Certaines activités industrielles peuvent créer des pollutions de sols avec des éléments métalliques (ETM - Éléments Traces Métalliques). La phytoremédiation consiste à dépolluer les sols en utilisant des plantes susceptibles de fixer les métaux lourds, de survivre et aussi de se reproduire dans ces conditions a priori hostiles. Elle permet aussi de re-végétaliser des terrains.
Les différentes techniques utilisées [1] [2]
La phytoextraction permet d’extraire des polluants du sol et de les stocker dans les racines et les feuilles. Seules certaines plantes sont capables de cette hyper-accumulation sélective.
La phytostabilisation consiste à planter des espèces tolérantes qui limitent le flux de polluants vers les profondeurs du sol et les immobilisent.
La rhizofiltration extrait les ETM au niveau du rhizome des plantes (interface sol–racine).
Des exemples de plantes « hyper-accumulatrices » de métaux
Certaines plantes très spécifiques poussent naturellement sur des sols pollués. Par exemple, plusieurs variétés de tourbe se comportent en filtre de piégeage. Certaines permettent de fixer le mercure, d’autres le cuivre, le zinc et le plomb [3].
Les sites à ciel ouvert d’exploitation minière du nickel, du cobalt et du chrome en Nouvelle Calédonie détruisent le paysage. L’arbuste endémique Grevillea exul exul est utilisé pour la re-végétalisation des sols miniers et s’avère être un hyper-accumulateur de plusieurs métaux [2].
« Un exemple d’économie circulaire ; la start-up Econick extrait des sols pollués ou naturellement riches en métaux, des sels métalliques comme le nickel. Les cristalleries Daum à Nancy testent d’ores et déjà depuis un an les oxydes de nickel pour la teinte « vert-gris » de leurs produits… » [4].
Coût et limites
Ces techniques, par rapport aux techniques classiques physicochimiques, ont un coût peu élevé pouvant s’adapter à des surfaces de l’ordre de dizaines d’hectares. Elles valorisent la biomasse et permettent de maintenir la structure des sols. Cependant ces méthodes sont limitées à quelques mètres de profondeur [5].
Le recyclage : ou comment la plante devient une nouvelle ressource pour la métallurgie
La biomasse polluée peut être utilisée pour récupérer les métaux : on parle alors de phytomine.
La biomasse ainsi purifiée retrouve son caractère d’origine.Les métaux obtenus par la phytomine sont très purs et peuvent être utilisés directement comme catalyseurs [2]. On parle d’écocatalyse.
Or les catalyseurs de réactions industrielles utilisent des métaux précieux qui sont coûteux et sont souvent l’objet de convoitise entre États. La phytoremédiation ouvre la possibilité de créer des catalyseurs hétérogènes à activité accrue par rapport à des catalyseurs préparés classiquement par les procédés classiques de la métallurgie. Ainsi du palladium extrait par phytoremédiation et nommé « EcoPd » est utilisé comme catalyseur pour réaliser des réactions de couplage, par exemple de Heck (entre un halogénure d’alkyle et un alcène). Dans ce cas et il n’est plus besoin d’utiliser le palladium traditionnellement complexé par des ligands tels que les phosphines Pd(P(Ph3))4 , ce qui les rend très pratiques en synthèse appliquée ! [6]
La phytoremédiation est aussi utilisée pour des extractions de polluants organiques de sols et d’eaux [3] [7].
La remise en état de terrains pollués
Par exemple le CEA a lancé le projet DEMETERRES pour dépolluer les sols et des eaux contaminés par des métaux radioactifs tels que le césium et le strontium. Ce procédé sera mis en œuvre pour le traitement des millions de mètres cube de terre polluée à Fukushima [3].
Pour approfondir et illustrer ce sujet nous avons sélectionné les ressources suivantes :
[1] Le chapitre « Phytoremédiation des sols contaminés : des plantes pour guérir les sols », de J. L. Morel, in La chimie et la nature, EDP Sciences (2012), ISBN : 978-2-7598-0754-3, p. 157 est très complet sur le sujet.
[2] La vidéo « Dépolluer les sols avec des plantes » diffusée par TV Arte FUTUREMAG - ARTE
Claude Grison, directrice de recherche en écologie scientifique au CNRS à Montpellier, présente comment dépolluer le sol d’un site minier dans les Cévennes dont les teneurs en zinc, cadmium et plomb sont très élevées. Une autre approche, canadienne, est développée pour traiter, par des saules, les sols pollués aux hydrocarbures.
[3] La vidéo « La boue et le roseau » présente une réalisation de dépollution dans une bioferme travaillant en collaboration avec des équipes du CNRS.
[4] « À Nancy, Econick produit des métaux bio-sourcés grâce à des plantes dépolluantes » publié par Philippe Bohlinger le 21 décembre 2017, Traces Ecrites News, L'actualité économique du Grand Est et de Bourgogne Franche-Comté
[5] Le dossier « Des plantes pour dépolluer » (PDF) de la revue Les Savanturiers (octobre 2017) explique en termes simples les phénomènes pour un public de collégiens.
[6] L’article « Phytotechnologies remédiatrices et chimie verte : une symbiose d'avenir . » de Claude Grison et al., dossier détachable de L’Actualité Chimique n°414 (janvier 2017) pages I-XII, présente un rapprochement prometteur entre la nature, l’écologie et la chimie.
[7] Le chapitre « Biochimie naturelle et traitement de l'eau : de la chimie des écosystèmes et des cocktails… » par Éric Blin, in La chimie et la nature, EDP Sciences (2012), ISBN : 978-2-7598-0754-3, p. 185
Mine de nickel en Nouvelle-Calédonie © FB
Niveau de lecture : intermédiaire
Nature de la ressource : zoom sur...