C’est le dimanche 8 novembre que sont partis des Sables d’Olonne les 33 voiliers du Vendée Globe 2020. Comme précédemment on s’attend à ce que le record de 2016 (1) soit battu compte tenu des innovations et nouveaux matériaux appliqués à ces voiliers IMOCA de 18 mètres préparés pour la course autour du monde depuis plusieurs années. Ce sont en effet des vitrines de technologie : mâts et coques en fibres de carbone, accastillages en titane, voiles en Kevlar ou fibres de carbone tissées, informatique et caméras embarquées du dernier cri. Mais cette année l’innovation la plus importante est sans doute la quasi-généralisation des « foils » (2).
Alors que dans la précédente édition 7 bateaux étaient pourvus de foils, cette année c’est plus de la moitié de la flottille, 19 navires sur 33, qui portent ces impressionnantes moustaches. De plus elles ont grandi. En 2016 les foils mesuraient 2 à 3 mètres, en 2020 ils font de 5 à 6 mètres. Conçus sur le même principe que les ailes d’avion, leur profil permet, lorsque plongés dans l’eau avec une certaine vitesse, de soulever la coque et donc de réduire les frottements et la prise au vent et ainsi gagner 20 à 30% en vitesse pure. Ces foils sont maintenant fabriqués par plusieurs entreprises du Morbihan. Ils sont en fibres de carbone entremêlées en 3D imprégnées de polyester (3). Un moule spécial en mousse reçoit les différentes couches de drapages sur plusieurs centimètres d’épaisseur. Après démoulage la cuisson permet de polymériser la résine (4) et donne la forme rigide du foil. Bien que légers les foils doivent cependant être très résistants car en plus des forces aérodynamiques ils supportent le poids du voilier qui se soulève et qui fait en tout 7 à 8 tonnes. Les cabinets d’études et les entreprises bretonnes ont dû repenser l’architecture des bateaux en fonction de ces foils et de leurs puits qui vont donner des allures inédites à ces « Imoca » de folie. Parallèlement c’est toute une industrie de R&D et de PME innovantes qui font de la Bretagne une vitrine des matériaux composites (5) de hautes performances qui est maintenant sollicitée pour des projets de navires de haute mer (6).
Il y a aussi cette année des originalités marquantes. Le skipper Sébastien Destremau sur son bateau « Merci » dans un souci écologique s’est équipé d’une « casquette » en carton. Dans le jargon nautique la « casquette » n’a rien d’un couvre-chef, c’est une pièce à l’arrière du bateau qui sert à protéger le barreur des embruns et du vent glacial. C’est la société DS Smith de Loire-Atlantique spécialisée dans les emballages recyclés qui a fourni 100 m2 de carton ondulé. Et c’est Stéphane Munoz « sculpteur cartonniste », créateur de meubles en papier rigide, qui a fabriqué la pièce de 3,6 m de longueur jusqu’à la veille du départ et qui a reçu un glaçage avec une résine époxy sans solvant. La casquette gardera-t-elle son imperméabilité lors du voyage ? Le skipper est engagé dans une démarche de réduction de son empreinte carbone (7) et il ne vise pas une place parmi les premiers de cette édition 2020.
Un autre bateau, l’Imoca « Newrest – Arts & Fenêtres » avec son skipper Fabrice Amedeo, mène aussi une démarche écologique. Il veut, avec trois laboratoires de l’IFREMER, de l’université de Bordeaux et de l’IRD, profiter de son périple dans des zones océaniques peu explorées pour recueillir et analyser les microplastiques. On sait qu’avec la dispersion des matières plastiques, on trouve dans les océans des milliards de billes de plastique de tailles comprises entre 300 et 50 microns qui suscitent des inquiétudes pour l’équilibre marin et des menaces pour la vie des poissons. Le bateau est équipé d’un capteur disposant de trois filtres de calibres différents. Le skipper devra changer les filtres toutes les 24 heures en notant sa position et recueillir les boites à filtres pour les analyses chimiques (8) ultérieures (polystyrène, polyéthylène, polyamide…) qui doivent permettre d’établir une cartographie de ces microplastiques dans les océans. Fabrice Amedeo ne vise pas le record de 74 jours : il emporte avec lui 85 jeux de filtres pour 85 jours en mer.
Cela rappelle l’aventure et le projet « Plastic Odyssey » lancés en 2018 par deux jeunes ingénieurs dont l’ambition est de faire marcher un navire avec les déchets plastiques trouvés sur les plages les plus polluées d’Afrique et d’Asie. Après une maquette de démonstration, ils ont acquis avec l’aide de nombreux sponsors et ONG un vieux navire océanographique le « Victor Hansen » qu’ils sont en train d’aménager avec un réacteur de pyrolyse à 400°C qui va dépolymériser ces déchets et les recycler sous forme d’une huile lourde récupérée par distillation, pouvant alimenter les moteurs de leur navire. Après avoir été bloqué plusieurs mois à Boulogne pour cause de désamiantage, le rétrofit est en cours. Ils pensent partir en 2021 pour un tour du monde avec multi-escales pédagogiques pour démontrer les possibilités du recyclage chimique des plastiques dont l’Europe et le monde auraient bien besoin.
Jean-Claude Bernier
Novembre 2020
Pour en savoir plus :
(1) Moins de 80 jours grâce à la chimie ?
(2) La chimie, une histoire de foils
(3) Les chimistes dans l’aventure des nouveaux matériaux
(4) Les polymères, ce qu’il faut savoir ! (vidéo)
(5) Les matériaux composites dans le sport
(6) Chimie et construction navale
(7) Papiers/cartons : les bons élèves du recyclage et du bilan carbone
(8) Techniques analytiques et chimie de l’environnement
Crédit photo : IMOCA Merci © Sébastien Destremau
Le prix Nobel de chimie 2020 vient d’être attribué à la française Emmanuelle Charpentier et à l’américaine Jennifer Doudna. Elles sont récompensées pour la découverte d’un outil génétique formidable, le CRISP-Cas9. On connait tous l’ADN molécule charpente de nos génomes (1) et caractéristique de toutes les cellules, dont les nôtres. Pour modifier ou éditer le génome il faut pouvoir modifier les séquences de cette molécule. Jusqu’en 2012 on utilisait d’abord des nucléases dites à doigt de zinc, des méganucléases puis des nucléases de type activateur de transcription (2). Ces méthodes nécessitaient des opérations de biologie moléculaire et étaient longues et exigeantes en instruments et équipements spéciaux donc onéreuses.
Or, dans la nature, de nombreuses bactéries possèdent dans leurs génomes de longues séquences qui se répètent régulièrement appelées CRISPR (Clustered Regurarly Interspaced Short Palindromic Repeats). Ces séquences permettent aux bactéries de conserver la mémoire d’une infection par un virus pour s’en débarrasser lors d’une prochaine attaque.
En effet lors de l’infection par un virus, des séquences de celui-ci sont intégrées au sein des propres séquences CRISPR du génome de la bactérie. Lors d’une nouvelle infection, l’ADN viral au sein du CRISPR est recopié en ARN associée à la protéine Cas9 qui alors se fixe sur l’ADN du virus et l’inactive en le coupant (3).
Toute l’intelligence d’Emmanuelle Charpentier et de Jennifer Doudna a été de s’inspirer de ce mécanisme mis en jeu par des bactéries pour couper des brins d’ADN à un endroit précis du génome pour n’importe quelle cellule, comme un ciseau moléculaire. L’outil biologique est alors constitué d’une ARN guide associée à l’enzyme Cas9. Une fois l’ADN coupée on peut intervenir dans le système de réparation qui va recoller les deux extrémités du brin d’ADN soit :
- en ajoutant ou en enlevant des nucléides à chaque extrémité des morceaux du brin. On provoque alors une anomalie de la séquence cible, le gène devient alors inactif ou réparé.
- en ajoutant une séquence d’ADN synthétique (4) sur l’anomalie génétique repérée sur la séquence. Le système de réparation l’intègre au niveau de la coupure et le gène est corrigé et réparé.
Le schéma suivant résume assez bien l’opération. Cette méthode découverte par les deux chercheuses est précise, peu coûteuse et facile à mettre en œuvre, ce qui a permis à des milliers de laboratoires de l’utiliser dans le monde entier après 2015 car les applications sont nombreuses.

Sur les animaux, des chercheurs après identification des gènes responsables ont pu grâce à cette méthode augmenter la masse musculaire de chiens, créer des vaches laitières sans cornes.
Sur les végétaux par CRISPR on a créé des champignons de Paris qui ne brunissent pas lorsqu’on les coupe. On a aussi imaginé des plantes vivrières résistantes mieux à la sécheresse pour les pays chauds…
L’INSERM a ainsi travaillé sur les gènes d’anophèles pour donner une race de moustiques résistante au paludisme et qui en se multipliant ne peuvent plus transmettre ce fléau (5).
De nombreux chercheurs dont Jennifer Doudna ont attiré l’attention sur les problèmes éthiques posés par cette découverte qui peut multiplier à l’échelle de la planète les modifications génétiques. Déjà en Europe il y a une retenue générale sur les applications aux plantes « génétiquement modifiées ». Dans le monde il semble aussi y avoir un consensus sur les applications à l’homme et la recherche sur les fœtus. Plusieurs biologistes éminents se sont prononcés sur les dangers de modifier le patrimoine génétique germinal qui peut le transmettre à la descendance et toucher ainsi au patrimoine génétique de l’humanité. Pour l’instant, en 2020 Jennifer Doudna poursuit ses recherches à l’université de Californie à Berkeley et Emmanuelle Charpentier est directrice de l’Institut Max Planck « sur la science des pathogènes » à Berlin où elle continue ses recherches en biologie commencées à l’Institut Pasteur de Paris (1992-1995).
Jean-Claude Bernier
Octobre 2020
Pour en savoir plus
(1) La chimie dans les empreintes génétiques
(2) L’édition du génome : une révolution en marche
(3) Outils CRISPR pour étudier et combattre les bactéries pathogènes
(4) De la chimie de synthèse à la biologie de synthèse
(5) Les maladies tropicales négligées. Un modèle coopératif au service de l’innovation scientifique et médicale
Ciblage des défauts de réparation de l’ADN : nouvelles molécules et approches thérapeutiques utilisant la létalité synthétique
Manipulation génétique : des ciseaux moléculaires à double tranchant
Crédits : infographie © Ask Media pour le Parisien ; portraits © Nobel Media. III. Niklas Elmehed
Le prix Nobel de chimie 2020 a été attribué à Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna pour la découverte des ciseaux à ADN Crispr-Cas9.
Pour découvrir cette méthode vous pouvez voir le reportage « Manipulation génétique : des ciseaux moléculaires à double tranchant » et l’article correspondant.
Pour approfondir les applications vous pouvez regarder les conférences suivantes ou lire les articles issus de ces conférences :
Entre la rentrée scolaire et la fête de la Science, la chimie bat son plein : en guise d’entrée en matière, Mediachimie vous propose une sélection de ressources ancrées sur l’actualité scientifique et économique, illustrant les nouvelles technologies de la recherche et l’industrie.
- Un éditorial sur les vaccins
- Une question du mois sur l’ozone
- Un zoom sur… la formulation des bétons et ciments
- Un dossier sur la quinine, découverte il y a 200 ans par P.J. Pelletier et J.B. Caventou par extraction de l’arbre quinquina
- les derniers colloques Chimie et… organisés par la Fondation de la Maison de la chimie : Chimie et nouvelles thérapies et Chimie et lumière
Vous trouverez également des ressources à destination des enseignants de tous niveaux :
- écoles et collège avec des séquences de la Main à la Pâte,
- collège cycle 4 avec la série Chimie et… en fiches collège, élaborée en partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale
- lycée avec la série Chimie et… en fiches lycée, élaborée en partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale
- lycée encore avec les dossiers pédagogiques élaborés en partenariat avec Nathan
- et une ouverture vers les métiers avec les Fiches orientation Nathan, et la série Les chimistes dans…
Le Grand Prix 2020 de la Fondation de la Maison de la Chimie a été attribué conjointement, en raison de l’impact de leurs travaux en sciences des matériaux polymériques,
au Professeur Guy BERTRAND
et au Professeur Krzysztof MATYJASZEWSKI.
Voir le communiqué de presse (PDF)
Le Grand Prix 2020 de la Fondation de la Maison de la Chimie a été attribué :
- au Professeur Guy BERTRAND, pour son travail sur la stabilisation d’espèces hautement réactives, en particulier les carbènes. Ces derniers ont en effet trouvé de nombreuses applications en chimie organique, inorganique et organométallique, ainsi que dans le domaine de la synthèse de polymères et de matériaux,
et
- au Professeur Krzysztof MATYJASZEWSKI, pour son travail sur les polymères et notamment sur la polymérisation radicalaire par transfert d’atomes qui a révolutionné la façon dont les macromolécules des polymères sont fabriquées.
Guy Bertrand, chimiste français, directeur de recherche de classe exceptionnelle du CNRS, est actuellement Professeur de chimie du Département de Chimie et Biochimie de l'Université de Californie, San Diego (La Jolla, Californie, USA).
Krzysztof Matyjaszewski, chimiste d’origine polonaise, est aujourd’hui Professeur de chimie à l’Université Carnegie Mellon (Pittsburgh, Pennsylvanie, USA).
Les annonces se sont multipliées cet été sur « les vaccins » contre la Covid-19 (1). Un vaccin américain promis en juin par Donald Trump avant octobre, l’homologation d’un vaccin russe annoncée en août par Vladimir Poutine… Sont sur les rangs 167 projets dont 30 sont en phase préclinique et 8 qui seraient dans les dernières phases de tests en Chine, aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Russie. Ces annonces plus politiques que scientifiques montrent s’il en était besoin l’importance du challenge à la fois nationaliste et financier de cette course au vaccin.
Qu’est-ce donc qu’un vaccin ?
Un vaccin peut être une macromolécule chimique ou un produit d’origine biologique composé de plusieurs entités moléculaires.
Son objectif est de protéger d’une maladie les populations auxquelles il est administré. Ils font tous appel au même principe : stimuler les défenses immunitaires contre un agent infectieux en introduisant dans l’organisme cet agent ou une fraction de cet agent (un antigène) rendu inoffensif pour l’homme. C’est ce même principe qui permit à Edward Jenner en 1796 d’expérimenter sur un jeune garçon l’inoculation du pus d’une maladie de la vache « la vaccine » qui l’a protégé d’une maladie qui faisait des ravages depuis l’Antiquité « la variole » : la vaccine contenait un antigène bénin de la maladie qui tuait l’homme. Puis Louis Pasteur en 1880 fit un pas de plus en proposant « l’atténuation de la virulence » en laboratoire et l’a appliquée contre le charbon et la rage (2).
La mise au point et la fabrication d’un vaccin sont souvent longues et complexes avec un chemin marqué à chaque étape par les contrôles de qualité et de sécurité.
La substance active
Il faut produire un antigène (3) provenant du germe qui provoque la maladie, virus, bactérie ou parasite. Cet antigène va par la suite déclencher une réponse immunitaire par la synthèse de nouvelles molécules dirigées contre lui. Ces molécules, dites anticorps, sont produites par des cellules immuno-compétentes qui vont renseigner les caractéristiques de l’ennemi et mémoriser l’ensemble de ses caractéristiques. Ainsi en cas de nouvelle attaque l’ennemi est vite repéré, reconnu et neutralisé.
L’antigène peut être un germe vivant atténué (cas des vaccins contre les oreillons, la rougeole, la tuberculose) ou un germe ou une fraction de germe inactivé. Maintenant certains vaccins sont produits par génie génétique, ils sont appelés vaccins vivants recombinants (vaccin contre l’hépatite). Les gènes responsables du pouvoir pathogène sont inactivés ou éliminés. Les bactéries ou les virus sont alors inoffensifs mais reconnus comme identiques aux souches naturelles par le système immunitaire.
La fabrication du vaccin et la mise en forme pharmaceutique
La fabrication se fait selon les étapes suivantes. Il faut :
- caractériser le germe au sein d’une banque regroupant des virus ou des bactéries avec des propriétés constantes ;
- maitriser la culture et multiplier les germes grâce au contrôle des différents paramètres : durée, température, pression… ;
- récolter par extraction du milieu de la culture l’antigène ou tout facteur antigénique identifié ;
- purifier et concentrer en enlevant les impuretés à travers des procédés chimiques (extraction, centrifugation) ;
- inactiver la substance, en fonction des cas par la chaleur ou un agent chimique (par exemple le formaldéhyde – méthanal - qui supprime le pouvoir pathogène, en gardant la capacité à déclencher la réponse immunitaire ;
- utiliser des techniques de recombinaisons génétiques qui permettent aussi de susciter par le virus ou la bactérie des antigènes d’autres organismes. Le rassemblement des valences antigéniques dans un seul composé permet alors de vacciner contre plusieurs bactéries ou virus (cas du vaccin antipoliomyélite contre 3 types de poliovirus).
La mise en forme pharmaceutique passe par les étapes suivantes :
- assemblage des valences pour les vaccins combinés, comme le TABDT (typhoïde, paratyphoïde A et B, diphtérie et tétanos) ou le DT-Polio (diphtérie, tétanos, poliomyélite)
- formulation par ajout d’adjuvants pour améliorer l’efficacité et augmenter la réponse immunitaire (sels d’aluminium) et stabilisants (4). Cette étape est très critique dans l’ensemble du processus, car le vaccin préparé n’est pas forcément très immunogène, il doit être accompagné de substances capables de l’aider à déclencher une réponse immunitaire parfaitement maitrisée. Il faut savoir que la réponse immunitaire implique une coopération cellulaire. Elle est très dépendante des caractéristiques de chaque individu, d’où la difficulté de trouver un vaccin universel sans effets secondaires majeurs pour l’ensemble de la population ;
- répartition aseptique en flacon ou en seringue en milieu stérile ;
- lyophilisation pour enlever l’eau si nécessaire et obtenir une poudre ;
- conditionnement, étiquetage et mise en boite des lots qui peuvent représenter des millions de doses ;
- contrôle par l’industriel et une autorité indépendante et libération des lots ;
- livraison des lots en pharmacie, hôpitaux, centres de vaccinations.
Et pour la Covid-19 ?
il faut se rappeler ici que nous avons affaire à un virus et comprendre comment se font aussi les vaccins contre la grippe (5) causée par des virus de même genre, dits mixovirus. Chaque année des experts sélectionnent une collection d’agents infectieux qui varient d’une campagne à l’autre par mutations et constituent une banque de virus pathogènes. Les industriels cultivent alors ces virus sur des œufs de poules puis en extraient l’antigène ou des substances antigéniques, et les concentrent suivant les étapes de fabrication déjà décrites. La stratégie pour le coronavirus peut être la même en s’assurant que l’inactivation du virus sera stable.
L’autre stratégie consiste à se focaliser sur la protéine Spike cette fameuse « clé » qui se dresse autour de la sphère du coronavirus et qui se fixe sur les cellules nasales. Cette protéine peut être aussi synthétisée et produite par génie génétique (injection de l’ARN correspondante et production en masse de cette protéine d’intérêt) (6).
On dispose donc plusieurs stratégies : celle de la protéine recombinante (génie génétique) ou celle de l’extraction du virus de base.
Le groupe Sanofi Pasteur, un des leaders des vaccins contre la grippe et vaccins pédiatriques, mise comme pour la grippe sur ces deux aspects en association avec la société GSK (GlaxoSmithKline). Le vaccin semble être en phase de développement clinique, ce qui permettrait si tout se passe bien une mise sur le marché de plusieurs milliards de doses courant 2021. Il en est de même avec l’américain Translate Bio.
Il n’en reste pas moins vrai que la route avant la commercialisation est longue (7). Après les essais précliniques sur animaux, intervient la phase 1 où l’administration de doses est faite sur 10 à 100 personnes, puis l’administration concerne 50 à 500 personnes en phase 2 et lors de la troisième phase plusieurs milliers de personnes dans une zone où le virus circule activement. Déjà AstraZeneca a suspendu ses essais le 8 septembre à la suite de troubles graves sur certains patients au Royaume-Uni puis a pu reprendre les essais après quelques jours.
Le vaccin russe n’a pas encore entamé la phase 3, de même aux États-Unis. On ne sait pas grand-chose pour les vaccins chinois. C’est lors de la phase 3 que se manifestent les problèmes de sécurité et d’efficacité avec un lot de surprises. Les premiers à entrer dans la dernière phase ne seront pas forcément les premiers sur le marché et c’est encore là que se testeront les vaccins avec des efficacités plus ou moins bonnes.
Jean-Claude Bernier, Danièle Olivier et Constantin Agouridas
Octobre 2020
Pour en savoir plus
(1) Le coronavirus, un défi pour la chimie du vivant
(2) Pasteur et le vaccin contre la rage (vidéo)
(3) Immunoconjugués cytotoxiques, anticorps « armés » contre le cancer
(4) Les adjuvants aluminiques dans les vaccins
(5) Frimas, rhumes et grippes…
(6) L’innovation diagnostique au service des défis de la médecine personnalisée pour la prise en charge du sepsis et des maladies infectieuses
(7) La chimie dans la vie quotidienne : au service de la santé (Chimie et… junior)
Le prochain Village de la chimie aura lieu les 12 et 13 mars. Réservez la date !
En attendant vous pouvez retrouver les vidéos de l’édition 2020.
Le planning des ateliers du Village 2021 sera disponible courant décembre. Compte tenu de la situation sanitaire actuelle, les dispositions relatives à cet événement seront communiquées le plus rapidement possible.
Cette année 2020/2021, le partenariat entre La Fondation de la Maison de la Chimie et Les Éditions Nathan se prolonge pour proposer des ressources adaptées au programme de spécialités des terminales série générale et terminales STL et STI2S : voir le sommaire | télécharger le sommaire (PDF)
Les deux premiers dossiers pédagogiques de cette année traitent des points des programmes de 1re de spécialité et de 1re ST2S afin de revenir sur des thématiques et des sujets de la classe de 1re à approfondir en terminale.
- La lumière : couleurs et modèle ondulatoire – 1re de spécialité
- L’eau, une ressource essentielle à la vie – 1re ST2S
Si vous n’avez pas déjà eu l’occasion de les découvrir, vous pouvez parcourir :
- les dossiers disponibles en classes de seconde et de première
- les fiches orientation
- le sommaire des dossiers de l’année 2019/2020 (classes de seconde et première) : voir le sommaire | télécharger le sommaire (PDF)
À l’occasion du bicentenaire de la découverte majeure de la quinine extraite de l’écorce d’un quinquina par P.J. Pelletier et J.B. Caventou, Mediachimie vous invite à découvrir trois nouvelles vidéos de la série « Petites histoires de la chimie » :
- Le quinquina. I. La découverte
- Le quinquina. II. Les polémiques
- Le quinquina. III. La synthèse de la quinine
Ces vidéos complètent les anecdotes historiques publiées au printemps 2020 sur ce sujet :
- ACTE I : Le quinquina, remède du Nouveau Monde pour une maladie de l’Ancien : légendes et réalités d’une découverte
- ACTE II : Le quinquina, polémiques religieuses et querelles médicales
- ACTE III : Du quinquina à la quinine et à ses analogues ou du naturel au synthétique
et le quiz associé : La quinine et le paludisme
Le 23 juillet 2020, la Commission européenne a présenté à Bruxelles les plans pour le système énergétique de l’avenir et pour l’hydrogène propre. Ces plans doivent ouvrir la voie à un secteur de l’énergie plus efficace et plus interconnecté. Les stratégies prévoient un nouveau programme d’investissements dans les énergies propres dans le cadre du plan de relance, pour stimuler la reprise économique suite à la crise du coronavirus. Parmi ces programmes s’inscrit « la stratégie de l’Union européenne pour l’hydrogène » et dans la foulée se crée « l’alliance européenne pour un hydrogène propre » avec les industriels du secteur, la société civile, les ministères nationaux et la Banque européenne d’investissement.
À cet effet et concrètement, la feuille de route de la transition est la suivante :
- de 2020 à 2024 installer 6 GW d’électrolyseurs, avec l’objectif de produire un million de tonnes d’hydrogène « vert » (1)
- de 2024 à 2030 dans un système énergétique intégré, disposer de 40 GW d’ électrolyseurs pour produire annuellement 10 millions de tonnes d’ hydrogène renouvelable (on peut rappeler que la production électrique en France a été de 537 TWh pour une puissance installée de 133 GW)
- au-delà et jusqu’en 2050 déploiement à grande échelle dans tous les secteurs à décarboner.
Emboitant le pas à la marche politique triomphale vers le verdissement de ce gaz léger cher aux chimistes, l’Allemagne a annoncée fin juin vouloir devenir le numéro 1 du secteur avec 9 milliards € d’investissement suivi par la France qui en ce début septembre annonce y consacrer 2 milliards € dans le plan de relance.
L’hydrogène serait-il devenu comme le protoxyde d’azote un gaz hypnotique pour nos politiques ? Nos lecteurs de mediachimie.org connaissent bien l’hydrogène comme vecteur énergétique et ses applications.
C’est un gaz industriel important, 75 millions de tonnes sont fournis annuellement à l’industrie pour la désulfuration en pétrochimie (2), la synthèse de l’ammoniac et des engrais azotés (3), mais aussi pour l’alimentaire, l’électronique, la métallurgie sans oublier le spatial. En France la production est de 1 million de tonnes et à 96% cet hydrogène vient du vaporeformage (4) qui correspond à la réaction suivante 2 H2O + CH4 = CO2 + 4 H2 . Une réaction similaire est possible avec les hydrocarbures, et la production d’une tonne d’hydrogène s’accompagne donc de 6 à 10 tonnes de gaz carbonique d’où le nom d’ « d’hydrogène gris », dont le prix de revient est de l’ordre de 1 € /kg.
Actuellement, pour moins de 4%, l’hydrogène est produit par l’électrolyse de l’eau. Le procédé le plus mature est l’électrolyse alcaline avec une solution de potasse comme électrolyte. Les procédés modernes utilisent des électrodes bipolaires et travaillent sous une pression de 30 bars pour un rendement électrochimique supérieur à 70%. À l’anode on dégage de l’oxygène
2 OH- → ½ O2 + H2O + 2e-
et à la cathode se dégage l’hydrogène
2 H2O + 2e- → H2 + 2 OH-
Une autre méthode est l’échange sur membrane polymère avec catalyseur platine dite PEM pratiquement l’inverse de la pile à hydrogène, qui a un bon rendement mais moins mature du point de vue industriel.
Cet hydrogène issu de l’eau revient de 3 à 6 €/kg en fonction du coût de l’électricité. Si celle-ci est produite par procédé renouvelable, éolien, photovoltaïque ou l’hydraulique alors il est dit « hydrogène vert ». On comprend bien que la politique de décarbonisation de l’énergie (5) conduit à condamner le vapo reformage et à fixer comme objectif la croissance des couples électricité renouvelable-électrolyseur.
Voyons si la stratégie européenne est compatible avec les contraintes électrochimiques, thermodynamiques et économiques.
De nombreux industriels maitrisent assez bien l’électrolyse. Plusieurs français dont McPhy commercialisent des installations de plusieurs MW. L’exemple d’Apex Energy ,qui dispose d’électrolyseur des 2 MW, produit environ 1000 m3/h soit environ 700 t /an. Si elle fonctionne avec une énergie renouvelable dont le taux de charge est au mieux de 25% on peut compter par MW de 100 à 120 t/an. Une installation de 1 GW produira alors 120.000 tonnes et les 6 GW prévus en Europe en 2024, 720.000 tonnes soit 7% de la consommation européenne de 10 millions de tonnes.
À quel prix ?
Une très belle étude de l’APHYPAC * donne pour 2020 un coût de l’ordre de 1000 € à 800 € /kW pour un électrolyseur couplé à un réseau d’électricité renouvelable soit donc 1 milliard € à 800 millions € par GW. On comprend alors le prix du ticket d’entrée pour cette transition.
Sur quelle surface ?
Avec les derniers progrès des électrodes bipolaires et la pressurisation pour l’électrolyseur on compte 45 m2 d’emprise au sol /MW soit donc 4,5 hectares pour 1 GW, auquel il faudrait ajouter l’emprise au sol du champ d’éoliennes ou de panneaux photovoltaïques, soit 200 éoliennes de 5 MW sur 100 hectares ou 1 GW de photovoltaïque sur 2000 hectares, à moins de produire en off-shore. On voit que les contraintes financières et physiques à l’échéance 2050 ou même 2030 ne sont pas aussi simples que l’on pense.
Alors, pourquoi cet emballement politique, financier et médiatique ?
C’est que les promesses de l’industrie de l’hydrogène sont importantes. Passons sur l’opportunité de l’hydrogène décarboné pour l’industrie chimique et métallurgique si son prix arrive à concurrencer celui du vaporéformage.
Le secteur du transport est lui bien concerné par un carburant non polluant ne laissant comme gaz d’échappement que de l’eau et de l’azote grâce à la pile à hydrogène (6) (7) fournissant l’électricité aux moteurs. Grâce à des champions européens Alstom, Air liquide et Linde les trains Coradia iLint (8) roulent déjà en Allemagne et vont bientôt remplacer nos vieux TER régionaux. Le secteur des poids lourds qui peuvent eux aussi supporter le poids du « pack » de la pile à hydrogène est en attente. L’exemple de la jeune société américaine Nikola Corporation spécialiste des camions à hydrogène valorisée à 30 milliards de dollars à son entrée en bourse est tout simplement fou. Pour l’automobile des particuliers, la bataille sera rude entre le véhicule électrique et celui à hydrogène (9). Le poids et le prix du « pack » et du réservoir composite tenant à la pression de 700 bars représentent près de 50% du prix de l’automobile (32.000 € sur 70.000 €). Le prix à la pompe du kg d’hydrogène, le manque de station haute pression, le mauvais rendement thermodynamique, handicapent pour l’instant son développement.
En sachant qu’un électrolyseur de nouvelle génération fournit environ 1 Nm3 d’hydrogène par 3,5 kWh, et si on suppose que l’hydrogène vert est issu d’une source électrique ne dégageant pas de CO2 alors l’électricité nucléaire à 4 centimes du kWh mettra le kg d’hydrogène à 1,30 € concurrent de l’hydrogène gris. Serait-ce l’hydrogène « vert clair » ?
* Production d’hydrogène par électrolyse de l’eau (fiche 3.2.1)-Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible
Septembre 2020
Jean-Claude Bernier
Pour en savoir plus
(1) Qu’est-ce que l’hydrogène vert ? (Question du mois)
(2) Comment assainir l’atmosphère des villes ? L’hydrotraitement (Fiche Réaction en un clin d’oeil)
(3) Comment fabriquer des engrais avec de l’air ? La synthèse de l’ammoniac (Fiche Réaction en un clin d’oeil)
(4) Et revoilà l’hydrogène
(5)L’hydrogène, une source d’énergie pour le futur
(6) H2O ou comment la synthèse de l’eau conduit à la pile à hydrogène ? (Fiche Réaction en un clin d’oeil)
(7) Hydrogène, la roue libre (vidéo)
(8) Vive le Coradia iLint
(9) De nouveaux véhicules automobiles pas très verts !
La récente explosion à Beyrouth au Liban qui a entrainé une véritable catastrophe humaine et matérielle est, semble-t-il en attendant les conclusions d’une commission d’enquête, due à l’explosion de 2700 tonnes de nitrate d’ammonium (NH4NO3) stockés depuis plusieurs années dans un entrepôt sur le port avec d’autres produits inflammables.
On peut rappeler que pour augmenter la production des cultures depuis l’Antiquité les hommes ont cherché à amender leurs terres. Les plantes pour croître ont besoin de soleil, de CO2 et d’eau pour la photosynthèse (1), mais aussi d’éléments minéraux comme l’azote, qu’ils ne peuvent fixer dans l’air. On ajoute alors des engrais azotés pour améliorer les rendements, l’ammonitrate a permis depuis deux siècles de multiplier par 10 les rendements des plantes vivrières et de faire face à l’augmentation de la population de la planète. Ce fut d’abord l’importation du « guano », excréments marins riches en azote des îles proche du Pérou, puis les nitrates de soude du Chili jusqu’au début des années 1900. Après 1909 deux chimistes allemands Fritz Haber et Carl Bosch (2) mettent au point la synthèse de l’ammoniac à partir de l’azote de l’air et d’hydrogène (N2 + 3H2 = 2 NH3), puis, par barbotage de l’ammoniac dans l’acide nitrique ou oxydation catalytique, on produit le nitrate d’ammonium NH4NO3. Cet engrais sous forme de granulés est très employé en agriculture. La production mondiale est proche de 120 millions de tonnes (en tonnes d’azote).
Le problème est que durant la Grande Guerre de 14-18 l’industrie allemande a utilisé le nitrate mélangé avec environ 6% d’hydrocarbure pour en faire des explosifs qui ont servi à faire des milliards d’obus et de munitions. Lors du traité de paix de Versailles en 1919 les brevets allemands furentl’objet de tractations sévères pour que la France puisse à son tour produire le nitrate qui a conduit à l’usine ONIA (Office national industriel de l’azote) à Toulouse devenue plus tard AZF, usine qui a explosée en septembre 2001. en effet, mélangé à certains produits réducteurs (cellulose, huile, fuel) ou à des catalyseurs, le nitrate peut être déstabilisé. De même, avec la température, il peut se décomposer, fondre, puis au bout d’un certain temps, pris dans un incendie, exploser après l’apparition de vapeurs rousses qui sont de l’oxyde d’azote NO2 car NH4NO3 fait partie des « groupements explosophores » (3). NO3 est une réserve d’oxygène qui peut se combiner avec le carbone, l’hydrogène ou le soufre en dégageant des quantités phénoménales de gaz qui vont provoquer une onde de choc s’ils sont confinés dans une enceinte fermée, bâtiment ou navire. Regardons en effet la décomposition thermique :
NH4NO3 → NO + N + 2 H2O
La réaction stœchiométrique montre que 80 grammes de nitrate vont donner environ 80 litres de gaz. Comme la densité du nitrate est proche de 2 on a donc une expansion volumique d’un facteur 2000 cela veut dire que 8 tonnes de nitrates occupant approximativement un volume de 4 m3 vont exploser en donnant 8000 m3 de gaz dans une enceinte fermée de 100 m3 cela entraîne une pression de plus de 80 atmosphères qui fait tout voler en éclat. Imaginez alors que les 2700 tonnes de Beyrouth prises dans l’incendie vont dégager d ‘abord une fumée rousse de NO2 (NO oxydé avec l’oxygène de l’atmosphère) puis un mélange blanc d’azote et de vapeur d’eau d’un volume total de l’ordre de 3 millions de m3. Si le bâtiment de stockage faisait 3000 m3 la pression de l’onde de choc est de plus de 1000 atmosphères détruisant tout dans des kilomètres à la ronde. Décomposition et confinement sont les deux artisans de l’explosion destructrice.
Au cours du temps les accidents n’ont pas manqué :
- en 1921 à Oppau sur le grand complexe chimique de BASF près de Ludwigshafen. Pour éviter de gratter à la pioche les tas de nitrates une équipe utilise des cartouches de dynamite. L’une d’elle, trop forte, provoque l’explosion de tout le stockage entrainant 586 morts, des milliers de blessés et la destruction du complexe chimique.
- en 1947 à Brest un Liberty Ship norvégien avec 300 tonnes de nitrates prend feu. Le navire est éloigné du quai mais pour étouffer l’incendie on ferme les cales, entrainant confinement et explosion et causant 26 morts et plusieurs milliers de blessés.
- en 1947 encore, à Texas City sur le port, un Liberty Ship français explose avec 2000 tonnes de nitrates. Presque tous les pompiers qui étaient mobilisés sur l’incendie sont tués.
- en 2001 à Toulouse le dépôt de 300 tonnes de nitrate d’AZF explose : 31 personnes tuées, 2500 blessés et des dégâts considérables sur Toulouse.
- en 2013, au Texas l’usine de la West Fertilizer Company explose lors un incendie : plusieurs centaines de morts.
- en 2015, au nord de la Chine à Tianjin, l’incendie de plusieurs tonnes de produits chimiques dont 800 tonnes de nitrates provoque une explosion et plusieurs centaines de morts.
Ce sont les accidents les plus connus et les plus récentes catastrophes, cela n’empêche cependant pas que des millions de sacs de granulés sont chaque année utilisés par l’agriculture mondiale dans des conditions de sécurité exemplaires et respectées.
Jean-Claude Bernier
Août 2020
Pour en savoir plus
(1) Le CO2, matière première de la vie
(2) Comment fabriquer des engrais avec de l'air ? La synthèse de l'ammoniac
(3) Les nouvelles techniques d’investigation des explosifs
On entend parler de bon et de mauvais ozone ; cette question a-t-elle un sens ?
Première phrase rencontrée : Le trou de la couche d’ozone nous met en danger, l’ozone est « bon ».
L’ozone dit stratosphérique (*) se forme dans la haute atmosphère sous l’action des rayonnements UV (ultraviolet) très énergétiques provenant du soleil (**). En absorbant des rayonnements UV-C, une petite quantité de dioxygène O2 se transforme en ozone O3. Celui-ci instable, redonne en partie du dioxygène, en absorbant d’autres rayonnements UV-C. Il s’établit naturellement un équilibre dynamique d’équation :
3 O2 = 2 O3
Il se créé ainsi une « couche d’ozone » essentiellement présente entre 20 et 40 km d'altitude et de concentration comprise entre 2 et 8 ppm.
Ainsi, l’ozone stratosphérique est indispensable car il nous protège de rayonnement solaire ultraviolet.
Toute perturbation de cet équilibre faisant diminuer la teneur en ozone en la consommant par des réactions parasites est donc source de danger. La Fondation belge contre le Cancer rappelle que plus la couche d'ozone est mince, moins elle arrête les rayons UV, et plus l’intensité du rayonnement UV est intense à la surface du sol terrestre. C'est au-dessus de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie que la couche d'ozone est la plus mince [1]. Les modèles informatiques prédisent qu’une diminution de 10 % de la concentration d’ozone stratosphérique pourrait provoquer chaque année 300 000 cancers cutanés, 4500 mélanomes et entre 1,60 million et 1,75 million de cas de cataracte de plus dans le monde [2]. Sans compter que les UV-B ont aussi des répercussions importantes sur les animaux, les organismes marins et les végétaux.
La mise en évidence en 1974 de la responsabilité des CFC (chlorofluorocarbure) dans la destruction de l’ozone stratosphérique (formation d’un trou au niveau de l’Antarctique au cours du printemps austral) a conduit aux accords de Montréal en 1987, limitant leur utilisation. Les scientifiques prévoient que la couche d’ozone dans l’Antarctique ne retrouvera son niveau initial (d’avant les années 1980) que vers 2050 à 2070, car la durée de vie des CFC est importante [3].
Deuxième phrase rencontrée : La présence d’ozone nous met en danger : l’ozone est « mauvais ».
C’est dans les années 1970 que Paul Crutzen (prix Nobel de chimie en 1995) montra que l’ozone est à la fois produit mais aussi détruit dans la troposphère (basses couches de l’atmosphère (*)) grâce à des réactions photolytiques (action de la lumière, ici UV-B) faisant intervenir des oxydes d’azotes [4].
D’une part production d’ozone | D’autre part consommation d’ozone |
NO2 → NO + O● | NO + O3 → NO2 + O2 |
Les oxydes d’azote proviennent essentiellement des secteurs de l'industrie et de la production d'énergie (chauffage urbain entre autres) mais aussi des gaz d’échappement des véhicules à essence et diesel malgré l’usage des pots catalytiques qui en limitent le rejet [5].
Des études postérieures montrent que la formation d’ozone est également liée à la présence de Composés Organiques Volatils (COV), dont 10 % sont issus des activités industrielles et urbaines et 90 % sont d’origines naturelles (***) [6].
Ainsi l’ozone troposphérique est un polluant secondaire issu des polluants primaires que sont les NOx et les COV.
Concrètement la formation d’ozone dépend à la fois des quantités d’oxydes d’azote NOx et de COV présents dans la troposphère mais aussi du rapport de la quantité de COV par celle de NOx.
Cette chimie complexe explique que si l’ozone se forme en milieu urbain essentiellement par la présence des oxydes d’azote sa concentration n’y est pas maximale mais qu’elle l’est en milieu rural proche de la ville car la production de COV par la végétation y est plus forte et celle de NOx plus faible [6], [7].
En quoi cette accumulation d’ozone, accentuée depuis l’ère industrielle est-elle néfaste ?
C’est d’abord un gaz à effet de serre qui va donc participer au réchauffement de la troposphère [6].
C’est aussi un puissant agent oxydant pouvant générer des radicaux hydroxyles (HO●) selon les réactions [7]
O3 → O2 + O● suivi de O● + H2O → 2 HO●
Ces radicaux hydroxyles ont une grande importance sur la santé humaine, en provoquant des problèmes respiratoires et des irritations ophtalmiques.
L’ozone intervient aussi dans le dépérissement de la forêt [8] et nos productions alimentaires souffrent de l’augmentation de ce polluant dans la troposphère ; ainsi la production des tomates ou du blé pourraient être diminuée de 10 % dans les zones les plus polluées (Asie et pays méditerranéens) [9].
Ces dernières années des études épidémiologiques suggèrent que l’ozone troposphérique pourrait jouer un rôle dans le développement et la progression de l’insulino-résistance, associée au diabète de type 2 [10].
Du bon usage de l’ozone dans certaines applications industrielles [11].
Dans le cadre d’usage industriel, l’ozone est produit sur le site d’utilisation par décharge électrique à haute tension dans un flux d’oxygène.
L’ozone étant un oxydant puissant il est utilisé dans différentes étapes du traitement de l’eau pour obtenir de l’eau potable mais aussi pour traiter les eaux usées ainsi que de nombreux effluents industriels. Il sert pour la désinfection des eaux de certaines piscines en remplacement de l’eau de javel. Parmi les applications industrielles, on peut citer son usage dans certains procédés de blanchiment de la pâte à papier et dans l’agroalimentaire pour le blanchiment du sucre de canne.
Autres sources d’ozone et cadre professionnel [12].
Quant à la santé au travail, une attention particulière est apportée aux professionnels utilisant des appareils (imprimantes, photocopieuses, spectrophotomètres) utilisant des rayonnements UV ou laser susceptibles de former de l’ozone à partir du dioxygène.
Lydie Amann et l’équipe Question du mois
(*) La troposphère est la partie de l’atmosphère comprise environ entre 0 et 15 km de la Terre. La stratosphère est comprise environ entre 15 km et 50 km de la terre.
(**) Les rayonnements sont caractérisés par leur longueur d’onde exprimée en nanomètres (nm) : UV-B : 280−315 nm ; UV-C : 100−280 nm. Les UV C sont les plus énergétiques.
(***) COV liés à l’activité humaine et industrielle : évaporation d’hydrocarbures lors du raffinage, ou de solvants organiques ou de carburants imbrûlés non retenus par les pots catalytiques ;
COVB ou COV biogéniques, d’origine naturelle : émis par les plantes ou certaines fermentations végétales ou animales. Ils se biodégradent plus ou moins lentement.
Pour en savoir plus :
(1) Rayonnement ultraviolet, site de la Fondation contre le Cancer
(2) Effets du rayonnement UV sur la santé, site de l’Organisation mondiale de la santé
(3) 2019 Ozone Hole is the Smallest on Record Since Its Discovery, site de la NASA (National Aeronautics and Space Administration)
(4) Le prix Nobel 1995 couronne la chimie vitale de la stratosphère, L’Actualité chimique n° 192 (décembre 1995) p. 57
(5) Les oxydes d’azote (NOx) : définition, sources d’émission et impacts, site de l’ADEME (Agence de la transition écologique)
(6) Les défis de la santé et du bien-être en ville : pollution atmosphérique, nuisances thermiques, odeurs, de Jacques Moussafir, in La chimie et les grandes villes (EDP Sciences 2017), pp. 193-216
(7) L'ozone troposphérique : production/consommation et régimes chimiques, de Marie Camredon et Bernard Aumont, Pollution atmosphérique, n° 193 (janvier-mars 2007) pp. 51-60 (voir Figure 2 : Profil type de la vitesse de production d'ozone en fonction de la quantité de NOx)
(8) État des forêts d’altitude en relation avec la pollution de l’air par l’ozone dans la région niçoise, de Laurence Dalstein-Richier et al., Pollution atmosphérique, n° 193 (octobre-décembre 2005) pp. 503-519
(9) Impacts de l’ozone sur l’agriculture et les forêts et estimation des coûts économiques, de Jean-François Castell et Didier Le Thiec, Pollution atmosphérique, n° 229-230 (avril-septembre 2016) pp. 142-152
(10) Pollution atmosphérique et diabète… Quel lien possible ? Une exposition expérimentale à l’ozone chez le rat induit une insulino-résistance périphérique, de Roxane E. Vella, Alain Géloën et Christophe O. Soulage, Pollution atmosphérique, n° 231-232 (octobre-décembre 2016) pp. 105-116
(11) Oxydation et réduction appliquée au traitement de l’eau- Ozone, de Sylvie Baigh et Pierre Bouchet, Techniques de l’ingénieur, mars 2017
(12) Ozone : Fiche toxicologique n° 43, site de l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles)
[Modification : 2 novembre 2020]
Mesdames, Messieurs,
Dans les circonstances actuelles où le confinement est la règle commune, nous avons essayé d’organiser ces derniers jours, uniquement à distance grâce aux connections de tous les participants via le réseau internet, le colloque « chimie et agriculture durable » qui devait se tenir le mercredi 4 Novembre 2020 à l’initiative de la Fondation.
Force est de constater que pour des raisons techniques, et notamment les limites en terme d’interactivité et d‘échanges entre les conférenciers et le public, en accord avec le Président de la Fondation de la Maison de la Chimie, les membres du comité d’organisation du colloque et les conférenciers ont décidé de reporter le colloque sous sa forme initialement prévue (même programme, mêmes conférenciers) en présentiel à une date ultérieure qui vous sera communiquée dès que cela sera possible au plan sanitaire.
Nous vous prions de bien vouloir nous en excuser et vous remercions de votre compréhension.
Bernard Bigot
Président de la Fondation de la Maison de la Chimie
Le cycle des Colloques “Chimie &…” s'enrichit d'un nouvel opus :
Chimie et agriculture durable : un partenariat en constante évolution scientifique
Mercredi 4 novembre 2020
Maison de la Chimie, 28 bis rue Saint-Dominique, 75007 Paris
Les relations actuelles entre Agriculture, Chimie et attentes de la Société sont loin d’être simples, comme l’illustrent les prises de positions publiques récentes de certains. Pourtant, des relations sereines entre ces trois acteurs sont indispensables, ainsi que ce fut longtemps le cas. Par exemple, la synergie entre l’agronomie scientifique et la chimie a permis au 20e siècle la découverte des fondements de l’alimentation des plantes et de la lutte contre les bio-agressions, si utiles à la production agricole et aux consommateurs.
Au 21e siècle, face aux besoins planétaires en termes d’alimentation et d’environnement, l’urgence est de développer une Agriculture raisonnée qui limite son impact sur les sols, l’eau et l’air, qui préserve la biodiversité et qui consomme le minimum d’énergie envisageable. Pour produire mieux et plus, il faut développer la recherche et l’innovation technologique. La Chimie a sa place dans cette stratégie avec la conception de nouveaux produits en étroite liaison avec la biologie et l’écologie, et en fonction d’évaluations complètes et intégrées de leurs effets.
Le citoyen et le consommateur souhaitent que les innovations de la chimie contribuent à une amélioration de l’alimentation proposée et de la protection des plantes. Ces enjeux majeurs reposent sur une coopération transdisciplinaire accrue. Des exemples de cette coopération vous seront présentés par des experts scientifiques, universitaires ou industriels, dans les principaux thèmes actuels de la recherche agronomique et agro écologique.
Ce colloque est ouvert à un large public avec une attention particulière aux lycéens et à leurs enseignants. Le niveau des interventions se veut accessible à tous pour permettre un large débat.
Bernard BIGOT
Président de la Fondation internationale de la Maison de la Chimie
et Directeur Général de l’Organisation internationale ITER
[Modification : 22 octobre 2020] Le présentiel est annulé. Le colloque sera retransmis en direct tout au long de la journée, depuis la Maison de la Chimie, sur la chaîne Youtube de notre médiathèque mediachimie.org.
La chimie par ceux qui la font. Des centaines de présentations sur les grands sujets de notre société.
Les colloques de la série “Chimie et …” organisés et financés par la Fondation de la Maison de la Chimie sont d’accès gratuit pour tous les participants.
Présentation des colloques
Découvrez les livres de la collection
Différentes sortes d’agents infectieux provoquent maladies et infections chez l’Homme. Cela peut être des parasites, des champignons, des bactéries, des virus. On a aussi eu le prion, il y a plusieurs années.
Les parasites
Les parasites sont des êtres vivants qui vivent aux dépens d’un autre organisme appelé l’hôte. Par exemple, le sarcopte responsable de la gale, qui est un acarien (Fig. 1), les vers comme le ver solitaire, des protozoaires comme l’agent de la malaria. Ce sont tous des eucaryotes (1) ce qui signifie que leurs cellules ont un noyau, comme les nôtres.
Les champignons et les levures
L’infection provoquée par les champignons et les levures est alors appelée une mycose ou une infection fongique. Champignons et levures sont aussi des organismes pluricellulaires eucaryotes. Ils causent des maladies souvent de la peau (teigne) et des muqueuses (bouche, muqueuses génitales), mais peuvent aussi causer des infections bien plus graves des organes internes comme les poumons (Aspergillus fumigatus par exemple) (Fig. 2).
Les bactéries
Louis Pasteur, Robert Koch sont des pionniers de la bactériologie. Les bactéries (2) ne sont pas des eucaryotes, mais des procaryotes (3), qui n’ont pas de noyau. Ce sont les plus connus des agents infectieux : Escherichia coli, Staphylococcus aureus (staphylocoque doré), Vibrio cholerae (bactérie du choléra), Mycobacterium tuberculosis (tuberculose). Comme les bactéries diffèrent des cellules humaines, les médicaments qui les éliminent sont moins toxiques que les antiparasitaires ou les antifongiques. Mais le problème est la résistance bactérienne : les bactéries devenues résistantes ne sont plus éliminées par les antibactériens et l’infection ne guérit pas. C’est devenu un problème très important.
Parasites, champignons, bactéries sont tous des organismes vivants, capables en général de vivre et de se multiplier dans un milieu nutritif acellulaire : un peu de sucre, de graisse et de protéines (bouillon de culture).
Les virus
Schématiquement, les virus (4) sont des sacs contenant des molécules biologiques, acides nucléiques, protéines ; plus exactement, ce sont des acides nucléiques enfermés dans une capside protéique (Fig. 4 et Fig. 5) ; ils n’ont pas de système métabolique (5). On dit alors qu’ils ne sont pas vivants, en ce sens qu’ils ne peuvent pas vivre et se multiplier dans un bouillon de culture comme le font les agents précédents. Ils ont besoin d’une cellule hôte « qui fait le travail pour eux » : quand ils y entrent, ils lui transmettent leur acide nucléique, ADN (6) ou ARN (7). Pour cultiver les virus, on cultive des cellules, puis on les infecte par le virus. Une fois fixé sur la cellule, le virus va fusionner avec elle. À ce moment, il libère à l’intérieur de la cellule son acide nucléique, et c’est la machinerie enzymatique de la cellule infectée qui se chargera de répliquer ces acides nucléiques et in fine d’aboutir à un ARN messager traduit en protéines pour le compte du virus. On va ainsi synthétiser d’autres virus, qui vont se créer une enveloppe au moyen de celle de l’hôte (Fig. 7), sortir et se disséminer. La cellule hôte est ainsi affaiblie, ce qui conduit le plus souvent à sa mort par lyse (8) : elle éclate, libérant les particules virales qui vont infecter d’autres cellules, etc.
Parmi les virus capables d’infecter l’Homme, il y a ceux qui donnent la grippe ou plutôt les grippes, la poliomyélite, l’hépatite A (jaunisse), la fièvre jaune, la variole, le SIDA, le virus Ebola (fièvre hémorragique), les virus oncogènes - capables d’entraîner des cancers, etc. Ils sont responsables de nombreuses épidémies et même pandémies, souvent respiratoires apparues depuis un siècle, la première étant la grippe espagnole de 1918, qui a causé près de 30 millions de morts. En 1957-1958, la grippe asiatique a entrainé 2 millions de morts ; en 1968-9 la grippe de Hong-Kong, 1 million. Durant les six dernières années, nous avons eu au moins six grandes épidémies.
Et le coronavirus ?
Son nom officiel est coronavirus SARS-CoV-2, en français SRAS pour Syndrome Respiratoire Aigu Sévère. Le nom « Covid-19 « que l’on trouve parfois désigne la maladie et non le virus qui la provoque, 19 indiquant l’apparition en 2019. C’est un coronavirus (9), car l’enveloppe virale (Fig. 4 et Fig. 5) est « décorée » de protéines qui forment des protubérances, dont le cliché en microscopie électronique rappelle les images de la couronne solaire. Ce sont ces protéines qui permettent au virus de se fixer sur la cellule et d’y entrer. Les coronavirus sont des virus à ARN. Ils ont été découverts dans les années 1930 dans des élevages de volailles où ils causent diverses infections. On connaît 7 coronavirus responsables de maladies chez l’Homme, allant d’infections de l’appareil respiratoire bénignes (rhumes et maux de gorge) à graves et à très graves (SARS et MERS).
Ces coronavirus sont d’origine animale, probablement les chauves-souris, puis transmises à des mammifères (civette, dromadaire…) ou à des oiseaux (volailles de marché en Chine). Une fois franchie cette barrière entre espèces, la transmission d’homme à homme devient très facile. Pour le SARS-CoV-2, on compte à ce jour plus de 9.600.000 cas et près de 500.000 morts dans le monde, les pays les plus touchés étant les USA avec 2.400.000 cas et 120.000 morts, puis le Brésil, le Royaume Uni, l’Italie, la France, l’Espagne, respectivement 54.900, 44.500, 34.600, 29.700, 28.300 morts (10).
Nicole Moreau et l'équipe Question du mois
Notes :
(1) Du grec eu, bien et karuon, noyau
(2) Du grec bacterion, qui veut dire bâtonnet
(3) Du grec pro, avant et karuon, noyau
(4) Du latin virus, venin ; mot établi au XVIe siècle par Antoine Paré
(5) Du grec metabolein. Le métabolisme est l’ensemble des réactions de synthèse, génératrices de matériaux (anabolisme), et de dégradation, génératrices d'énergie (catabolisme), qui s'effectuent au sein de la matière vivante à partir des constituants chimiques fournis à l'organisme par l'alimentation et sous l'action de catalyseurs spécifiques.
(6) ADN : acide désoxy-ribonucléique
(7) ARN : acide ribonucléique
(8) Du grec lusis, action de délier, dissoudre.
(9) Il n’est pas le seul coronavirus, mais est l’un des plus gros, mesurant de 50 à 200 nm de diamètre.
(10) la date du 26 juin 2020 (https://gisanddata.maps.arcgis.com )
Figure 1 : Aceria anthocoptes, image obtenue par microscopie électronique à balayage
Source : Wikimedia
Figure 2 : Aspergillus fumigatus vu au microscope électronique.
Source : Wikimedia
Figure 3 : Différents types de procaryotes
Source : Maulucioni /Wikimedia (licence CC BY-SA 3.0)
Figure 4 : Représentation schématique d’un virus (HIV)
Source : wikimedia
Figure 5 : Représentation schématique d’un coronavirus
Source : https://www.scientificanimations.com (licence BY-SA 4.0)
On sait que pour être en bonne santé, les oligoéléments jouent un rôle majeur dans notre organisme ce sont des composés du zinc, du fer, du manganèse, du magnésium… En revanche on connait moins les vertus antibactériennes (antivirales ?) des métaux purs. En cette période de pandémie de la covid-19, il n’est pas étonnant qu’un renouveau des recherches sur des applications sanitaires se manifeste et notamment sur l’or, l’argent et le cuivre dans l’ordre décroissant des prix !
L’or (1) par sa couleur jaune a des reflets complexes dus au plasma de surface fluctuant qu’engendrent ses électrons de valence faiblement liés. Les plasmons de surface font actuellement l’objet d’études en particulier pour les nanoparticules (2) sans cependant que ces propriétés de surface fassent l’objet d’applications autres qu’en catalyse. L‘or métal est toutefois utilisé en chrysothérapie et en homéopathie.
L’argent est un métal qui a des propriétés germicide et bactéricide. Dans l’Antiquité (3) on se servait de plaques d’argent pour purifier l’eau. Couverts et plats revêtus d’argent eurent une réelle utilité tant qu’on ne pouvait pas disposer d’eau potable. De là vient l’usage d’offrir en cadeau de baptême aux enfants une timbale en argent. Cette propriété est maintenant redécouverte et utilisée avec les nanoparticules d’argent issues de solutions colloïdales (4). Elles sont utilisées comme germicides dans les textiles sportifs et pour les chaussettes afin d’éliminer les odeurs de transpiration. Dans les dispositifs médicaux, bandages et pansements, ce sont leurs propriétés bactéricides qui sont recherchées, de même dans les emballages alimentaires et les revêtements de parois de réfrigérateur. Avec la pandémie, des tissus imprégnés de particules d’argent et résistant plus de 20 fois au lavage ont été utilisés pour la fabrication de masques de protection.
Le cuivre (5). Parmi les nombreuses études sur le coronavirus, celles des universités de Californie (Los Angeles et Princeton) publiées dans le New England Journal of Medicine ont montré que le coronavirus SARS-CoV-2 (6) peut subsister entre 2 et 3 jours sur du plastique ou de l’acier inoxydable mais disparaît en moins de quatre heures sur le cuivre. Ces observations rejoignent les travaux du professeur Bill Keevil de l’université de Southampton qui depuis plusieurs années étudie la diminution drastique de colonies bactériennes sur le cuivre : Legionella, Escherichia coli par exemple, sont éliminées en quelques heures sur les surfaces, voire quelques minutes sur une poignée de porte en cuivre. Il semblerait d’après l’auteur que les ions Cu(I) et Cu(II) pénètrent dans la cellule des bactéries, y empêchent le transfert d’oxygène et cassent son ADN. Les vertus sanitaires du cuivre sont bien reconnues, ne serait-ce que par l’utilisation massive du cuivre dans nos habitations pour les canalisations et la distribution de l’eau sanitaire. En cette période, les fabricants innovent : une société américaine a sorti un masque en tissu imprégné de cuivre CuTEC antibactérien et le teste contre la Covid-19, une société chilienne a multiplié sa production par 25 en trois semaines avec un masque réutilisable contenant de fins fils de cuivre incrustés dans le tissu. Le Chili, qui est le premier producteur mondial de cuivre, espère profiter de ce marché nouveau. Dans les hôpitaux de ce pays le cuivre est largement utilisé pour les plans de travail, les ustensiles médicaux, les poignées de portes… Un industriel français Lebronze alloys (alloys signifiant alliages en anglais) précise ainsi que ses poignées de portes et ses mains courantes en alliage de cuivre sont aussi une barrière à l’infection, notamment dans les EHPAD.
La lutte contre la pandémie (7) est ainsi devenue métallurgique et variée, des autocollants en cuivre des universitaires américains aux masques à nanoparticules de cuivre (moins chers que l’argent) au Chili jusqu’aux équipements d’hôpitaux. On est loin des bassines en cuivre pour les confitures (8) qui nous paraissent d’un autre temps... Le temps d’avant ?
Jean-Claude Bernier et Catherine Vialle
Juin 2020
Pour en savoir plus
(1) L’or, élément chimique ou magique ?
(2) Nanomatériaux et nanotechnologie : quel nanomonde pour le futur ?
(3) Les métaux au fil de l’histoire (dossier pédagogique) (1266)
(4) Caractérisation des nanoparticules inorganiques dans les produits du quotidien : les méthodes d’analyse et les applications (2548)
(5) Comparaison de quelques alliages de cuivre et de zinc (956)
(6) Le coronavirus, un défi pour la chimie du vivant (2919)
(7) Covid-19 : la chimie médicinale à l’assaut des mécanismes de propagation virale (3032)
(8) Peut-on faire de bonnes confitures sans bassine en cuivre ? (1261)
Illustration : casque de cavalerie de Nimègue, masque de fer gainé de bronze et d'argent, seconde moitié du premier siècle, Museum het Valkhof, Nimègue (Pays-Bas)
Following Hadrian/ Flickr - Licence CC by-nc-sa 2.0
Vous êtes enseignant d'école primaire ou de collège, dans l'enseignement public ou privé, et avez mené cette année un projet en sciences avec votre classe ?
Vous êtes étudiant en Master 2 MEEF ou lauréat du CAFIPEMF ou du CAFFA ?
Valorisez votre travail en participant aux Prix La main à la pâte, de l'Académie des sciences !
Date limite de réception des dossiers : 18 juillet 2020
Chaque année, les Prix La main à la pâte récompensent des classes d'école primaire et de collège ayant mené des projets scientifiques particulièrement démonstratifs d'une pratique active et raisonnée des sciences (prix "Écoles - Collèges").
Pour l'année 2020, deux prix additionnels seront décernés :
- un prix dans le domaine de la chimie en partenariat avec la Fondation de la Maison de la Chimie.
- un prix à destination des collégiens récompensant un projet visant à développer l'esprit scientifique et l'esprit critique des élèves.
Les prix distinguent également des mémoires d'étudiants et d'enseignants réalisés dans le cadre de diplômes universitaires (prix "Master Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation") ou de certificats académiques (prix "Professeur-Formateur").
Le Prix "Professeur-Formateur" est organisé tous les deux ans. Les lauréats du CAFIPEMF et du CAFFA en 2020 et 2021 concourent pour le prix 2021.
Voir les projets primés de l'année précédente
Le béton est le matériau de construction le plus utilisé dans le monde (dix milliards de tonnes !) en raison de son faible coût de production (un peu plus de 100 euros/m3). C’est un mélange de sable, de graviers (granulats) et de ciment, ce dernier assurant la cohésion de l’ensemble (liant). La fabrication d’un béton requiert pour sa mise en œuvre une formulation définie qui varie en fonction de la taille du sable et des graviers, voici une formulation typique du béton : granulats (51%), sable (34%), ciment (10%) et eau (5%).
Les mortiers sont des mélanges uniquement de sable, de ciment et d’eau […]
Accédez au Zoom sur la formulation des bétons et les ciments
La Fondation de la Maison de la Chimie et la Fondation La main à la pâte se sont associées pour proposer aux enseignants et aux élèves des séquences pédagogiques de la petite section à la classe de 3eme conformes aux programmes de l’enseignement obligatoire.
Dans l’attente de découvrir toutes les propositions pédagogiques, vous pouvez d’ores et déjà découvrir les premières ressources, Sur la palette de l’artiste pour le cycle 2 et Atomes à modeler pour le cycle 4, ainsi que le résumé des séquences que nous proposerons en 2020.
Dans le cadre de ce partenariat, il sera également proposé aux professeurs des écoles et de collège des modules de formation (en présentiel et à distance) pour qu’ils puissent mettre en œuvre un enseignement de la chimie attractif et novateur au sein de leur classe.
Pour avoir plus d’informations sur l’offre de formations : https://www.maisons-pour-la-science.org/
Le « slime », cette pâte visqueuse avec laquelle les enfants et les adolescents aiment jouer, fait l’objet d’un très grand nombre de vidéos sur Internet, qui présentent des protocoles variés pour sa réalisation. De nombreuses entreprises se sont également engouffrées dans la brèche et proposent des kits regroupant les substances nécessaires à sa confection, ainsi que de quoi le colorer et le texturer.
De la colle au « slime » ou avec quoi en fabriquer ?
Un des protocoles de confection consiste à dissoudre un peu de colle blanche dans un petit volume d’eau, d’ajouter quelques gouttes de collyre ophtalmique et d’homogénéiser vigoureusement (1).
L’ensemble s’épaissit, se décolle des parois du récipient en verre et prend la consistance liquide/solide caractéristique du « slime ».
Les procédés varient, mais tous présentent plusieurs points communs. Dans tous les cas il faut :
- de la colle PVA (pour polyvinylacétate), ou une autre substance comme de l’amidon présent dans la maïzena ou la farine, ou encore de la gomme de cellulose présente dans le dentifrice ;
- de l’eau ;
- un additif : collyre ophtalmologique ou du carbonate de calcium ou des tensioactifs anioniques présents dans le liquide vaisselle.
Quelles sont les caractéristiques et le rôle de chacun de ces ingrédients ?
La colle blanche
La colle blanche est une émulsion de PVA dans l’eau. Le PVA est un polymère constitué de molécules organiques de grande taille, appelées macromolécules. Celles-ci sont insolubles dans l’eau. La colle blanche a été obtenue en ajoutant de l’eau et un tensioactif, afin que les macromolécules se trouvent dispersées en fines gouttelettes dans l’eau. Ainsi elles ne s’agglomèrent pas en une phase unique, ce qui donne à la colle ses propriétés mécaniques d’écoulement et sa relative fluidité.
D’un point de vue structural, la macromolécule constituant le polymère PVA est décrite par la répétition d’un motif comportant une fonction acétate [–(CH2–CH(OCOCH3))–]. Une chaîne est schématisée ci-après :
Lorsque la colle sèche, l’eau s’évapore et les macromolécules forment un réseau enchevêtré à 3 dimensions. Les macromolécules présentent alors de nombreuses interactions des unes avec les autres (2), ce qui confère sa rigidité au matériau. L’image d’un plat de spaghettis cuits congelés permet de se figurer cet état figé caractéristique de la colle sèche !
Ajouter de l’eau à la colle
En rajoutant de l’eau à la colle, les macromolécules sont encore plus espacées les unes des autres, la suspension se comporte alors comme un véritable liquide, assez visqueux. Les spaghettis nagent dans l’eau !
Le collyre ophtalmique et son rôle
Le collyre ophtalmique est une solution aqueuse de borax (Na2B4O7, 10 H2O) et d’acide borique. Il se créé in situ des ions borates B(OH)4– dont la présence assure au « SLIME » ses propriétés mécaniques ludiques. En effet, les ions borate créent des ponts, ou réticulations, entre les chaines. Il s’agit d’un nouveau réseau d’interactions faibles, majoritairement des Liaisons Hydrogène, (LH) (3) entre les macromolécules.
Les chaines ne sont plus aussi libres que dans la colle diluée à l’eau mais elles gardent une certaine cohésion, ce qui donne l’aspect visqueux du « slime ». En revanche, ces liaisons restent faibles, elles peuvent se rompre et se reformer facilement.
Les différences de propriétés entre la colle séchée, la colle liquide et le « slime »
Rappelons qu’ils sont tous les trois constitués des mêmes macromolécules. Les différences proviennent de plusieurs points.
• Dans la colle séchée, il n’y a qu’un réseau 3D de macromolécules de PVA. L’ensemble est donc solide, car les chaines ne peuvent glisser les unes sur les autres.
• Dans la colle liquide, les macromolécules sont espacées, non emmêlées, ce qui lui confère son caractère liquide (quoique visqueux).
• Dans le « slime », il y a de l’eau, ce qui espace les chaines et leur permet de glisser les unes sur les autres. Les points de réticulation assurent à la matière une certaine cohésion tout en restant rompables et reformables. Le « slime » se comporte à la fois comme un solide et comme un liquide.
Quelques expériences expliquées
- Doubler la quantité d’eau de la recette : le « slime » devient trop liquide.
- Ne pas ajouter d’eau du tout : au contraire le « slime » est trop compact, cassant, les chaines ne peuvent plus autant « glisser les unes sur les autres ».
- Mettre une galette de « slime » sur un verre renversé : la substance s’écoule comme un liquide.
Le déposer dans un récipient : il en prend lentement la forme.
Posé sur une surface lisse, le gel s'étale très lentement en forme de flaque circulaire.
Dans tous ces cas, le « slime » se comporte comme un liquide visqueux. Les macromolécules glissent doucement les unes contre les autres mais les liaisons hydrogène assurent la cohésion de l’ensemble. - Lorsqu'on laisse évoluer le « slime » sous son propre poids, il s'étire doucement : il flue (coule) sans se rompre. En effet, les LH ne suffisent pas à rendre le solide rigide et indéformable.
- Lorsqu'on tire dessus d'un coup sec il se coupe net car les LH ne sont pas très fortes. Une fois cassé on peut le reformer en un seul morceau car la rupture des LH est réversible. Deux morceaux de gel peuvent ainsi rapidement fusionner lorsqu'on les accole.
- Mettre une boule de « slime » dans le creux de sa main et enfoncer rapidement son doigt dedans : une empreinte est réalisée comme dans le cas d’un solide. La viscosité augmente lorsqu’une contrainte mécanique lui est appliquée, car on contraint les chaines de macromolécules à s’enchevêtrer.
- Si on lance la boule, celle-ci rebondit assez bien sur une surface lisse, sans se déformer. Toutefois le « slime » n'est pas vraiment élastique au point de rebondir fortement. En effet pour cela il faut utiliser des chaînes macromoléculaires bien plus longues.
Antoine Éloi et l’équipe question du mois
(1) Consignes de sécurité : ne vous touchez pas le visage ni les yeux durant vos expériences, ne mangez pas les produits et lavez-vous les mains à la fin. Plus d’infos sur : le Dacryosérum, l’acétate de vinyle et le PVA.
(2) Entre les macromolécules il peut y avoir des interactions électrostatiques qui les retiennent les unes aux autres. Il s’agit des interactions de Van der Waals.
(3) Les LH sont des interactions qui s’établissent ici entre certains atomes d’oxygène des macromolécules et les groupes OH des ions borate (figurées en hachures rouges).
Illustration : jarabee123 / Adobe Stock
On a lu et entendu des arguments contradictoires sur l’influence du confinement imposé après le 15 mars sur la pollution à Paris. Une polémique avec sans doute quelques intentions électorales opposait les partisans d’une réduction drastique de la circulation automobile aux automobilistes convaincus que la pollution n’était pas seulement imputable à leurs engins. La réduction de la circulation automobile de plus de 80% en mars et avril était bien sûr une façon de vérifier les deux options et dire si la pollution à Paris avait vraiment diminué.
Notons en passant que le discours dominant repris par tous les media véhicule souvent des approximations. Il ne faut que se pencher sur les résultats d’un sondage Ipsos de 2018, qui posait la question : la pollution dans vos villes augmente-t-elle ou diminue-t-elle ? Les réponses étaient : elle augmente beaucoup pour 63%, un peu pour 25%, elle ne diminuait que pour 1% des sondés. En réalité depuis 20 ans grâce au sans plomb, à la désulfuration des carburants, aux pots catalytiques et au AdBlue, la chimie et les progrès en catalyse (1) ont réussi à faire diminuer nettement l’émission des polluants : -87% pour le CO, -80% pour C6H6, -44% pour NOx, -70% pour les particules fines, -80% pour SO2, et -100% pour le plomb (*).
Il était donc très intéressant de se faire une opinion basée sur des chiffres de mesures officielles d’Airparif et non sur des impressions vagues ou tendancieuses (2).
En effet l’île-de-France est particulièrement bien fournie en capteurs spécialisés par polluant et dispersés de façon très intelligente pour gommer tous aléas climatiques ou accidentels. C’est près de 110 stations qui traquent et mesurent SO2, CO, O3, NOx, PM2,5, PM10 24 heures par jour et 365 jours par an (3).
Airparif donne chaque jour l’indice Atmo et l’indice européen Citeair noté de 0 à 100 et il a été possible de consulter les graphiques mensuels (0 à 50 vert, 50 à 70 orange, plus de 70 rouge).
Pour février 2020 les indices sont tous verts avec une moyenne de 30 sauf 2 jours orange à 50. Jusqu’au 15 mars on est aussi dans une moyenne de 30 après le 15 apparaissent 6 jours consécutifs orange avec des indices supérieurs à 50-60 puis deux jours, le 27 orange et le 28 rouge avec un indice à 80. Pour le mois d’avril : 7 jours orange au-dessus de 50 jusqu’au 21 avril, ce qui est assez comparable à avril 2019 avec 14 jours orange au-dessus de 50.
On aurait vite fait pour certains de dire que les moyennes des indices de pollution pendant le confinement sont plus élevées qu’en période normale alors que le trafic automobile a diminué de plus de 80% et l’activité économique de plus de 30% et donc que la pollution a été plus importante durant le confinement à Paris. En réalité les choses sont bien plus complexes. Pour les 6 polluants mesurés l’indice Citeair est « l’indice du pire », il ne fait pas une moyenne pondérée des sous-indices. Si par exemple pour SO2, NOx, O3, PM10 les mesures donnent respectivement 50, 30, 70, 40 l’indice Citeair prendra le plus élevé (70) sans tenir compte des autres même s’il y a amélioration pour l’un.
On peut alors faire des moyennes en teneur réelles à partir des chiffres Airparif. De février jusqu’au 15 mars et du 16 mars au 20 avril sur le tableau suivant (**) :
stations | sans confinement | avec confinement | différence | |
trafic | 83 | 14 | 83% | |
PM10 | 23 | 17,6 | 24,4 | +39% |
PM 2,5 | 13 | 7,9 | 14,7 | +87% |
NOx | 40 | 57 | 36 | -37% |
O3 | 22 | 56,6 | 67,5 | +19% |
CO | 5 | 0,124 | 0,006 | -71% |
SO2 | 6 | 0,66 | 0,58 | -12% |
On peut alors voir que la baisse de la circulation a fait nettement baisser la teneur en oxydes d’azote mais pas dans les mêmes proportions que la baisse de la circulation (40% comparée à 80%), ainsi que la teneur en oxyde de carbone et oxyde de soufre (4). On pourrait aussi y ajouter que les émissions de CO2 ont aussi baissées. Par contre, et c’est un peu paradoxal, on constate une augmentation des particules fines dont on sait qu’elles sont encore plus nocives que les oxydes d’azote ainsi que la teneur en ozone qui tendrait à dire que la qualité de l’air s’est détériorée au cours du confinement.
Plusieurs explications sont proposées par les spécialistes. Tout d’abord les particules notamment les PM2,5 les plus petites peuvent provenir de l’agriculture avec une saison printanière marquée en Île- de-France et aussi du chauffage au bois lors des soirées plus fraiches (5). Pour l’ozone on sait que les réactions entre les oxydes d’azote et les composés organiques volatils conduisent à sa production, on peut soupçonner les émissions volatiles des arbres et parcs reverdis et non taillés durant la période, plus importantes qu’en hiver (6).
La conclusion est que si le confinement et la baisse drastique de la circulation automobile a montré une diminution des oxydes d’azote et de carbone, elle n’a pas mis en évidence une remontée spectaculaire de la qualité de l’air dans Paris. D’autres sources de pollutions, le chauffage au fuel ou au bois, les vents apportant les poussières et aérosols de l’agriculture y contribuent. C’est donc, malgré les contraintes sanitaires de la distanciation, les recours aux transports en commun et pour les plus riches au véhicule électrique qui devraient être encouragés, en sachant cependant que cela ne résoudra pas l’équation complexe de la pollution des grandes villes.
Jean-Claude Bernier
Mai 2020
(*) Ch Gerondeau, L’air est pur à Paris… mais personne ne le sait ! (éd. L’artilleur, 2018)
(**) Rémi Prud’homme, Confinement : moins de voitures, plus de pollution
Pour en savoir plus
(1) Un exemple de matériau spécifique : pots catalytiques et dépollution automobile
(2) Démocratiser l’information environnementale pour mieux respirer en ville
(3) Les défis de la santé et du bien-être en ville : pollution atmosphérique, nuisance thermique, odeurs
(4) Comment assainir l’atmosphère des villes ? L’hydrotraitement
(5) Ah, un bon feu de bois dans la cheminée !
(6) Chimie atmosphérique et climat
Illustration : Avenue de la Grande Armée, Paris 26 mars 2020, Eric Salard/FlickR, Licence CC BY-SA 2.0
Avec la crise sanitaire occasionnée par le Covid-19 et avec le déconfinement qui s’annonce, la France veut devenir auto-suffisante en masques sanitaires, chirurgicaux mais aussi FFP2 et FFP3 (1). Il existe déjà plusieurs producteurs français Kolmi-Hopen, près d’Angers, qui a reçu récemment la visite du président Macron, Paul Boyé Technologies en Haute-Garonne, Valmy dans la Loire, Macopharma à Mouvaux dans le Nord. Depuis le début de la crise et devant la demande en masques, ils ont accéléré leurs productions, ce qui a permis d’arriver progressivement à 10 millions par semaine fin avril, avec pour objectif 20 millions fin mai puis 40 millions en octobre. Devant la demande importante sur ce marché et avec l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) par le ministère de l’Économie, de nouveaux acteurs se lancent aussi dans cette fabrication.
Ce sont à nouveau la chimie, et notamment la chimie des matériaux, qui est alors sollicitée. En effet pour que la France soit indépendante elle doit assurer son approvisionnement en matières premières, en particulier celles qui permettent d’obtenir la composition des 3 couches du masque standard SMS (spunbond-meltblown-spunbond) de tissus non tissés. Or il n’existe qu’une seule unité de production de textile non tissé par extrusion-soufflage (meltblown), Fiberweb, une filiale d’une société américaine située dans le Haut-Rhin, qui annonce investir dans une nouvelle ligne pour tripler sa production, mais qui ne couvrira pas sans doute les besoins des producteurs de masque de l’hexagone.
Deux techniques de production des non-tissés (2) sont possibles :
- l’extrusion-soufflage ou meltblown qui consiste à extruder rapidement un polymère fondu et à le souffler sous forme de fibres, un peu comme on couvre nos greniers de laine de verre en soufflant les fibres pour l’isolation thermique. On utilise des thermoplastiques comme le polypropylène (3) ou le polyester (4).
- l’electrospinning ou électrofilage qui permet l’obtention de micro et même nanofibres par extrusion fine assistée par électrostatique, également à partir de polymères fondus ou en suspension dans un solvant.
Ces techniques sont matures et connues dans l’ingénierie des polymères, la seconde permet l’élaboration de membranes non tissées (5). La maîtrise de la structure des fibres, le contrôle de l’organisation des nanofibres dans la micro-structuration du matériau et la composition chimique à l’échelle de quelques dizaines de microns permettent aussi les applications pour la santé (6). On peut aussi jouer sur les mélanges de polymères hydrophobes ou hydrophiles ; polypropylène, polyimide, sur les électrostatiques ; polyester, acrylique. Selon les combinaisons et leurs tailles, les microfibres ou nanofibres piègent par liaisons de van der Waals ou par électrostatique les gouttes des aérosols et/ou les bactéries ou les virus (7).
Espérons que de nouveaux candidats plasturgistes se déclarent intéressés par ces nouvelles activités, le ministère de l’Économie est prêt à subventionner à hauteur de 30% les investissements encore faut-il assurer l’émergence d’un marché pérenne.
Jean-Claude Bernier et Catherine Vialle
Mai 2020
Illustration : Fibres polymères vues au microscope électronique à balayage (Daltster - travail personnel, CC BY-SA 3.0, Wikimedia)
Pour en savoir plus
(1) Comment fonctionnent les masques de protection respiratoire (sur le site de Pour la Science)
(2) Le textile, un matériau multifonctionnel
(3) Polypropylène (produit du jour de la SCF)
(4) Les chimistes dans l’aventure des nouveaux matériaux
(5) L’intelligence textile (vidéo)
(6) Chimie du et pour le vivant : objectif santé
(7) Electrospinning et nanofabrication pour la santé et l’énergie – ICPEES (CNRS - Université de Strasbourg)
En cette année 2020, la France célèbre le bicentenaire d’une découverte majeure, celle de la quinine extraite de l’écorce d’un quinquina, par P.J. Pelletier et J.B. Caventou. À cette occasion Mediachimie vous invite à découvrir, sous forme d'anecdotes historiques, cette découverte de toute première importance :
Guérir du paludisme grâce à « l’Indian tonic » ?
- ACTE I : Le quinquina, remède du Nouveau Monde pour une maladie de l’Ancien : légendes et réalités d’une découverte
- ACTE II : Le quinquina, polémiques religieuses et querelles médicales
- ACTE III : Du quinquina à la quinine et à ses analogues ou du naturel au synthétique
et amusez-vous à tester vos connaissances avec ce quiz : La quinine et le paludisme
La radioactivité a été découverte par un français Henri Becquerel en 1896 qui a constaté qu’en enveloppant un minerai d’uranium d’un papier photographique, celui-ci était impressionné en l’absence de toute lumière par un rayonnement inconnu qu’il a baptisé radioactivité.
C’est une propriété d’isotopes instables comme l’uranium 238 (238U) ou le thorium 232 (232Th). Marie Curie découvrit plus tard cette même propriété pour le radium (Ra). Les atomes radioactifs comportent dans leur noyau un nombre de nucléons (protons + neutrons) qui rend ce noyau instable. Pour retrouver une configuration stable ils émettent de l’énergie par rayonnement α (noyaux d’hélium, He), β (électrons) ou γ (photons).
La première unité de mesure de la radioactivité fut le becquerel 1 Bq qui correspond à une désintégration par seconde. L’activité d’une source peut s’exprimer en Bq ou en Bq/kg activité massique (1). Notre corps est lui-même radioactif d’environ 120 Bq/kg. Si vous pesez 70 kg, l’activité est d’environ 8 000 Bq due principalement au potassium 40 (40K) et au carbone 14 (14C).
Ce qui est plus important c’est la dose de radioactivité absorbée par une cible, en joules par kilogramme (J/kg). Anciennement appelée rad pour Radiation Absorbed Dose (rad) elle est actuellement, dans le système international (SI) exprimée en gray (Gy) :
1 Gy = 1 J/kg = 100 rad.
Elle trouve son utilité en radioprotection. On définit alors la dose efficace qui est la somme pondérée des doses équivalentes (des rayonnements α, β et γ) absorbées par les organes et tissus humains. Elle est exprimée dans le système international en sievert (Sv) (2) ou son millième, le mSv, unité universellement admise pour la mesure d’exposition à la radioactivité et risques d’apparitions de dégradations de la santé.
Les facteurs de radioactivité
Sur terre nous sommes exposés à plusieurs facteurs. Tout d’abord les rayonnements cosmiques qui nous arrivent du Soleil et de l’espace, le rayonnement tellurique issu des réactions du noyau terrestre et aussi le radon, un gaz lourd radioactif plus ou moins présent dans le sol et le sous-sol, particulièrement dans les régions granitiques. N’oublions pas nos propres activités humaines : si vous passez une radiographie ou un scanner vous êtes exposés aux rayons X (analogues au rayonnement γ), si vous skiez en altitude ou si vous faites des voyages en avion vous serez exposés à plus de rayons cosmiques. Enfin votre propre alimentation vous fait absorber le 40K présent dans les aliments.
Sources | en mSv par personne et par an |
Radon | 1,4 |
Examen médical | 1,6 |
Rayonnement telleurique | 0,6 |
Rayonnement cosmique | 0,3 |
Alimentation | 0,5 |
Dose moyenne | 4,4 |
Le tableau montre les principales sources et les moyennes, Il peut y avoir de fortes variations suivant les régions habitées, l’altitude fréquentée, l’alimentation absorbée et le comportement individuel.
Quelques exemples et de fausses idées
Pour le radon, dans une cave dans le Cantal, en Lozère ou en Bretagne vous pouvez mesurer des valeurs très variables de 0,5 à 3 mSv. Une radiographie des poumons ou de l’abdomen peut donner des valeurs comprises entre 0,5 et 1,2 mSv, un scanner beaucoup plus. Un voyage aller et retour Paris – New-York, 0,06 mSv, un séjour de ski d’une semaine à 2000 m correspond à 0,25 mSv.
La dose admise réglementairement d’exposition annuelle pour la radioactivité artificielle est de 1 mSv. C’est une norme et ne correspond en rien à une limite dangereuse. Celle-ci est de 100 mSv et correspond à la zone rouge pour la protection des travailleurs du nucléaire pour lesquels on fixe une limite de 20 mSv cumulés sur les 12 derniers mois pour qu’il n’y ait aucune répercussion sur leur formule sanguine.
Les mesures de la radioactivité de l’air se sont multipliées depuis les années 2000, elle est de l’ordre de 100 nSv/h (nSv = nanosievert ou 10-6 mSv). Le réseau de l’IRSN (3) donne pour les grandes villes françaises des valeurs comprises entre 112 et 130 nSv/h. Les retombées radioactives des expériences nucléaires en atmosphère qui ont eu cours jusque dans les années 1970 et l’accident de Tchernobyl en 1986 ne contribuent actuellement à la radioactivité des sols que pour 0,05 mSv, en constante diminution. Les anciens postes de télévision à tube cathodique émettaient des rayons X et pouvaient contribuer à 0,02 mSv par an pour le téléspectateur, les écrans plats n’émettent plus.
D’autres exemples : fumer une cigarette représente 7µSv à cause des goudrons. Combien en fumez-vous ? Si vous mangez beaucoup de crustacés et de coquillages vous absorbez l’iode 131 et le polonium 210 présent dans l’eau de mer mais cela se chiffre en nano et microsievert rassurez-vous. Dans tous les cas le citoyen français en moyenne ne reçoit que de 3 à 4 mSv par an, surtout par radioactivité naturelle, soit une exposition 25 fois plus faible que la dose dangereuse.
Jean-Claude Bernier et l'équipe Question du mois
(1) À côté du becquerel d’autres unités ont été utilisées. Ainsi le curie (Ci) représentant l’activité d’un gramme de radium, soit 1 Ci = 37 109 Bq.
(2) L’ancienne unité pour la dose équivalente et la dose efficace était le rem, pour « röntgen equivalent man ». 1 Sv = 100 rem
(3) IRSN : Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire
Découvrez les dernières vidéos de la série Des Idées plein la Tech’ et Petites histoires de la chimie :
Synthèse contre palu
Chimie de campagne
Goethe et la découverte de la caféine
Édouard Grimaux, ca fermente !
- À la suite des travaux de la lauréate du Prix Nobel Youyou Tu, le Laboratoire de Chimie de Coordination (LLC) du CNRS à Toulouse travaille à la synthèse de nouvelles molécules pour soigner le paludisme : Synthèse contre palu
- Étude des effets des pesticides sur les sols d’une tourbière utilisée pour la culture du maïs : Chimie de campagne
- Johann Wolfgang von Goethe est connu comme écrivain, mais il était aussi curieux. Il demanda au jeune chimiste Friedlieb Ferdinand Runge pourquoi le café maintenait éveillé. Ce fut le début d’une série de découvertes mobilisant de grands chimistes en Europe, allant de la caféine à des molécules importantes pour la chimie organique et l’industrie des colorants : Goethe et la découverte de la caféine
- Édouard Grimaux fut chimiste, découvreur d’un sucre synthétique fermentescible. Mais ce chercheur foisonnant et original fut aussi pharmacien, médecin, enseignant, ami de Georges Clemenceau, biographe de Lavoisier et farouche défenseur des Droits de l’Homme, engagé notamment dans la défense du capitaine Dreyfus : Édouard Grimaux, ca fermente !
Pour contribuer à la continuité pédagogique en ces temps de confinement, Mediachimie.org vous propose de retrouver un ensemble de ressources dédiées à la chimie, ses innovations et son enseignement. Ces ressources sont issues du site Mediachimie mais également de nos partenaires (Nathan, La main à la pâte…).
L’accès à ces ressources est gratuit et permettra aux collégiens, lycéens et étudiants de disposer de différents média (articles, animations et vidéos) conformes aux programmes en vigueur.
Cette page est actualisée régulièrement, n’hésitez pas à la consulter régulièrement et à la partager.
Toute notre équipe vous assure de son soutien.
Mediachimie
Vous trouverez dans l'Espace Enseignants, des documents indexés par thématiques transverses pour les écoles et les collèges et l’enseignement supérieur, et par ligne des programmes actuels pour les lycées. N’hésitez pas également à utiliser les ressources pour le lycée réalisées dans le cadre du partenariat Fondation Maison de la Chimie/Nathan : dossiers pédagogiques et fiches d’orientation.
L’Espace Médiathèque présente les ressources par thèmes transdisciplinaires d’intérêt sociétaux. On y trouve également une partie histoire de la chimie qui propose entre autres des animations vidéos.
L’Espace Métiers aide à répondre à vos questions Quelle orientation ? Quelle formation choisir ? Vers quels métiers ? et détaille plus précisément les parcours types de formations (CAP/BacPro/Bac Techno, Bac+2/3, Bac+5/8) et tous les métiers où une formation en chimie est nécessaire.
Des fiches « Les chimistes dans … » permettent de découvrir que les chimistes interviennent dans de très nombreux secteurs d’activité et ce qu’ils y apportent. 62 fiches métiers accompagnées de nombreuses vidéos décrivent les fonctions que l’on peut exercer dans les différents domaines d’activité des entreprises (recherche, développement, procédés, marketing, vente…). Pour les collégiens un ensemble de fiches métiers leur est dédié. Enfin pour en savoir plus sur les salaires, les bourses d’emploi, la formation par l’apprentissage… vous pouvez consulter la rubrique Des réponses à vos questions.
Nathan, Bordas, Le Robert
Les éditions Bordas, Nathan et Le Robert s’engagent pour assurer la continuité pédagogique auprès des élèves concernés par les mesures de confinement.
Tous les manuels de la 6e à la 3e existants sous forme numérique sont désormais accessibles d’un simple clic sur le site adistance.manuelnumerique.com. L’accès à ces ressources permettra aux collégiens et à leurs familles de disposer d’une consultation d’ouvrages conformes aux programmes en vigueur.
La main à la pâte
Dans le cadre de la continuité pédagogique, notre partenaire, La main à la pâte, propose semaine après semaine des pistes d'activités pour que les professeurs (et éventuellement les parents) puissent faire travailler les élèves sur des thématiques scientifiques.
Retrouvez les différentes pages :
Parmi les objectifs de la PPE (programmation pluriannuelle de l’énergie) figure l’objectif en 2030 de 30 % de production électrique par les énergies renouvelables (1). Si près de la moitié est déjà fournie par l’hydraulique, on se base alors sur le développement de l’éolien et du photovoltaïque (2) qui ne représentent respectivement que 5,2 % et 2 % de la production nationale. Un volet encore modeste est celui de la géothermie qui peut apporter sa contribution non seulement à l’électrique mais aussi aux réseaux de chaleur.
La production d’électricité géothermique (3) est une technologie mature avec de nombreux exemples aux États-Unis avec 19 TWh de production, suivis par les Philippines et l’Indonésie autour de 10 TWh. On sait aussi que l’Islande avec 5 TWh et ses réseaux de chaleur est quasi autonome. La France avec seulement 1,5 TWh, soit moins de 0,3 % de la production, révèle un potentiel croissant.
Le site principal utilisant une nappe d’eau chaude est situé à Bouillante en Guadeloupe qui va porter sa puissance à 25 MW en 2020. Le second site, alsacien, à Soultz-sous-Forêts, utilise une autre méthode de géothermie profonde en récupérant la chaleur des roches granitiques poreuses à 5000 m de profondeur, profitant du gradient thermique exceptionnel du sol près de l’arc de la fosse géologique rhénane. La plateforme expérimentale de Soultz, créée en 1987 par une poignée d’ingénieurs et de chercheurs soutenus par Électricité de Strasbourg (ÉS) et le BRGM, a permis jusqu’en 2007 d’accroître les connaissances sur la fluidité des roches et la récupération de la chaleur (4). Depuis 2008 elle est exploitée industriellement par une société franco-allemande (ÉS et EnBW) et fournit 1,5 MW de puissance. Elle a essaimé à 7 km de là, à Rittershoffen, avec un nouveau forage qui fournit, depuis 2016, 24 MW thermique au circuit de vapeur de l’usine Roquette grâce à un réseau de chaleur de 15 km. Depuis, les projets de forage dans le Bas-Rhin se sont multipliés surtout depuis que les analyses des eaux de forage sur la plateforme de Vendenheim-Reichstett ont montré qu’elles contenaient de 0,15 g à 0,2 g/L de chlorure de lithium. Rappelons que le lithium est actuellement un métal très demandé, dont le prix à la tonne augmente fortement à cause de son utilisation croissante dans les batteries ion–lithium (5). Dans ce cadre un consortium international de recherche EuGeLi (European Geothermal Lithium Brine) s’est formé pour exploiter le procédé propre d’Eramet qui consiste par procédé membranaire à retenir le chlorure puis le transformer en carbonate et à réinjecter les eaux après échange de chaleur et production d’électricité. Les promoteurs du projet veulent implanter un démonstrateur en 2021 et tablent prudemment sur une production annuelle de l’ordre de 1500 tonnes de carbonate de lithium vers 2025.
Restent encore quelques obstacles : les acteurs de la géothermie profonde conditionnent ce développement prometteur à un soutien public pour un complément rémunérateur, situé à 246 € le MWh, voire 200 € si la commercialisation du lithium vient abaisser le prix de revient (6) (notons qu’il y a quelques années le rachat du solaire photovoltaïque était à 600 €/MWh). Il faudra ensuite faire une étude sérieuse du coût de carbonate de lithium au niveau européen sachant cependant qu’une production nationale serait favorable à « l’Airbus européen des batteries ».
Enfin et ce n’est pas le moindre, la mise en place et le fonctionnement de ces forages à proximité du domaine de l’Europole de Strasbourg » a provoqué de micro-secousses sismiques (7) certes inférieures à 2 sur l’échelle de Richter mais qui inquiètent les riverains à tel point que le préfet a demandé un rapport des universitaires et chercheurs du centre de surveillance de l’Institut du globe de Strasbourg.
Souhaitons que ces problèmes économiques et géophysiques ne stoppent pas ces développements que les initiateurs des années 80 que j’ai bien connus n’avaient jamais imaginés même dans leurs rêves.
Jean-Claude Bernier *
Avril 2020
* Remerciements à Andrée Harari pour avoir initié cet éditorial.
Pour en savoir plus :
(1) Une électricité 100% renouvelable : rêve ou réalité ?
(2) Stocker l’énergie du Soleil (vidéo)
(3) La géothermie (vidéo)
(4) La maison écologique
(5) Les batteries sodium–ion
(6) Le lithium, nouvel or blanc ?
(7) Gaz de schistes : quels problèmes pour l’environnement et le développement durable ?
Les éditions Bordas, Nathan et Le Robert s’engagent pour assurer la continuité pédagogique auprès des élèves concernés par les mesures de confinement.
Tous les manuels de la 6e à la 3e existants sous forme numérique sont désormais accessibles d’un simple clic sur le site adistance.manuelnumerique.com. L’accès à ces ressources permettra aux collégiens et à leurs familles de disposer d’une consultation d’ouvrages conformes aux programmes en vigueur.
En outre n’hésitez pas à utiliser les ressources (lycée) réalisées dans le cadre du partenariat Fondation Maison de la Chimie/Nathan ainsi que l'ensemble des ressources sur Mediachimie pour accompagner au mieux vos élèves à distance dans le cadre des programmes scolaires de tous niveaux mais également pour l’enrichissement de leurs connaissances.
À circonstances exceptionnelles actualité exceptionnelle ! Mediachimie vous propose un article du professeur Bernard Meunier, membre du Conseil de la fondation de la Maison de la Chimie et ancien président de l'Académie des sciences.
Lire l’article de Bernard Meunier sur le site des Echos | Version PDF
Dans cet article paru dans "Les Echos" ce vendredi 27 mars, il analyse en tant que spécialiste reconnu internationalement de la biochimie les possibilités de trouver un remède au COVID-19, mais surtout il examine de façon critique la politique de santé et la stratégie de recherche pharmaceutique qui ont négligé le plus souvent les avancées et les potentiels des "petites molécules" chimiques.
Dans le cadre de la continuité pédagogique, notre partenaire, La main à la pâte, proposera semaine après semaine des pistes d'activités pour que les professeurs (et éventuellement les parents) puissent faire travailler les élèves sur des thématiques scientifiques.
Retrouvez ici ces ressources.
En outre n’hésitez pas à utiliser les ressources de Mediachimie pour accompagner au mieux vos élèves à distance dans le cadre des programmes scolaire mais également pour l’enrichissement de leurs connaissances.
Pour contribuer à la continuité pédagogique en ces temps de confinement, Mediachimie.org vous propose de retrouver un ensemble de ressources dédiées à la chimie, ses innovations et son enseignement.
L’accès à ces ressources est gratuit et permettra aux collégiens, aux lycéens et à leurs familles de disposer de différents média (articles, animations et vidéos) conformes aux programmes en vigueur.
Vous trouverez dans l'espace Enseignants, des documents indexés par thématiques transverses pour les collèges et l’enseignement supérieur, et par ligne de programme pour les lycées.
L’espace Médiathèque regroupe lui les documents par thèmes transdisciplinaires d’intérêt sociétaux. On y trouve également une partie histoire de la chimie qui propose entre autres des animations.
Toute notre équipe vous assure de son soutien.
Le microbiote humain
Le microbiote humain ou flore commensale (du latin con massa = manger ensemble) représente 10 fois plus de microorganismes que les cellules humaines qui nous composent : 1014 pour la flore et 1013 pour les cellules humaines.
Ces bactéries qui composent le microbiote n’ont pas de raison pour la plupart de nous effrayer. Mieux encore, elles agissent comme boucliers contre les agressions extérieures : pathogènes divers, pollution, UV solaire…
Le microbiote est utilisé par l’hôte (l’homme) pour se protéger contre les organismes pathogènes invasifs soit par une action directe anti-infectieuse due à la sécrétion des peptides antibiotiques, soit par une action indirecte à travers le système immunitaire avec lequel il a su bien s’adapter. Tel un professeur, le microbiote éduque en permanence notre système de défense contre les envahisseurs externes.
Il va de soi que les organes humains les mieux équipés sont les intestins et la peau qui sont le plus exposés aux agents extérieurs, les intestins par la nourriture et la peau par les contacts.
Le microbiote de la peau
La peau, organe le plus large du corps (1,8 m2 environ), est un écosystème composé de microorganismes tels que les bactéries (staphylocoques, Corynebacterium…), les champignons (Malasseziae…) et les acariens (Demodex). Toute cette flore est appelée microbiote ou microbiome cutané. Elle vit en symbiose (du grec vivre ensemble) avec notre épiderme, soit à la surface, soit en profondeur.
Répartition de la flore dans le corps humain (source : LEEM / source schéma : Dethiefsen et al. Nature 2007)
Tout individu possède sa propre flore microbienne laquelle est repartie en microenvironnements cutanés suivant la classification :
- zones grasses, par exemple le visage
- zones humides, par exemple les narines
- zones sèches, par exemple les paumes de mains
Pour faire court, les paumes de main abritent des microorganismes qui survivent en zones grasses ou humides, principalement des β-protéobacteries.
L’application des gels hydroalcooliques et conséquences
Les gels hydroalcooliques sont composés pour l’essentiel d’alcool éthylique (de 70 à 90 %), d’eau oxygéné, de glycérol et d’eau purifiée. Des alcools autres que l’alcool éthylique peuvent être utilisés.
Dans tous les cas de figure les gels tuent tous les agents infectieux sans discrimination et ne différencient pas le biotope des autres agents exogènes. Cette perturbation peut avoir des conséquences fâcheuses parfois dangereuses pour les individus.
Elle peut conduire entre autres à des eczémas et dermatites atopiques qui fragilisent l’épiderme, le rendant davantage perméable aux agents infectieux exogènes. La barrière externe de la peau présentant des fissures les agents peuvent être directement en contact avec le derme lui-même irrigué par du sang qui peut servir de véhicule de transmission systémique.
Une expérience originale menée par R. Gallo (1) a démontré que des doigts ainsi désinfectés peuvent facilement par la suite être surinfectés par des bactéries telles que le streptocoque du groupe A ou le staphylocoque.
Cette réalité dépend des individus, leur état de santé et concerne davantage les personnes âgées à peau fine et fragile dû à l’âge (peau en général sèche, dite papier de cigarette, facilement irritée).
Que dois-je faire ?
Il faut suivre strictement les règles d’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé).
L’ANSM recommande l’utilisation de solutions et gels hydroalcooliques EN L’ABSENCE DE POINT D’EAU DISPONIBLE : transports en commun…
Dans tous les cas il faut privilégier le lavage de mains lorsqu’un point d’eau potable est disponible.
Un dernier conseil : n’utiliser que de savons avec des agents surfactants ou tensioactifs neutres.
Les virus comme le Coronavirus (2) ne sont pas considérés comme des organismes vivants mais plutôt comme des agrégats ordonnés des molécules chimiques. Ces molécules peuvent être de nature hydrophile (qui aiment l’eau), de nature hydrophobe (qui ont peur de l’eau) ou amphiphiles (aimant l’eau et la graisse).
Dans tous les cas de figure, les molécules hydrophiles sont entrainées par l’eau, les molécules hydrophobes se complexent avec les agents surfactants existants dans les savons pour être par la suite entrainées par l’eau. Pour les amphiphiles cela va de soi (3).
Et si un lavage pas assez méticuleux n’a pas permis d’entrainer l’ensemble des particules nous pouvons considérer qu’il ne reste du virus que quelques débris moléculaires incapables d’assurer les fonctions du virus, c’est-à-dire infecter les organes cibles pour se démultiplier et nous coloniser.
Pr. Constantin Agouridas
Mars 2020
Pour en savoir plus :
(1) Le microbiote cutané : le poids lourd sort de l’ombre, J. di Domizio et al., Rev Med Suisse, 2016, 12:660-664
Status report from the scientific panel on Antibiotic use in dermatology of the American Acne and Rosacea Society, J.Q. Del Rosso et al., J. Clin. Aesthet. Dermatol., 2016
Epithelial antimicrobial defence of the skin and intestine, R. Gallo et L.V. Hooper, Nat. Rev. Immunol., 2012 Jun 25;12(7):503-16
(2) Le coronavirus, un défi pour la chimie du vivant
(3) La chimie et les produits d’hygiène et de soins corporels (Chimie et… Junior)
Télécharger les Indications pour l’hygiène des mains sur le site de l'OMS
Chimie et Société a le regret de vous informer que les rencontres Chimie & Terroir de Guéret sont reportées d'une année.
La page d'inscription sera remise en ligne en temps voulu.
Chimie et Société souhaite vous retrouver nombreux en mai 2021.
Les 12e rencontres Chimie & Terroir de Chimie et Société - Fondation de la Maison de la Chimie, organisées en partenariat avec le CCSTI Récréasciences, auront lieu à Guéret du 14 au 16 mai 2020.
Ateliers, démonstrations, discussions... à destination des scolaires et de tout public, mettront en lumière de nombreux thèmes liés au terroir creusois et limousin.
Les rencontres Chimie & Terroir mettent les jeunes et le public en relation avec des chimistes académiques et industriels autour de démonstrations et d’ateliers liés aux ressources locales de la ville hôte et de sa région. Deux journées sont réservées à l’accueil de classes (du cycle 3 à post-bac) et le samedi est ouvert à tout public. Les inscriptions scolaires sont ouvertes.
La liste des animations de Chimie & Terroir Guéret 2020 est en ligne sur le site de Chimie et Société. Chimie et agro-ressources, tapisserie, gastronomie, environnement, céramiques... sont au programme de cette édition creusoise.
Sous le patronage du Ministère de l'Economie et des Finances, La Fondation internationale de la Maison de la Chimie et France Chimie, organisent la 14e édition du Prix Pierre Potier.
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Avec le même dossier, participez également à la 3e édition du Prix Pierre Potier des Lycéens.
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Les dossiers de candidatures doivent être adressés par e-mail à la Fondation Internationale de la Maison de la Chimie avant le 30 avril 2020
à Pascale BRIDOU BUFFET - p.bridou-buffet@maisondelachimie.com
La maladie à coronavirus COVID-19, apparue en décembre 2019 à Wuhan en Chine sur un marché de la ville, a surpris les autorités chinoises par la rapidité de sa propagation. Elle a très vite touché des centaines d’habitants. Malgré la quarantaine qui a confiné 11 millions de Chinois chez eux fin janvier, la contagion a gagné plusieurs autres villes et d’autres foyers se sont fait jour non seulement en Chine mais au Japon, en Corée du Sud, en Iran, et tout récemment en Italie du Nord. Fin février, ce sont plus de 82 000 malades atteints et 2800 décès dans le monde, et outre les villes de la province de Hubei dont Wuhan est la capitale, plusieurs villes d’Italie sont fermées. Le patron de l’OMS s’inquiète d’une pandémie qui pourrait s’étendre mondialement, et la France, comme d’autres pays, s’y prépare.
Qu’est-ce qu’un virus ?
Plus petit que 100 nanomètres un virus ne peut pas être considéré comme un organisme vivant car il ne peut pas se répliquer seul. Il est constitué d’un assemblage de molécules, pour l’essentiel des ADN ou ARN et des protéines. Lors du contact avec un organisme vivant (homme, animal, plante…) le virus va utiliser la machinerie moléculaire de cet organisme vivant pour se répliquer et se démultiplier en plusieurs copies qui vont coloniser plusieurs centres vitaux de son hôte : voies respiratoires, intestins, sang…
Comment le virus nous attaque ?
Les coronavirus sont presque toujours d’origine animale, l’habitude chinoise d’acheter sur les marchés de petits animaux vivants comme les poissons, les volailles, les petits mammifères, confinés dans un espace restreint, ont sûrement développé une énorme charge virale. De plus la concentration des habitants en mégapoles de plusieurs millions d’habitants a probablement favorisé la propagation du virus. Il faut y ajouter le fort développement de la Chine depuis plusieurs années qui entraîne des migrations humaines nationales et internationales dans tous les secteurs : commercial, technique et scientifique.
Les coronavirus doivent leur nom à une petite couronne de protéines pointues dites spicules. Il y a deux sortes de coronavirus : ceux peu pathogènes qui circulent en France chaque année par temps froid et humide en hiver et disparaissent en été, provoquant les rhumes, laryngites et grippes saisonnières et ceux au comportement hautement pathogène dont deux sont déjà connus le SARS-CoV en 2003 responsable du SRAS (Syndrome Respiratoire Aigu Sévère) et le MERS-CoV responsable du MERS (Middle East respiratory syndrome) en 2012, qui ont fait des victimes en Chine et au Moyen-Orient. Ce nouveau virus, temporairement appelé en janvier 2019–nCoV et définitivement nommé SARS-CoV-2 le 11 février 2020 par l’ICTV (Comité international de taxonomie des virus), était inconnu jusqu’à ce que plusieurs laboratoires dans le monde dont celui de l’Institut Pasteur en France l’isolent, grâce aux prélèvements positifs. Le laboratoire parisien commence à le cultiver sur des souches pathogènes dès le 24 janvier 2020. La collaboration internationale a alors permis très rapidement le séquençage complet du génome de ce coronavirus et ainsi de commencer à étudier sa structure pour comprendre la façon dont il nous attaque (1).
Le virus transmis par des postillons ou des aérosols émis par les malades pénètre dans les cellules nasales. Grâce à cette couronne de protéines pointues (spicules) il se verrouille sur une protéine de surface des cellules appelée récepteur. On peut aussi assimiler les spicules à une « clé » qui se fixe sur la « serrure » du récepteur (2). Le virus libère alors via une vésicule dite endosome son ARN (3) dans le cytoplasme de la cellule qui produit alors les protéines virales nécessaires à sa réplication. Avec son enzyme viral il fait alors de multiples copies de son ARN et donne naissance à plusieurs virus répliqués qui s’échappent de la cellule pour attaquer d’autres cellules et ceci en quelques heures.
Comment réagir et se protéger ?
Grâce à la rapidité du séquençage de son génome, on a pu remonter à la structure du coronavirus. Il y a une semaine une équipe de chercheurs de l’université d’Austin (Texas, USA) a pu mettre au point sa structure 3D et de la partie des spicules (la clé) en utilisant la cryomicroscopie électronique moyen d’étude dont les inventeurs avaient obtenu le prix Nobel de chimie 2017 (4). On peut par ce moyen obtenir de multitudes d’images des molécules figées à basse température et même en faire de petits films. Cette étude a montré de plus que la porte d’entrée dans les cellules humaines était bien le récepteur ACE2 déjà identifié lors du SRAS, mais la « clé » était ici semble-t-il encore mieux adaptée à sa serrure, ce qui pourrait expliquer la rapidité de sa propagation.
Les pistes pour traiter les malades sont alors de deux types :
- des antiviraux qui empêchent la réplication du virus à l’intérieur des cellules comme la chloroquine, une molécule utilisée comme antipaludique et qui bloque la capacité du virus à acidifier les endosomes pour libérer l’ARN, ou le remdesivir qui agit comme un nucléotide sur l’élément constitutif de l’ARN, en s’immisçant dans la séquence copiée, créant une « faute de frappe » et la rendant inutilisable pour la réplication (5).
- des inhibiteurs de protéase déjà testés pour le traitement du VIH, du SRAS et du MERS. Ils bloquent la capacité de la protéine « protease » à couper une longue protéine non fonctionnelle en protéines plus petites nécessaires à la réplication du virus.
L’immunologie par biosynthèse consiste à produire des anticorps dans la cellule en y transférant deux ADN, ces deux ADN seront transcrits en ARN messagers qui vont migrer dans le cytosol et s’ajouteront à la protéine de surface empêchant le virus de se fixer sur sa cible (si la serrure change la clé ne marche plus) (6). C’est aussi une piste pour la vaccination, comme celle d’injecter des anticorps venus de malades guéris. Pour l’instant, les traitements des malades utilisent des molécules comme la chloroquine, le remdesivir ou des inhibiteurs tels que le lopinavir ou le ritonavir et l’interféron déjà connus et utilisés dans les cas de syndromes respiratoires aigus et donnant de bons résultats comme à Bordeaux sur le malade qui est sorti récemment de clinique. Pour un éventuel vaccin il faudra sans doute attendre plusieurs années malgré le nombre de laboratoires de recherche en biochimie et pharmacie qui se sont mis sur le sujet.
En France un plan de veille et de prévention est mis en place en mobilisant plus de 100 hôpitaux et en passant les laboratoires d’analyses à une capacité de plusieurs milliers de tests de dépistage par jour. Une bonne règle personnelle d’hygiène est de se laver les mains régulièrement et de protéger la bouche en cas de toux, cela vous évitera sans doute déjà le rhume ou la grippe de saison (7).
Jean-Claude Bernier, Constantin Agouridas et Catherine Vialle
27 février 2020
Pour en savoir plus
(1) Chimie du et pour le vivant : objectif santé
(2) La chimie supramoléculaire et ses formes modernes
(3) Cibler l’ADN : pour la compréhension du vivant
(4) Le prix Nobel 2017
(5) Molécules hybrides pour de nouveaux médicaments : mythe ou réalité ?
(6) De la biologie de synthèse aux biomédicaments
(7) La chimie et les produits d’hygiène et de soins corporels (Chimie et… Junior)
L'image d'illustration, réalisée par Centers for Disease Control and Prevention (CDC), révèle la morphologie des coronavirus.
Vous qui n’aurez pas la possibilité de venir à la Fondation de la Maison de la Chimie le 26 février 2020, vous pourrez assister en direct au « Colloque Chimie et Lumière »
sur Mediachimie ou sur Youtube.
La captation des conférences sera par la suite disponible en ligne et leur mise à disposition sera indiquée sur la page d'accueil de Mediachimie.
En 2003 la directive européenne RED (Renewable Energy Directive) a demandé aux pays européens des réductions d’émission de gaz à effet de serre (GES), notamment pour le transport, en faisant appel aux biocarburants capables de diminuer de 35% en 2017 puis de 50% en 2018 les émissions. Les pétroliers ont alors ajouté de l’alcool dans l’essence et des esters d’huiles végétales dans le gasoil, d’origine biosourcée.
Comment fabrique-t-on le bioéthanol (selon les procédés dits de 1re génération) ?
L’éthanol ou alcool éthylique, de formule chimique C2H5OH, est principalement synthétisé lors de la fermentation du sucre, soit de canne à sucre, soit de betterave suivant la réaction :
ou à partir d’amidon de blé ou de maïs, préalablement hydrolysé en sucre, selon :
(C6H10O5)n + n H2O = n C6H12O6 suivi de la fermentation (1).
Lors de ces réactions, l’alcool obtenu est mélangé à de l’eau que l’on doit absolument éliminer.
Pour cela l’opération industrielle se poursuit par une distillation pour obtenir un mélange eau-alcool à 90% (2) en éthanol. Puis les 10% d’eau restants sont éliminés sur tamis moléculaires pour que l’alcool purifié à 99,8% puisse être mélangé à l’essence. Les pétroliers en transforment une partie en ETBE (éthyl ter-butyl éther) (3) par réaction avec l’isobutène (4) afin d’avoir un carburant moins volatil.
Le rendement énergétique de l’éthanol est inférieur à celui de l’essence. En effet le rendement avec un litre et demi d’éthanol équivaut environ à celui d’un litre d’essence. Il faut donc s’attendre pour une automobile à une consommation supérieure au 100 km.
Les différents carburants à la « pompe à essence » : pour quels moteurs ?
En France les différents carburants à essence contiennent des quantités variables d’alcool.
Nom du carburant | SP 95 | SP 98 | SP95 E10 | super éthanol E 85 |
Logo à la pompe depuis octobre 2018 | E5 | E5 | E10 | E85 |
Pourcentage maximum d’éthanol pur | 5 % | 5% | 10 % | 65 à 85 % selon la saison |
Tous les moteurs modernes sont conçus pour fonctionner avec les 3 premiers carburants.
Par contre pour le E85 il faut une automobile dite « flexfuel » équipée d’un système d’injection et de réglages du moteur lui permettant d’utiliser tous les carburants modulables. Seuls quelques constructeurs commercialisent ces véhicules qui ne représentent à l’achat que 0,3% du neuf. Heureusement depuis 2018 des boitiers électroniques agréés s’adaptent sur les autres automobiles leur permettant de rouler à l’E85 et environ 6000 automobilistes par an y recourent. C’est qu’ils recherchent des économies et une rentabilité car l’E85 est bien moins taxé que l’essence normale (0,12 € au lieu de 0,68 €) ce qui donne un prix moyen de 0,70€/L à la pompe pour l’E85.
Pour une voiture consommant 6 L/100 km de SP 95 à 1,50€/L et équipée pour rouler avec 7L/100 km d’E85 à 0,70 €/L, l’économie est de l’ordre de 4 €. Il faut alors de 20 000 à 25 000 km pour rentabiliser la pose du boitier FlexFuel d’environ 1000€.
[Ajout octobre 2020 : Les données actualisées mensuellement sont disponibles sur le site du Syndicat National des Producteurs d'Alcool Agricole, notamment sur la répartition de l’utilisation des carburants et les coûts et gains d’utilisations du SP95-E10 et du Superéthnol-E85. En 2020, l’estimation d’installations de boitiers est de 3000 par mois.]
Concurrence entre cultures à des fins énergétiques et cultures alimentaires
Alors « sauverons-nous la planète » (5) en roulant au bioéthanol ? La polémique a grossi dès 2010 après des rapports américains qui dénonçaient l’utilisation de cultures vivrières à des fins énergétiques et s’est enflée en 2016 après une étude très documentée de l’ADEME, de l’INRA et d’une ONG « Transport et environnement » pour la Commission de Bruxelles. Non seulement les gains en émission de GES étaient très inférieurs à 30% pour l’éthanol issu des céréales – avec de grandes disparités selon les céréales - mais le chiffrage du CAS (Changement d’affectation des sols) plombait encore ce bilan (6). C’est pourquoi la commission n’a pas voulu augmenter le pourcentage de biocarburants de 1re génération après 2018 comme prévu dans la directive RED.
[Ajout octobre 2020 : Une étude commandée par la Commission européenne a débouché sur la publication en mars 2019 d’un règlement délégué de la Commisssion. Les impacts sur le Changement Indirect d’Affectation des Sols sont détaillés en annexe pour les différentes cultures céréalières, sucrières et oléagineuses. Ces cultures sont classées en dessous du seuil limite de 10% définissant les biocarburants à risque ILUC élevé (risque de changement indirect d’affectation des terres), à l’exception de l’huile de palme dont la valeur est à 45%.]
Quelle est la situation en France ?
Le SP95 E10 est devenu le carburant le plus vendu avec plus de 40% des ventes à la pompe en 2019. L’éthanol représente environ 10% des carburants vendus en France.
Le dernier rapport du ministère de l’Écologie solidaire et celui de la commission parlementaire du 22 janvier précise qu’en 2017 543 millions de litres d’éthanol ont été produits, issus de matières premières française (55% maïs et blé, 33% betterave, 12% divers). De même 753 ML d’ETBE ont été produits à partir de 55% de matières françaises (80% blé et maïs, 18% betterave).
[Ajout octobre 2020 : La production française de bioéthanol utilise moins de 1% de la surface agricole utile nationale.]
Ces deux rapports recommandent d’accélérer la recherche pour l’obtention d’éthanol dit « cellulosique » produit à partir de la biomasse « lignocellulosique » issue de déchets végétaux (bois, paille, bagasses de végétaux), selon des procédés biochimiques.
Pour l’instant des cocktails d’enzymes capables de transformer la cellulose en sucres ont été trouvés et on sait à la fois séparer la lignine et mener la fermentation en bioréacteurs mais le coût de l’alcool produit n’est pas encore compétitif. En France le projet Futurol mené par 11 participants, dont l’IFPEN (8), est arrivé à son terme en 2018 après dix ans de recherche. La bioraffinerie pilote de ce projet à Pomacle-Bazancourt dans la Marne a été cédée à la société ARD (Agro Industrie Recherches et Développements) chargée de son maintien et de la commercialisation de cet éthanol cellulosique français pour le biocarburant 2G (9).
Un peu d’histoire (un retour aux sources ?)
L’inventeur du moteur à explosion, Nicolas Otton, avait conçu ce moteur avec l’alcool comme carburant et le record de vitesse automobile avait été obtenu en 1903 à 177 km/h sur une Gobron-Brillé roulant à l’éthanol. C’est seulement quand les hydrocarbures sont devenus moins chers que l’essence a remplacé l’alcool.
La production de futurs biocarburants respectant les enjeux environnementaux et économiques est un défi exaltant auquel doivent répondre les chimistes et bio-technologistes. Pour nous, automobilistes dans une société économe des ressources, quel que soit le carburant adoptons une conduite cool et écolo !
L’équipe question du mois
(1) Un schéma présentant les étapes de la production de bioéthanol est disponible sur le site SNPAA des Industriels de l'Alcool et du Bioéthanol
(2) Il s’agit de la fraction molaire en éthanol du mélange eau/éthanol
(3) Le nom ETBE est le nom industriel. Son nom selon la nomenclature est le 2-éthoxy,2-méthylpropane.
(4) La réaction mise en jeu entre l’isobutène et l’éthanol pour donner l’ETBE est
(5) Un exemple d’énergie renouvelable : l’essence verte
(6) Les enjeux de la R&D en chimie pour le domaine des carburants et biocarburants
(7) Polémiques dans le monde des biocarburants
(8) IFPEN : Institut Français du Pétrole et des Énergies Nouvelles