Le 31 mai est la dernière échéance d'enregistrement des substances potentiellement toxiques pour la réglementation européenne REACH. Ce règlement est entré en vigueur en 2007 pour sécuriser la fabrication et l'utilisation des substances chimiques dans l'industrie européenne. Derrière cet acronyme, REACH (Registration, Evaluation, Authorization and restriction of CHemicals) est une législation qui oblige les industriels qui produisent ou utilisent un produit chimique à s'assurer qu'il a bien été enregistré auprès de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA – European Chemicals Agency). Les deux premières phases de 2007 à 2017 concernaient les volumes de plus de 100 tonnes annuelles, produites ou importées. À partir du 1er juin 2018, ce sont les plus petits volumes de 1 à 100 tonnes qui sont concernés.
L'objectif de REACH est :
- de protéger la santé humaine et l'environnement ;
- d'instaurer une information générale et transparente sur la nature et les risques des substances tout au long de la chaîne du producteur au client final ;
- de sécuriser la manipulation de ces substances par les salariés ;
- de renforcer la compétitivité de l'industrie et notamment de l'industrie chimique secteur important de l'économie européenne.
Toutes les substances y compris naturelles sont concernées : les composés organiques ou minéraux, les métaux, celles utilisées dans les procédés, les peintures, les textiles, les meubles, l'électronique… C'est plus de 30 000 substances qui ont été enregistrées après évaluation et expertise, leurs risques potentiels établis. Ce sont donc des centaines de milliers de données très techniques qui ont été soumises et gardées à l'ECHA sur les propriétés toxicologiques, les tests et les études avec des informations sur les volumes, les usages et aussi les expositions, qui permettent de justifier la production et l'usage de tel type de molécule et d'en garantir la sûreté. Si certaines molécules sont jugées préoccupantes elles sont alors inscrites dans la liste des SVHC (Substance of Very High Concern). Ce sont par exemple les substances cancérigènes classées 1A et 1B, les mutagènes, les reprotoxiques ou persistantes biocumulables. Elles font alors l'objet d'une procédure d'autorisation assez lourde ou d'une interdiction.
Les industriels de la formulation qui n'utilisent pas forcément de grands volumes de produits sont fortement dépendants de leurs fournisseurs. Ils doivent s'assurer que ceux-ci ont bien enregistré leurs produits, car à partir du 1er juin, il ne sera plus possible de produire ou d'utiliser des substances pour plus de 1 tonne par an si elles n'ont pas été enregistrées. Le Ministère du développement durable et l'INERIS ont mis en place un service d'assistance réglementaire HELPDESK qui donne toutes les informations juridiques pour répondre aux questions des industriels. Par ailleurs l'UIC a sur son site et dans son organisation mis en place une aide REACH 2018 très complète.
Jean-Claude Bernier
Mai 2018
Pour en savoir plus :
– Le paradoxe apparent de REACH : contrainte et source d'innovation pour la chimie
– Les enjeux de la recherche en toxicologie et écotoxicologie dans le cadre de la mise en œuvre de REACH
– L'évaluation des substances chimiques dans le cadre de la mise en oeuvre de REACH
La chimie bien involontairement est venue récemment sur le devant de la scène médiatique lors de deux événements. Le premier, le 4 mars lors de l’empoisonnement de l’ex espion russe Sergueï Skripal et de sa fille Julia sauvés in extremis à l’hôpital de Salisbury mais qui a ravivé les tensions entre Londres et Moscou. Le second, une attaque chimique qui se serait déroulée le 7 avril en Syrie dans la ville de Douma et qui a provoqué une riposte ciblée de la part des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni. Dans les deux cas étaient soupçonnées des armes chimiques (1), peut-être un innervant, le Novitchok, en Angleterre et le chlore gazeux en Syrie. La chimie comme le nucléaire a souvent été détournée à des fins peu avouables pour en faire des armes, c’est son aspect le plus critiquable. La poudre noire, les explosifs, les bombes incendiaires existent depuis plus de 1500 ans, l’arme nucléaire et l’arme chimique sont plus récentes.
Il faut rappeler que les débuts de la guerre chimique remontent à la Grande Guerre de 1914-1918 (2). C’est en avril 1915 que les armées allemandes déploient 168 tonnes de chlore (Cl2 gazeux) au nord d’Ypres en Belgique. Le nuage vert dérive vers les tranchées occupées par les armées alliées sur sept kilomètres provoquant la panique mais, le nuage stagnant, la percée ne sera pas exploitée. C’est cet agent Cl2 qui semble être mis en cause lors de l’attaque de Douma par les armées syriennes. Il faut dire qu’après le chlore d’autres gaz ont été trouvés par les belligérants. Ce fut d’abord un autre suffocant le phosgène CCl2O, puis le gaz moutarde ou ypérite C4H8Cl2S (sulfure de 2,2'‑dichlorodiéthyle), non seulement suffocant mais aussi vésicant (3). L’imagination des militaires pour tuer leurs semblables est sans limite. Au cours du XXe siècle furent inventés les innervants neurotoxiques comme le tabun, le sarin et le VX de la famille des organophosphorés qui sont, à des degrés divers, inhibiteurs de la cholinestérase, un relaxant musculaire, et qui provoquent en quelques minutes après l’inhalation le blocage des muscles respiratoires (4).
Les spécialistes de la chimie analytique ont montré que c’est un poison de ce type qui a frappé S. Skrispal et sa fille. Il semble bien après analyses qu’il s’agisse du Novitchok, issu d’un programme de développement soviétique appelé Foliant qui travestissait ces types de molécules en insecticides ! C’est encore un organophosphoré mais fluoré qui peut être fabriqué à partir d’acétonitrile et de phosphate organique. C’est un agent binaire qui se présente sous forme de poudre ultrafine pouvant être administré au moyen d’aérosol dispersif ou à l’état gazeux. Huit à dix fois plus toxique que le VX, une concentration de 0,01mg/kg dans le sang conduit à la mort (5). Ses antidotes sont de type anticholinergique, comme l’atropine qui peut être administrée avec des oximes telles que la galantamine qui renforce son action. Mais d’après les experts les séquelles, même si on en réchappe, peuvent conduire à des handicaps sévères et permanents.
En 1993, 192 États ont signé une convention sur l’interdiction de la mise au point, du stockage et de l’utilisation d’armes chimiques (la Syrie ne les a rejoints qu’en 2013 sous la pression). A été créé dans la foulée l’OIAC (Organisation pour l’interdiction des armes chimiques) qui a déjà supervisé en 2014 avec l’ONU la destruction des stocks de ces armes en Syrie (6). Ce sont à nouveau les chimistes de cette organisation qui sont sollicités pour résoudre ces énigmes et qui développent les moyens analytiques pour identifier les traces de ces composés à chaque demande d’expertise. Ces experts de l’identification des molécules sont sur place en Syrie pour vérifier que l’attaque sur Douma a fait l’objet d’utilisation d’armes chimiques. Hélas même s’ils identifient le chlore, sa fabrication et son stockage sont exempts de déclaration car cette molécule est utilisée dans l’industrie et l’agriculture (7).
Jean-Claude Bernier
Mai 2018
Pour en savoir plus
(1) Les gaz de combat
(2) 1914-1918 : la guerre chimique
(3) Il y a cent ans : la guerre chimique
(4) Qu’est-ce qu’une attaque chimique ?
(5) Chimie et poisons
(6) De la difficulté d’éliminer les « armes chimiques » de Syrie
(7) La chimie en agriculture : les tensions et les défis pour l’agronomie
Non ce n’est pas à cause de la grève des éboueurs mais plutôt à cause de la Chine qui s’engage dans un nouveau protectionnisme économique avec la campagne « Ciel bleu 2018 ». Cette campagne durcit les exigences des douanes chinoises qui vont interdire l’importation de 24 types de déchets solides (1) dont la qualité est jugée mauvaise. On donne comme exemple les déchets plastiques non lavés et mélangés, les déchets métalliques divers, les vieux papiers et cartons mêlés dans la même balle. La tolérance devient très stricte avec un niveau qui ne doit pas dépasser 0,5 % de déchets indésirables.
Il faut se rappeler que la Chine importait près de 30 millions de tonnes (Mt) de papiers et cartons (2) par an, cette quantité qui sera très réduite dès 2018. Un contrôle encore plus sévère sera fait sur les plastiques importés en Chine, qui représentent près de 7,3 Mt en 2016. L’exigence touche huit familles dont les films polyéthylène (PE), le styrène, le polychlorure de vinyle (PVC), le polytéréphtalate d'éthylène (PET) (3) et le PET bouteille et le polycarbonate (PC) utilisé pour les CD et DVD. Ces plastiques devront être triés et lavés par famille avec des quotas imposés. Actuellement, 85 % des déchets plastiques exportés par l’Union européenne sont exportés vers la Chine. On conçoit bien que la Chine ne veut plus être la poubelle de l’Europe mais cela pose brusquement des problèmes économiques dans le secteur (4).
Le recyclage européen, qui était déjà depuis deux ans confronté à un durcissement douanier, a cru s’adapter en développant des étapes de tris plus contraignants, mais la profession pense que bientôt pour entrer en Chine il faudra fabriquer des produits finis : laver les films, broyer les emballages, les extruder et livrer des granulés.
C’est peut-être aussi une opportunité pour l’industrie française du recyclage (5). Si elle veut reprendre les exportations, il faut monter en gamme : sur-trier les papiers et cartons usagés, trier par classe les films, emballages et déchets plastiques, les broyer et les transformer par traitement thermique et extrusion. C’est créer de la valeur ajoutée et des emplois avec nos matières usées (6).
Il faut cependant sur le plan français reconnaître mieux cette industrie qui permet chaque année d’économiser plusieurs millions de tonnes de CO2. Il faudra redonner au marché du papier et du plastique recyclé un niveau de prix autorisant de nouveaux investissements (7). Il est temps car en Inde, en Malaisie, au Viêt Nam, des usines pour cette transformation intermédiaire se mettent en place.
Jean-Claude Bernier
Avril 2018
Pour en savoir plus
(1) Recyclage des matériaux et évaluation environnementale
(2) Recyclage et valorisation des déchets
(3) Les textiles imper-respirants
(4) Faire du déchet une ressource, un enjeu pour l’industrialisation des filières et des territoires en France
(5) Les déchets : valorisation traitement
(6) Transformer les déchets en ressources
(7) Ingénieur Génie des procédés / Génie chimique (fiche Métier) (187)
On a trouvé des textes décrivant l’obtention de savon datant de – 3000 av. J.-C., mais son usage existe probablement depuis la préhistoire. Le mot sapo en gaulois a donné en français le mot savon.
Le savon à travers les siècles
À travers les siècles le mode de fabrication a toujours utilisé deux substances :
- un corps gras, une graisse animale (de bœuf, de mouton, de cochon ou de sanglier…) ou une huile végétale (d’olive, d’arachide, de coprah, de palme...)
- une base alcaline, présente dans les cendres issues de combustion de plantes ou de bois. Le produit basique présent dans les cendres est un carbonate de sodium ou de potassium (Na2CO3 ou K2CO3).
Pendant des siècles la fabrication est restée artisanale, avec les matières premières régionales aussi bien pour le corps gras que pour les cendres.
En 1823, le chimiste français Eugène Chevreul comprend la réaction qui se passe quand on chauffe ensemble la graisse et la base pour former le savon. Cette réaction est appelée saponification. Il identifie aussi la nature ionique des entités constituant les savons.
Quels sont les constituants des corps gras ?
Les corps gras sont des triesters naturels du glycérol appelés aussi triglycérides.
Ils sont formés à partir de glycérol de formule HOH2C-CHOH-CH2OH ( ) et d’acides dits « gras », RCOOH, où R est une très longue chaîne carbonée H3C-(CH2)n-, (n pouvant aller de 3 à 35 ) (1).
Par exemple le triester de l’acide palmitique a pour formule
La réaction de saponification
La réaction de saponification est réalisée de nos jours à l’échelle industrielle en chauffant des corps gras en présence de soude NaOH ou de potasse KOH. On obtient des ions carboxylates à longues chaînes carbonées (2).
Avec la soude on obtient des carboxylates de sodium donnant des savons durs et avec la potasse des carboxylates de potassium donnant des savons mous ou liquides.
On trouve dans le commerce un très grand choix de savons, du fait d’une très grande variété de matières premières parmi les corps gras naturels. Ainsi, il peut y avoir autant de savons « à l’huile d’olive » qu’il y a de variétés d’huiles d’olive !
Historiquement, une teneur de 72 % en masse d’acides gras était garantie dans le savon de Marseille traditionnel, uniquement préparé à partir d'huile d'olive.
Le rôle du savon
Dans l’ion carboxylate l’extrémité de la chaîne COO- est hydrophile (qui aime l’eau) et la longue chaîne R est lipophile (qui aime la graisse). Ces deux propriétés simultanées permettent d’ôter la graisse d’un vêtement, de la peau ou de tout objet et de l’entrainer avec l’eau(3).
En cette période propice aux virus, respectez les consignes de lavage des mains préconisées par « Santé publique France ». Le lavage des mains au savon permet par la friction et la formation de mousse de déloger la saleté et les virus, puis de les évacuer avec le rinçage. Mais le savon ne tue pas les virus ni les bactéries.
Françoise Brénon et l'équipe Question du mois de Mediachimie
(1) Les triglycérides ont pour formule générale
CH2-O-CO-R1 où R1, R2 et R3 sont des longues chaînes carbonées qui peuvent différer.
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CH-O-CO-R2
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CH2-O-CO-R3
(2) Par exemple, pour un corps gras avec la même chaîne R, la réaction de saponification a pour bilan
Le carboxylate de sodium a pour formule RCOO –, Na+
Le carboxylate de potassium a pour formule RCOO –, K+
(3) Schématiquement la molécule ionique de savon est représentée ainsi :
La tache de graisse va être emprisonnée par les queues lipophiles des molécules qui s’organisent autour d’elle en sphère, les parties hydrophiles étant en contact avec l’eau. L’ensemble est appelé une micelle.
Exemple d’une goutte d’huile piégée
La récente décision du régime de Kinshasa (RDC, république démocratique du Congo) de taxer les volumes d’extraction du cobalt (1) des sociétés minières non à 2 % mais à 10 % considérant que ce métal devient stratégique n’est pas sans incidence sur notre consommation. Le cobalt et ses sels sont utilisés pour les alliages spéciaux, les carbures des outils de coupe, les catalyseurs, les aimants (2) mais surtout en 2017 à plus de 50 % pour les batteries ion–lithium, alors que cette utilisation ne représentait que 10 % en 2010. Les milliards de smartphones, nos outils électroniques nomades et les gigantesques objectifs de véhicules électriques en sont responsables. En effet dans tous ces objets ou automobiles le fonctionnement électrique est assuré par des batteries stockant l’énergie qui sont majoritairement des batteries ion–lithium (3).
Dans ces systèmes électrochimiques (4), lors de la décharge le lithium perd un électron qui produit le courant dans le circuit extérieur, l’ion Li+ migre alors à travers l’électrolyte et s’intercale dans la cathode constituée de feuillets de LiCoO2 .C’est dire qu’à côté du lithium il y a dans chaque batterie une quantité non négligeable de cobalt. On estime que par kWh il faut environ 600 à 800 g de Li2CO3 et de l’ordre de 180 à 230 g de cobalt. Cette quantité peut baisser si on utilise des batteries de type Li(CoNi)O2 ou Li (MnCo)O2 ou encore Li(CoMnAl)O2 (5) et passer par exemple de 60 % à 20 % de la masse en sacrifiant un peu sur la charge maximum.
Même si la capacité massique des batteries a doublé en dix ans et si le prix du Kwh va être divisé par deux en cinq ans d’ici 2023, la demande des constructeurs automobiles devient très pressante (6). Des marques comme Tesla ou Volkswagen annoncent pour les millions de voitures à produire des besoins annuels de 100 GWh et 200 GWh respectivement après 2020, ce qui représenterait au total de l’ordre de 69 000 tonnes de cobalt à cette échéance, soit près de 70 % de la production mondiale 2016 ! La multiplication des « gigafactories » de piles électriques (7) devrait permettre à l'horizon 2020 de produire en un an plus de batteries que la production mondiale totale jusqu'en 2014 !
Pour faire face à cet emballement les grands constructeurs veulent assurer leurs approvisionnements et passent de méga contrats avec (Contemporary Amperex Technology), LG Chem, BYD Auto, Samsung… La Chine rachète à Glencore la mine de Tenke Fungurume en RDC pour plus de 2 milliards US $. Dans la foulée le cours du cobalt flambe, de 40 000$/t en 2017 il atteint 87 000 $/t au printemps 2018, et pourtant la production qui était de 62 000 tonnes en 2013 a presque doublé en 2017. C’est la RDC qui domine le marché avec une production de 64 000 tonnes en 2017 suivie dans l’ordre par la Chine, le Canada, la Russie…
La France, grâce à la Nouvelle-Calédonie, est dans le top 10 avec 3 500 tonnes.Cette position dominante de la République démocratique du Congo est assez critique. En dehors des conditions quasi esclavagistes de l’extraction minière, la situation politique du régime de Kinshasa, aux prises avec des rebelles, fait craindre, avec la mainmise de la Chine sur les approvisionnements, une situation de pénurie. Les prévisionnistes tablent sur une augmentation de la demande de 1930 %. Les électrochimistes (8) peuvent cependant dégonfler cette « bulle » avec de nouveaux systèmes, Li-FePO4, Na-ion, Zn-air, Na-S … qui n’exigent plus de cobalt mais ne sont pas encore sur le marché pour l’immédiat.
Jean-Claude Bernier
Mars 2018
Pour en savoir plus
(1) Le cobalt (produit du jour SCF)
(2) Les matériaux stratégiques pour l’énergie
(3) Meilleurs matériaux pour batteries à ions-Li. L’approche déductive et inductive de la chimie (video-conférence)
(4) Stocker l’énergie pour communiquer (Chimie et… junior)
(5) Lithium–ion : de nouvelles batteries antiaériennes ?
(6) Stockage de l’électricité : élément clé pour le déploiement des énergies renouvelables et du véhicule électrique
(7) Elon Musk au secours des énergies renouvelables
(8) Les accumulateurs électrochimiques pour les transports : Li-ion et nouvelles chimies
L’ONG Générations Futures a compilé les données d’échantillons de fruits et légumes analysés par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) prélevés dans les grandes surfaces et grossistes et en a fait l’annonce le 20 février. Cette annonce a été reprise à foison par les média écrits et audiovisuels avec les gros titres : « 75 % des fruits et 41% des légumes contaminés par des pesticides ». Nous qui essayions cinq légumes et fruits par jour dans une alimentation équilibrée nous en sommes tombés de nos marmites. Comme le dit un célèbre humoriste : « je ne peux plus manger de fruits et légumes à cause des pesticides, plus de viande car il y a des hormones, plus de poissons car ils contiennent des métaux lourds, il me reste de l’eau pour me nourrir encore faut-il qu’elle soit potable ! » (1).
Dans cette annonce pour faire le buzz on ne trouve pas de résultats chiffrés d’analyses ni de détails sur les protocoles, spécialement mal venue pour saper la confiance du consommateur envers les producteurs à l’heure du Salon de l’agriculture à Paris (2).
De quoi parle-t-on enfin ? On cite la limite maximale de résidu (LMR) pour les produits phytosanitaires (3), seuil maximal autorisé pour un aliment transformé ou non, elle est pour la plupart des pesticides fixée réglementairement à 0,1 mg/kg (0,1 partie par million - ppm). Cette valeur très basse, mesurable grâce aux progrès de la chimie analytique (4), notamment à la chromatographie couplée à la spectrométrie de masse (5), est fixée à partir de la DJA - Dose Journalière Admissible. Celle-ci est fixée avec une marge de sécurité d’un facteur 100 à 1000 à partir de la Dose Sans Effet (DSE) quantité maximale de substance pouvant être ingérée par un animal quotidiennement sans troubles physiologiques et exprimée en mg/kg de poids.
On passe donc de la DSE/1000 à la DJA (qui sont des éléments de toxicologie) puis à la DJA divisée encore par un facteur de sécurité pour donner la LMR qui s’exprime le plus souvent en fraction de ppm. Les média pilotés tous par le panurgisme ne devraient-ils pas faire un effort de réflexion et consulter des sources impartiales comme par exemple le dernier rapport de l’EFSA (European Food Safety Authority) (6). Paru en avril 2017 sur les résidus de pesticides des fruits et légumes prélevés chez les producteurs en 2015 il a concerné 84341 échantillons sur lesquels 220 pesticides ont fait l’objet d’analyses. 69 % des échantillons provenaient de l’Espace économique européen (EEE), 26 % de pays tiers et 5% d’origines non définies. 97% des échantillons étaient en dessous du niveau de résidu maximum (LMR) dont 55% étaient exempts de pesticides car en-dessous de la limite de détection qui est de quelques ppb (partie par milliard). Sur les 2,8% au-dessus de la limite seuls 1,6% excédaient nettement cette limite (1,2% se situant dans la marge d’erreur). Pour les analyses concernant les produits issus des pays tiers, 3,4% excédaient la marge réglementaire, l’EFSA note un progrès dans ce domaine puisqu’en 2012 ils étaient 7,5%.
Parmi les produits dénotant un excès de pesticide (les 1,6%) on trouve 3,4% des brocolis, 1,7% des raisins de table, 0,8% du poivre, 0,4% des aubergines, 0,3% des bananes, ce qui reste tout de même de 96,6% à 99,7% de ces légumes et fruits tout à fait sains et mangeables.
On est loin des annonces alarmistes du 20 février. L’organisation de l’EFSA s’appuyant sur un réseau de laboratoires de chimie analytique (7) agréés dans les pays européens permet d’avoir des indicateurs scientifiques fiables, elle est un élément clef de la sécurité des consommateurs européens. Le programme européen de surveillance permet de conclure : que les niveaux quantifiés de résidus de pesticides dans les principaux aliments consommés par les européens n’entrainent pas de risque significatif sur le long terme pour la santé des consommateurs.
Dans la perspective d’une agriculture raisonnée du 21e siècle et de renforcer la confiance, il est raisonnable d’envisager comme le gouvernement le souhaite non pas une disparition des ajouts de phytosanitaires mais une forte diminution et le développement de l’innovation pour la protection des plantes comme le pratique l’INRA et le CNRS en France en suivant plusieurs pistes :
- utiliser des prédateurs des ravageurs des cultures comme les larves de trichogrammes contre la pyrale du maïs et les coccinelles contre les pucerons ;
- mobiliser des bactéries et des champignons comme le bacillus thurigiensis ou des virus comme dans la carpovirusine développé par l’INRA ;
- disperser des médiateurs chimiques comme les phéromones (8) permettant la confusion sexuelle des insectes, très efficace pour la protection des vignobles ;
- le biocontrôle pour renforcer la résistance naturelle des plantes avec de nouvelles méthodes modifiant les gènes soit par croisement soit par des techniques (NPBT - new plant breeding techniques) comme le CrispR-Cas9 (9) ciblant le génome.
Reste l’agriculture biologique qui se développe avec un marché en 2017 de 7 milliards €, et une progression à deux chiffres en France. Elle ne représente encore que 5% des terres cultivables et 4,5% du marché alimentaire. A côté des prix excessifs pratiqués, l’EFSA demande à ce que les produits bio ne soient pas exempts des contrôles, en particulier sur les LMR. En effet, lors d’une récente étude, l’agence canadienne a trouvé plus de 40% des fruits et légumes bio contenant des pesticides, soit par un bruit de fond de sols précédemment traités ou de non-respect du cahier des charges de l’agriculture biologique.
Jean-Claude Bernier
Février 2018
Pour en savoir plus :
(1) L’eau du robinet est-elle polluée ?
(2) La chimie en agriculture : les tensions et les défis pour l’agrochimie
(3) Les produits phytopharmaceutiques pour une alimentation de qualité pour tous
(4) La chimie analytique au service de la toxicologie médico-légale
(5) Spectrométrie de masse (MS : mass spectrometry) (vidéo en anglais, 7:58)
(6) The 2015 European Union report on pesticide residues in food - European Food Safety Authority EFSA Journal (2017) 15(4):4791, 134 pp.
(7) Les chimistes au service de la sécurité des personnes, des biens, de la santé et de l’environnement
(8) Les phéromones et le cerveau des insectes
(9) Chimie et biologie de synthèse (colloque)
Les jeux olympiques d’hiver en Corée à PyeongChang débutent vendredi 9 février. La séance d’ouverture risque d’être un peu perturbée par l’absence de certains athlètes. Le froid polaire qui règne actuellement avec -22°C et le vent glacial font dire à quelques délégations comme l’Italie et la Nouvelle Zélande que ce n’est pas un temps pour défiler même dans cette magnifique esplanade olympique des athlètes en pleine préparation. De plus, près de 1400 agents de sécurité sont sur le flanc, frappés par un norovirus de gastro-entérite probablement due à l’alimentation ou l’eau du centre pour jeunes où ils sont logés près du village des athlètes. Les organisateurs font tout pour que ces derniers ne soient contaminés et procèdent à de nombreuses analyses (1). Pour la survie des spectateurs de la cérémonie d’ouverture ils vont distribuer des kits de confort composés de bonnets, couvertures et coussins chauffants « chimiques » (2).
Mais heureusement l’évènement sportif et technologique va bientôt faire oublier ces petits tracas. Les skieurs sont équipés des derniers cris en matière de skis de compétition (3) ainsi que de combinaisons assurant confort et performance (4). Les descendeurs et les funambules du saut à skis pour se protéger font appel à la chimie (5) et pourront accélérer à fond grâce aux matériaux composites (6).
Ces jeux sont aussi une grande vitrine des nouvelles technologies, puisqu’entre les compétitions on pourra voir au pavillon de la culture et des TIC (7) une exposition qui mêle l’art et l’éclairage avec LED et lasers (8). L’une des attractions sera l’œuvre de l’initiateur des jeux vidéo Nam June Paik : une tortue géante de 12x6 m composé de 166 écrans de télévision (9). Les spectateurs pourront aussi voir des expériences et démonstrations du réseau 5G en télécom, de l’internet des objets, de l’intelligence artificielle, de la réalité virtuelle et des concerts en hologrammes 3D.
Pas de doute nous sommes bien en Corée !
Jean-Claude Bernier
février 2018
Pour en savoir plus
(1) L’eau au labo (vidéo, 5:02)
(2) Ces coussins contiennent un gel d’acétate de sodium (NaCH3COO) en solution saturée. Un choc, provoqué par une capsule métallique pliée, entraine l’apparition de cristaux qui provoquent l’entière cristallisation de l’acétate. Cette cristallisation est exothermique et absolument sans danger.
(3) Performance d’un ski de course : structure composite et glisse sur la neige
(4) Des textiles pour sportifs. Apport de la chimie pour améliorer confort et performances
(5) Technologie et performance sportive
(6) Les matériaux composites dans le sport
(7) Les matériaux avancés, moteurs de l’innovation en électronique
(8) Nos données dans le chaos : le laser à la rescousse de la fibre optique
(9) EnLEDissez vous !
A l’occasion du colloque Chimie et Biologie de synthèse qui aura lieu le mercredi 14 février 2018 à la Maison de la Chimie, à Paris, Mediachimie vous propose quelques questions pour découvrir la biologie de synthèse.
Bon quiz !
En savoir plus sur le colloque
L’hiver 2017/2018 est semble-t-il propice aux chutes de neige, les stations d’altitude se frottent les mains et les passionnés de ski se réjouissent lors des vacances de Noël et de février. Mais savez-vous comment se forme la neige et comment elle vieillit ?
La formation des cristaux
La vapeur d’eau issue de la basse atmosphère remonte avec les mouvements ascendants vers des altitudes élevées où règnent des températures basses. Au sein des nuages ayant une température largement en dessous de zéro, la vapeur d’eau se condense alors sous forme de très petites gouttes d’eau en surfusion (1) ou de microscopiques germes de glace : c’est la naissance du cristal. La vapeur d’eau continue à se condenser sur ces germes qui croissent d’une taille de quelques microns à quelques millimètres et donnent trois types de cristaux suivant la température à laquelle ils se forment : les étoiles - les plaquettes - les aiguilles.
Évolution de la neige
Soumis à différents paramètres (vent, température, pluie, soleil) les différents cristaux subissent des transformations continues et forment des couches variées au sol. Certaines sont dures, d’autres tendres. En observant la neige à la loupe binoculaire on distingue plusieurs formes de petits grains aux formes variées :
- grains fins en couches compactes : le vent a brisé les cristaux qui se redéposent en petites particules qui forment des rides comme le sable fin et des corniches sur les sommets ;
- grains à faces planes : il s’agit d’une vieille neige où les liaisons entre grains sont très faibles. Enfouie sous une neige fraiche elle est très fragile et peut déclencher une avalanche par plaque ;
- grains ronds : il s’agit là d’une neige qui a été mouillée sous l’effet du soleil ou de la pluie. Elle forme soit des couches molles si la température est douce et la neige contient de l’eau liquide, soit des couches dures si la neige a regelée : c’est la « neige de printemps ».
La neige et la glisse
Sur des skis on peut glisser sur la neige à des vitesses de plusieurs dizaines de mètres par seconde. La glisse est un phénomène compliqué (2). En fait on ne glisse pas sur la neige mais sur un film d’eau qui se crée entre la semelle du ski en polyéthylène (3) et la neige. Pour améliorer la glisse la structure de la semelle est semblable à un pneu pour bien évacuer l’eau et éviter le phénomène de succion qui freinerait le skieur. On peut aussi l’enduire de « fart » à base de paraffines et de molécules de fluorocarbures (4) hydrophobes.
Bon schuss !
L'équipe Question du mois
(1) La surfusion est un état de la matière qui demeure en phase liquide alors que sa température est plus basse que son point de solidification.
(2) Pour en savoir plus, allez découvrir l’article Les skis un équipement de haute technologie
(3) Le polyéthylène est formé à partir du monomère éthylène (ou éthène) de formule H2C=CH2
(4) Parmi eux le PTFE (polytétrafluoroéthylène), connu sous le nom commercial téflon© passé dans le vocabulaire courant. La formule de son monomère est : F2C=CF2
Source photos cristaux : site MétéoFrance, Phénomènes météo / La neige et ses transformations
La consommation du chocolat va s’accélérer en cette période des fêtes, mais connaissez-vous bien l’objet de cette douceur envahissante ? En début de chaîne de fabrication sont les cabasses cueillies sur le cacaoyer qui contiennent 20 à 50 fèves blanches. Celles-ci sont nettoyées puis laissées à fermenter à l’abri de la lumière durant 4 à 5 jours pour faire disparaître la pulpe qui les recouvre. Après séchage au soleil ou sous air chaud, on trie les fèves les plus dodues pour ensuite les griller à 120 °C /140 °C elles obtiennent alors leur coloration marron. Le concassage qui suit permet d’obtenir la pâte de cacao et la poudre de cacao. Le chocolat par lui-même est fabriqué par mélange de la pâte de cacao avec du sucre, du beurre, et du lait après agitation mécanique à 80 °C puis coulage en moule et refroidissement, la cristallisation intervient au-dessous de 36 °C.
Il y a plusieurs sortes de chocolat (1) :
- le chocolat noir à plus de 50% de cacao, avec du sucre, du beurre de cacao, de la vanille et de la lécithine de soja ;
- le chocolat au lait, qui contient moins de cacao et les mêmes ingrédients auxquels on ajoute le lait ;
- le chocolat blanc qui ne contient que du beurre de cacao ainsi que le sucre, le lait, la vanille et la lécithine de soja.
Le cacao et donc le chocolat contiennent des polyphénols, surtout des flavanoïdes et des anthocyanes qui ont la propriété de piéger les radicaux libres toxiques pour l’organisme (2).
C’est par ailleurs un aliment gras par ses triglycérides qui contiennent principalement l’acide oléique, un acide gras insaturé (Omega 9), et l’acide stéarique, qui une fois dans l’intestin se « désature » en acide oléique, excellent pour éliminer le cholestérol et combattre les maladies cardio-vasculaires. Est-ce que ces acides gras sont mauvais pour la ligne ? À côté des triglycérides, le chocolat contient des méthylxanthines comme la thréobromine et la caféine qui sont des molécules lipolytiques c’est-à-dire qu’elles dégradent les graisses de l’organisme - ce sont les mêmes que l’on trouve dans les crèmes amincissantes (3).
Le chocolat a d’autres vertus, il apporte des oligoéléments comme le magnésium, le phosphore et le potassium, mais aussi des molécules euphorisantes et stimulantes, les endorphines comme le phenyléthylamine et la sérotonine (4) qui « font plaisir » à l’organisme. N’a-t-il donc que des qualités ce produit exotique (5) venu des Mayas et des Aztèques par les conquistadors espagnols et popularisé en France à la cour de Versailles par le roi Louis XIV et la reine Marie-Thérèse d’Autriche ? Non, il contient du sucre qui augmente la glycémie, d’où une attention particulière à lui porter pour les diabétiques. De même, pour nos amis les animaux la théobromine du chocolat est toxique : pour les chiens, car, non éliminée dans le sang, elle peut provoquer des convulsions et des hémorragies internes, et aussi pour le chat, mais lui, n’aime pas le sucré (6).
En cette fin de 2017 nous ne risquons pas une pénurie car la cotation en décembre du cacao est de 1850 $ la tonne alors qu’en certains novembres de 2011, 2014 et 2015 elle avait dépassé 3000 $ la tonne. En cause l’extrême volatilité du cours du cacao qui dépend fortement de la situation géopolitique de l’Afrique de l’Ouest qui fournit presque 60% de la production mondiale avec la Côte d’Ivoire et le Ghana. La consommation mondiale de chocolat atteint de l’ordre de 3 Mt, en France 392 000 t (7) mais les plus gros consommateurs en Europe sont les Suisses suivis des Autrichiens et des Belges.
Faites cependant un peu attention durant la « trêve des confiseurs ». N’oubliez pas l’enseignement de Paracelse « Rien n’est poison, tout est poison ; seule la dose fait le poison » et sur les marchés de Noël préférez le verre de chocolat chaud au vin chaud mais avec modération (8).
Jean-Claude Bernier
décembre 2017
Quelques ressources pour en savoir plus :
(1) Expériences autour du chocolat
(2) Le chocolat est-il bon pour la santé ?
(3) Les emplois thérapeutiques du chocolat
(4) Sport et cerveau (Collection Chimie et… junior)
(5) Le chocolat (Produit du jour SCF)
(6) Le goût : de la molécule à la saveur
(7) Chimie et la chocolaterie
(8) La chimie des sens ? Il y a tant de découvertes à faire !
Les bananes font partie des fruits qui murissent après cueillette.
Composition de la banane et de sa peau
La banane contient entre autres de la cellulose (1), des glucides (2), des lipides (3), des enzymes (4) et des polyphénols (5). Au sein des cellules il existe des compartiments, ce qui permet aux composés phénoliques de ne pas être en contact avec les enzymes présentes.
Altération de la peau et action du froid
Si les membranes des cellules sont altérées ou blessées, les enzymes et les polyphénols vont se trouver simultanément en contact entre eux et avec l’oxygène de l’air.
Cette altération peut avoir lieu par égratignure de la peau, par choc ou par refroidissement excessif. En effets les lipides des membranes des cellules végétales ajustent les proportions d’acides gras insaturés en fonction de la température. Si la température est trop basse la membrane devient trop fluide et perd son étanchéité. Alors enzymes et polyphénols peuvent se mélanger et réagir. La banane subit alors la « chilling injury » ou « blessure par refroidissement ». Pour ce fruit, on estime à 12,5 °C la limite au-dessous de laquelle il y a altération.
Les réactions mises en jeu dans le brunissement
En présence d’oxygène, les enzymes polyphénol oxydases (PPO) (6) permettent l’oxydation des phénols en quinone. Puis le processus se continue par une polymérisation en mélanine (7) qui est brune à noire.
Alors, comment éviter d’avoir des bananes avec des taches noires ?
- Achetez-les plutôt vertes
- Ne les mettez pas au réfrigérateur et ne les choquez pas
- Ne les stockez pas près d’autres fruits car ils émettent tous de l’éthylène qui accélère le murissement
Certains conseillent de les suspendre par la tige et de les envelopper dans un sac plastique pour éviter le contact avec l’oxygène. C’est un peu contradictoire avec l’atmosphère alors confinée qui contiendra de l’éthylène qui va continuer à les faire murir plus vite !
Dans de nombreux cas la lutte est dérisoire car hélas dans les grandes surfaces les fruits sont stockés dans des chambres froides et l’induction des réactions est déjà dans le fruit sur l’étal !
Vous voulez faire une salade de fruits ? Comment éviter le noircissement des bananes coupées ?
Les polyphénol oxydases étant inhibées par les acides, pour éviter que les rondelles de la banane coupée noircissent on peut les arroser avec du jus de citron ou de l’eau dans laquelle on a dissous un peu de vitamine C (acide ascorbique) (8). Ceci est aussi vrai pour les pommes.
Jean-Claude Bernier, Françoise Brénon et l'équipe Question du mois de Mediachimie
(1) La cellulose est un enchaînement linéaire de molécules de D-glucose. C’est le principal constituant de la paroi des cellules végétales.
D-glucose.
Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Glucose
(2) Le glucose est un exemple de glucide.
(3) Les lipides constituent la matière grasse de l’aliment.
(4) Une enzyme est une très grosse protéine jouant un rôle de catalyseur, c’est-à-dire qui est capable d’accélérer une réaction chimique.
Source : http://biochim-agro.univ-lille1.fr/brunissement/co/ch2_II_b.html
(6) Transformation d’un diphénol en quinone. La catécholoxydase est une PPO, métalloenzyme contenant du cuivre qui est le site d’interaction avec l'oxygène et le substrat phénolique.
Source : http://biochim-agro.univ-lille1.fr/brunissement/co/ch2_II_b.html
(7) La mélanine est une macromolécule brune.
(8) La vitamine C est identique à l’acide L-ascorbique. Le citron contient naturellement de l’acide citrique et de la vitamine C. L’acide inhibe l’enzyme. La vitamine C est un réducteur qui subit l’oxydation à la place des polyphénols, ce qui les conserve. On parle aussi de rôle « anti-oxydant » ou « anti-oxygène ». La vitamine C porte le nom de code E 300 parmi les additifs alimentaires.
Le manuel d’écriture inclusive suivi d’une pétition signée par près de 400 enseignants favorables à cette féminisation de la langue fait polémique et débat, même dans les plus hautes sphères de l’Éducation Nationale et du gouvernement. Même le premier ministre confronté à « la déclaration des droits humains et du·de la citoyen·ne » s’en est offusqué. Mediachimie.org toujours à la pointe de l’actualité pédagogique se doit de poser la question : dans notre discipline, la chimie, la parité des genres est-elle respectée ?
Il semble hélas en regardant la classification périodique du tableau de Mendeleïev (1) (2) que le genre masculin prédomine : Li le lithium, Na le sodium, Fe le fer, Co le cobalt etc… Tout paraît masculin, même les dérivés : NaCl le chlorure de sodium, FeO le protoxyde de fer, BaO l’oxyde de baryum. On peut cependant aller chercher Fe3O4 la magnétite, CaO la chaux vive et même Ba(OH)2 la baryte ou SiO2 la silice pour mettre un peu de douceurs dans cette assemblée de brutes.
En réalité le féminin est plutôt réservé à des objets ou assemblages plus évolués et complexes. On parle d’un atome mais mieux d’une molécule, du produit de la réaction, d’une solution et de son soluté. En hommage aux fonctions biologiques supérieures de la femme, on remarque surtout la synthèse chimique et peu son catalyseur. En chimie du solide, même si on identifie le procédé du frittage, l’objet fini reste la céramique.
C’est dire que notre discipline est assez bien équilibrée entre le masculin et le féminin. Les choses se compliquent peut-être au laboratoire ou dans l’entreprise où peuvent travailler l’ingénieur et la laborantine, dénotant un machisme qui n’est plus d’époque. Heureusement dans les écoles de chimie de la fédération Gay-Lussac il y a maintenant autant d’élèves féminines que masculins qui préparent des diplômes d’ingénieur·e·s - si j’applique la règle du point médian encore appelé point d’altérité ! Mais que faire avec les mots épicènes identiques au masculin et au féminin comme linguiste mais aussi chimiste ? Aurais-je l’audace lors d’une évaluation dire et écrire : « ce laboratoire comporte d’excellent·e·s chimistes bien formé·e·s par des professeur·e·s sérieux·euses ». Cela allongera sans doute mes rapports et mes mails.
Mediachimie.org a déjà souligné depuis longtemps dans les fiches métiers (3) qu’ils étaient accessibles soit à un homme soit à une femme (H/F) et de nombreuses vidéos montrent autant de femmes que d’hommes occupant des fonctions en laboratoire ou en entreprise. Faudra-t-il modifier toutes les fiches pour indiquer directrice ou directeur d’usine, assistant ou assistante d’ingénierie ou encore technicien.ne de laboratoire… ou abandonner la langue française pour researcher, manager, physicist… ? Nos amis canadiens qui ont franchi le pas depuis longtemps nous regardent curieusement, mais les gardiens du temple de l’Académie française auront sans doute un regard plus sévère.
Jean-Claude Bernier
décembre 2017
Quelques ressources pour en savoir plus
(1) Site des éléments chimiques
(2) Classification périodique (application)
(3) Fiches métiers
L’imbroglio politique à Bruxelles et à Paris sur le renouvellement d’autorisation de cet herbicide nourrit les polémiques qui s’étalent dans les journaux. Mais connaît-on bien en tant que chimiste cette molécule ?
Le glyphosate est un composé de formule brute C3H8NO5P appelé N-(phosphonométhyl)glycine. C’est un acide organique analogue à un acide aminé naturel auquel on a ajouté un groupement phosphonate (C–PO–(OH)2). Sa synthèse industrielle n’est pas trop complexe et il a été fabriqué initialement par Monsanto qui en a possédé le brevet jusqu’en 1974. Plusieurs firmes depuis le fabriquent. Il est commercialisé sous le nom de « Roundup », l’herbicide systémique le plus utilisé dans le monde. Il comporte des adjuvants pour accroître sa solubilité et la pénétration dans la plante, notamment un surfactif (tensioactif) : le polyoxyéthylène amine (POEA) ou Tallowamine.
Les agriculteurs souhaitent la poursuite de son autorisation car ils utilisent ce produit pour éviter la pratique des labours profonds qui changent la structure des sols (1) au détriment de la biodiversité. Les ONG et les écologistes souhaitent au contraire son interdiction en tant que produit chimique et susceptible d’être cancérigène (2).
En fait dès 1997, une étude coordonnée par l’Agence américaine de la protection de l’environnement avait montré que ce n’était pas le glyphosate mais plutôt le POEA et ses produits de dégradation qui étaient toxiques pour les poissons et batraciens en milieu humide (3). Les études réglementaires nécessaires pour la mise sur le marché pour le glyphosate jusque l’an 2000 ne montraient aucun danger tératogène ou toxique pour l’homme.
C’est un rapport en 2015 du CIRC (Centre international de recherche sur le cancer), agence de l’OMS, qui a classé le glyphosate comme cancérogène probable pour l’homme à forte dose. On se rappellera que c’est ce même organisme qui a classé le café dans la même catégorie probable et la charcuterie comme cancérigène certain. En 2016, l’EFSA pour l’Europe concluait qu’il était improbable que cette substance soit cancérigène ; l’ANSES (4) pour la France, plus prudente, considérait que le niveau de preuves était insuffisant pour le classer comme cancérigène mais recommandait de ne plus l’additionner du POEA.
Passons sur les polémiques qui d’un côté accusent les organismes officiels d’avoir repris une étude faite par Monsanto et de l’autre côté accusent un rapporteur indélicat d’avoir changé les conclusions du CIRC de peu probable en probable ! Elles n’apportent rien à la clarté scientifique.
Le monde agricole pose alors la question des produits phytosanitaires alternatifs ? (5) Sont proposés les acides gras qui n’ont une efficacité que sur 14 jours, l’acide pélargonique (géranium) ou l’acide caprique proposé par Bayer qui ne fonctionnent que sur de petites surfaces et de coût assez élevé. Un autre herbicide de Monsanto, le Dicamba ou acide 2-méthoxy-3,6-dichlorobenzoïque renoue avec les organochlorés encore bien pires et qui fait déjà l’objet aux États-Unis de nombreuses plaintes d’agriculteurs. Restent l’huile de coude pour le sarclage et l’arrachage à la main, difficilement compatibles avec la désertification rurale.
C’est le vrai problème de l’agriculture moderne, appelée à nourrir des milliards d’êtres humains et confrontée à l’usage de produits respectueux de l’environnement et de la santé alimentaire (6) et bien sûr de ses rapports avec la chimie. Si depuis 40 ans le nombre de molécules pesticides, herbicides et insecticides a été réduit des 2/3 et si les micropolluants des eaux se sont réduit de 60% (7) avec une belle amélioration de la chaine alimentaire, c’est que les organismes de réglementation et la recherche de solutions (8) ont travaillé ensemble mais l’on peut encore faire des progrès.
Jean-Claude Bernier
Novembre 2017
Quelques ressources pour en savoir plus :
1) Biogéochimie et écologie des sols (330)
2) Chimie et santé : risques et bienfaits (307)
3) Biochimie naturelle et traitement de l’eau : de la chimie des écosystèmes et des cocktails… (284)
4) Le défi posé aux chimistes pour la protection de la santé et de l’environnement. Le point de vue de l’ANSES (1099)
5) La chimie en agriculture : les tensions et les défis pour l’agronomie (313)
6) Réglementation de l’évaluation des risques alimentaires : la place de la chimie (285)
7) Les micropolluants dans les écosystèmes aquatiques : enjeux de la directive eau (1101)
8) La nature pour inspirer le chimiste : substances naturelles, phytochimie et chimie médicinale (292)
Qui dans sa vie n’a pas vu en automne le jeu des couleurs magnifiques des feuilles de la majorité des arbres qui nous entourent ? Jaune de toutes les nuances, orange, rouge feu, rouge byzantin…
En effet l’arbre, n’ayant pas des moyens de déplacement, ne peut s’abriter pendant les mois rudes de l’hiver. Il a donc développé sa propre stratégie de survie contre le gel.
Il préfère sacrifier ses feuilles, celles qui occupent le plus de surface exposée, pour se protéger de la dessiccation et garder ses branches, tronc et racines. L’ensemble des structures restantes est protégée soit par l’écorce (branches et tronc) soit par la terre (racines).
La chimie de la chute
Aussitôt que la luminosité baisse et que les premiers froids paraissent, l’arbre, grâce à des molécules senseurs (réceptrices), va réaliser la venue de l’hiver ; l’ordre va être donné pour secréter une petite molécule hormone qui s’appelle éthylène (1), molécule bien connue par ailleurs de l’industrie pétrochimique.
La biosynthèse de l’éthylène va alors se réaliser grâce à une succession complexe d’étapes chimiques à partir de la méthionine (2), qui est un acide aminé essentiel pour la constitution des protéines.
L’éthylène va déclencher un deuxième mécanisme, celui de fabrication de « liège » autour des veinules ou artérioles qui amènent la sève (le sang des arbres) vers le feuillage pour le nourrir et l’hydrater ; un « bouchon » est formé qui empêche l’alimentation des feuilles (3). L’avenir de ces feuilles dépend désormais du vent… L’hiver s’installe mais la chimie de l’arbre lui a encore sauvé la vie, pour une nouvelle année.
Les changements de couleur
La chlorophylle (4), cette molécule responsable de la couleur verte intense et qui assure le processus de la photosynthèse (5), va être progressivement dégradée par le froid.
Le vert disparait pour laisser place à d’autres colorants, cachés jusqu’alors par la couleur verte. Ce sont les caroténoïdes (6) (substances chimiques de la carotte) ou les anthocyanines (substances chimiques des choux).
La danse des couleurs est amorcée ; tous les jours, à chaque instant de la journée et en fonction de la luminosité, des nuances variées régalent nos yeux.
Pourquoi certains arbres ne perdent pas leur feuillage ?
Le cas des conifères en est un exemple didactique.
Leur feuillage en forme d’aiguilles diminue substantiellement la surface d’exposition. Par ailleurs, il s’agit d’arbres résineux qui laissent autour de chaque aiguille une fine couche de résine qui sert de vêtement de protection, comparable à la cire secrétée par les canards qui nagent dans l’eau, indifféremment de la température ambiante.
La stratégie des plantes est une source d’émerveillement ! (7)
Constantin Agouridas, Françoise Brénon et l'équipe Question du mois de Mediachimie
(1) Éthylène ou éthène H2C=CH2
(2) La méthionine existe sous 2 structures, images l’une de l’autre dans un miroir. Par exemple la S-méthionine a pour formule :
(3) Ce processus s’appelle l’abscission.
(5) Dans le processus de photosynthèse, la chlorophylle absorbe l’énergie solaire afin de permettre au dioxyde de carbone et à l’eau, présents dans l’air ambiant, de se combiner pour produire des hydrates de carbone (sucre) et libérer du dioxygène.
(6) Caroténoïdes : Il s’agit d’une famille contenant environ 600 molécules différentes. Elles ont en commun de présenter une longue alternance de simples et doubles liaisons, responsable de leur couleur. Par exemple le lycopène a pour formule :
(7) C’est ainsi que certains arbres sécrètent de l'éthylène et d'autres gaz pour empêcher la végétation d'envahir leurs pieds et que sous stress thermique les arbres émettent de l'éthylène, d'où l'inflammation rapide et spectaculaire de l'arbre entier lors des incendies de forêt.
L’Energy Observer, un ancien catamaran de course avec lequel l’australien Peter Blake avait gagné le trophée Jules Verne en 1994, a été transformé en 2016 en un superbe bateau de démonstration des énergies renouvelables, bourré d’innovations en chimie. Long de 30,5 mètres et large de 13 mètres, son capitaine, Victorien Erussard a entamé en août 2017 le tour du monde en 6 ans et 101 escales sans émettre un litre de gaz à effet de serre (1). Autonome en énergie, ce bâtiment accumule toutes les récentes technologies permises par l’innovation en chimie.
Cela commence par les 130 m2 de panneaux solaires (2) spécialement étudiés par le CEA–Leti avec des cellules bifaces à hétérojonction dont le rendement approche de 22% (3). L’ensemble des cellules couvre le pont, elles sont revêtues d’une couche antidérapante et donnent une puissance crête de 21 kW. L’électricité solaire générée est stockée dans des packs de batteries ion-lithium spéciaux, apportant une réserve d’énergie de 106 kWh (4). La propulsion se fait par deux hélices mues par deux moteurs électriques à fort rendement de puissance de 41 kW chacun et tournant à 3000 tours/minute capable de faire avancer ce navire en composite (5) à une vitesse comprise entre 10 et 15 nœuds. L’astuce de ces moteurs c’est qu’ils sont réversibles en hydrogénérateurs et lorsque le bateau court sur son erre, porté par le vent ou un courant, les hélices engendrent un courant et une puissance de 2x2,5 kW qui peut recharger les batteries. Il y a aussi une autre source d’énergie : sur le pont une trappe s’ouvre sur un cerf-volant automatisé qui sous le vent tire le bateau en augmentant sa vitesse et en réduisant les dépenses d’énergie. S’y ajoute une pile à hydrogène, aussi source d’énergie. En effet ce navire labo dispose d’un électrolyseur (6) qui dissocie l’eau en oxygène et hydrogène. Ce dernier est récupéré sous une pression de 30 bars puis compressé à 150 bars et stocké dans 8 réservoirs pour donner une réserve de 62 kg d’H2. On sait que l’hydrogène est un vecteur d’énergie (7) à travers la pile à combustible qui produit de l’électricité à partir de la recombinaison H2 + O = H2O (8). Pour compléter les sources, deux petites éoliennes à axe vertical peuvent fournir un appoint de 2 kW. On comprend dès lors qu’avec toutes ces technologies d’avant-garde ce « Solar Impulse des mers » (9) aura une autonomie énergétique complète. S’y ajoutent un désalinisateur d’eau de mer qui fonctionne en osmose inverse (10) et dans le dôme de navigation une électronique embarquée (11) et un super logiciel informatique connecté, optimisant la navigation, prenant en compte non seulement l’état de la mer et du vent mais aussi la nébulosité et la gestion de l’énergie.
L’Energy Observer fait route vers la Méditerranée et doit être début décembre en escale à Marseille. Les élèves du Lycée Galilée de Gennevilliers suivent attentivement cette odyssée, ils sont en ce moment à la Cité des sciences et de l’industrie pour se relayer devant une maquette et un démonstrateur d’électrolyse produisant de l’hydrogène et ainsi expliquer les technologies du bateau aux plus jeunes. Ils seront également en décembre à l'escale de Marseille.
Bon vent à cette nouvelle « calypso des mers » ! (12)
Jean-Claude Bernier
Octobre 2017
Quelques ressources pour en savoir plus :
1) Le changement climatique (Chimie et… junior)
2) Les panneaux solaires (vidéo, 2 :34)
3) Un exemple d’énergie renouvelable : panneaux solaires photovoltaïques
4) L’énergie : stockage électrochimique et développement durable
5) Chimie et construction navale
6) Production d’hydrogène par électrolyse de l’eau sur membrane acide
7) L’hydrogène, vecteur de la transition énergétique
8) Fonctionnement de la pile à combustible (vidéo, 1:30)
9) Solar Impulse 2 et la chimie
10) D’eau et de sel (vidéo, 14:00
11) Toujours plus petit ! (Chimie et… junior)
12) Site du projet Energy Observer : http://www.energy-observer.org
Depuis près de vingt ans le « nanomonde » s’est développé. Rappelons d’abord qu’un nanomètre (nm) est mille fois plus petit que le micromètre et qu’une particule de 10 nm est 50 000 fois plus petit que l’épaisseur d’un de vos cheveux. Si les microprocesseurs de nos smartphones sont de plus en plus puissants, c’est que par lithographie on grave les transistors à moins de 20 nm (1). De même les microcapteurs de CO ont des composants à dimensions nanométriques (2), la télévision HD utilise aussi des « quantum dots » nanométriques (3) et même en thérapie les nanomédicaments sont un espoir pour les traitements du cancer (4).
Cet été la presse s’est fait l’écho d’une enquête très médiatisée sur la présence de nanoparticules de TiO2 dans de nombreux aliments, plats cuisinés, pâtisseries, bonbons… Une publication de l’université de Séoul en mai attire aussi l’attention sur des poudres de carbone émises par les imprimantes 3D (5). Ces annonces peuvent semer le trouble dans l’agroalimentaire, chez les consommateurs et aussi chez les usagers d’imprimantes 3D. Pour ces dernières, qui se multiplient dans le grand public, la fabrication additive se fait le plus souvent par fusion de fils de thermoplastiques (PLA - acide polylactique, ABS - acrylonitrile butadiène styrène) à des températures de 150°C à 200°C qui peuvent permettre l’émission de vapeurs mais probablement pas de nanoparticules de carbone, d’autant que maintenant la plupart des imprimantes sont capotées. Plus sérieux est le cas des imprimantes 3D industrielles qui se multiplient chez les fabricants de pièces complexes à partir de poudres métalliques déposées en couches successives fondues par laser. La sécurité des opérateurs est assurée par des installations qui satisfont aux normes relatives aux locaux à pollution spécifique où les concentrations moyennes en poussière totale et alvéolaire de l’atmosphère ne doit pas dépasser 10 et 5 mg/m3 d’air. Les rangées d’imprimantes bien fermées sont disposées dans des locaux ventilées avec leurs propres alimentations de poudres, étanches, limitant les manipulations individuelles et obéissant aux normes (6).
À cet égard, il faut rappeler qu’il y a un domaine où les normes n’ont aucun pouvoir, il s’agit des nano-objets relevant de la pollution ambiante : nanoparticules de TiO2 des peintures, des cosmétiques, des nanosilices, des particules de CeO2 issues de pots catalytiques, etc…, tous objets non manufacturés de l’ordre de 20 000 à 30 000 nano-objets par mm3 (7). Cette situation relativise l’annonce médiatique des nanoparticules de TiO2 de l’additif alimentaire E 171. Car de plus, au-delà du « scoop », il faut rappeler que les autorités européennes par l’EFSA ont largement étudié la toxicité de cet additif depuis plusieurs années. Il comporte entre 0 et 39% de particules inférieures à 100nm et d’après cette agence, « les expositions à l’E171 ne sont pas de nature à entrainer un risque sanitaire ». Mais en France, avec le principe de précaution, l’ANSES a été alerté par divers ministères, suite à une publication (Bettini et al., dans Scientic Reports) sur d’éventuelles lésions du colon chez des rats soumis à un régime riche en nanoparticules de TiO2. L’expertise collective diligentée aussitôt a rendu ses avis en avril, après analyse des protocoles d’essais et audition des auteurs. La conclusion du panel d’experts ne remet pas en cause l’avis initial européen de l’EFSA, elle constate aussi que les réactions inflammatoires intestinaux ne sont que difficilement étayées et que les résultats ne permettent pas de conclure à une génotoxicité. L’ANSES rappelle par ailleurs que cela fait plus de dix ans que l’agence travaille sur les effets biologiques des nano-objets et qu’elle souhaite que des protocoles d’essais rigoureux et normés soient mis en place en ce domaine (8).
Jean-Claude Bernier
Ocotbre 2017
Quelques ressources pour en savoir plus :
1) Chimie et nanolithographie (vidéo, 8:20)
2) Micro-capteurs à semi-conducteurs pour la détection de CO (conférence)
3) La chimie s’invite dans la guerre des télés
4) Les nanomédicaments : une approche intelligente pour le traitement des maladies sévères
5) La 3D, troisième révolution industrielle ?
6) Production et utilisation des nano-objets : évaluation et gestion des risques
7) Les nano-objets : un avenir prometteur sous contrôle (chimie et… junior)
(8) Le défi posé aux chimistes pour la protection de la santé et de l’environnement. Le point de vue de l’ANSES
Dans le cadre de la Fête de la science, l’équipe de Mediachimie.org vous propose de rentrer dans le monde souvent surprenant et parfois magique de la chimie et de ses applications, au travers d’un quiz ludique et instructif.
C’est l’occasion de découvrir que la chimie est partout, qu’elle est présente en permanence dans notre quotidien et dans tout ce qui nous entoure. Source d'innovations et de progrès, elle accompagne les autres sciences et les autres technologies, dans tous les laboratoires de recherche, dans tous les domaines d'activités.
Avec ce quiz, testez vos connaissances et découvrez des innovations ou des applications inattendues, fruits de l'observation et de l'imagination des chercheurs, parfois aidés par ce que la Nature a su inventer avant nous.
À vos claviers !
Les allumettes que nous utilisons tant en cette saison de barbecue sont bien pratiques et faciles à utiliser. Pourtant elles sont le fruit d’une longue histoire. Elles résultent de nombreuses recherches et industrialisations suivies d’améliorations pour les rendre sûres et non toxiques. Elles nécessitent une friction pour s’enflammer et pour que ce soit d’un usage utile il faut que cette flamme dure suffisamment longtemps. Mais quels sont donc les ingrédients mis en jeu pour que cela fonctionne ?
Les composés présents sur la surface à gratter
Le grattoir est constitué de poudre de verre et de phosphore rouge.
Le phosphore rouge est la variété allotropique (1) stable du phosphore, non inflammable et non toxique.
Les composés présents sur la tête de l’allumette
La petite tige de bois de peuplier est imprégnée de phosphate d’ammonium et son extrémité est recouverte de paraffine. Sur cette extrémité est déposée une pâte constituée à environ 50 % de chlorate de potassium (KClO3) (2), de trisulfure de diantimoine (Sb2S3) et de phosphate d’ammonium (NH4)3PO4, le tout lié par une colle. Le colorant présent est ajouté pour la rendre jolie !
Cette tête est appelée le « bouton » dans le processus de fabrication.
Que se passe-t-il lors du grattage, et après ?
La poudre de verre permet la friction provoquant un échauffement. Cette augmentation locale de température provoque la transformation du phosphore rouge en phosphore blanc (3). Celui-ci, très volatil et inflammable, s’enflamme immédiatement en présence du dioxygène de l’air. Cette étape sert à amorcer la flamme.
Celle-ci se communique alors à la tête de l’allumette.
Le chlorate, oxydant, se décompose sous l’effet de la chaleur de la flamme en chlorure et libère de l’oxygène selon KClO3 → KCl + 3/2 O2 (gaz)
Le trisulfure de diantimoine est un réducteur et sert de combustible, permettant ainsi à la flamme de se maintenir.
Il se forme simultanément du trioxyde de diantimoine et du dioxyde de soufre, responsable de l’odeur que l’on perçoit.
Les réactions mises en jeu sont :
Sb2S3 + 9/2 O2 → Sb2O3 + 3 SO2
ou globalement Sb2S3 + 3 KClO3 → Sb2O3 + 3 SO2 + 3 KCl
Et ce bel enchaînement de réactions ne dure que quelques dixièmes de secondes !
La cire de paraffine, qui est aussi un bon combustible, va permettre à la flamme de se propager le long de la tige de bois.
Quant au phosphate d’ammonium dont le bois est imprégné, il joue le rôle de retardateur de combustion afin que l’allumette ne brûle pas trop vite, et limite la formation des fumées lorsque l’allumette s’éteint.
La fabrication des allumettes en France a pendant plus d’un siècle été un monopole d’état (représenté par la SEITA). La dernière usine de Saintines dans l'Oise a fermé en 1993, elle fabriquait environ 15 milliards d'allumettes sur les 22 milliards consommées en France et consommait alors 8400 m3 de bois de peuplier. Depuis la consommation chute de 2 à 4% par an, concurrencée par les allume-gaz et les briquets.
Pour voir en images et au ralenti le processus d’inflammation d’une allumette tout en identifiant les réactions qui se passent, regardez la vidéo « How Do Matches Work ? » sur la chaine Youtube de l’American Chemical Society.
Françoise Brénon
(1) Une variété allotropique correspond à une forme cristalline ou moléculaire. Le phosphore rouge a un enchainement structural semblable à un polymère :
source http://www.compoundchem.com/2014/11/20/matches/
(2) On utilise du chlorate de potassium qui est non hygroscopique (absorbe peu ou pas l’humidité de l’air) contrairement au chlorate de sodium.
(3) Le phosphore blanc est une autre variété allotropique du phosphore . Sa structure découle d’une « dépolymérisation « du phosphore rouge et est :
source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Phosphore_blanc
Il est très inflammable. On pourra lire à son sujet la ressource « Le phosphore et l’invention des allumettes ».
Lors d'une séance en classe de seconde en enseignement d'exploration « sciences et laboratoire », M. François Bourliot, professeur de physique-chimie au lycée Pierre Gilles de Gennes - ENCPB, utilise le site Mediachimie pour accompagner l’exploitation d’un TP.
À cette occasion, Mme Françoise Brénon, professeure de chimie et membre du comité éditorial de Mediachimie, présente ce site à l’aide d’exemples. Au cours de cette séance, deux vidéos ont été réalisées par le service vidéo de l’académie de Paris :
- une version courte (7 min) consacrée à la présentation de Mediachimie et dans laquelle M. François Bourliot explique pourquoi et comment il l'utilise dans son cours ;
- une version longue (14 min) inclut l’intégralité de la version courte et permet également de suivre une partie de la classe dans exploitation d'un TP d'exploration portant sur l’oxydo-réduction, avec l'utilisation de Mediachimie.
L’ouragan Harvey a ravagé la semaine dernière la côte est du Texas aux États-Unis. Il a fait au moins 33 victimes et il a aussi inondé une zone fortement industrielle près de Houston. C’est là que plusieurs sites de pétrochimie comme les raffineries ont dû s’arrêter noyées par les eaux mais des plateformes chimiques ont aussi souffert. C’est le cas de l’usine ARKEMA de Crosby au nord-est de Houston où plusieurs explosions suivies de dégagements de fumées ont été observées jeudi 31 août et vendredi 1er septembre. Les responsables de la filière américaine du groupe nous informent d’une situation jamais vécue, où 1,80 mètre d’eau dans l’usine ont fait sauter les alimentations électriques d’urgence et de secours. En conséquence les conteneurs de peroxydes organiques n’étaient plus réfrigérés et ont brûlé.
Qu’est-ce qu’un peroxyde organique ? Les peroxydes organiques sont des substances organiques liquides ou solides qui contiennent la structure bivalente -O-O- et qui, en tant que telles, sont considérées comme des dérivés du peroxyde d’hydrogène dans lesquels un ou les deux atomes d’hydrogène ont été substitués par des radicaux organiques. Ils dérivent presque tous d’une formule
et ils sont caractérisés par des doubles liaisons C=O et des ponts d’oxygènes greffés entre des radicaux carbonés. L’un des plus simples est le peroxyde d’hydrogène H-O-O-H ou eau oxygénée (1), antiseptique et comburant dans les fusées, mais aussi agent de synthèse oxydant en chimie organique. Les peroxydes sont utilisés en pharmacochimie (2) et aussi comme plastifiants (3), dans la fabrication des plastiques et des composites fibreux (4). Il y a plus de dix types de peroxydes organiques, citons le peroxyde de dibenzoyle utilisé comme agent thérapeutique contre l’acné et agent de blanchiment comme le peroxyde de lauroyle dans l’industrie alimentaire (5). D’autres peroxydes comme ceux des carbonates, de cétones et d’esters sont utilisés dans les polymères et diverses industries y compris cosmétiques (6), où l’on a besoin d’un réactif d’oxydation.
Ce sont des composés à la fois oxydants et comburants et donc instables car ils réunissent dans un même composé du carbone et de l’hydrogène (comburants) qui ne demandent qu’à réagir avec l’oxygène (oxydant) pour donner du CO2 et H2O. Ils se décomposent facilement sous l’action de la chaleur. La montée en température au-dessus de la « température de décomposition accélérée » (SADT en anglais) entraine une décomposition exothermique avec possibilité d’auto-accélération et auto-combustion d’où explosion (7).
C’est pourquoi on les stocke dans des containers refroidis où la température doit rester en général au-dessous de 20 °C. La panne d’alimentation électrique a provoqué la décomposition et la combustion des containers sur le site de Crosby, malgré toutes les précautions prise par les services de l’usine en doublant les circuits de réfrigération (8). La direction locale d’ARKEMA a décidé de déclencher l’incendie des produits restants en accord et liaison avec le « Chemical Safety Board », l’agence fédérale de sûreté chimique afin de mettre en sécurité le site (9).
Jean-Claude Bernier
Septembre 2017
Quelques ressources pour en savoir plus :
1) Découverte du peroxyde d’hydrogène (eau oxygénée)
2) Le vieillissement cutané : prévention et réparation
3) L’analyse des peintures automobiles
4) Matériaux composites à matrice polymère
5) Alimentation : les différentes facettes de la qualité
6) La chimie au cœur de l’innovation en parfumerie-cosmétique : le contexte économique et réglementaire et les défis de la recherche
7) Une enquête explosive
8) Apport de REACH dans l’amélioration de la connaissance des dangers des substances pour Arkema
9) Du produit aux installations : apport des sciences chimiques pour renforcer la sécurité
Le volume 4 de la collection Chimie et... Junior est paru.
L’avenir de la planète dépend de l’évolution du climat et des sources d’énergie utilisées et utilisables dans le futur. Comprendre les problèmes à résoudre pour faire les choix et les efforts nécessaires concerne tous les habitants de la Terre pour longtemps.
Dans le domaine du climat comme dans celui de l’énergie, les chimistes sont au service de la transition énergétique à travers de nombreux métiers qui se développent et se diversifient. Les fiches professionnelles permettent de mieux les connaître.
Enfin avec le coin des jeux testez en famille les connaissances en chimie et en mathématique dans ce domaine.
En savoir plus et commander l'ouvrage "La Chimie, l’Énergie et le Climat"
La collection Chimie et... Junior a pour objectifs :
- d’illustrer par des exemples issus de récents résultats de la recherche académique et industriel, le programme du cycle 4 des collèges ;
- de faire agréablement découvrir aux collégiens et aux lycéens, l’importance des sciences de la chimie dans la vie quotidienne, notamment dans les domaines porteurs, afin de les aider à choisir leur orientation et à préparer leur avenir professionnel.
Le point faible de l’électricité produite par les éoliennes ou les panneaux photovoltaïques (1), c’est l’intermittence. Les media nous ont habitués aux abus de langages « la puissance de ce parc photovoltaïque ou de cette ferme d’éoliennes permet d’alimenter une ville de 50 000 habitants » … Et bien non ! Que feront ces malheureux la nuit ou les jours nuageux et sans vent, privés de chauffage, d’éclairage, de téléphone et d’ascenseur ? Se pose donc le problème de stocker l’électricité (2) non pas à l’échelle de quelques watts pour votre smartphone mais à quelques centaines de mégawatts pendant au moins 24 heures.
Elon Musk, le médiatique président de TESLA, a saisi l’opportunité qui se présente en Australie-Méridionale, frappée de black-out répétitifs dus à l’arrêt de centrales au charbon, à l’excès de renouvelables et à la désorganisation de son réseau par des pluies diluviennes (3). Les industries du sud de l’Australie, et en particulier les zones portuaires d’Adélaïde et de Perth, réclament à cor et à cri la construction d’une centrale thermique à gaz pour les alimenter. Suite à un appel d’offre du gouvernement méridional, Elan Musk leur propose d’installer un stockage de 100 MW (129 MWh) à Jamestown près du parc éolien de Hornsdale géré par le français Neoen (4), utilisant sa technique Powerpack, composée de 788 armoires comportant chacune 16 batteries lithium-ion (5) avec leurs composants électroniques de charge/décharge et onduleurs programmés. Il propose au Premier ministre du gouvernement de le lui livrer en 3 mois, d’ici décembre 2017, au prix de 250 $ le KWh (ce qui fait tout de même 33 millions de $) et gratuitement s’il ne tient pas les délais ! On connaissait déjà ses batteries Powerwall de Tesla pour les particuliers désireux d’autoconsommer leur électricité solaire de 6 à 14 KWh mais là, il franchit un sacré palier. Il ne craint pas de dire que c’est la plus importante unité de stockage en batteries au monde ; ce n’est pas tout à fait exact car le chinois Rongke Power et l’américain UET construisent près de Dalian en Chine un ensemble de batterie flux vanadium (redox) d’une capacité de 200 MW (6). En dehors de la performance technologique, on peut réfléchir au prix fourni en prenant une durée de vie de 3 ans et 1000 cycles décharges/recharges qui met le prix à 0,25 € du KWh stocké. L’investissement pour un terawatt-heure (TWh) serait suivant cette technologie de 250.109 soit 230 milliards d’euros de 250.109 dollars, soit 230 milliards d’euros, et immobiliserait 300 000 tonnes de lithium. Calculez combien il faudrait pour stocker la moitié de la production photovoltaïque française, 4,5 TWh. C’est sûr, même en baissant les prix et en améliorant la durée de vie ce n’est pas encore la solution (7).
Jean-Claude Bernier
Août 2017
Quelques ressources pour en savoir plus :
(1) Un exemple d’énergie renouvelable : les panneaux solaires photovoltaïques
(2) Matériaux pour conversion et stockage de l’énergie : avancées et challenges
(3) Le challenge de l’électricité verte
(4) Stockage de l’électricité : élément clé pour le déploiement des énergies renouvelables et du véhicule électrique
(5) Piles à combustible et batteries au lithium
(6) Les enjeux de la chimie dans la production d’électricité
(7) L’hydrogène qui valorise les énergies renouvelables (vidéo 7:36)
Les images tragiques de l’incendie de la tour Grenfell à Londres dans la nuit du 13 au 14 juin ont ému et horrifié nombre de téléspectateurs. En tant que chimistes nous avons été interpellés par l’observation des flammes qui se propageaient très rapidement en façade de cette tour et des dégagements de fumées inhabituels issus du bardage.
Il semblerait que ce soit l’isolation thermique par l’extérieur (ITE) du bâtiment qui soit en cause bien qu’elle soit l’une des meilleures méthodes d’isolation (1). En effet les travaux de rénovation thermique de la tour réalisés par le bailleur londonien ont consisté à fixer en façades des panneaux faits de deux plaques d’aluminium pré-laquées thermocollées de part et d’autre d’une âme de quelques centimètres d’épaisseur de matière isolante comme le polyéthylène (PE) (2). Ces panneaux bien rigides offrent plusieurs avantages : esthétiques, faible poids, résistance à la corrosion et aux intempéries et bien sûr coefficient d’isolation thermique excellent (3).
Ces panneaux qui constituent le bardage des façades de la tour Grenfell mis en place en 2015 sont de type Reynobond® fabriqués par Arconic une société américaine filiale d’ALCOA, un géant de l’aluminium, et située à Merxheim dans le Haut-Rhin en France. Cette société livre aux entreprises de construction plusieurs types de « sandwiches » (4) :
- une entrée de gamme où l’âme est constituée de polyéthylène expansé (PE) entre les deux plaques d’aluminium, qui est recommandée par le constructeur pour les immeubles de faible hauteur ;
- des produits plus sophistiqués comportant des versions dites FR (Fire Retardant) comportant des retardateurs de flammes (5) qui peuvent être des hydroxydes métalliques ou des dérivés halogénés ;
- des produits plus sophistiqués ignifugés avec des polymères autres que le PE (polyéthylène) ou PS (polystyrène) comme le polyisocyanurate et ignifugé, qui ont de meilleures résistances au feu pour des immeubles de plus grande hauteur.
Alors que s’est-il passé ? Lors du chantier de rénovation, l’entreprise londonienne a-t-elle utilisé un produit entrée de gamme au lieu du Reynobond® FR ? La présence d’une lame d’air entre le panneau extérieur et l’isolant polymère en façade a-t-elle joué le rôle d’une cheminée accélérant la combustion ? Si les isolants comme le polyisocyanurate ou ceux avec un retardateur de flamme ont des temps de résistance à l’incendie supérieurs à ceux du polystyrène expansé, il n’en reste pas moins que la laine de roche compressée est préférable dans cette application particulière. En effet les essais de tenue au feu menés au CNPP (Centre national de prévention et de protection) de Vernon soulignent que le matériau a tendance à générer des fumées nocives notamment de l’acide cyanhydrique HCN et du monoxyde de carbone CO. De plus, dans ce type d’incendie où la température peut atteindre près de 1000°C, les plaques d’aluminium dont la température de fusion est de 660°C s’effondrent (6).
L’isolation de l’habitat et surtout des tours exige un cahier de charges très strict qui doit prendre en compte toutes les caractéristiques chimiques, thermiques et mécaniques des matériaux (7), sinon des incendies meurtriers peuvent encore se reproduire.
Jean-Claude Bernier
Juillet 2017
Quelques ressources pour en savoir plus :
(1) L’isolation dans l’habitat : la chimie pour ne pas gaspiller de calories !
(2) Le polyéthylène (produit du jour de la SCF)
(3) La chimie au service de l’efficacité énergétique : comment concevoir un habitat performant ?
(4) Matériaux composites à matrices polymères
(5) Le textile, un matériau multifonctionnel
(6) Sciences et techniques séparatives pour scènes de crimes complexes. Application à la détection des accélérateurs d’incendie
(7) Vivre en économisant cette « chère » énergie
Après délibération, le jury international des Deauville Green Awards 2017 a attribué Le trophée d’or – Transition énergétique à François Demerliac pour le film « Des idées plein la tech / Microalgues / l’Eldorado » Production VIRTUEL.
Les chaînes de télévision françaises peuvent-elles être accusées de mise en danger d’autrui ? Plusieurs dermatologues l’auraient bien voulu après les émissions de début juin, dont un journal télévisé, commentant un numéro spécial d’une publication bien connue des consommateurs sur les produits cosmétiques. Les journalistes de France 2 et de France 3 dans leur élan « politiquement correct » vantaient le « do it yourself » bio avec les produits naturels rejoignant la mode du « home made » venant des États-Unis et la croyance que toute substance venant de la nature est bénéfique pour la santé.
Cette mode des produits naturels oppose le naturel à l’artificiel, le bio à la chimie. Mais qu’est-ce qu’un produit naturel et qu’est-ce qu’un produit artificiel ? Tous deux possèdent le produit actif qui soigne dans un médicament ou protège dans un cosmétique.
Pour survivre, la plante ou l’arbre ont développé une machinerie moléculaire (1) pour résister au froid ou la chaleur et sélectionné des toxines pour leur défense et une chimie de photosynthèse pour se nourrir. Le principe actif est alors mélangé à des milliers d’autres molécules et il est difficile de le « pêcher », de l’isoler et de le caractériser. La chimie par synthèse ou hémisynthèse (2) fait réagir un nombre limité de réactifs. Elle dispose de moyens analytiques performants qui lui permettent d’isoler un produit actif avec le minimum d’impuretés et bien caractérisé.
Le second point important pour l’application du principe actif (3) est la dose, sa quantité et sa fréquence d’application. Il est indispensable d’avoir une parfaite maîtrise de la pureté du produit administré et de la méthodologie de son dosage. Ce qui fait la différence entre un médicament et le poison, c’est « la dose » ! (4)
Les exemples des huiles essentielles (HE) qui sont très à la mode sont édifiants. Très concentrées elles sont souvent un cocktail de molécules pas toujours bienfaisantes. Sont considérées comme toxiques les huiles essentielles de sauge, d’hysope, de thym, d’eucalyptus et de camphre. L’huile essentielle de cannelle, riche en thymol, attaque le foie et l’intestin, une goutte tue un chat ! Les centres anti-poison et de santé relèvent chaque année des intoxications dues aux végétaux, des eczémas de contact, des dermites par irritations ou allergies et des phototoxicités (5). Ce qui est en cause dans la fabrication et la formulation des « crèmes», c’est à la fois la chaîne d’approvisionnement des produits et la mauvaise conservation.
L’industrie des cosmétiques et des parfums dispose de moyens analytiques (6) et technologiques de synthèse et de séparation de molécules par extraction, distillation, entraînement par micro-fluidique… Contrôlés par les DREAL (Direction Régionale de l’Environnement de l’Aménagement et du Logement), les fabricants disposent de moyens analytiques les plus modernes et d’un contrôle qualité rigoureux. L’innovation (7) et la recherche sont actives (8), par exemple sur la micro-encapsulation, les bioactifs en liaison avec le microbiote de la peau, les parfums sans alcool… (9). On est loin du coin cuisine individuel et des conseils hasardeux.
Jean-Claude Bernier
Juin 2017
Quelques ressources pour en savoir plus :
(1) L’analyse végétale depuis le XVIe siècle
(2) Les produits phytopharmaceutiques pour une alimentation de qualité pour tous
(3) Chimie et santé : risques et bienfaits
(4) Chimie et poisons
(5) L’aventure des produits inoffensifs : une approche pionnière de la sécurité en cosmétique
(6) Techniques analytiques et chimie de l’environnement
(7) Vision d’avenir de l’industrie dans le domaine des parfums, arômes, senteurs et saveurs
(8) Nouveaux actifs et nouveaux ingrédients
(9) La chimie au cœur de l’innovation en parfumerie-cosmétique : le contexte économique et réglementaire et les défis de la recherche
Le Grand Prix : les jeunes journalistes de la chimie est un concours étudiant télévisé ouvert aux futurs journalistes et organisé par la Fondation de la Maison de la Chimie, qui en a confié l’organisation à MCE, Ma Chaîne Étudiante, et en partenariat avec les journaux Sciences et Avenir et Le Figaro. L’objectif de ce concours, unique en son genre, est de vous faire aimer la science et la chimie.
En 2017, quatre nouveaux binômes d’étudiants en journalisme ont été choisi et ont réalisé un sujet (article + interview vidéo) sur l’univers de la chimie.
Il s’agit de récompenser le meilleur reportage (article et interview filmée) sur un thème d’actualité lié à la science et pour une part à la chimie, et ainsi donner une notoriété méritée au binôme le plus prometteur de la nouvelle génération de journalistes.
La cérémonie de remise du Grand Prix aura lieu le 29 juin 2017 à la Maison de la Chimie.
Découvrez tous les épisodes web et tv sur la page dédiée de la chaîne MCE.
Les Internationaux de France à Roland-Garros ont entamé leur seconde semaine et les champions de tennis n’arrêtent pas de martyriser la petite balle jaune. C’est une petite sphère de 57 grammes et de 6,5 centimètres de diamètre. Lors des 4 millièmes de seconde de contact avec le tamis en fibres synthétiques (1) de la raquette en matériau composite (2), elle se transforme en une galette de 2 centimètres d’épaisseur, il faut donc qu’elle ait une fameuse élasticité. C’est pourquoi le cœur de la balle de tennis est constitué de deux hémisphères de caoutchouc naturel (3) d’épaisseur de 2 à 6 millimètres, vulcanisé avec du soufre et mélangé à chaud avec des durcisseurs (4). Après collage de ces deux coques avec un adhésif élastomère (5) on les revêt d’une colle liquide pour fixer les bandes de feutre à base de fibres de coton, laine et nylon (6). Ce feutre est aussi traité avec un revêtement hydrophobe pour éviter qu’il s’imprègne d’eau, il est de couleur jaune fluo car c’est la couleur optique la mieux visible à l’œil nu et à la télévision (7).
Pour être homologué, la balle doit répondre aux spécifications de la Fédération Française de Tennis. Lâchée d’une hauteur de 100 inches (2,54 m), la balle de compétition doit rebondir à une hauteur comprise entre 135 et 147 centimètres. Pour donner plus de dureté et plus de rebond les fabricants mettent sous pression l’intérieur de la balle soit en utilisant un liquide comme le formaldéhyde (8) ou un sel d’ammonium qui libèrent un gaz lors du collage des deux demi-coques. L’enveloppe n’est pas totalement étanche et les balles peuvent perdre leur propriété en fonction du temps. Dans les grands tournois les balles sont changées tous les neuf jeux par précaution. C’est plus pour parer à l’usure du feutre. A Roland-Garros, c’est plus de 60 000 balles qui sont utilisées ; elles se retrouvent partiellement recyclées en revêtement de sols de salles de sports (9). La force transmise par la raquette propulse les balles à des vitesses incroyables. Les spectateurs regardent souvent la valeur de ces vitesses des balles d’engagement sur le tableau d’affichage. Ce sont des radars doppler (10) qui calculent la vitesse. Dans le court central ils sont disposés au-dessus des bâches vertes derrière les joueurs, ils sont de même type que ceux qui contrôlent la vitesse des automobiles. Le record (11) est actuellement détenu par un obscur joueur Samuel Groth lors d’un tournoi en Corée du sud à 263 km/h ! Pas étonnant que lors d’un « ace » on peine à suivre la petite balle jaune à la télé !
Jean-Claude Bernier
Juin 2017
Quelques ressources pour en savoir plus :
(1) Les matériaux de la performance
(2) Les matériaux composites dans le sport
(3) L’élasticité du caoutchouc
(4) Le caoutchouc synthétique
(5) La chimie et le sport autour du monde
(6) La grande aventure des polyamides
(7) La chimie crée sa couleur… sur la palette du peintre
(8) Formaldéhyde (produit du jour de la SCF)
(9) Une rentrée olympique
(10) Les radars des avions Rafale
(11) Technologie et performance sportive
Un exemple avec « l’effet fromage » et certains antidépresseurs.
En quoi certains fromages, en particulier les plus fermentés, peuvent-ils influencer l’efficacité ou entraîner des effets secondaires majeurs de certains traitements contre des pathologies telles que la dépression ou la maladie de Parkinson ?
La dopamine et la sérotonine
La dopamine et la sérotonine sont des neurotransmetteurs. Ils jouent un rôle majeur au niveau des humeurs, de notre énergie au quotidien comme de notre équilibre psychique et somatique. Le moindre déséquilibre de leur métabolisme (production versus destruction) conduit fatalement et réciproquement à des pathologies comme la maladie de Parkinson ou la dépression.
sérotonine | dopamine |
Leurs formules ci-dessus montrent l’existence d’une fonction amine (…-NH2), d’où le terme utilisé de « bioamines » c’est-à-dire amines de la vie.
MAO et IMAO
Certaines enzymes, appelés MAO pour Mono Amines Oxydases, sont des enzymes endogènes situées pour l’essentiel au niveau de l’intestin grêle, du foie, du plasma et du cerveau. Leur fonction naturelle est de dégrader l’excès des amines telles que la dopamine ou la sérotonine et de sauvegarder ainsi l’équilibre tant recherché.
Les IMAO, pour Inhibiteurs de MAO, sont des substances chimiques endogènes ou exogènes qui inhibent (empêchent) l’action de la dégradation des bioamines. Ainsi ils permettent de maintenir, pour l’essentiel, le niveau physiologique de la dopamine ou de la sérotonine qui font défaut dans des maladies telles que la dépression ou la maladie de Parkinson.
Parmi les IMAO on peut citer une famille de médicaments appelée « tricycliques » (1), plus particulièrement utilisés contre la dépression.
Fromage et tyramine
Tous les fromages, mais plus particulièrement les plus fermentés, contiennent un fort taux d’une substance chimique dite TYRAMINE (du grec tyri=fromage et amine).
Sa formule chimique montre aussi l’existence d’une fonction amine et une forte ressemblance avec la formule de la dopamine, et par extrapolation à celle de la sérotonine.
Les conséquences
Si le patient est sous traitement par des IMAO, ceux-ci vont aussi inhiber la dégradation de la tyramine. Sa concentration va substantiellement monter dans le compartiment sanguin provoquant une brusque augmentation de la tension artérielle qui peut même compromettre le pronostic vital pour certains individus. De plus, comme ces IMAO sont en train de « travailler » pour la tyramine abondamment amenée par la nourriture, ils ne sont pas suffisamment disponibles pour « s’occuper » de la sérotonine ou de la dopamine, entraînant ainsi une nette diminution de l’efficacité du médicament administré.
Ces phénomènes sont regroupés sous le surnom de « l’effet fromage ».
Autres aliments
La tyramine est présente dans de nombreux aliments à des concentrations variables. On la rencontre plus particulièrement dans les aliments ayant subi un processus de fermentation (viandes attendries, bières, harengs marinés, certaines sauces au soya qui accompagnent les repas des pays du soleil levant…). Certains fruits en contiennent. Ainsi, les bananes mûres contiennent beaucoup plus de tyramine que les bananes fraîchement recueillies.
Conclusion
Cet exemple nous fait prendre conscience qu’il est important de surveiller son alimentation lorsque l’on est sous traitement et de bien suivre les instructions de prise de chaque médicament.
Constantin Agouridas
(1)Exemple d’un tricyclique, l'imipramine :
Le problème majeur des énergies issues de l’éolien ou du photovoltaïque est celui de l’intermittence. Quand il n’y a plus de vent ni de soleil, la production d’électricité s’arrête, et quand il y en a trop, on a des difficultés à écouler le surplus d’énergie dans le réseau si la demande est faible (1).
Comment stocker l’énergie et la délivrer ensuite suivant la demande ? L’hydrogène vecteur d’énergie est une solution (2). Ce gaz léger (3) a un pouvoir énergétique massique trois fois plus élevé que l’essence, et sa combustion dans un moteur ou une turbine ne génère que de la vapeur d’eau (4). Par ailleurs, la technologie des piles à combustible est devenue robuste et des automobiles ou d’autres moyens de transports disposent maintenant de piles à hydrogène commercialisées (5). Il est alors tentant d’utiliser ce gaz comme élément de stockage pouvant à la demande fournir de l’électricité. Malheureusement, l’hydrogène est fourni majoritairement par un procédé peu coûteux le « steam reforming » à partir du méthane du gaz naturel, procédé qui génère 10 kg de CO2 par kg d’H2 produit ! Le stockage d’un gaz si léger en vue de sa valorisation énergétique n’est pas facile : sous pression à 700 bars, 1 m3 contient 42 kg de H2, alors que sous forme liquide 1 m3 contient 70 kg (sans compter l’énergie dépensée pour le comprimer ou le liquéfier). Depuis 2008 des chercheurs du CNRS de Grenoble et une société française McPhy Energy savent stocker l’hydrogène à l’état solide dans des galettes d’hydrure de magnésium MgH2 (6) telles que 1 m3 d’hydrure de magnésium contiennent 106 kg de H2. L’idée des chercheurs et de cette société maintenant internationale est de développer des installations qui utilisent le surplus d’électricité issue du vent ou du soleil pour produire de l’hydrogène par électrolyse de l’eau (7), le stocker sur MgH2 à 10 bars, le déstocker à 2 bars et l’utiliser ensuite dans une turbine ou une pile à hydrogène pour produire de l’électricité lors des nuits sans vent et sans lune. Astucieux, non ?
Ils ont fait mieux, McPhy associé à deux sociétés américaines IVYS Energy Solutions et PDC Machines ont développé un intégrateur d’équipements d’hydrogène dévoilé en mars au salon BePOSITIVE à Lyon : la station hydrogène SimpleFuel™. Cet équipement intègre la production par électrolyse, le stockage sous hydrure, la compression et la distribution d’hydrogène pour délivrer 5 à 10 kg d’hydrogène à 700 bars par jour pour les flottes d’automobiles ou de chariots élévateurs (8). Cet équipement a reçu un prix de la DOE et l’agrément réglementaire aux États-Unis. MacPhy a également remporté trois contrats dans la province du Hebei en Chine, à Wyhlen en Allemagne avec l’exploitant allemand Energiedienst et en France à Fos-sur-Mer sur le projet Jupiter 1000 de GRTgaz. Il s’agit là de réalisations « power-to-gas » où l’hydrogène vert stocké est renvoyé dans les circuits normaux de distribution de gaz.
En cette période de morosité où l’on parle peu d’industrie et d’innovation il est réconfortant de voir une solution innovante de stockage et de distribution de « l’hydrogène vert » résolvant partiellement le problème de l’intermittence de la production d’énergie, grâce à une entreprise française dont le savoir-faire est reconnu à l’international.
Jean-Claude Bernier
Avril 2017
Quelques ressources pour en savoir plus :
(1) La complexité du réseau et l’électricité verte
(2) L’hydrogène, un vecteur énergétique inépuisable. Le stockage de l’hydrogène
(3) H2 (produit du jour de la SCF)
(4) Et revoilà l’hydrogène
(5) Fonctionnement de la pile à hydrogène
(6) L’hydrogène qui valorise les énergies renouvelables (vidéo, 7:36)
(7) Production d’hydrogène par électrolyse de l’eau sur membrane acide
(8) L’hydrogène bientôt dans vos automobiles
Le colloque "La Chimie et les Sens" a eu lieu mercredi 22 février 2017. La captation vidéo est maintenant disponible.
Visionner les vidéos du colloque
Le prochain colloque aura pour thème La Chimie, l'Aéronautique et l'Espace le 8 novembre 2017.