Wikipedia et L’index glycémique, c’est quoi ? sur le site France Assos Santé

(ix) Indice glycémique de diverses farines

FarineIG
Son d'avoine, son de lupin15
Amande, noisette, cacahuète20
Soja25
Orge mondée30
Lentille, coco, pois chiche35
Sarrasin, petit épeautre, avoine,40
Quinoa, épeautre complet, blé T15045
Seigle T13050
Blé T8060
Châtaigne65
Maïs, millet70
Riz complet75
Blé T45, fécule de maïs85
Riz blanc, fécule de pomme de terre95

La lettre T indiquée pour certaines farines indique le taux de cendre. Plus le T est élevé, plus la farine sera complète, plus le T est bas plus la farine de froment sera blanche et riche en amidon.


Pour aller plus loin
Des additifs pour texturer des aliments, M. Desprairies, La chimie et l’alimentation, coordonné par Minh-Thu Dinh-Audouin, Rose Agnès Jacquesy, Danièle Olivier et Paul Rigny (EDP Sciences, 2010) ISBN : 978-2-7598-0562-4, p. 83


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Colloque Chimie et Alimentation - mercredi 12 février 2025

Réservez votre journée du mercredi 12 février pour participer au colloque accessible au grand public à la Maison de la Chimie.  Colloque Chimie et Alimentation Mercredi 12 février 2025 Maison de la Chimie, 28 bis rue
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Réservez votre journée du mercredi 12 février pour participer au colloque accessible au grand public à la Maison de la Chimie.

 Colloque Chimie et Alimentation
 Mercredi 12 février 2025

Maison de la Chimie, 28 bis rue Saint-Dominique, 75007 Paris

 

L'alimentation a forgé l'espèce humaine et est fondamentale pour sa survie dans un contexte de croissance de la population mondiale et de changement climatique.

Tout au long de la vie, la qualité de l'alimentation est un facteur important du bien-être et de la santé. Avec l'évolution du mode de vie, l'industrie alimentaire ne cesse de progresser. Les problèmes et les défis à relever sont mondiaux, ils concernent toutes les couches de la société et sont d'ordre politiques et scientifiques. Nous nous limiterons au domaine scientifique plus généralement dans le cadre occidental européen.

L'alimentation est un domaine transdisciplinaire dans lequel les sciences de la chimie sont intervenues très tôt au niveau : de la production des aliments, de leurs transformations, de leur conservation et dans l'art culinaire, car la chimie, science de l'étude des molécules et de leur réactivité, est indispensable pour comprendre et maitriser les phénomènes mis en jeu dans ces différents domaines de l'alimentation.

Pour les maitriser, il faut comprendre, y compris à l'échelle industrielle, les phénomènes qui surviennent lors des transformations culinaires et lors de celles des ingrédients alimentaires en aliments. Il faut comprendre la chimie d'assimilation des molécules et des métaux des aliments pour mieux manger, pour y prendre du plaisir, pour être en bonne santé ou pour manger demain quand nous serons 9 ou 10 milliards d'individus sur la planète. L'actualité montre que la souveraineté alimentaire est un défi national.

L'objectif de ce colloque est de présenter l'apport des sciences de la chimie sur ces différents points, et de tenter avec les connaissances les plus récentes, de répondre aux questions que se posent les citoyens et notamment les jeunes, y compris sur la sécurité alimentaire.

Dans cet objectif, les conférenciers choisis sont des experts des domaines scientifiques universitaires et industriels et des institutions nationales et européennes concernés.

La croissance de l'industrie alimentaire entraine le besoin d'une main d'œuvre multidisciplinaire bien formée et les choix d'orientation vers ces secteurs porteurs se font dès nos lycées de formation générale ou professionnelle.

Un temps sera donc consacré à la réponse aux questions des scolaires dans le cadre des débats.

Danièle Olivier
Vice-Présidente de la Fondation de la Maison de la Chimie

 

Le colloque sera diffusé en direct sur YouTube et Mediachimie.org.

En savoir plus et voir le programme

Inscription gratuite et obligatoire : INSCRIPTIONS

 

 

Conception graphique : CB Defretin | Images : © Hervé THIS – Adobe Stock : © Ruslan Batiuk – © Nuttaya Nampai – © _veiksme_ – © Curioso.Photography – © HadK

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Le paracétamol, une molécule bien française ?

Une polémique a enflé en cet automne au sujet de la vente par Sanofi à un fonds d’investissement américain CD&R de sa filiale Opella. Car il se trouve que dans ses usines de Lisieux et de Compiègne, Opellia fabrique plus
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Une polémique a enflé en cet automne au sujet de la vente par Sanofi à un fonds d’investissement américain CD&R de sa filiale Opella. Car il se trouve que dans ses usines de Lisieux et de Compiègne, Opellia fabrique plus de 450 millions de boites de Doliprane® l’un des médicaments le plus vendu en France. Si vous avez un peu de fièvre (1), un rhume saisonnier, des douleurs articulaires, un cachet ou une gélule dosés à 500 ou 1000 mg soulagent assez vite les troubles. Car le Doliprane® de Sanofi ou l’Efferalgan® d’UPSA et autres antipyrétiques contiennent un principe actif : la molécule de paracétamol, contraction de N-acétyl-para–aminophénol de formule brute C8H9NO2.

Pour être plus précis, Sanofi et UPSA ne fabriquent pas le principe actif qui lui est produit en Chine ou aux USA, mais ils réalisent dans leurs usines françaises des médicaments à base de paracétamol en mélangeant le principe actif et des excipients adaptés à la forme finale (gélule, comprimé, poudre, suppositoire, solution injectable, boite…).

Le paracétamol (2)

Tout d’abord une anecdote. En 1886 deux médecins chercheurs strasbourgeois travaillent sur l’effet du naphtalène et de ses dérivés sur la parasitose intestinale. Ils envoient l’un de leurs étudiants en chercher chez une pharmacie en ville. Mais au lieu d’observer une action antiparasitaire, ils observent une action antipyrétique car par erreur le produit livré n’était pas du naphtalène mais de l’acétanilide utilisé à l’époque pour étalonner les bancs Kofler afin de déterminer les températures de fusion (3). Ce n’est que plus de 60 ans plus tard, en 1948, qu’une étude américaine montre que l’acétanilide est dégradé dans le corps humain en un métabolite très actif le paracétamol, antipyrétique. C’est une illustration que dans la recherche de médicaments (4) les découvertes peuvent être faites « par hasard », par sérendipité (5), où l’observation éclairée des chercheurs a toute son importance.

En fait dès 1878 la synthèse du paracétamol avait été réalisée par un chimiste américain H. Northrop Morse en réduisant du 4-nitrophénol en 4–aminophénol, suivie d’une acylation par l’anhydride éthanoïque suivant la réaction finale suivante :

C’est après un symposium en 1951 à New York que furent présentées les antalgiques et antipyrétiques de la molécule. Sa commercialisation est retardée par la présence d’impuretés comme le para-aminophénol toxique.  C’est en 1955 que la FDA donne l’autorisation de mise sur le marché. Les laboratoires McNeil le commercialisent sous le nom de Tylenol® puis au Royaume-Uni sous le nom de Pimadol®. En fait les entreprises qui vendaient déjà de l’aspirine (6) ne se précipitaient pas sur la fabrication de cette nouvelle molécule.

Ce fut après 1960 qu’on appuya sur le fait qu’elle ne provoquait pas de maux d’estomac contrairement à l’aspirine et que la vente décolla. En France les laboratoires Bottu mettent sur le marché le Doliprane® en 1964. Rachetés par Sanofi le succès ne vient pas tout de suite mais la décennie 1980 voit son envolée avec plusieurs formes de pharmacopées en vente.

La maitrise nationale des médicaments

L’annonce de la vente d’Opella au fond américain CD&R tombe mal pour le gouvernement. La politique volontariste de réindustrialisation dans l’hexagone et la volonté émise en 2021 en pleine crise du COVID de garantir la souveraineté sanitaire française sont mises à mal. Les ministres de l’économie et des finances sont intervenus auprès des acteurs de la coentreprise pour que malgré les 50% du fonds américain, la production des médicaments à base de paracétamol et l’emploi sur les sites de Lisieux et de Compiègne soient préservés. Enfin l’État va déclencher la procédure IEF de contrôle des investissements étrangers sur ce dossier. Cette procédure ne suffit pas. Plutôt que des déclarations médiatiques de plusieurs politiques, des actions concrètes et des investissements industriels sont capables de faire revenir en France et en Europe la chimie fine des principes actifs. En 20 ans les proportions entre l’Asie et l’Europe ont été inversées. En Asie en 2023, on compte 55% de sites chimiques en fabriquant alors que seuls 36% résistent en Europe.

Un signe de renouveau : en France, à Roussillon en Isère la société Seqens, créée en 2003 sur la reprise de certains principes actifs chimiques de Rhodia, investit en 2024 plus de 100 millions d’euros sur une plateforme chimique qui comprend deux bâtiments.

Le premier pour la synthèse du paracétamol qui va utiliser un procédé innovant en flux continu (7) permettant de travailler sur des quantités réactionnelles réduites avec moins de solvants. Le procédé a été mis au point au centre de Porcheville (Yvelines). Son efficacité est bien meilleure que celle des procédés traditionnels en Batch grâce à des gains en énergie de plus de 60% et des rejets solides et liquides divisés par 20 (8). Cet investissement subventionné par l’État à 30%, en avances remboursables, doit permettre de démarrer la production à la fin de cette année et après autorisations avec une commercialisation en 2026. Les prévisions sont de l’ordre de 10 000 à 15 000 t/an. Des contrats déjà signés avec Sanofi et UPSA garantissent l’achat d’une partie de la production mais déjà des clients européens se profilent. Reste la question du prix. Sur une boite actuelle à 2,20 € le principe actif représente moins de 10 centimes. Pour le produit français on parle de 2 à 3 centimes de plus, mais toujours moins de 5% du prix du médicament. Ceci est en discussion notamment avec UPSA qui investit dans son usine d’Agen de conditionnement. L’État s’est engagé sur un moratoire de non-baisse des prix sur les médicaments comportant le paracétamol en échange d’un approvisionnement hexagonal.

Un deuxième projet de réindustrialisation du principe actif est en cours sur Toulouse par une jeune société, Ipsophène, avec un procédé innovant (9) ) breveté par le laboratoire Ipsomedic d’Aubagne. Le démarrage est prévu pour fin 2025 avec pour objectif une production de 4000 t/an.

Souhaitons que ces actions de réindustrialisation de l’industrie pharmaceutique qui vont à contre-courant de la stratégie (10) des grands groupes à savoir se désinvestir de la chimie des médicaments à faible valeur ajoutée et gagner plus d’argent avec les biopharmaceutiques couteux, puisse réussir.

Peut-être verrons-nous comme sur les poulets label rouge, bientôt en pharmacie, sur les boites de Doliprane® ou d’Efferalgan® une petite cocarde tricolore. En fait pour répondre à la question en tête de cet édito, tant pis pour les patriotes, la qualité du paracétamol n’en fait pas une molécule française… À la limite alsacienne ? Mais hélas à l’époque en 1886 l’Alsace était allemande !

Jean-Claude Bernier
novembre 2024

 

Pour en savoir plus
(1) Frimas, rhumes et grippes…,  J.-Cl. Bernier, éditorial, Mediachimie.org
(2) Le paracétamol, produits du jour de la Société chimique de France
(3) Fusion d'un solide ? Banc Köfler, R. Blareau et F. Brénon, vidéo Blablareau au labo et Mediachimie.org
(4) L’intelligence artificielle un moteur dans la recherche en chimie,  E. Besson, fiche Chimie et …en fiche lycée, Mediachimie.org
(5) De la sérendipité à l’intelligence artificielle en recherche pharmaceutique, L. Schio, colloque Chimie et intelligence artificielle, février 2023, Fondation de la Maison de la Chimie
(6) L’aspirine une origine végétale, Mission des Herbonautes, partenariat Muséum National d'Histoire Naturelle / fondation de la Maison de la Chimie
(7) Zoom sur la chimie en flux continu, J.P. Foulon, Medaiachimie.org
(8) Pour une industrie chimique propre et durable, C. Agouridas, J.-C. Bernier, D. Olivier et P. Rigny, La chimie et la sécurité des personnes, des biens, de la santé et de l'environnement, collection Chimie et... Junior, EDP Sciences
(9) La jeune société Ipsophene veut installer une usine de paracétamol à Toulouse, L’Usine Nouvelle, 13/07/2023
(10) Et si Sanofi se trompait de stratégie, B. Meunier, tribune, Les Échos, 13/11/2024


Crédit illustration : © JC Bernier

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Les inscriptions pour le GPJJC 2025 sont ouvertes !

Le Grand Prix : Les Jeunes Journalistes de la Chimie (GPJJC) est un concours pour les étudiants en école de journalisme, organisé par la Fondation de la Maison de la Chimie. Le concours est ouvert aux étudiants des 14
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Le Grand Prix : Les Jeunes Journalistes de la Chimie (GPJJC) est un concours pour les étudiants en école de journalisme, organisé par la Fondation de la Maison de la Chimie. Le concours est ouvert aux étudiants des 14 écoles reconnues par la profession (PDF), à la fois aux premières et deuxièmes années, mais également aux élèves alternants.

Comme pour la précédente édition en 2024, le but est d’élire le meilleur reportage vidéo et le meilleur article de presse d’information scientifique sur un thème d’actualité lié à la chimie, et de contribuer à faire émerger de futurs journalistes scientifiques.

La nouveauté cette année : après sélection des binômes sur les thèmes choisis par le jury, ils concourront pour le meilleur article ainsi que pour le meilleur reportage.

Un même binôme pourra donc être récompensé à la fois pour les deux catégories, les approches n’étant pas complémentaires et les travaux seront évalués indépendamment l’un de l’autre.

Un jury composé de scientifiques et de journalistes de presse écrite et audiovisuelle sélectionnera sur dossier, parmi l’ensemble des candidatures reçues, quatre binômes d’étudiants journalistes pour participer au concours. S’ensuivra une période d’investigations et de production de trois mois et l’annonce des lauréats en juin 2025.

Candidatez en binômes jusqu’au 21 mars 2025 : en savoir plus

Fin mars 2025 : Annonce des 4 binômes sélectionnés par le jury

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L’étiquette « zéro émission CO2e » est-elle usurpée pour les « wattures » ?

Si on reconnait l’évident avantage des voitures électriques à ne pas polluer les grandes villes (1) par l’émission de gaz à effet de serre (GES) par comparaison avec les voitures à moteur thermique, tout n’est pas aussi
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Si on reconnait l’évident avantage des voitures électriques à ne pas polluer les grandes villes (1) par l’émission de gaz à effet de serre (GES) par comparaison avec les voitures à moteur thermique, tout n’est pas aussi vert que ce que les constructeurs nous disent pour séduire nos élans de sauveurs de la planète.

Les constructeurs (et nous aussi !) ont une épée de Damoclès au-dessus de la tête !

  • Obligation de ne produire que des véhicules électriques et d’arrêter les véhicules thermiques en 2035 (2)
  • Obligation assortie par Bruxelles de menaces de sanction financière à partir de 2025 pour tout gramme de CO2e par km excédentaire sortant de leur production, ce qui d’après les directeurs des grandes marques européennes se chiffrerait à plusieurs dizaines de milliards d’euros ! On comprend mieux la publicité pour ces véhicules (wattures) affichant « zéro CO2e/km » (i) pour convaincre ainsi Bruxelles de leur vert(u).

Une voiture électrique est-elle écologique ?

Réfléchissons un peu : prenons l’exemple d’une citadine moderne dotée d’une batterie lithium (3) NMC de 45 kWh.

Elle consomme environ 15 à 20 kWh/100 km si elle roule en France et si la recharge y a été faite. Comme notre mix électrique (à majorité nucléaire 75%, et hydroélectrique 15%) correspond à une émission de 50 g  CO2e/kWh, elle émet de façon indirecte entre 7,5 et 10 g  CO2e/km (ville, route, autoroute) et non zéro.

Si elle roule en Allemagne avec un mix électrique (à majorité gaz, pétrole et charbon, 61%…) correspondant à 350g CO2e/kWh, elle va émettre entre 50 et 70 g CO2e/km.  Je n’ose pas rouler en Hongrie ni en Chine où ma petite citadine dégagera entre 80 et 120 gCO2e/km, quasiment plus que son modèle thermique.

La publicité nous ment donc et j’approuve les associations de consommateurs à réclamer une meilleure information des acheteurs. D’autant que si nous nous penchons sur le cycle de vie (4) nous appuyons là où ça fait mal !

Imaginons que l’on conserve notre petite watture 16 ans (soit 2 fois 8 ans pour une durée raisonnable de la batterie) et que nous parcourions 10 000 km/an : en fin de vie, en France nous aurions émis entre 1,3 et 1,6 t CO2e. Comparons à l’émission de la même citadine thermique à la limite du malus (100 g/km) qui va émettre après 160 000 km 16 t de CO2e soit 10 fois plus. Il y a donc là un très large avantage à la voiture électrique.

Oui mais imaginons que la dépense énergétique pour fabriquer la caisse et les moteurs des deux exemplaires soit à peu près la même. Il faut y ajouter pour la « watture » la fabrication du pack de batteries. On estime qu’il faut pour sa fabrication de l’ordre de 12 000 à 15 000 kWh. Hélas la plupart des batteries sont fabriquées en Chine ce qui représente avec un mix de 550 g CO2e/kWh, 8,25 t CO2e qu’il faut ajouter aux 1,6 t soit 9,85 t à comparer aux 16 t de la citadine thermique. Ceci montre qu’en France on a intérêt à rouler en voiture électrique et, mieux encore si la batterie est issue d’une gigafactory qui se monte sur notre territoire car les 8,25 t chinoises maigriraient à 0,75 t. Cocorico vive le made in France.

Je vous laisse faire le calcul pour rouler et fabriquer en Allemagne ou en Tchéquie ou Hongrie, l’avantage s’amenuise beaucoup trop.

Quoi qu’il en soit en ajoutant la dépense de fabrication de la batterie notre « watture » est justiciable maintenant d’environ 60 g CO2e/km et non 0 g et on n’a pas pris en compte le remplacement possible du pack après 8 ans. Il est vraiment urgent que l’Etat et les constructeurs réforment l’étiquette énergie.

L’aspect économique et industriel

Á l’ouverture du Salon de l’Auto, l’industrie automobile Européenne est morose. La chute des ventes des voitures électriques en Allemagne suite à la suppression de la prime d’achat entraine une fermeture d’usines VW (une première depuis 1945). En France les ventes se tassent. Les grands PDG de Renault, Peugeot Stellantis, Volkswagen se demandent comment survivre. Car dans les ports européens arrive la déferlante chinoise, les marques BYD, MG Motor, Aiways, Leapmotor envahissent le marché européen avec des voitures électriques performantes et moins couteuses que nos modèles malgré le transport de plusieurs milliers de kilomètres. Les experts qui visitent les nouvelles usines autour de Shenzhen sont bluffés par l’armée de robots faisant virevolter les pièces et les plaçant avec précision avec quelques points de soudure. Ils sont aussi impressionnés par les presses de « gigacasting » moulant les carrosseries aluminium à haute pression. Si en 1970 les Chinois ont bien appris de l’expertise européenne des voitures et moteurs thermiques, depuis 2000 ce sont les européens qui doivent acquérir le savoir-faire chinois dans les voitures électriques et aussi dans la fabrication des packs de batteries. Car là aussi si les Européens et les Américains ont été les inventeurs des batteries lithium-ion, ce sont les Chinois qui sont devenus les maitres de la chimie des batteries NMC (Nickel, Manganèse, Cobalt) et maintenant des LFP (lithium, fer, phosphate) (5) comme CATL qui détient 38% du marché mondial. La firme chinoise consacre près de 5% de son budget à la R&D, les batteries au sodium et tout solide sont en préparation, d’où l’incertitude et l’attentisme qui gagnent les investisseurs des gigafactories européennes.

Votre mobilité personnelle

Adopterez-vous la mobilité électrique ? Une très intéressante étude de l’UFC Que Choisir (6) montre les avantages et désavantages des modèles électriques. Un prix 30% plus élevé que les modèles thermiques, mais une rentabilité économique championne si on dispose d’une prise « wall box » dans son garage avec un carburant EDF kWh Heures Creuses, à environ 0,20 €, ce qui met les 100 km à 3 € au lieu de 9 € pour la petite citadine-diesel. Malheureusement en ville, et dans les immeubles collectifs, rares sont les prises individuelles et là, comme sur autoroute les bornes affichent une moyenne de 0,60 €/kWh ce qui donne une dépense équivalente au thermique (9 € pour 100 km). De plus, pour les modèles d’autres segments - compacte, berline, SUV -  le poids intervient sur la consommation et des études comparatives mettent en évidence divers points de bascule de rentabilité de 60 000 à 100 000 km entre l’électrique et le thermique. L’entretien pour un véhicule électrique est plus simple car il y a moins de pièces en mouvement comme dans un moteur thermique. Il n’est pas moins couteux car on manque d’ouvriers qualifiés en électricité et électronique en ce domaine. Le fonctionnement complexe des batteries peut aussi donner lieu à quelques « bugs » et les spécialistes de dépannage manquent encore. Tesla a ses propres spécialistes, un réseau « Revolte » a formé plus de 200 spécialistes en France chez les concessionnaires, capables de tout réparer, chargeurs, logiciels, cartes électroniques, composants des batteries… Même après un accident.

Les prix élevés des modèles électriques la diminution ou la suppression des aides à l’achat expliquent la crise actuelle qui frappe l’automobile. Heureusement le Salon de l’Auto va montrer l’émergence de nouveaux modèles Renault R5 e-tech, Citroën ë-C3 à moins de 25 000 €. Le nombre de points de recharge a aussi atteint le chiffre de 140 000 en septembre 2024, avec une répartition très variable suivant les régions, mais on en programme un million pour 2035.

Avant tout achat, prenez le temps de la réflexion. Suis-je un petit ou un gros rouleur ? Ville, autoroute ? Quelle autonomie ? Quel segment d’automobile ? Quelle consommation moyenne en kWh ? Quelle émission de CO2e ? Puis je disposer d’une borne personnelle ?

Les associations de consommateurs appellent à une meilleure information, mais soulignent que la voiture électrique n’est pas la panacée. Elles pensent que les primes à la conversion seraient mieux utilisées par les pouvoirs publics à investir dans les transports collectifs. Elles citent l’effet de rebond en Norvège où les utilisateurs de véhicules électriques prennent de moins en moins les transports en commun.

Alors ? Achetez de bonnes chaussures, graissez votre bon vieux vélo, sachez que l’exercice physique est aussi bon pour vous comme pour la planète !

Jean-Claude Bernier
Octobre 2024

 

(i) (CO2e) pour CO2 équivalent, unité créée par le GIEC pour mesurer et comparer les effets climatiques d’un gaz à effet de serre, sachant que les différents gaz n’ont pas le même impact sur l’effet de serre et ont une durée de vie dans l’atmosphère différente.

Pour en savoir plus
(1) La mobilité urbaine, S. Delalande, Colloque Chimie et grandes villes, 9 novembre 2016
(2) La voiture intelligente (vidéo), F. Demerliac, collection Des idées plein la tech'
(3) Le lithium, un élément chimique indispensable pour notre mobilité actuelle, É. Bausson, fiche Chimie et... en fiche lycée (Mediachimie.org)
(4) Chimie pour un développement durable, Fédération française pour les sciences de la chimie (FFC)
(5) Un Nobel de chimie populaire, J.-C. Bernier, éditorial Mediachimie.org et Accumulateur « Lithium –Ion » : une révolution technologique portable ! (vidéo), R. Blareau et F. Brénon
(6) Véhicule électrique d’indispensables révisions sur l’information et le signal prix, UFC Que choisir

 

Crédit illustration : © Adobe Stock Patrick J.

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Colloque Chimie et eau - mercredi 6 novembre 2024

Réservez votre journée du mercredi 6 novembre 2024 pour participer au colloque accessible au grand public à la Maison de la Chimie.  Colloque Chimie et eau Mercredi 6 novembre 2024 Maison de la Chimie, 28 bis rue
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Réservez votre journée du mercredi 6 novembre 2024 pour participer au colloque accessible au grand public à la Maison de la Chimie.

 Colloque Chimie et eau
 Mercredi 6 novembre 2024

Maison de la Chimie, 28 bis rue Saint-Dominique, 75007 Paris

 

Depuis l’aube de l’humanité l’eau et la vie sont indissociables.

Aujourd’hui, les besoins en eau évoluent avec les modes de vie et, de façon différente, sur notre planète. Avec le changement climatique, le cycle de l’eau a lui aussi évolué. L’accès à l’eau, et encore plus à l’eau potable, est devenu un enjeu sanitaire et industriel et souvent même une source de tensions géopolitiques.

Il faut préserver la ressource en eau. La gestion de l’eau, sa qualité et les risques de pénurie sont devenus des enjeux majeurs pour les populations et les gouvernements Les industriels, notamment les industriels de la chimie, sont maintenant fortement mobilisés.

Les défis à résoudre sont nombreux, les problèmes sont multidisciplinaires, mais la place de la chimie est importante dans beaucoup des solutions actuellement mises en œuvre comme dans celles en cours de recherche et de développement. Nous avons dû limiter notre choix aux sujets qui nous semblaient actuellement les plus importants ou les plus innovants. Ils concernent l’identification et le traitement des micropolluants et des risques sanitaires, la gestion plus sobre des eaux industrielles, le recyclage et le traitement des eaux et boues usées, la préservation de l’humidité des sols, la capture de l’humidité atmosphérique…

Les conférenciers ont été choisis parmi les experts universitaires et industriels de ces domaines pour répondre avec rigueur scientifique et objectivité a ces questions qui préoccupent actuellement tous les citoyens et notamment les jeunes et leurs formateurs. Car la mise en œuvre des solutions nécessite une main d’œuvre multidisciplinaire bien formée et les choix d’orientation vers ces secteurs porteurs se font dès nos lycées de formation générale ou professionnelle.

Un temps sera consacré à de larges débats.

Danièle Olivier
Vice-Présidente de la Fondation de la Maison de la Chimie

 

En savoir plus

Inscription gratuite et obligatoire : INSCRIPTIONS

 

En attendant le colloque :

 

Conception graphique : CB Defretin | Images : Adobe Stock - © Kateryna Kordubailo - © Naknakhone - © Chinnapong - © Dr_Microbe - @TensorSpark -  MdBaki

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Un prix Nobel de chimie qui doit beaucoup à l’IA

Décidément la prestigieuse académie suédoise est séduite par l’intelligence artificielle. Après le prix Nobel de physique décerné à deux spécialistes des réseaux de neurones en électronique avancée, le prix Nobel de
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Décidément la prestigieuse académie suédoise est séduite par l’intelligence artificielle. Après le prix Nobel de physique décerné à deux spécialistes des réseaux de neurones en électronique avancée, le prix Nobel de chimie a récompensé des chercheurs qui se sont servis de l’intelligence artificielle pour transformer les recherches sur les structures tridimensionnelles des protéines. La moitié du prix a été décerné à 2 spécialistes, un anglais Demis Hassabis et un américain John Jumper qui appartiennent tous deux à l’entreprise Google DeepMind pour y avoir développé un programme d’IA nommé « AlphaFold » qui permet de prédire la structure complexe des protéines à partir de données sur des acides aminés. L’autre moitié du prix revient à David Baker, un biochimiste de l’université Washington à Seattle, qui réussit à concevoir des protéines entièrement nouvelles.

Ces découvertes ont une importance primordiale en biologie, car les protéines sont les molécules de la vie, elles sont dans les muscles qui nous donnent la force, dans les anticorps qui nous protègent des maladies et aussi dans celles qui lisent et copient l’ADN.

On se rappelle tous les études des structures par cristallographie à Grenoble à l ESRF ou à Saclay sur SOLEIL complétées par RMN, elles pouvaient prendre plusieurs mois. Ces travaux menés depuis plus de 40 ans dans tous les pays ont permis de nourrir une base de données internationale qui contient plus de 200 000 protéines avec leurs structure. C’est le fruit de plusieurs décennies de recherche, mais c’est encore peu en comparaison des 100 fois plus de protéines existant dans la nature.

Les protéines sont comme des chaines ou des colliers dont les maillons ou les perles sont des acides aminés. La façon dont elles s’enroulent est très importante, on parle de repliement de la protéine, qui lui donne ses propriétés. Avec le programme Alphafold en rentrant une séquence d’acides aminés, l’IA donne la structure tridimensionnelle de n’importe quelle protéine.

David Baker procède presque à l’inverse du programme Alphafold de ses collègues de Google Deepmind. On propose une structure 3D que l’on veut produire et son programme optimise la séquence d’acides aminées qui pourrait donner une protéine stable. C’est ainsi qu’il a développé une protéine nouvelle capable de bloquer la protéine Spike responsable du Covid-19. On voit là un champ immense qui s’ouvre pour la recherche de nouveaux médicaments en sachant l’importance des formes des récepteurs pour affuter des protéines sachant les copier afin d’annihiler les protéines dysfonctionnelles que nous avons dans notre corps lors d’une maladie.

La Fondation de la maison de la chimie avait déjà bien perçu l’importance de l’IA pour la chimie ; elle avait sensibilisé en février 2023 le grand public et les jeunes lycéens sur ce sujet brûlant au sein d'un colloque Chimie et Intelligence artificielle. Citons notamment les 2 conférences plénières de François Xavier Coudert, directeur de recherche CNRS, professeur attaché ENS – Université PSL, et de Carlo Adamo, Directeur Institute of Chemistry for Life and Health Sciences (i-CLeHS) – Chimie ParisTech, et la conférence de clôture de Cédric Villani, Université Lyon I, Institut des Hautes Études Scientifiques.

L’intelligence artificielle en recherche ne remplace pas le chercheur mais elle lui permet de manipuler des millions de données en un temps record c’est un accélérateur de découvertes !

Jean-Claude Bernier
Octobre 2024
 

Pour en savoir plus

Colloque Chimie et intelligence artificielle, Fondation de la maison de la chimie, février 2023, accès aux videos et articles des conférences sur Mediachimie.org
Concepts d’IA et Machine Learning ; utilisation en chimie ; les méthodes d’IA comme nouveau langage, François Xavier Coudert, article et vidéo, Colloque Chimie et intelligence artificielle, Fondation de la maison de la chimie, février 2023
L’Intelligence Artificielle comme moteur dans la recherche en chimie, Carlo Adamo, article et vidéo, Colloque Chimie et intelligence artificielle, Fondation de la maison de la chimie, février 2023
Intelligence artificielle pour la science et l’industrie, Cédric Villani, article et vidéo, Colloque Chimie et intelligence artificielle, Fondation de la maison de la chimie, février 2023
L'intelligence artificielle, un moteur dans la recherche en chimie !, Éric Bausson, Fiche Chimie et… en fiches lycée, Mediachimie.org

- Éditorial
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Eau et innovation

Quoi de plus simple et anonyme que la molécule H2O, elle est pourtant vitale (1). Notre corps en contient plus de 65% soit 45 litres si vous pesez 70 kg. Sur notre bonne vieille planète l’eau est essentiellement sous
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Quoi de plus simple et anonyme que la molécule H2O, elle est pourtant vitale (1). Notre corps en contient plus de 65% soit 45 litres si vous pesez 70 kg. Sur notre bonne vieille planète l’eau est essentiellement sous forme d’eau salée, 97,5% (mer et océans), et l’eau douce ne représente donc que 2,5%. Mais seulement 30% de cette eau douce constitue les nappes phréatiques et les rivières, le reste étant sous forme de glace ou de neige.

En France ce sont des milliers de rivières, fleuves, cours d’eau et ruisseaux qui serpentent sur 500 000 km et sous nos pieds 2000 milliards de m3 sont stockés dans nos nappes phréatiques. Sans eau il n’y a pas de vie et on sait quel rôle essentiel elle joue dans notre alimentation, nos sources d’énergie (2) et notre industrie. Rien d’étonnant alors que les épisodes de sécheresses, de cumuls de précipitations, de pollutions, de pressions agricoles et urbaines trouvent de larges échos dans les médias et l’opinion. Pour répondre à ces problèmes y a t-il encore de la recherche sur les technologies liées à l’eau ? Essayons par trois exemples d’esquisser une réponse.

La lutte contre les espèces exotiques envahissantes

C’est un véritable fléau à l’échelle mondiale ! Ces espèces étouffent la vie aquatique, gênent l’écoulement dans les rivières et canalisations et sont sources de dégâts à l’environnement et de pertes économiques. Claude Grison et son laboratoire montpelliérain en étudiant des espèces comme la laitue de mer et la Jussie d’eau ont découvert qu’une bonne partie de la plante était au contraire capable de dépolluer l’eau (3). Transformées en fine poudre, elles sont des filtres très efficaces pour récupérer des métaux comme le palladium, le manganèse, le zinc et le nickel. Elles peuvent aussi être utilisées pour la récupération de polluants comme les herbicides.

La valorisation de ces découvertes est réalisée par une startup qui va transformer ces poudres gorgées de microparticules métalliques comme catalyseurs pour diverses réactions chimiques industrielles en remplacement de ceux issus des extractions minières. L’équipe de Montpellier espère avec ses partenaires industriels monter en puissance ces solutions de dépollution grâce à ces plantes envahissantes dont la croissance risque d’être accélérée par le changement climatique.

La pollution chimique organique

La chimie analytique a fait d’énormes progrès depuis 20 ans. Les procédés de séparation, d’extraction, et de caractérisation ; chromatographie inverse ou d’exclusion, spectrographies de masse… permettent d’identifier les polluants à des concentration très faibles comme le ppb (microgramme par kilo) et même moins. On est donc capable de caractériser les micropolluants (4) dans l’eau. Hélène Budzinski et son laboratoire de Bordeaux, l’EPOC, savent caractériser des milliers de molécules organiques. Mais d’après elle, alors qu’il y en a des millions, un enjeu de taille se dresse pour les chercheurs en chimie analytique : comment analyser ce qui n’est pas encore connu ! Ce projet novateur se fait en collaboration avec la régie de l’eau de Bordeaux (5). Il va demander de grands progrès méthodologiques de séparation et d’identification pour anticiper des actions sur des polluants potentiellement toxiques dont la recherche et l’analyse ne sont pas encore réglementées. Le challenge va aussi plus loin car on peut observer des effets sur la santé, la faune, l’environnement sans identifier les polluants et l’inverse est aussi possible. Un pesticide n’est peut-être pas en cause puisque l’effet escompté n’est pas constaté mais le mélange avec d’autres herbicides par un effet cocktail peut être impactant. S’y ajoutent des conditions environnementales, pH, température, turbidité… qui peuvent intervenir. Le projet de recherche mené par le CNRS, la régie de l’eau et l’office français de la biodiversité va essayer de caractériser par la chimie couplée à des bio-essais l’impact de rejets dans un affluent de la Garonne.

La prédiction des ressources et de la consommation

La recherche d’une meilleure qualité de l’eau au robinet c’est bien, mais la disponibilité de la ressource, son usage, sont aussi pour les collectivités locales une préoccupation constante (6). On l’a vu cet été lors du stress hydrique de certains départements et villes du sud de la France. C’est ainsi qu’un laboratoire de Mathématique du CNRS à Nice travaille avec la régie Eau Azur sur un projet complexe. Comment modéliser la prévision des demandes en eau des usagers au moins trois semaines à l’avance et aussi en amont prévoir le niveau des nappes phréatiques sur plusieurs mois.

Un premier modèle s’appuyant sur des méthodes statistiques classiques et sur un traitement des données par intelligence artificielle fournit des prévisions à six jours encore loin des six mois ! Mais il y a un réel intérêt scientifique à développer un outil mathématique de pointe pour traiter un sujet concret et utile. Le problème est bien sûr les prédictions météorologiques aléatoires qui influencent les niveaux des nappes. Mais la prédiction du stock disponible et du prélèvement permettra d’arrêter ici les pompes, là de les conserver, sans risques de pannes et des couts associés à ces défaillances et aux réparations. L’objectif pour les collectivités locales est de mieux gérer l’eau actuelle et future, prévoir la demande et dimensionner de nouveaux réservoirs si nécessaire.

En France la recherche dans la filière eau rassemble plus de 200 laboratoires et près de 3000 personnes à travers le CNRS, le BRGM, l’INRAE et plusieurs universités (7). Il s’agit d’accroître les connaissances sur les polluants, leur détection et leur élimination, les risques naturels, inondations et sécheresse, la valorisation des eaux usées, les réseaux de distribution intelligents, les nouveaux matériaux d’infrastructure de canalisation et les accès aux ressources. Le PEPR (Programme et équipements prioritaires de recherche) « One water - eau bien commun » financé sur 10 ans accélère la recherche académique et industrielle en ce domaine. Il sera décrypté lors du colloque « chimie et eau » du 6 novembre prochain.

Jean-Claude Bernier
Septembre 2024

Pour en savoir plus
(1) L’eau, une ressource essentielle à la vie, D. Soissons, dossier Nathan / Fondation de la Maison de la Chimie (Mediachimie.org)
(2) L’eau et l’énergie sont-elles dépendantes ?, A. Charles, N. Baffier et J.-C. Bernier, fiche Chimie et… cycle 4 (Mediachimie.org) et Pourquoi économiser l’eau potable est-il aussi source d’économie d’énergie ? F. Brénon et O. Garreau, Question du mois (Mediachimie.org)
(3) Zoom sur la phytoremédiation des métaux lourds, J.P. Foulon, Zoom sur… (Mediachimie.org)
(4) L’eau, sa purification et les micropolluants, M. Coquery et S. Martin Rue, in Chimie et nature (EDP Sciences) 2012, isbn : 978-2-7598-0754-3
(5) La bataille de l’eau propre, C. Agouridas, J.-C. Bernier, D. Olivier et P. Rigny, in La chimie et la sécurité des personnes, des biens, de la santé et de l'environnement, collection Chimie et... Junior, EDP Sciences, Fondation de la Maison de la Chimie
(6) L’eau ressource indispensable pour la ville, A. Charles, A.Harari et J.-C. Bernier, fiche Chimie et… cycle 4 (Mediachimie.org)
(7) Les chimistes dans les métiers de l’eau, F. Brénon et G. Roussel, série Les chimistes dans (Mediachimie.org)

Crédits :
- Figure : répartition de l'eau sur Terre. DR.
- Illustration : Goutte d’eau, José Manuel Suárez/Wikimedia Commons CC BY 2.0

- Question du mois
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Qu’est-ce que le biogaz ou biométhane ?

Le méthane, CH4, est le principal constituant du mélange gazeux d'hydrocarbures, appelé gaz naturel, qui s’est formé par sédimentation et décomposition de matières organiques sur des millions d’années aussi bien dans des
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Le méthane, CH4, est le principal constituant du mélange gazeux d'hydrocarbures, appelé gaz naturel, qui s’est formé par sédimentation et décomposition de matières organiques sur des millions d’années aussi bien dans des terrains sédimentaires qu’au fond des océans. Il fait ainsi parti des énergies fossiles et est très largement utilisé à des fins énergétiques (centrales thermiques, carburant...).

C’est aussi l'hydrocarbure le plus abondant dans l'air, car il est produit naturellement, en particulier dans les zones humides : gaz des marais, responsable de la formation des feux follets, qui terrifiaient nos ancêtres il n'y a pas si longtemps. C’est en étudiant ce gaz des marais que Alessandro Volta (celui qui a inventé la pile voltaïque) l’a découvert en 1776 (1).

Le méthane est produit par fermentation anaérobie (i), de la matière végétale grâce à divers micro-organismes.

En mimant la nature, il peut aussi être produit volontairement à partir de déchets organiques dans des installations spéciales de méthanisation, allant d’unités de petites tailles « à la ferme » jusqu’à des usines. On est donc ici dans un processus de renouvelabilité. C’est ainsi que le méthane issu de ces procédés est appelé « biogaz » ou « biométhane ».

Historique

Le principe de gestion des déchets apparaîtra en France au XVIe siècle, lorsque François Ier démocratise l'emploi des paniers pour récupérer les déchets ménagers. En 1883, le préfet de la Seine Eugène Poubelle (2) invente le célèbre récipient qui porte encore son nom. En 1922, à l'initiative de la ville de Paris, est créée la société TIRU (3), qui, après la loi « Grenelle 1 » (4), et la reprise par le groupe Paprec, devient une société qui conçoit, construit et exploite des unités de valorisation des déchets, en particulier par méthanisation.

Comment est gérée la méthanisation (5) ?

Selon l'arrêté du 23 novembre 2011 (modifié par l'arrêté du 24 juin 2014) (6) fixant la nature des intrants dans la production de biométhane pour l'injection dans les réseaux de gaz naturel, peuvent être méthanisés des déchets : agricoles (fumier, lisier, sous-produits animaux, résidus de cultures…), de l'industrie agroalimentaire (fruits et légumes, déchets d'abattoirs…), urbains (biodéchets ménagers triés, ou issus de la restauration collective, des grandes et moyennes surfaces, déchets verts, boues de stations d'épuration…), et industriels (eaux de lavage de procédés industriels, boues industrielles, graisses…).

Depuis le 1er janvier 2016, conformément à la loi Grenelle II (ii), les entreprises et les professionnels de la restauration doivent traiter leurs biodéchets s’ils en produisent plus de 10 tonnes/an et ainsi éviter la mise en décharge, aboutissant à un tassement, donc à un milieu anaérobie, producteur de gaz à effet de serre (dont surtout le méthane !). À l’horizon 2025, dans le cadre de la loi de transition énergétique, l’intégralité des biodéchets en restauration devra être triée à la source, y compris ceux des ménages (7).

Comment s'obtient ce biométhane ?

Les déchets fermentescibles sont stockés dans une cuve cylindrique et hermétique que l’on appelle « digesteur » ou « méthaniseur » dans laquelle ils sont soumis à l’action de micro-organismes (bactéries) en l’absence d’oxygène. Les réactions biologiques mises en jeu par la méthanisation sont complexes, mais globalement on repère trois grandes étapes : l’hydrolyse et l’acidogénèse où les chaînes organiques complexes (protéines, lipides, polysaccharides) sont transformées en composés plus simples (acides gras, peptides, acides aminés) suivi de l’acétogénèse où les produits de l’acidogénèse sont convertis en acide acétique et enfin la méthanogénèse où l’acide acétique est transformé en méthane et en gaz carbonique.


Schéma explicatif du processus de méthanisation (©Connaissance des Énergies)
Source https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/methanisation

Le processus produit deux sortes de composés, le Biogaz et le Digestat. Le processus produit aussi des CSR, Combustibles Solides de Récupération, utilisables en cimenterie. Le biogaz, appelé Biométhane après purification et odorisation , est envoyé dans les réseaux et sert à produire de l'énergie pour les usages industriels, domestiques, ou comme carburant (il est alors appelé GNV (iv)(v)). Le digestat peut lui aussi être utilisé, sa partie liquide, riche en azote sous forme ammoniacale comme engrais, et la partie solide comme amendement des sols qu'il enrichit et restructure (compost).

Ce processus peut aussi être réalisé dans les exploitations agricoles où il permet d'éviter l'émission libre de méthane dont l'effet de serre, 25 fois plus puissant que celui du dioxyde de carbone, le rend dangereux pour l’environnement.

Bénéfices pour l'environnement

La valorisation énergétique des déchets joue un rôle important dans la mise en œuvre de la transition énergétique et écologique de notre pays à double titre : en tant que solution de traitements des déchets, complémentaire du recyclage ; dans une logique de souveraineté et d’élargissement du mix énergétique.

Déjà, l’incinération avec récupération d'énergie entraîne une économie significative de combustibles fossiles (gaz, fioul, charbon…). Elle permet, par la vente de l'énergie, de diminuer d'au moins 20 % le prix de traitement des déchets urbains. Elle réduit de 90% le volume et de 70% la masse des déchets. Mais elle entraîne un dégagement de CO2.

Mais l’intérêt de la méthanisation est de pouvoir faire une double valorisation :

  • une valorisation matière via la production du digestat : 90% des matières entrantes seront transformées en engrais organique, local et renouvelable, qui permet de remplacer les engrais minéraux actuellement utilisés, dont la synthèse implique des énergies fossiles et l'importation de composés comme les phosphates, ou la potasse, coûteux.
  • une valorisation énergétique via la production du biogaz : 10% des matières entrantes sont transformées en biogaz renouvelable, en remplacement de gaz fossile importé.

Les déchets organiques sont en effet une matière parfaitement recyclable, dont notre agriculture a besoin, et qui ne doivent plus être jetés en mélange avec les déchets ultimes : leur tri à la source, pour produire du compost ou du digestat utilisés pour fertiliser les champs, évite leur gaspillage et des importations et augmente le taux de valorisation des déchets non dangereux. Leur valorisation en méthanisation participe à la production d'énergie renouvelable.

Développement de la méthanisation

L'Europe est la principale zone de production de biogaz par méthanisation. Le processus se développe d’abord en Allemagne et en Italie, puis en France.

Selon le Commissariat général au développement durable, le nombre d'installations de sites d'injection de biométhane en France, de 1 en 2011, 17 en 2015, 214 en 2020, 551 en 2023 devrait continuer à fortement augmenter dans les prochaines années, au regard des nombreux projets en cours et au fort potentiel de la filière (7000 sites prévus en 2050).

Mais il faut rester vigilant quant à l'utilisation des « cultures énergétiques » (8). En effet, les possibles changements d’usage des terres et/ou des systèmes de production pour assurer l’alimentation du méthaniseur, production de cultures dédiées sur des terres anciennement dédiées à la production alimentaire (terres arables ou prairies) ; modification des successions de cultures pour maximiser l’insertion de cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE) peuvent conduire à une possible compétition avec l'alimentation, d'où un impact sur les volumes et les prix, voire une annulation de l'intérêt climatique de la méthanisation.

Par exemple, en Allemagne la politique publique a favorisé un fort développement des surfaces en maïs pour l’alimentation des méthaniseurs, en partie au détriment des surfaces en prairies. L'Italie a tendance à suivre ce modèle, mais de façon plus modérée, grâce à des fermes diversifiées.

Nicole Moreau et l’équipe question du mois
 

(i) anérobie = sans oxygène. Le contraire est aérobie
(ii) directive mise à jour en décembre 2023 https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/biodechets
(iii) Quel que soit le procédé, le traitement comprend au moins les 3 étapes : désulfurisation, qui enlève le SH2; déshydratation, qui enlève l'eau; décarbonation, qui enlève le CO2.
(iv)Tout gaz injecté dans le réseau de distribution doit posséder une odeur suffisamment caractéristique pour qu'une fuite puisse être immédiatement perceptible. On ajoute au biogaz un liquide incolore à l'odeur caractéristique, le tétrahydrothiophène (THT), à hauteur de 15 à 40 mg/m3.
(v) GNV = Gaz Naturel pour Véhicules, et les véhicules l'acceptant.
 

 

Pour en savoir plus
(1) Volta sur Wikipédia
(2) Poubelle sur Wikipédia
(3) Histoire de la société TIRU
(4) Le Grenelle de l'environnement : quels engagements ? sur le site Vie-publique.fr
(5) FNADE Fédération nationale des activités de dépollution et de l'environnement
(6) Arrêté du 23 novembre 2011 fixant la nature des intrants dans la production de biométhane pour l'injection dans les réseaux de gaz naturel sur le site Legifrance.fr
(7) Biodéchets sur le site écologie.gouv.fr du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
(8) Effet de la méthanisation sur l’usage des sols et les systèmes de production PDF - F. Levavasseur, L. Boros, M. Carozzi, R. Girault, L. martin, P. Martin et S. Houot HAL open science,  Effet de la méthanisation sur l'usage des sols et les systèmes de production (PDF), Florent Levavasseur, Léa Boros, Marco Carozzi, Romain Girault, Lucie Martin, et al., Webinaire CLIMAE « Quel impact de développement des énergies renouvelables sur l'usage des sols agricoles », Métaprogramme CLIMAE, May 2023, En Ligne, France. ⟨hal-04262845⟩
 

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Prendre de la hauteur… pour voir plus juste et plus loin !

La Fondation de la Maison de la Chimie s’est associée à la manifestation culturelle et scientifique « Sur les épaules des géants » organisée par la ville du Havre dont la vocation est la diffusion des savoirs et le goût
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La Fondation de la Maison de la Chimie s’est associée à la manifestation culturelle et scientifique « Sur les épaules des géants » organisée par la ville du Havre dont la vocation est la diffusion des savoirs et le goût des sciences.   

Montons bien volontiers « Sur les épaules des géants » pour donner à découvrir notre site Mediachimie qui fourmille d’informations scientifiques et plus particulièrement de chimie et œuvre de façon constante pour accompagner les avancées dans l’industrie mais aussi pour améliorer notre quotidien.

Découvrez des ressources produites spécifiquement pour accompagner cet événement sur le thème Chimie et Lumière :

  • Un dossier pédagogique, pour aborder avec des élèves des notions de chimie et lumière dans les classes de seconde, première et terminale du LEGT
  • Un dossier pédagogique, pour aborder avec des élèves des notions de chimie et laser dans les classes de première et terminale du LEGT
  • un dossier métiers pour découvrir les métiers de la chimie et les entreprises de la chimie de la ville du Havre et de ses environs
  • Un petit dictionnaire Mediachimique, lisible par tous, qui suscitera sans aucun doute votre curiosité et vous donnera envie d’en savoir plus sur les liens de la chimie et la lumière ».

Via notre site www.Mediachimie.org, nous montrons combien le secteur de la chimie est ouvert et transdisciplinaire et combien ses avancées sont compatibles avec des secteurs aussi variés que la cosmétologie, l’industrie pharmaceutique, pétrochimique, automobile et même le sport avec les équipements et les matériaux.

Au cœur de ce site, nous profitons de ces épaules solides des géants pour proposer des milliers de ressources (vidéos, articles, conférences, quiz…) présentées par des chercheurs, professionnels, et des enseignants de premier plan.

L’un de nos objectifs est de donner le goût des sciences.

Dès l’école primaire, nous sommes associés à La Fondation « La main à la pâte » pour que les plus jeunes découvrent et manipulent de multiples objets et en comprennent leur fonctionnement.

Au collège, au lycée et à l’Université, nous accompagnons nos jeunes pour les questionner sur des sujets d’actualités, les pousser à avoir un raisonnement scientifique et leur donner envie d’embrasser des carrières dans le domaine des sciences en leur présentant toute la diversité des métiers possibles.

 Soyez curieux et venez nous retrouver durant ce bel évènement qui se tiendra du 26 au 28 septembre 2024 au Havre et sans plus attendre, assouvissez votre curiosité sur Mediachimie.org

- Éditorial
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Participer ou performer ?

Le terme « perform + ance » a pour signification « ce qui est accompli, une chose effectuée ». Que ce soit pour les arts, le théâtre, dans le sport ou dans notre vie quotidienne, cette notion est de plus en plus présente.
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Le terme « perform + ance » a pour signification « ce qui est accompli, une chose effectuée ». Que ce soit pour les arts, le théâtre, dans le sport ou dans notre vie quotidienne, cette notion est de plus en plus présente.

Si lors des Jeux Antiques, les athlètes devaient juste être les plus forts, les premiers sur la ligne d’arrivée, de nos jours s’ajoute à ce concept d’être le/la meilleur(e), celui de la performance sportive. Il faut non seulement monter sur un podium mais en plus, battre un record (le sien ou celui existant au niveau européen ou mondial), bref performer dans des contextes parfois complexes (conditions météo, acoustiques, concurrence accrue, minima, sélections…).

Les athlètes, valides ou porteurs de handicap, sont obnubilés par ce concept. Les fédérations sportives et les coachs ne le sont pas moins. C’est pourquoi, chacun sollicite chercheurs, industriels dont de nombreux chimistes… la science en général pour imaginer des process, des équipements, des matériaux, des produits « licites » permettant d’accroître leurs performances. D’ailleurs, le lieu sacré en France d’entrainements des athlètes et para-athlètes de haut niveau ne s’appelle-t-il pas l’INSEP (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance) et la devise olympique n’est-elle pas « Plus haut, plus vite, plus fort ensemble » ?

Aller plus vite, optimiser sa pénétration dans l’air, personnaliser la charge de travail en fonction de la morphologie, pouvoir bénéficier de textiles compatibles avec des efforts longs ou dans des conditions extrêmes… pour tous ces objectifs, la science apporte son savoir-faire, ses batteries de données qui permettent d’apporter des solutions individuelles ou plus globales pour cette quête de performance.

À l’approche des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, ce terme sera sur toutes les lèvres, dans tous les esprits. Les scientifiques ont travaillé dur pour réfléchir à des textiles, des matériaux plus souples, plus légers et résistants, apporter données et savoirs pour que les sportives et sportifs se sentent prêts et compétitifs pour performer !

Jean Gomez

Pour en savoir plus
Colloque Chimie et Sports, Fondation de la maison de la Chimie, février 2024
Chimie dans le sport - Sports et matériaux, É. Bausson, dossier Nathan / Fondation de la Maison de la Chimie (Mediachimie.org)
Quels matériaux pour les prothèses des para-sportifs ?, A. Harari, Question du mois (Mediachimie.org)
Des textiles pour sportifs, apport de la chimie pour améliorer confort et performances, F. Roland, La chimie et le sport (EDP Sciences, 2011) isbn : 978-2-7598-0596-9, p. 239

 

Crédit illustration : Flickr, domaine public
 

- Éditorial
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Les nouveaux vélos pour les champions et pour nous

Les vélos du Tour de FranceAvec le Tour de France 2024 parti d’Italie fin juin et deux Français vainqueurs des deux premières étapes l’audience télévision explose en Europe. Ce sont des centaines de milliers de
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Les vélos du Tour de France

Avec le Tour de France 2024 parti d’Italie fin juin et deux Français vainqueurs des deux premières étapes l’audience télévision explose en Europe. Ce sont des centaines de milliers de spectateurs sur les routes et des millions de téléspectateurs sur leurs canapés qui suivront les coureurs sur leurs petites merveilles de technologie que sont devenus les vélos de course.

Loin des vélos en acier des années 1913 réparables dans une forge par Eugène Christophe, la demande de légèreté des machines a exigé d’abord des épaisseurs de tubes du cadre de plus en plus faibles, puis le remplacement de l’acier par l’aluminium et plus récemment l’usage des composites carbone qui apportent le faible poids et une rigidité améliorée (1). Tous les vélos des équipes du Tour de France ont maintenant non seulement des cadres moulés en fibre de carbone + polyester mais aussi des roues en carbone pour que le poids avec les accessoires soit de l’ordre de 7 kg (2).

Parlons d’ailleurs des accessoires. Pour transmettre l’effort, le moyeu du pédalier est muni d’un capteur d’effort qui traduit au coureur la puissance qu’il dépense, en watt. Depuis quelques années les roulements « en céramique » (3) disposent de billes en alumine dans les couronnes d’acier, très dures sur des surfaces de contact réduites et améliorent ainsi de plus de 80% le glissement et la fluidité des pièces en mouvement. Il en est de même pour le dérailleur électromagnétique qui peut être commandé par un « shifter », un petit bouton sur le guidon qui par bluetooth commande les changements de vitesse. Enfin, depuis longtemps, les bons vieux freins à patins ont été abandonnés. Ce sont des freins à disques sur les moyeux des roues à commande, soit hydraulique, soit électrique. Par ailleurs sur les roues en carbone les boyaux et chambres à air ont laissé place aux tubeless qui contiennent un solvant avec un polymère qui, en cas de crevaison limitée, comble le trou et permet au coureur de rouler encore un peu (4). Chaque vélo est adapté à la taille du coureur et à sa recherche d’aérodynamique, pour cela la tige du guidon est abaissée et même la tige de selle est creusée à l’arrière d’une cavité qui diminue la trainée arrière. Toutes ces améliorations technologiques n’ont qu’un seul but, améliorer le rendement énergétique , donc faire économiser quelques « wattheures » au coureur et diminuer son rythme cardiaque. Bien sûr la Fédération internationale a veillé à ce que ces progrès technologiques ne rompent pas l’égalité des chances et elle a limité le poids minimum des machines à 6,8 kg. Ne vous y trompez pas le coût de ces superbes vélos n’est pas à la portée du tout-venant, il est compris entre 12 000 et 20 000 €. Quand on sait qu’il y a entre 1000 et 2000 vélos qui se baladent dans la caravane du Tour voilà une caravane en or !

Le vélo de tout le monde

J’espère que vous avez payé moins pour votre vélo. En Europe la mode et le souci de préserver notre environnement continuent à soutenir le marché du vélo. Il s’en est vendu environ 25 millions en 2023 dont à peu près 20% avec assistance électrique (VAE). En France, le marché représente un CA de 3,5 Mrd € avec 2,23 millions de machines vendues à un prix moyen de 980 € dont 700 000 VAE au prix moyen de 1 900 €.

Alors avez-vous bien contribué à la préservation de notre chère planète ? Si vous avez un VAE l’empreinte carbone en France est de l’ordre de 17 g (CO2e)(i)/km parcouru si vous gardez votre engin 15000 km. C’est légèrement plus que pour un vélo ordinaire mu par la force musculaire qui est de 11 à 13 g CO2e/km parcouru. Ces chiffres sont très bons comparés au TGV 35 g CO2e/km parcouru par passager, 70 g CO2e/km pour une voiture électrique et plus de 100 g CO2e/km pour une voiture thermique. Seule la marche à pied (1 à 2 g CO2e/km) et le métro (8 à 10 g CO2e/km) sont plus performants que le vélo. L’essentiel de cette empreinte carbone est dû à la fabrication. Prenons un vélo de 20 kg en aluminium : la production du cadre en Chine exige 181 kg CO2e ; s’il est à assistance électrique il faut ajouter 20 kg CO2e pour la batterie et 37 kg CO2e pour le moteur. Comment réduire son empreinte carbone ? il est clair que s’il était fabriqué en France, avec de l'aluminium de recyclage ou de refusion, de 181 kg CO2e on passerait à peine à 20 kg CO2e (compte tenu de l'énorme différence d'énergie entre l'aluminium primaire et celui de seconde fusion et des mix électriques Français et Chinois comparés). Et encore moins si par « retrofit » (ii) on transformerait votre bon vieux vélo en VAE.

Bien, me diriez-vous : « mais je consomme de l’électricité ! ». Les batteries des voitures électriques (5) ont mauvaise réputation à cause de leurs poids, mais sur le VAE la batterie est bien plus petite et d’une capacité souvent inférieure à 1 kWh. Par exemple, pour faire 100 km un VAE demande environ 1 kWh ce qui représente en France 0,5 g CO2e/km parcouru soit moins de 4% des émissions totales, et en Allemagne 4 g CO2e/km un peu plus à cause du mix électrique.

Si vous êtes passionnés de cyclisme et d’environnement on peut encore améliorer l’empreinte carbone du VAE avec d’autres matériaux comme un cadre en bois ou en fibres de carbone recyclées ou en aluminium vert (6) avec des batteries au sodium (7) plutôt qu’au lithium, etc.

La forme physique

En cette année olympique n’oubliez pas que tous les jours faire du vélo vous fait perdre des calories par km parcouru et entretient votre moteur personnel : le cœur. Grâce aux hormones fabriquées par le cerveau au cours de l’effort, comme l’endorphine, vous vous sentirez mieux (8).

On a parfois accusé nos champions qui montraient une débauche de « watts » lors d’ascensions en montagne, d’avoir dissimulé dans le cadre de leur vélo de course un micromoteur et une micro-batterie électrique : les contrôles par infrarouge en course et par rayons X au garage ont montré que c’était faux. Par contre le dopage chimique par détournements de médicaments reste toujours possible, mais la chimie analytique fait continuellement des progrès et les risques de se voir rattraper par la patrouille toujours plus probables.

Pour vous en pédalant au fil des kilomètres, dopez-vous de grand air pur et de paysages apaisants, alors vous réussirez vos vacances.

Jean-Claude Bernier
Juillet 2024

 

(i) (CO2e) pour CO2 équivalent, unité créée par le GIEC pour mesurer et comparer les effets climatiques d’un gaz à effet de serre, sachant que les différents gaz n’ont pas le même impact sur l’effet de serre et ont une durée de vie dans l’atmosphère différente.
(ii) rénovation
 


Pour en savoir plus
(1) Les matériaux dans le sport, (r)évolutionnaires !, P. Bray, O. Garreau et J.-C. Bernier, fiche Chimie et... en fiches cycle 4 (Mediachimie.org)
(2) Les matériaux de la performance C. Agouridas, J.-C. Bernier, D. Olivier et P. Rigny, La chimie dans le sport, collection Chimie et... Junior (EDP Sciences, 2014)
(3) Les céramiques et les réfractaires, indispensables à l’industrie primaire, J. Poirier, Colloque Chimie et matériaux stratégiques, novembre 2022
(4) Comment fabriquer des pneus à partir d’un arbre ? La vulcanisation,  J.-C. Bernier, série Réaction en un clin d'œil (Mediachimie.org)
(5) Le lithium un élément chimique indispensable pour notre mobilité actuelle, É. Bausson, fiche Chimie et... en fiches cycle 4 (Mediachimie.org)
(6) Comment verdir les métaux ? J.-C. Bernier et F. Brénon, éditorial (Mediachimie.org)
(7) Les batteries sodium-ion, J.-C. Bernier, éditorial (Mediachimie.org)
(8) Sport et cerveau, C. Agouridas, J.-C. Bernier, D. Olivier et P. Rigny, La chimie dans le sport, collection Chimie et... Junior (EDP Sciences, 2014)

 

Crédit illustration : Pexels / Pixabay

- Question du mois
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Quels matériaux pour les prothèses des parasportifs ?

Parasport : les originesLa compétition sportive pour les personnes souffrant de handicaps physiques trouve son origine en 1948, lorsque le Dr. Guttmann, neurochirurgien britannique d’origine allemande, décide d'organiser
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Parasport : les origines

La compétition sportive pour les personnes souffrant de handicaps physiques trouve son origine en 1948, lorsque le Dr. Guttmann, neurochirurgien britannique d’origine allemande, décide d'organiser les premiers « Jeux mondiaux des chaises-roulantes et des amputés », pour réinsérer psychologiquement ses patients paraplégiques, vétérans de la Seconde Guerre mondiale.

En 1952, cet événement prend une dimension internationale et, depuis les premiers Jeux paralympiques de 1960 qui se tiennent à Rome, une semaine après les J.O., les suivants se déroulent tous les 4 ans dans la ville choisie pour les Jeux olympiques.

Le handisport nécessite du matériel adapté, aussi bien pour les déplacements (prothèses de membres ou fauteuils roulants), que pour les accessoires spécifiques (sangles, ballons pour non-voyants, protections, etc.).

Les prothèses sont les dispositifs artificiels destinés à remplacer une partie amputée du corps, membre, portion de membre, articulation. Elles existent depuis l’Antiquité ! Jusque dans les années 1980, les athlètes handicapés ne portaient pas de prothèses spécifiques lors des compétitions sportives.

Par la suite, des prothèses spécialement conçues pour les parasports ont été développées. Elles doivent remplir plusieurs fonctions : légèreté, résistance mécanique, biocompatibilité, confort. Les matériaux et les conceptions utilisés dans les prothèses diffèrent selon le type de sport pratiqué.

Elles sont souvent faites sur mesure et privilégient l’efficacité plutôt que l’esthétique.

De quoi sont faites les prothèses des sportifs handicapés ?

Les prothèses des blessés de la Première Guerre mondiale étaient en bois et cuir ! Désormais elles se caractérisent par des matériaux aux propriétés différentes. Les métaux comme le titane, l’aluminium ou l’acier, sont utilisés pour leur résistance et leur légèreté (en réalité ce sont des alliages acier inox, nickel-titane, etc.). Mais de nouveaux matériaux ont fait leur apparition comme la fibre de carbone, le kevlar, la fibre de verre, les matériaux composites, les silicones, etc. et ils ont largement modifié les performances des athlètes handicapés.

Oscar Pistorius, champion paralympique et olympique sur 400 m, utilise des lames en fibre de carbone, jouant le rôle de pied et de mollet. Sa « flex foot » est inspirée de la jambe arrière du guépard, le plus rapide des animaux.
Herr Hugh, grimpeur de très haut niveau dans les années 80, a créé des jambes prothétiques lui permettant d'escalader à nouveau après son accident. Dans son cas, le pied est en titane.

Ces prothèses sont aujourd’hui largement utilisées et résument bien l’apport des matériaux nouveaux.

Exemple d’une prothèse de membre inférieur

Elle comporte 3 éléments : l’emboîture, le manchon, la prothèse (fig. 1).


Figure 1. Flex foot. Source Brevet national des collèges 2020
https://lewebpedagogique.com/technopp/archives/640

1 - L’emboîture relie la prothèse au moignon (membre amputé), elle est la base sur laquelle se fixent les éléments de la prothèse, elle permet l’appui au moignon et transmet l’énergie du corps vers le « membre artificiel ».
Elle peut être réalisée avec un matériau composite (i) appelé « carbone tubulaire ». Ce sont des fibres de carbone (ii) imprégnées de résine acrylique (iii).

D’autres composites sont formés avec du Kevlar (iv), des fibres de verres ou de carbone, tous biocompatibles, qui permettent l’allègement de la prothèse et un meilleur aérodynamisme.
L'emboîture est conçue sur mesure pour éviter tout mouvement du moignon dans l'emboîture.

2 - Le manchon est l’interface entre la peau et l’emboîture, il est destiné à protéger le membre.
Partie souple de la prothèse, il est le plus souvent en silicone (v), matériau choisi pour son élasticité, sa biocompatibilité, sa durabilité et sa capacité à réduire les frottements et les irritations. Des copolymères ou du polyuréthane sont aussi employés.

3 - La prothèse elle-même, pied, genou, jambe, main… ne supporte pas les mêmes efforts selon le sport pratiqué.

  

Les « lames de course » constituant les prothèses des coureurs à pied sont désormais majoritairement en fibre de carbone.

En fait, les fibres de carbone tissées sont imprégnées de résine époxy et c’est ce matériau composite qui possède un ensemble de propriétés remarquables (cf. tableau comparaison) :

  • légèreté due à la très faible densité de 1,8
  • résistance 10 fois supérieure à celles de l’acier, ce qui donne une résistance spécifique 50 fois supérieure à celle de l’acier (quotient résistance /densité) (résistance à la compression et la traction, flexibilité)
  • tenue en température
  • longévité, due à l’inertie chimique (sauf à l’oxydation).

La fibre de carbone contribue au renforcement de nombreux composites. Mais sa production est complexe (vi) et la rend très coûteuse. La réparation et le recyclage des pièces sont problématiques.

Les avancées et les perspectives

Aujourd’hui de nouveaux composants électroniques révolutionnent l’efficacité des prothèses pour compenser le handicap.

Les progrès les plus innovants résident dans les prothèses bioniques (fig. 2) dans lesquelles un (ou plusieurs) composant(s) est géré électroniquement pour reproduire au mieux le fonctionnement humain. (bionique est la contraction de biologique et électronique).


Figure 2. Main bionique https://fr.motorica.org/blog

Des capteurs et des composants, conducteurs ou semi-conducteurs électroniques, captent l’activité (contraction-énergie) des muscles du membre résiduel et la transmettent à la prothèse.

Dans ce domaine, le graphène et les nanotubes de carbone, nouvelles formes (allotropes) du carbone de découverte récente, sont très prometteurs. Le graphène (vii) est constitué d’un feuillet d’atomes de carbone disposés sur un réseau de type nid d’abeille. Sa résistance à la rupture est deux cents fois supérieure à celle de l'acier (tout en étant six fois plus léger).

Un ou plusieurs feuillets peuvent s’enrouler pour former un nanotube de carbone (viii) (fig. 3).


Figure 3. Nanotube de carbone.
Source : Mstroeck. Licence CC BY-SA 3.0, Wikimedia Commons

Flexibles et ultra-résistants, les nanotubes de carbone peuvent, entre autres propriétés, transmettre les courants électriques du corps humain, grâce à leur comportement métallique ou semi-conducteur. Ainsi la présence de nanotubes de graphène a-t-elle permis (1) de fabriquer des mains prothétiques fonctionnelles capables d'interagir avec des écrans tactiles (utile pour les sports électroniques !).

En conclusion, le temps de la jambe de bois du pirate est bien révolu ! L'évolution scientifique et technologique des prothèses permet maintenant aux sportifs handisports de pratiquer leur discipline à haut niveau.

Dans certains cas, les avancées technologiques donnent des capacités accrues aux athlètes handicapés, au point que leurs performances peuvent égaler voire devancer celles des sportifs valides. Par exemple la prothèse permet à l'athlète une restitution d'énergie plutôt constante (et donc moins de fatigue pour l’athlète). La lame de carbone d’un sprinter, selon sa conception ou sa longueur, donne à l’athlète une foulée plus longue et transmet une énergie supérieure à celle des athlètes non amputés. Peut-on alors parler d’« athlètes augmentés par la technologie » ?

Des questions éthiques sur la participation de ces athlètes au côté d’athlètes valides dans les compétitions internationales (2) existent déjà. Toutefois, au cours de l’histoire de l’athlétisme paralympique, seuls quelques athlètes ont atteint les performances des athlètes valides…

Andrée Harari et l’équipe question du mois


 

(i) Les matériaux composites sont constitués de deux ou plusieurs composants dont les propriétés, différentes mais complémentaires, confèrent au composite des caractéristiques spécifiques.
Dans le cas présent ils présentent, pour l’application recherchée, les avantages suivants :

  • résistance : le matériau supporte de nombreux chocs et pressions externes grâce au renfort des fibres de carbone,
  • volume et masse plus faibles : allègement parfois considérable du produit final,
  • durée de vie : du fait de sa résistance et sa relative inertie chimique, le matériau est durable.

(ii) La fibre de carbone est constituée de fibres extrêmement fines (5 à 10 microns de diamètre) d’atomes de carbone agglomérés en microcristaux. L’alignement des cristaux le long de l’axe de la fibre la rend très résistante. Plusieurs milliers de fibres de carbone sont enroulées ensemble pour faire un fil. Les fibres de carbone étant formées de domaines graphitiques, elles présentent les propriétés électriques du graphite.
Cependant les propriétés sont unidirectionnelles, (anisotropie). Ce n’est pas le cas des métaux qui sont capables de supporter des charges dans n’importe quelle direction (propriété isotrope).

(iii) Une résine acrylique est un polymère thermoplastique ou thermodurcissable obtenu à partir d'acide acrylique (H2C=CHCOOH), ou autres composés apparentés. Ses propriétés utiles sont la résistance mécanique, la biocompatibilité, la transparence.

(iv) Le Kevlar (nom commercial du poly(p-phénylènetéréphtalamide) (PPD-T) est un polymère thermoplastique constitué de noyaux aromatiques séparés par des groupes amide. Les liaisons hydrogène lui confèrent son exceptionnelle résistance spécifique (rapportée à la densité), supérieure à celle de l'acier, mais inférieure à celle des fibres de carbone.
Comme les autres fibres textiles, il ne fait pas partie des matières plastiques (fig. 5).

Structure du kevlar. Licence CC BY-SA 3.0, Wikimedia Commons

(v) Les silicones, ou polysiloxanes, sont des composés inorganiques (il n’y a pas d’atomes de carbone dans la chaîne principale) formés d'une chaîne silicium-oxygène dans laquelle des groupes se fixent sur les atomes de silicium. Le type le plus courant est le polydiméthylsiloxane linéaire (PDMS).


PDMS.  licence CC BY-SA 3.0, Wikimedia Commons

Si l'on fait varier les chaînes, les groupes fixés et les liaisons entre chaînes, les silicones fournissent une grande variété de matériaux dont la consistance varie du liquide au plastique dur, en passant par le gel.

(vi) La fibre de carbone est fabriquée à partir des précurseurs comme :

  • Les fibres de polyacrylonitrile (fibres de PAN de formule H2C=CH–C≡N). Ces dernières sont oxydées vers 200-300°C pendant une durée allant de 30 minutes à 3 heures et deviennent infusibles. Ces fibres sont ensuite carbonisées sous atmosphère inerte entre 1 000 °C et 1 500 °C pour éliminer les éléments H, N, et O. La graphitisation par un second traitement thermique à haute température (plus de 2 000 °C) améliore la structure des fibres.
  • Le brai, goudron issu de distillation de résidus de pétrole ou de houille.
  • La cellulose.

(vii) Le graphène est un composé bidimensionnel cristallin, identifié en 2004.

Cette forme de carbone, correspond à un feuillet unique de graphite, de réseau hexagonal, type nid d’abeille. Ses propriétés sont donc bidimensionnelles :

  • résistance à la rupture deux cents fois supérieure à celle de l'acier (tout en étant six fois plus léger)
  • exceptionnelles conductivités électrique et thermique
  • durabilité

Structure du graphène. Domaine public, Wikimedia Commons

(viii) Un nanotube de carbone, observé pour la première fois en 1991 (4) (5), est une structure cristalline composée d'atomes de carbone qui peut être décrite comme un feuillet de graphène enroulé sur lui-même. C’est un tube creux, de diamètre interne d’environ un nanomètre (10-9 m) et d’une longueur de l'ordre de quelques microns.
Les nanotubes peuvent être mono-feuillet ou multi-feuillets. La structure d'un nanotube de carbone multi-feuillets correspond soit à plusieurs feuillets de graphène concentriques, soit à un seul feuillet de graphène enroulé sur lui-même de façon hélicoïdale.
Du point de vue électrique, les nanotubes mono-feuillets ont la particularité remarquable d’être soit métalliques (conducteurs) soit semi-conducteurs. En outre ils ont une excellente rigidité (mesurée par le module de Young), comparable à celle de l'acier et une extrême légèreté.
 

 

Références
(1) Nanotubes de graphène, sur le site Motorica (2021)
(2) Le sport augmenté, une révolution en marche à autoriser ?,  Journée Transhumansime : de nouveaux droits, Mai 2021, Aix-en-Provence, France,  M. Lahaye, V. Perkins, Ch. Charleux, G. Nicolas, V. Andrieu et A. Mahalatchimy, halshs-03406451v2
(3) Electric Field Effect in Atomically Thin Carbon Films K. S. Novoselov, A. K. Geim, S. V. Morozov et al., Science, vol. 306, n° 5696 (2004) p. 666–669
(4) Helical microtubules of graphitic carbon, S. Iijima, Nature, 354 (1991) p. 56-58.
(5) Who should be given the credit for the discovery of carbon nanotubes? M. Monthioux et V. L. Kuznetsov, Carbon, vol. 44, n°9 (2006) p. 1621-1623

Pour aller plus loin

* Les nouvelles prothèses Serge Lécolier, Revue Chimie Paris, n°338-339 (2012) p. 8-11
* Handicap et évolution scientifique et technologique : la prothèse dans le handisport (PDF) Comité Départemental Olympique et Sportif de l'Aisne, aisne.franceolympique.com
* Société Össur, fabricants de produits orthopédiques non invasifs
* Cours de physique du solide : les nanotubes de carbones (pdf) sur le site de l'Institut Rayonnement-Matière de Saclay (Iramis) - CEA
* Cette main bionique peut fonctionner plusieurs années, R. Fouchard, News de science (2023) sur le site des Techniques de l’Ingénieur
* Prothèses bioniques : retrouver les fonctions perdues, article réalisé avec M. Maier, de l'École des neurosciences (unité FR3636), CNRS - Université Paris Descartes, Site de la Fondation pour la Recherche Médicale

 

Crédit illustration : Championnats du monde d'athlétisme IPC 2013. 200 mètres féminin T44. De gauche à droite : Sophie Kamlish (GB), Marie-Amelie Le Fur (France), Marlou van Rhijn (Netherlands)
Fanny Schertzer, licence CC BY-SA 3.0, Wikimedia Commons