L’impression 3D encore appelée couramment Fabrication Additive (FA) a quitté le domaine du prototypage dans les années 1980 pour gagner le domaine industriel et même le domaine ludique après les années 2000. Elle consiste à réaliser des pièces en 3 dimensions par ajouts successifs de couches de matières principalement des polymères ou des métaux. Elle s’oppose donc à la fabrication soustractive dont le principe est de retirer de la matière à une pièce préalablement moulée (1).
Elle présente de multiples avantages : elle repousse les limites de la technologie en réalisant des formes complexes jusqu’ici irréalisables par moulage ou forgeage, elle permet d’optimiser la quantité de matière première et donc de réduire les coûts et elle permet aussi de réduire les déchets.
Quels sont les procédés de Fabrications Additives ?
Le principe repose sur celui des imprimantes à jet d’encre que l’on retrouve dans tous les bureaux, sauf qu’ici on ne projette plus d’encre chargée en noir de carbone mais un polymère fondu ou une poudre métallique. De même, la buse de projection ne se promène plus de droite à gauche au-dessus du papier (2D), mais elle est animée d’un mouvement vertical au-dessus d’un plateau qui bouge horizontalement (3D).
- FDM (Fused Deposition Modelling) est le procédé le plus connu. L’imprimante est alimentée par un filament de moins d’un millimètre de diamètre d’un thermoplastique qui passe dans une buse chauffée à environ 150° à 250°C. Commandés par un logiciel qui contient les données géométriques de l’objet à fabriquer, les mouvements du plateau et de la buse construisent l’objet couche après couche. Des bobines de fils de PLA (acide polylactique) biodégradable, d’ABS (acrylonitrile butadiène styrène) ou de PET (polyéthylène téréphtalate basse et haute densité) sont maintenant disponibles très couramment chez les industriels des polymères et en 2009 l’expiration des brevets FDM popularise cette technique et lui donne un fort développement.
- Autres types de procédés dérivés du FDM :
- FTI (Film Transfer Imaging) utilise un photopolymère ; après dépôt on illumine avec des lampes infrarouges ou un laser UV pour durcir les couches de résine (SLA StéreoLithography Apparatus) ;
- MJM (Modelage à Jets Multiples) dispose de plusieurs buses et des arrivées de mélanges pour avoir des couches de polypropylène et d’acrylates ;
- SLS (Selective Laser Sintering) quitte le domaine des polymères pour la métallurgie. Des couches successives de poudres de métal (aluminium, acier, titane…) sont déposées et sont frittées par un laser IR de puissance (2). Avec les brevets sur le SLS qui ont expiré en 2014, nombre d’entreprises se sont lancées avec des ateliers entiers d’imprimantes à la fabrication de pièces complexes en petites séries pour l’automobile, l’aéronautique et le spatial.
- Autres types dérivés du SLS :
- le SLM (Selective Laser Melting) : on fait fondre à haute température le fil métallique et on dépose des couches de métal fondu.
- le WAAM (Wire Arc Additive Manufacturing) est un peu une déviation de la soudure à l’arc, puisque le fil est une électrode mise en fusion par arc électrique et le métal fondu est déposé couche après couche. Ce procédé s’est fortement développé depuis 2020.
- le MBJ (Metal Binder Jetting), une nouvelle variante, consiste à projeter des gouttes de liants sur un lit de poudre métallique pour l’agglomérer, puis à passer la pièce dans un four de frittage ; le liant est alors brûlé et la pièce consolidée. L’avantage est que l’impression se fait à température ordinaire, et que l’on peut en faire des centaines en même temps : c’est la voie conduisant aux grandes séries.
Les applications
Les applications sont nombreuses.
Beaucoup de petites pièces d’électroménager sont fabriquées en plastique (polyéthylène, rilsan, nylon). Une fois le logiciel d’impression configuré, les imprimantes alimentées par des bobines de résines fonctionnent toutes seules ; la main d’œuvre est réduite ainsi que les coûts de fabrication. Dans les années 2000, la baisse des prix sur les imprimantes grand public de 200 € à 600 € et la possibilité de mutualiser des scanners 3D et des logiciels d’impression gratuits ont multiplié les « fab lab » dans les établissements d’enseignement ou les maisons de la culture. Après quelques années d’emballement, la FA s’est plutôt développée dans l’industrie et le « hobby » est devenu un épiphénomène.
En métallurgie et en matériaux composites, de nombreuses industries l’utilisent soit en sous-traitant à des ateliers spécialisés en FA, soit en interne pour des pièces complexes comme les hélices creuses pour les bâtiments de Naval Group fabriquées par WAAM ; ceci permet de réduire les stocks et les délais d’approvisionnement. Autre exemple : Constellium, le leader français sur l’aluminium commercialise une poudre d’aluminium Aheadd® CP1 étudiée spécialement pour les pièces des bolides de F1.
Dans le sport (3), pour la chaussure tout terrain de rugby et de football « Shark ONE », la semelle, les renforts et la forme ont été imprimés en 3D en PA11 (polyamide 11 ou rilsan) et Pebax® (constitué de blocs de polyamide et de polyéther), des matières éco-responsables de la société Arkema.
En défense, l’armée américaine a développé des mini-usines qui se déplacent sur le terrain avec des imprimantes 3D pour la fabrication de pièces cassées ou manquantes dans l’armement des armées sur le front. En Ukraine, des drones civils ont été modifiés pour porter des charges et de l’armement.
On se rappelle qu’au milieu des années 2000 un logiciel et les données 3D ont été mis sur le Net par un étudiant américain permettant de fabriquer un révolver presque en totalité en plastique et tirant de vraies balles. En 2025, les spécialistes de la lutte anti-terroriste nous mettent en garde sur la facilité et la disponibilité de telles fabrications sur la toile ou sur les réseaux sociaux à des fins criminelles.
Dans le domaine médical, l’extrapolation du prototypage rapide utilisé depuis plus de 30 ans a été un réel progrès pour l’odontologie et la chirurgie. À l’aide des images de l’IRM, on peut fabriquer des prothèses sur mesure et précises, même complexes (mâchoires, articulations de hanches, genoux…) assez rapidement et parfois en temps réel.
On est près de la science-fiction quand on parle d’impression d’organes humains.
Une société lyonnaise s’appuyant sur des découvertes du CNRS imprime de la peau (4). On prépare d’abord la bio-encre avec des cellules de peau, de la gélatine, un peu d’alginate et de fibrinogène. On passe ensuite à l’impression sur un support en atmosphère stérile puis dans un incubateur durant 21 jours. On imprime ensuite le derme par-dessus avec la même encre. Cette peau imprimée peut servir aux essais des firmes biopharmaceutiques pour les crèmes et cosmétiques, évitant les tests sur animaux.
La construction n’est pas en reste. La fabrication additive permet de construire des bâtiments. Un très beau projet réalisé en 2024 sur les composites résine–bois regroupant deux industriels de la charpente et de la FA, en collaboration avec l’École du Bois d’Épinal et l’École d’Architecture de Nancy ,vise à réaliser la première machine de « stratoconception » de 20 à 30 mètres pour des halls ou salles de sports.
Quels défis pour la FA ?
L’impression plastique continue à se développer mais elle doit tenir compte du recyclage des fils polymères dans une démarche d’économie circulaire menée par les chimistes. Les procédés de la FA sont ceux qui ont le moins d’impacts sur l’environnement, moins de matière, pas de déchets. Mais lors de la conception des logiciels d’impression, les algorithmes de l’intelligence artificielle peuvent optimiser les structures des pièces à fabriquer, en vue de performances spécifiques. Cette nouvelle application de l’IA commence à diffuser.
Le dernier défi à relever concerne la formation et le recrutement car on demande de plus en plus de compétences (5) dans ce domaine où chimie, polymères et matériaux sont les mots-clés pour cette industrie 4.0. Des salons sont consacrés à l’impression 3D où des acteurs du secteur présentent leurs réalisations et recrutent, comme le salon 3D Print à Lyon, par exemple.
Jean-Claude Bernier et l’équipe Question du mois
Pour en savoir plus
(1) La 3D, troisième révolution industrielle ?, J.-Cl. Bernier L'Actualité Chimique (juillet 2015)
(2) Le Laser en contexte industriel : une palette d’applications étonnantes, T. Engel, Colloque Chimie et lumière, Fondation de la Maison de la Chimie (février 2020)
(3) Le rôle des matériaux composites dans les performances sportives, Y. Rémond, Colloque Chimie et Sports en cette Année Olympique et Paralympique, Fondation de la Maison de la Chimie (février 2024)
(4) L’impression fait peau neuve, J. Leyes et B.Robert, Grand Prix Jeunes Journalistes de la Chimie 2018 (vidéo et article)
(5) Voir l’Espace Métiers de Mediachimie
Crédit illustration : capture vidéo L’impression fait peau neuve, J. Leyes et B.Robert, Grand Prix Jeunes Journalistes de la Chimie 2018
Tout d’abord qu’est-ce que le tartre ? Tartre et calcaire sont synonymes et tous les deux constitués de carbonate de calcium de formule chimique CaCO3, c’est-à-dire formés à partir des ions calcium Ca2+ et des ions carbonates CO32-.
Le carbonate de calcium est très présent dans la nature, dans les terrains dit calcaires : Bassin parisien, Nord, Alpes, Jura, Champagne crayeuse..., comme le montre la figure 1.
L’eau qui pénètre dans ces sols dissout une partie des sels présents et s’enrichit ainsi en sels minéraux avant d’atteindre les nappes phréatiques d’où elle sera pompée puis traitée et rendue potable.
Figure 1 (i)
On définit la « dureté » de l'eau, paramètre qui mesure la quantité d’ions calcium et magnésium, présents dans l'eau. Elle s’exprime en degré TH (°f), pour Titre Hydrotimétrique français.
1 degré TH(°f ) = 4 mg de Ca2+ ou 2,4 mg de Mg2+ par litre d’eau.
On attribue les adjectifs « douce » ou « dure » aux eaux selon la valeur de ce TH.
Échelle (ii)
Notons que dans un terrain calcaire, l’eau s’est enrichie simultanément en ions calcium et carbonate.
Influence du pH sur les ions carbonates
Les ions carbonates participent à des équilibres acido-basiques, comme le montre la figure 2.
Le dioxyde de carbone CO2 est un acide faible et se transforme pour pH supérieur à 6,35 en ion hydrogénocarbonate (aussi appelé ion bicarbonate). Celui-ci se transforme en ion carbonate pour pH supérieur à 10,3.
L’eau du robinet a un pH compris entre 7,2 et 7,6. Il en est de même des eaux en bouteille non gazeuses. A ce pH, l’eau dure contient donc des ions calcium et des ions majoritairement sous forme d'hydrogénocarbonate et non de carbonate (cf. figure 2).
L’équilibre des espèces carbonatées dans l’eau
En réalité les trois espèces coexistent et sont toujours en équilibre dans l’eau, selon :
Dire que le bicarbonate est majoritaire c’est dire que les ions CO32- et le dioxyde de carbone CO2 sont très minoritaires mais présents.
Au final l’eau dure contient donc des ions calcium et des ions hydrogénocarbonates, qui restent dissous.
Que se passe-t-il quand on chauffe l’eau ?
Le chauffage de l’eau va favoriser le dégazage de CO2 dont la solubilité dans l’eau diminue si la température augmente. Cela va provoquer naturellement un déplacement de l’équilibre précédent vers la droite pour reformer du CO2. Mais il se forme donc simultanément des ions carbonate. Or les ions carbonates et les ions calcium ont une affinité l’un pour l’autre et vont précipiter sous forme de carbonate de calcium. La réaction qui a lieu est la suivante :
Le tartre s’est formé !
C’est la raison pour laquelle vous observez un dépôt de calcaire tout particulièrement sur les résistances de chauffe-eau, de lave-linge, de lave-vaisselle, dans les cafetières, dans les fers à repasser… Cela engendre des dépenses d’énergie supplémentaires, limite l’efficacité des savons et détergents, le linge est rêche…
Comment peut-on éviter ou éliminer ces dépôts ?
Comme nous l’avons vu (figure 2), les ions carbonates sont des bases donc l’action d’un acide va détruire le calcaire. C’est le rôle des détartrants ou du vinaigre que vous pouvez utiliser. La réaction qui a lieu est
CaCO3 + 2 H+ → Ca2+ + CO2 (gaz) + H2O
Evidemment on ne peut pas mettre un détartrant directement au cours d’un cycle de lave-linge ou de lave-vaisselle. Dans ce cas on peut adoucir l’eau en remplaçant les ions calcium par les ions sodium, c’est le rôle du « sel régénérant », constitué de chlorure de sodium pur (NaCl). On peut aussi ajouter à la lessive un composé qui réagit sur les ions calcium (on parle de séquestration ou de complexation) les empêchant de précipiter avec les ions carbonates(iii).
Pour limiter l’entartrage des résistances de chauffe-eau, on peut adoucir l’eau en amont de l’installation.
Consommation d’une eau dure
Boire une eau dure ne pose aucun problème de santé. Bien au contraire : n’oublions pas que l’ion calcium a une grande importance physiologique (os, dents) et qu’il participe au fonctionnement de la cellule et à la contraction musculaire. L’ion magnésium participe à de très nombreux processus biologiques, au bon fonctionnement du système nerveux et son apport est exclusivement nutritionnel.
On prendra soin de ne pas boire l’eau adoucie riche en ions sodium, car une consommation en excès de ces ions peut entraîner de l'hypertension artérielle.
Françoise Brénon
(i) Source https://la-meilleure-centrale-vapeur.fr/le-calcaire/
(ii) Source https://fr.wikipedia.org/wiki/Duret%C3%A9_de_l%27eau
(iii) ce sont souvent des tensioactifs anioniques de type carboxylate : RCOO- à longues chaine carbonée (R). Cela peut aussi être des hexamétaphosphates de sodium (Na6P6O18).
Crédit illustration : Résistance chauffe-eau, F. Brénon.
Au cours des années 2021 et 2022 des épisodes de grêle ont dévasté de nombreuses régions françaises et ont causé des dégâts considérables conduisant beaucoup de villages à des déclarations de catastrophes naturelles.
Comment se forme la grêle ?
La grêle se forme essentiellement dans de gros nuages humides appelés cumulonimbus dont l’épaisseur peut dépasser 10 km. Lors d’un orage l’été, la température du sol est souvent supérieure à 30 °C et des vents violents surviennent pouvant atteindre des vitesses de 150 km/h. Les gouttelettes d’eau sont entrainées rapidement par des courants ascendants et se refroidissent. En effet la pression atmosphérique baissant avec l’altitude, la température de l’atmosphère diminue quand l’altitude augmente : on parle dans ce cas de « détente adiabatique ». Les gouttelettes se refroidissent rapidement à des températures inférieures à 0 °C mais n’ont pas le temps de geler ; on dit qu’elles sont en « surfusion ». Ce n’est que dans la partie supérieure du nuage que la congélation a lieu sous forme de « noyau de glace » appelés grêlons. La zone orageuse est habituellement très localisée allant de 100 m3 au début de la formation de la grêle mais peut atteindre jusqu’à parfois 1 km3 !
Comment grossissent les grêlons ?
Les gouttelettes d’eau au contact des grêlons s’agglomèrent et grossissent. Les grêlons continuent à monter dans le nuage. Lorsque le courant ascendant ne compense plus le poids du grêlon, ce dernier commence à redescendre avec une vitesse limite constante tout en continuant de grossir. La structure des grêlons est donc constituée de couches successives de glace ce qui leur donne un aspect translucide. Lors de cette chute le grêlon peut sortir du nuage et peut alors commencer à se sublimer (il passe directement de l’état solide à l’état gazeux). Ceci explique que le grêlon dans l’atmosphère est plus gros que celui qui arrive au sol.
Le diamètre des grêlons dépend de leur vitesse de chute et peut varier de 1 cm (v = 35 km/h) à 20 cm (v = 120 km/h). La masse des grêlons peut prendre des valeurs très élevées parfois jusqu’à 1 kg !
Comment peut-on lutter contre les averses de grêle ?
Pour diminuer les risques de grêle on a pensé d’abord à ensemencer des nuages par des substances hygroscopiques. En effet l’augmentation du nombre des noyaux de congélation diminue alors la taille des grêlons. Ainsi a-t-on un moment utilisé des cristaux d’iodure d’argent (AgI) à raison de 10 µg/m3 mais cela s’est révélé potentiellement toxique à l’échelle du nanogramme sur les voies respiratoires de l’organisme. L’emploi du chlorure de calcium (CaCl2) a donné des résultats peu reproductifs, tout comme l’usage des canons anti-grêle par désagrégation des grêlons à l’aide d’ondes de choc ! La protection des vergers par l’emploi de filets contre la grêle reste encore le moyen le plus répandu et le plus efficace.
Étant constitué de glace, un grêlon présente une réflectivité (énergie réfléchie) très faible aux ondes radar utilisés en aéronautique, ce qui rend difficile la distinction entre des petits grêlons et des gouttes d’eau. Cependant un signal radar très fort peut révéler la présence de gros grêlons qui peuvent être responsables de la détérioration des turboréacteurs ou des matériaux d’isolation utilisés dans les travaux de couverture et d’isolation des bâtiments. Seuls des relevés par des observateurs et des passionnés de météorologie fournissent des informations sur la localisation de ces phénomènes. La Mission des Risques Naturels de l’ANELFA et le Bureau d’Etudes Kéraunos récoltent des données des sinistres occasionnés par la grêle qui permettent d’établir ainsi des cartes de la fréquence de ces événements météorologiques par commune et par saison.
Note : La formation de la grêle est très différente de celle de la neige ! Cette dernière a lieu dans des nuages à faibles mouvements, à des températures au sol inférieures à 0 °C, donnant des petits cristaux de glace qu’on appelle flocons.
Jean-Pierre Foulon
Voir aussi Contre la sécheresse faut-il ensemencer les nuages ?, éditorial de mai 2023 de J.-Cl. Bernier (Mediachimie.org)
Crédit illustration : soupstock / Adobe Stock
Le charbon actif (CA) est utilisé pour traiter des problèmes de pollution de plus en plus prégnants. Il n’est à confondre ni avec le biochar (i) ni avec le noir de carbone (ii).
Comment est-il préparé ?
Le CA est d’abord obtenu par pyrolyse (carbonisation) actuellement à partir de végétaux tels que du bois, des tiges de bambou, des coquilles de noix, ou de coco principalement à une température de l’ordre de 500 °C. Il faut par exemple 50.000 noix pour faire 1 tonne de charbon actif ! Il y a expulsion du gaz carbonique, d’acides organiques volatils contenus dans la matière initiale. On obtient du carbone presque pur de structure caverneuse présentant une surface poreuse d’environ de 5 m2/g. À la différence du noir de carbone, le traitement se poursuit par une activation. Il s’agit dans un premier temps d’un chauffage en présence de vapeur d’eau vers 800 °C. Sous l’action de la température élevée et de la vapeur, la matrice carbonée est littéralement criblée ce qui augmente sa porosité. Dans un second temps un chauffage vers 500 °C en présence d’agents chimiques tels que l’acide phosphorique augmente le nombre des pores permettant d’atteindre des micropores de 1 nanomètre (nm) et une surface de l’ordre de 1500 m2/g dans le charbon actif issu de coques et seulement de 2 à 50 nm pour celui issu des bois. Le CA produit est hygroscopique mais peut adsorber les produis organiques, par exemple 0,5 kg de toluène par kg de carbone. Selon les conditions expérimentales on distingue deux grandes variétés de CA.
Le charbon actif en poudre (CAP) possède une très fine granulométrie de l’ordre de 20 µm environ et de masse volumique d’environ 400 kg/m3. Il est utilisé dans le traitement des eaux pour des pollutions accidentelles à raison de 20 mg/L pour éliminer en particulier des polluants organiques à une concentration pouvant atteindre une concentration de 1.500 mg/m3 et qui sont responsables essentiellement des mauvais goûts et des odeurs désagréables des eaux.
Le charbon actif en grains (CAG) est constitué d’une granulométrie plus de l’ordre du millimètre. Il est trois fois plus cher que le CAP et est utilisé pour éliminer les polluants organiques tels que les pesticides, les composés biologiques non biodégradables et les PFAS. C’est une des étapes dans les unités de traitement des eaux pour l’obtention d’eau potable.
Le plomb et les métaux lourds ne sont pas éliminés de cette façon. L’adoucissement de l’eau n’est pas réalisé par le charbon actif. Par contre si l’eau a été adoucie via le remplacement des ions calcium par des ions sodium (sel pour adoucisseur), le passage de cette eau sur du charbon actif ne modifie pas l’adoucissement.
La régénération du charbon actif nécessite de casser les liaisons existant à la surface du CA. Actuellement le CAP chargé des impuretés est récupéré sous forme de boues et incinéré. Pour le CAG, le « décrassage » peut nécessiter un chauffage vers 1000 °C pour volatiliser les impuretés adsorbées ou dans certains cas un simple lavage avec des solutions aqueuses d’acides ou de bases par exemple.
Les applications du CA sont nombreuses. Outre le traitement de l’eau, il peut être utilisé pour décolorer les jus sucrés, par exemple le sirop de glucose. Les cartouches filtrantes des masques à gaz contiennent du CA pour fixer les gaz toxiques comme les COV (composés organiques volatils) et les dioxines contenues dans les fumées d’incinération. Le CA est aussi présent dans des éco-textiles pour éliminer les odeurs corporelles, dans des hottes aspirantes, dans les filtres à cigarettes…
En médecine, sous forme de granulés, il est employé pour traiter un grand nombre d’intoxication digestive, diarrhée, gastroentérite. Il ne présente pas d’effet toxique mais ne doit pas être conseillé par exemple lors de prise de traitements anticonceptionnels car le CA fixe le principe actif.
Les utilisations du CA se répartissent selon (iii) :
- Traitement de l’eau 40 %,
- Purification de l’air 22 %,
- Agroalimentaire 18 %,
- Pharmacie, médecine 6 %,
- Automobiles 4 %.
La production mondiale dépasse actuellement les 2 millions de tonnes.
Jean-Pierre Foulon
(i) Voir la Question du mois « Qu’entend-on par biochar ? » J.-P. Foulon, Mediachimie.org
(ii) Voir le Zoom sur le noir de carbone, J.-P. Foulon, Mediachimie.org
(iii) Source : Charbon actif sur le site l’Elementarium
Crédit illustration : Charbon actif sous forme de poudre et de bloc, Ravedave / Wikimedia Commons, licence CC BY-SA 3.0
Bientôt les fêtes, et donc la période des gâteaux ! Pour faire des gâteaux, on utilise des matières grasses, de l'eau, éventuellement des œufs, mais les deux ingrédients essentiels sont le sucre(i) et la farine.
Ici on ne va s’intéresser qu’à la farine ou plutôt aux différentes sortes de farine. En effet il n'y a pas que la farine de blé, car de nombreuses plantes, et pas seulement des céréales, peuvent donner des farines utilisables en cuisine. Elles sont obtenues en broyant des graines de céréales (blé, orge, épeautre, maïs...), de légumineuses (lentilles, pois chiches, haricots, soja…), de racines (manioc, pommes de terre), etc.
Elles contiennent toutes essentiellement de l’amidon. Il y a également des protéines (gluten par exemple), et d’autres composés comme des fibres si la farine est faite avec des graines complètes (avec leurs enveloppes).
L’amidon n’est pas constitué d’une seule et même molécule mais a une structure complexe qui varie selon la plante dont il est issu, d’où l’apparition de différences entre les farines.
Pour comprendre cela, il nous faut tout d’abord parler du D-glucose et de ses polymères à partir desquels est constitué l’amidon. On peut le représenter dans un plan et en perspective. Mais le cycle n'est pas plat, et on préfèrera la représentation dite « chaise ». Il existe 2 structures(ii) nommées α et β, selon la position dans l’espace du groupe OH porté par le carbone numéroté 1 (figures 1a et 1b). Le D-glucose est un sucre simple.
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Fig. 1a. α-D glucose | Fig. 1b. β-D glucose |
Les polymères de glucose et l'amidon
Des molécules de D-glucose peuvent s’associer entre elles pour donner de longues chaines appelées polymères de glucose. Il y a dans la nature de nombreux homopolymères(iii) du glucose selon la façon dont les molécules s’enchaînent.
On observe ainsi parmi ceux-ci(iv), deux enchainements possibles conduisant à deux homopolymères de glucose, l’amylose et l’amylopectine, qui constituent l’amidon.
- L’amylose est un polymère linéaire formé de plus de 1.000 unités D-glucose liés par des liaisons O-glycosidiques (α-1,4) (figure 2a).
Fig. 2a. Les numéros des atomes de carbone auxquels est lié l’atome O sont indiqués.
Elle prend une structure hélicoïdale stabilisée par des liaisons hydrogène entre les unités (6 unités par tour d’hélice) (figure 2b).
Fig. 2b. Amylose : Structure partielle ; le pointillé indique que la chaine se prolonge. - L’amylopectine est ramifiée et comporte plus de 10.000 unités D-glucose unies par des liaisons O-glycosidiques intra-chaînes (α-1,4) et inter-chaînes (α-1,6) (figures 3a et 3b).
Il y a un branchement toutes les 20 unités environ. Sa structure est plus désordonnée que celle de l'amylose.Fig. 3a. Les numéros des atomes de carbone sont indiqués Fig. 3b. Structure partielle simplifiée ; 1 seule ramification est représentée et les chaines sont évidemment plus longues.
Les farines et les compositions de leur amidon
Les proportions entre amylose et amylopectine vont être caractéristiques de l’amidon de chaque farine, dont la teneur en protéine (gluten ou autre…) est également spécifique. Ainsi blé, épeautre, orge, seigle contiennent du gluten tandis que millet, sorgho, avoine, quinoa, sarrasin n'en contiennent pas.
Pour ce qui est des ratios amylose/amylopectine on observe :
blé 35/65, maïs 25/75 (mais selon les cultivars(v) on peut avoir des chiffres très différents, comme des maïs avec un ratio jusqu'à 70/30 !), pour le manioc, la pomme de terre, en revanche il y a peu d'amylose, 20/80, et pour le riz il y a de fortes variations d’un riz à l’autre la teneur en amylose pouvant aller d’une valeur inférieure à 5% jusqu’à une valeur supérieure à 24%.
Les fécules : ce ne sont pas des farines
La plus connue est la Maïzena®. Attention ! Il s'agit d'une marque déposée et appartenant à Unilever(vi) Il vaut mieux parler de fécule de maïs. Pour faire de la fécule, on met la farine en suspension dans l'eau, on agite énergiquement et on rince plusieurs fois : on a ainsi enlevé les protéines (gluten par exemple) qui partent dans l'eau.
La fécule ne contient donc que de l'amidon, ce qui donne une poudre plus fine. Nous voilà donc de retour vers l'amidon ! Il est donc logique que les diverses fécules se distinguent par leur proportion en amylose et amylopectine, comme les farines dont elles sont issues.
La fécule est un excellent liant pour les sauces et facilite leur préparation. Il est plus facile de faire une sauce avec une fécule (celle de maïs) qu'avec de la farine.
Elle est aussi un excellent gélifiant ou épaississant. Les amidons, mis en suspension dans l'eau, chauffés puis refroidis, donnent des gels d'autant plus fermes que l'amidon est riche en amylose. En effet, les chaînes linéaires d'amylose se réassocient au cours du refroidissement, ce que ne peuvent faire les chaînes ramifiées d'amylopectine. Ainsi ceux riches en amylose (maïs) sont utilisés dans les poudres pour faire des flans. Les amidons riches en amylopectine (pomme de terre) sont plus des épaississants que des gélifiants.
La fécule est plus fine que la farine de blé et sert à alléger la pâte des gâteaux. Deux cuillerées de farine de blé équivalent à une de fécule de maïs quant à l'effet épaississant. Comment cela s'explique-t-il ? la farine est faite à partir de la mouture de la totalité de la graine (amidon + germe + enveloppe du grain), alors que la fécule ne contient que de l'amidon.
Quels critères pour choisir parmi les farines ?
Les enzymes, amylases, catalysent la digestion de l'amidon qui consiste globalement en une hydrolyse lente conduisant in fine au glucose. L’enzyme facilite la coupure des liaisons O-glycosidiques qui relient les cycles en partant d’une extrémité non réductrice de la molécule puis de proche en proche. En raison de sa structure, l'amylose est digérée plus lentement que l'amylopectine(vii). Cela peut être un critère de choix.
Actuellement, la « mode » en diététique, est de s’intéresser à l'index glycémique, IG(viii). L'IG permet de classer les aliments en fonction du pic de sucre qu'ils provoquent dans le sang. Un IG élevé, supérieur à 70, provoque un pic de la glycémie puis une chute rapide qui peut entraîner un effet « coup de barre ». Un aliment à IG modéré, entre 40 et 69, ou bas, inférieur à 40, diffuse de l'énergie plus progressivement dans l'organisme. C'est pour cet effet que certaines farines sont recommandées (voir en note le tableau d’Indice Glycémique de diverses farines(ix)).
Mais il ne faut pas se fier exagérément à l'IG, car les farines contiennent aussi des protéines, et des matières grasses, quel que soit leur IG. Il faut plutôt privilégier les farines complètes pour leurs meilleures qualités nutritionnelles. Concernant l’intolérance au gluten, les personnes concernées rechercheront pour leur régime des farines pauvres en gluten (riz, maïs, sarrasin, châtaigne, épeautre).
Conclusion
Que choisir, farine ou fécule ? La farine reste incontournable comme « matériau de base ». La fécule est un « outil » qui permet d'épaissir une sauce et de remplacer une partie de farine en rendant le plat obtenu moins énergétique puisque moins riche en glucose (50 g de fécule remplace 100 g de farine).
Coté diététique, les gâteaux restent très énergétiques car ils contiennent des matières grasses, du sucre et de la farine ou de la fécule, qui n’oublions pas conduiront à du glucose au cours de la digestion. Donc faites-vous plaisir mais avec modération si vous voulez « garder la ligne » !!
Nicole Moreau et Françoise Brénon
(i) Le sucre de table habituel est du saccharose de formule C12H22O11. Son hydrolyse conduit à du glucose et du fructose. C’est ce qui se passe au cours de la digestion du sucre.
(ii) Ces 2 structures sont dites anomères et le carbone n°1 est un site anomérique. Elles sont en équilibre par ouverture puis fermeture du cycle au niveau de la fonction acétal (entourée en rouge sur la figure ci-contre).
(iii) « homo » signifie qu'il s'agit du même sucre répété plusieurs fois, le contraire étant « hétéro ».
(iv) Il existe un autre enchainement de D-glucose (β-1,4) qui conduit à la cellulose polymère de structure des végétaux, qui peut former des fibres.
(v) Le cultivar est une variété de plante obtenue par sélection.
(vi) Maïzena sur Wikipedia.
(vii) En effet, l’attaque commence par les extrémités non réductrices des molécules de l’amylose et de l’amylopectine. Voir sur les figures 2b et 3b les parties entourées en bleu. Pour une chaîne d'amylose, il n'y a qu'une extrémité non réductrice, alors qu'il y en a plusieurs (en raison des ramifications) pour une chaîne d'amylopectine. L’extrémité réductrice est la fonction acétal (entouré en rouge) capable de s’ouvrir pour redonner l’aldéhyde réducteur. En outre, l'amylose adopte une conformation hélicoïdale, rendant l'accès des enzymes plus difficile.
(viii) Pour en savoir plus sur l’Index Glycémique, consulter Indice Glycémique sur le site Wikipedia et L’index glycémique, c’est quoi ? sur le site France Assos Santé
(ix) Indice glycémique de diverses farines
Farine | IG |
Son d'avoine, son de lupin | 15 |
Amande, noisette, cacahuète | 20 |
Soja | 25 |
Orge mondée | 30 |
Lentille, coco, pois chiche | 35 |
Sarrasin, petit épeautre, avoine, | 40 |
Quinoa, épeautre complet, blé T150 | 45 |
Seigle T130 | 50 |
Blé T80 | 60 |
Châtaigne | 65 |
Maïs, millet | 70 |
Riz complet | 75 |
Blé T45, fécule de maïs | 85 |
Riz blanc, fécule de pomme de terre | 95 |
La lettre T indiquée pour certaines farines indique le taux de cendre. Plus le T est élevé, plus la farine sera complète, plus le T est bas plus la farine de froment sera blanche et riche en amidon.
Pour aller plus loin
Des additifs pour texturer des aliments, M. Desprairies, La chimie et l’alimentation, coordonné par Minh-Thu Dinh-Audouin, Rose Agnès Jacquesy, Danièle Olivier et Paul Rigny (EDP Sciences, 2010) ISBN : 978-2-7598-0562-4, p. 83
Crédits
- Figures 1a et 1b : α-D glucose et β-D glucose, Wikipedia, domaine public
- Figures 2a et 3a : Sauget, Alix, Développement de matériaux composites fibreux hautes perfomances à matrice bio-sourcée. (Thèse, Université de Lorraine, 2014) figures complétées
- Figures 2b et 3b : Zubay, Geoffrey, Biochemistry (Addison-Wesley, 1983) ISBN 0-201-09091-0
- Illustration : F. Brénon, travail personnel
Dans le monde de l’art, une peinture dont les couleurs se dégradent perd son attrait et sa valeur. Les conservateurs des musées, les collectionneurs et les peintres redoutent ces phénomènes de dégradation. Conserver les couleurs originelles d’une œuvre d’art présente un enjeu esthétique et économique auquel les chimistes, les physiciens et les biologistes s’intéressent depuis très longtemps.
Couleurs des pigments
Un pigment est « un matériau insoluble dans le milieu dans lequel on le disperse, par opposition au colorant, soluble dans le milieu dans lequel il est dispersé » (1).
Les pigments organiques naturels (d’origine végétale ou animale) et synthétiques (fabriqués en laboratoire) contiennent essentiellement des atomes de carbone et d’hydrogène. Ils sont constitués majoritairement d’une alternance de liaisons simples C-C et de liaisons doubles C=C entre des atomes de carbone. Ces liaisons dites conjuguées (alternées) sont des chromophores, responsables de la couleur des pigments organiques (alizarine, indigo, mauvéine...). Les molécules absorbent dans le domaine du visible (à des longueurs d’onde λ comprises entre 400 et 800 nm) et réfléchissent la ou les radiations non absorbées (dites complémentaires). La présence de groupes auxochromes (du grec auxein : accroitre) modifie les longueurs d’onde des radiations absorbées (2).
Les pigments inorganiques (ou minéraux) ont des couleurs liées à la composition chimique d’édifices contenant des ions métalliques (fer, chrome, cobalt, nickel, manganèse, cuivre…) entourés par des molécules ou des ions (eau, sulfure, oxyde, hydroxyde…). Ces composés absorbent également dans le domaine visible et réfléchissent les radiations non absorbées. Les longueurs d’onde de ces radiations dépendent de la nature du métal et des molécules ou des ions qui l’entourent. L’oxyde de fer (III) Fe2O3 (hématite) est rouge tandis que l’hydroxyde oxyde de fer (III) (Goethite) FeO(OH) est jaune (3).
Il arrive parfois que les impuretés du pigment soient responsables de sa couleur : le pigment alumine Al2O3 est blanc ; et en présence de traces d’ions Cr (III) piégés (0,0000000001 %), il a une couleur rouge (rubis) (4).
Dégradation des couleurs des pigments
Lorsque les molécules responsables de la couleur des pigments organiques sont irradiées par des lumières naturelle ou artificielles, elles absorbent une partie de l’énergie lumineuse et se retrouvent dans un état dit « excité », plus haut en énergie que l’état dans lequel ils se trouvaient au départ. Si cette transition énergétique, appelée absorption, se fait dans le domaine ultraviolet (λ < 380 nm) la molécule se retrouve dans un état excité (état instable) et peut subir des transformations structurales. Lorsqu’elle revient dans son état le plus stable (état fondamental) elle ne retrouve pas toujours l’alternance des liaisons simples et doubles, par conséquent elle n’absorbe plus dans le domaine visible et ne participe plus à la couleur du pigment. Progressivement, au fil des jours et des années, le nombre de molécules responsables de la couleur diminue et le pigment parait de plus en plus terne (5).
La dégradation de la couleur peut aussi provenir d’une oxydation du pigment. Vincent Van Gogh, dans une lettre adressée à sa sœur le 6 juin 1890, décrit la couleur des deux chemins « de sable ensoleillé rose » qui contournent l’église du tableau L’église d’Auvers-sur-Oise, vue du chevet (1890). La laque utilisée contenait de l’éosine. La couleur rose a été modifiée par un phénomène d’oxydation photochimique : dans un état excité la molécule d’éosine devient plus sensible à l’oxydation (son pouvoir réducteur augmente) et se transforme en une autre molécule. Au fil du temps, les deux chemins sont passés du rose au marron.
Les pigments inorganiques sont réputés pour leur stabilité. Néanmoins, certains peuvent s’oxyder et changer d’aspect. Dans les œuvres Le Cri (1893), d'Edvard Munch, et La Joie de vivre (1905-1906), d'Henri Matisse, le sulfure de cadmium CdS s’est oxydé à l’air pour se transformer en sulfate de cadmium CdSO4 : certaines parties de ces tableaux sont passées du jaune vif au blanc cassé (6).
Dégradation de la couleur du mélange « pigment + liant »
Le bleu outremer est un pigment qui a fait l’objet de nombreuses études scientifiques. Le pigment naturel était extrait dès le Moyen Âge du lapis-lazuli. Il est très onéreux ; et est utilisé par Johannes Vermeer en 1658 pour peindre le tablier bleu de La Laitière. En 1826, Jean Baptiste Guimet met au point la synthèse du bleu outremer et remporte le prix initié par la Société d’encouragement pour l’industrie nationale.
La couleur du bleu outremer est due à la présence d’atomes de soufre (emprisonnés dans des cages d’aluminosilicates) (3) qui absorbent une partie de la lumière visible et réfléchissent des radiations lumineuses bleues. En 1827, Jean Auguste Dominique Ingres utilise ce pigment synthétique pour le bleu de la toge d’Apelle dans l’Apothéose d’Homère. En 1908, Vassily Kandinsky peint la surface de l’eau dans Paysage d’automne avec bateaux.
Au fil des années, on a observé que les parties peintes au bleu outremer ont blanchi dans de nombreuses œuvres majeures. Des études de vieillissement contrôlé ont montré que le blanchiment n’est pas dû à l’humidité ni à chaleur ; mais qu’un environnement acide ainsi que les radiations lumineuses en sont responsables. Dans les conditions muséales, l’atmosphère n’est pas acide ; donc seule la lumière peut provoquer le blanchiment des peintures au bleu outremer.
Les chercheurs ont tout d’abord éclairé le pigment seul. Sa couleur reste bleue. Puis ils ont éclairé le mélange « pigment + liant » : il blanchit après plus de 1000 heures d’exposition. Sous l’effet de la lumière, les cages d’aluminosilicates qui entourent les atomes de soufre accélèrent la dégradation du liant : il y a un effet photocatalytique. Le liant se retrouve dans un état fragmenté et rugueux : les petits grains se comportent comme des miroirs et réfléchissent davantage la lumière, provoquant ainsi un effet de blanchiment (7).
Protection des pigments avec des filtres anti UV
Les radiations lumineuses sont à l’origine de nombreuses dégradations des couleurs des pigments. Les peintres protègent leurs œuvres avec des vernis contenant des filtres anti-UV. Ce sont actuellement des molécules organiques (octocrylène, avobenzone…) qui absorbent les rayonnements UV et convertissent une partie de l’énergie lumineuse en énergie thermique.
Dégradation de la couleur du vernis
Un vernis est un liquide contenant une résine dispersée ou solubilisée dans une essence. Il a une fonction esthétique (mat ou brillant) et protectrice. Les résines naturelles (copal, mastic, Dammar…) et synthétiques (acrylique, polyuréthane…) sont constituées de polymères organiques.
Un vernis déposé sur un tableau se doit d’être incolore afin de ne pas modifier la teinte des peintures qu’il protège. Au fil des années, les vernis ont tendance à jaunir et les couleurs du tableau sont par conséquent dégradées (8).
En réalité, le jaunissement commence lorsque la résine naturelle est récoltée de l’arbre. Le dioxygène de l’air provoque la formation de radicaux (très réactifs) qui déclenchent des réactions en chaine de diverses natures. Elles conduisent à augmenter les tailles des polymères et à créer des ramifications, dont certaines contiennent des chromophores. L’exposition des vernis aux UV de la lumière accélère ce processus de jaunissement, qui a démarré avant même que le vernis ne soit déposé sur le tableau (9).
Enfin, il peut y avoir des réactions chimiques entre les molécules contenues dans le vernis et les ions métalliques (fer, manganèse, plomb …) qui constituent les pigments inorganiques. Des édifices appelés complexes peuvent se former et provoquer l’apparitions de couleurs supplémentaires (10).
La dégradation des couleurs des peintures est un sujet scientifique passionnant. Les méthodes d’analyses évoluent chaque année. Les chercheurs du Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) s’intéressent en particulier aux effets du changement climatique sur les pigments, les liants et les vernis des œuvres d’art, ainsi que sur les composés chimiques utilisés pour une restauration et une conservation « respectueuses et durables » (11).
Freddy Minc
Pour en savoir plus
(1) Les pigments et les colorants : on en parle ?, M. Jaber et Ph. Walter, L’Actualité Chimique n°444-445 (octobre-novembre 2019) p. 13-15
(2) Dye structure and colour, O. N. Witt sur le site Britannica
(3) La chimie crée sa couleur… sur la palette du peintre, B. Valeur, article du colloque La Chimie et l’Art (2009) sur Mediachimie.org
(4) Diamant, saphir, émeraude… Gemme, la couleur de tes défauts, conférence de Emmanuel Fritsch et Benjamin Rondeau (2006)
(5) Eté : les UV abîment-ils les couleurs des objets ?, V. Handweiler sur le site de Sciences et Aveni
(6) Zoom sur les pigments, J.P. Foulon sur Mediachimie.org
(7) Quand la peinture bleu outremer perd des couleurs, A. Michelin sur le site du MNHM et Pourquoi certains tableaux vieillissent mieux que d'autres, A. Michelin sur le site The Conversation
(8) Identification non-destructive des vernis des œuvres d’art par fluorescence UV, M. Thoury, thèse, HAL Id tel-00164825 , version 1
(9) La dégradation des vernis (PDF), B. Achette, Musée Fabre dossier pédagogique mission Arts et Sciences au service éducatif
(10) Aging and yellowing of triterpenoid resin varnishes - Influence of aging conditions and resin composition, P. Dietemann et al., Journal of Cultural Heritage 10 (2009) pp. 30-40
(11) Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF)
Crédit illustration : Lapis luzuli - Adobe Stock © Björn Wylezich
Le méthane, CH4, est le principal constituant du mélange gazeux d'hydrocarbures, appelé gaz naturel, qui s’est formé par sédimentation et décomposition de matières organiques sur des millions d’années aussi bien dans des terrains sédimentaires qu’au fond des océans. Il fait ainsi parti des énergies fossiles et est très largement utilisé à des fins énergétiques (centrales thermiques, carburant...).
C’est aussi l'hydrocarbure le plus abondant dans l'air, car il est produit naturellement, en particulier dans les zones humides : gaz des marais, responsable de la formation des feux follets, qui terrifiaient nos ancêtres il n'y a pas si longtemps. C’est en étudiant ce gaz des marais que Alessandro Volta (celui qui a inventé la pile voltaïque) l’a découvert en 1776 (1).
Le méthane est produit par fermentation anaérobie (i), de la matière végétale grâce à divers micro-organismes.
En mimant la nature, il peut aussi être produit volontairement à partir de déchets organiques dans des installations spéciales de méthanisation, allant d’unités de petites tailles « à la ferme » jusqu’à des usines. On est donc ici dans un processus de renouvelabilité. C’est ainsi que le méthane issu de ces procédés est appelé « biogaz » ou « biométhane ».
Historique
Le principe de gestion des déchets apparaîtra en France au XVIe siècle, lorsque François Ier démocratise l'emploi des paniers pour récupérer les déchets ménagers. En 1883, le préfet de la Seine Eugène Poubelle (2) invente le célèbre récipient qui porte encore son nom. En 1922, à l'initiative de la ville de Paris, est créée la société TIRU (3), qui, après la loi « Grenelle 1 » (4), et la reprise par le groupe Paprec, devient une société qui conçoit, construit et exploite des unités de valorisation des déchets, en particulier par méthanisation.
Comment est gérée la méthanisation (5) ?
Selon l'arrêté du 23 novembre 2011 (modifié par l'arrêté du 24 juin 2014) (6) fixant la nature des intrants dans la production de biométhane pour l'injection dans les réseaux de gaz naturel, peuvent être méthanisés des déchets : agricoles (fumier, lisier, sous-produits animaux, résidus de cultures…), de l'industrie agroalimentaire (fruits et légumes, déchets d'abattoirs…), urbains (biodéchets ménagers triés, ou issus de la restauration collective, des grandes et moyennes surfaces, déchets verts, boues de stations d'épuration…), et industriels (eaux de lavage de procédés industriels, boues industrielles, graisses…).
Depuis le 1er janvier 2016, conformément à la loi Grenelle II (ii), les entreprises et les professionnels de la restauration doivent traiter leurs biodéchets s’ils en produisent plus de 10 tonnes/an et ainsi éviter la mise en décharge, aboutissant à un tassement, donc à un milieu anaérobie, producteur de gaz à effet de serre (dont surtout le méthane !). À l’horizon 2025, dans le cadre de la loi de transition énergétique, l’intégralité des biodéchets en restauration devra être triée à la source, y compris ceux des ménages (7).
Comment s'obtient ce biométhane ?
Les déchets fermentescibles sont stockés dans une cuve cylindrique et hermétique que l’on appelle « digesteur » ou « méthaniseur » dans laquelle ils sont soumis à l’action de micro-organismes (bactéries) en l’absence d’oxygène. Les réactions biologiques mises en jeu par la méthanisation sont complexes, mais globalement on repère trois grandes étapes : l’hydrolyse et l’acidogénèse où les chaînes organiques complexes (protéines, lipides, polysaccharides) sont transformées en composés plus simples (acides gras, peptides, acides aminés) suivi de l’acétogénèse où les produits de l’acidogénèse sont convertis en acide acétique et enfin la méthanogénèse où l’acide acétique est transformé en méthane et en gaz carbonique.
Schéma explicatif du processus de méthanisation (©Connaissance des Énergies)
Source https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/methanisation
Le processus produit deux sortes de composés, le Biogaz et le Digestat. Le processus produit aussi des CSR, Combustibles Solides de Récupération, utilisables en cimenterie. Le biogaz, appelé Biométhane après purification et odorisation , est envoyé dans les réseaux et sert à produire de l'énergie pour les usages industriels, domestiques, ou comme carburant (il est alors appelé GNV (iv)(v)). Le digestat peut lui aussi être utilisé, sa partie liquide, riche en azote sous forme ammoniacale comme engrais, et la partie solide comme amendement des sols qu'il enrichit et restructure (compost).
Ce processus peut aussi être réalisé dans les exploitations agricoles où il permet d'éviter l'émission libre de méthane dont l'effet de serre, 25 fois plus puissant que celui du dioxyde de carbone, le rend dangereux pour l’environnement.
Bénéfices pour l'environnement
La valorisation énergétique des déchets joue un rôle important dans la mise en œuvre de la transition énergétique et écologique de notre pays à double titre : en tant que solution de traitements des déchets, complémentaire du recyclage ; dans une logique de souveraineté et d’élargissement du mix énergétique.
Déjà, l’incinération avec récupération d'énergie entraîne une économie significative de combustibles fossiles (gaz, fioul, charbon…). Elle permet, par la vente de l'énergie, de diminuer d'au moins 20 % le prix de traitement des déchets urbains. Elle réduit de 90% le volume et de 70% la masse des déchets. Mais elle entraîne un dégagement de CO2.
Mais l’intérêt de la méthanisation est de pouvoir faire une double valorisation :
- une valorisation matière via la production du digestat : 90% des matières entrantes seront transformées en engrais organique, local et renouvelable, qui permet de remplacer les engrais minéraux actuellement utilisés, dont la synthèse implique des énergies fossiles et l'importation de composés comme les phosphates, ou la potasse, coûteux.
- une valorisation énergétique via la production du biogaz : 10% des matières entrantes sont transformées en biogaz renouvelable, en remplacement de gaz fossile importé.
Les déchets organiques sont en effet une matière parfaitement recyclable, dont notre agriculture a besoin, et qui ne doivent plus être jetés en mélange avec les déchets ultimes : leur tri à la source, pour produire du compost ou du digestat utilisés pour fertiliser les champs, évite leur gaspillage et des importations et augmente le taux de valorisation des déchets non dangereux. Leur valorisation en méthanisation participe à la production d'énergie renouvelable.
Développement de la méthanisation
L'Europe est la principale zone de production de biogaz par méthanisation. Le processus se développe d’abord en Allemagne et en Italie, puis en France.
Selon le Commissariat général au développement durable, le nombre d'installations de sites d'injection de biométhane en France, de 1 en 2011, 17 en 2015, 214 en 2020, 551 en 2023 devrait continuer à fortement augmenter dans les prochaines années, au regard des nombreux projets en cours et au fort potentiel de la filière (7000 sites prévus en 2050).
Mais il faut rester vigilant quant à l'utilisation des « cultures énergétiques » (8). En effet, les possibles changements d’usage des terres et/ou des systèmes de production pour assurer l’alimentation du méthaniseur, production de cultures dédiées sur des terres anciennement dédiées à la production alimentaire (terres arables ou prairies) ; modification des successions de cultures pour maximiser l’insertion de cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE) peuvent conduire à une possible compétition avec l'alimentation, d'où un impact sur les volumes et les prix, voire une annulation de l'intérêt climatique de la méthanisation.
Par exemple, en Allemagne la politique publique a favorisé un fort développement des surfaces en maïs pour l’alimentation des méthaniseurs, en partie au détriment des surfaces en prairies. L'Italie a tendance à suivre ce modèle, mais de façon plus modérée, grâce à des fermes diversifiées.
Nicole Moreau et l’équipe question du mois
(i) anérobie = sans oxygène. Le contraire est aérobie
(ii) directive mise à jour en décembre 2023 https://www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/biodechets
(iii) Quel que soit le procédé, le traitement comprend au moins les 3 étapes : désulfurisation, qui enlève le SH2; déshydratation, qui enlève l'eau; décarbonation, qui enlève le CO2.
(iv)Tout gaz injecté dans le réseau de distribution doit posséder une odeur suffisamment caractéristique pour qu'une fuite puisse être immédiatement perceptible. On ajoute au biogaz un liquide incolore à l'odeur caractéristique, le tétrahydrothiophène (THT), à hauteur de 15 à 40 mg/m3.
(v) GNV = Gaz Naturel pour Véhicules, et les véhicules l'acceptant.
Pour en savoir plus
(1) Volta sur Wikipédia
(2) Poubelle sur Wikipédia
(3) Histoire de la société TIRU
(4) Le Grenelle de l'environnement : quels engagements ? sur le site Vie-publique.fr
(5) FNADE Fédération nationale des activités de dépollution et de l'environnement
(6) Arrêté du 23 novembre 2011 fixant la nature des intrants dans la production de biométhane pour l'injection dans les réseaux de gaz naturel sur le site Legifrance.fr
(7) Biodéchets sur le site écologie.gouv.fr du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
(8) Effet de la méthanisation sur l’usage des sols et les systèmes de production PDF - F. Levavasseur, L. Boros, M. Carozzi, R. Girault, L. martin, P. Martin et S. Houot HAL open science, Effet de la méthanisation sur l'usage des sols et les systèmes de production (PDF), Florent Levavasseur, Léa Boros, Marco Carozzi, Romain Girault, Lucie Martin, et al., Webinaire CLIMAE « Quel impact de développement des énergies renouvelables sur l'usage des sols agricoles », Métaprogramme CLIMAE, May 2023, En Ligne, France. 〈hal-04262845〉
Parasport : les origines
La compétition sportive pour les personnes souffrant de handicaps physiques trouve son origine en 1948, lorsque le Dr. Guttmann, neurochirurgien britannique d’origine allemande, décide d'organiser les premiers « Jeux mondiaux des chaises-roulantes et des amputés », pour réinsérer psychologiquement ses patients paraplégiques, vétérans de la Seconde Guerre mondiale.
En 1952, cet événement prend une dimension internationale et, depuis les premiers Jeux paralympiques de 1960 qui se tiennent à Rome, une semaine après les J.O., les suivants se déroulent tous les 4 ans dans la ville choisie pour les Jeux olympiques.
Le handisport nécessite du matériel adapté, aussi bien pour les déplacements (prothèses de membres ou fauteuils roulants), que pour les accessoires spécifiques (sangles, ballons pour non-voyants, protections, etc.).
Les prothèses sont les dispositifs artificiels destinés à remplacer une partie amputée du corps, membre, portion de membre, articulation. Elles existent depuis l’Antiquité ! Jusque dans les années 1980, les athlètes handicapés ne portaient pas de prothèses spécifiques lors des compétitions sportives.
Par la suite, des prothèses spécialement conçues pour les parasports ont été développées. Elles doivent remplir plusieurs fonctions : légèreté, résistance mécanique, biocompatibilité, confort. Les matériaux et les conceptions utilisés dans les prothèses diffèrent selon le type de sport pratiqué.
Elles sont souvent faites sur mesure et privilégient l’efficacité plutôt que l’esthétique.
De quoi sont faites les prothèses des sportifs handicapés ?
Les prothèses des blessés de la Première Guerre mondiale étaient en bois et cuir ! Désormais elles se caractérisent par des matériaux aux propriétés différentes. Les métaux comme le titane, l’aluminium ou l’acier, sont utilisés pour leur résistance et leur légèreté (en réalité ce sont des alliages acier inox, nickel-titane, etc.). Mais de nouveaux matériaux ont fait leur apparition comme la fibre de carbone, le kevlar, la fibre de verre, les matériaux composites, les silicones, etc. et ils ont largement modifié les performances des athlètes handicapés.
Oscar Pistorius, champion paralympique et olympique sur 400 m, utilise des lames en fibre de carbone, jouant le rôle de pied et de mollet. Sa « flex foot » est inspirée de la jambe arrière du guépard, le plus rapide des animaux.
Herr Hugh, grimpeur de très haut niveau dans les années 80, a créé des jambes prothétiques lui permettant d'escalader à nouveau après son accident. Dans son cas, le pied est en titane.
Ces prothèses sont aujourd’hui largement utilisées et résument bien l’apport des matériaux nouveaux.
Exemple d’une prothèse de membre inférieur
Elle comporte 3 éléments : l’emboîture, le manchon, la prothèse (fig. 1).
Figure 1. Flex foot. Source Brevet national des collèges 2020
https://lewebpedagogique.com/technopp/archives/640
1 - L’emboîture relie la prothèse au moignon (membre amputé), elle est la base sur laquelle se fixent les éléments de la prothèse, elle permet l’appui au moignon et transmet l’énergie du corps vers le « membre artificiel ».
Elle peut être réalisée avec un matériau composite (i) appelé « carbone tubulaire ». Ce sont des fibres de carbone (ii) imprégnées de résine acrylique (iii).
D’autres composites sont formés avec du Kevlar (iv), des fibres de verres ou de carbone, tous biocompatibles, qui permettent l’allègement de la prothèse et un meilleur aérodynamisme.
L'emboîture est conçue sur mesure pour éviter tout mouvement du moignon dans l'emboîture.
2 - Le manchon est l’interface entre la peau et l’emboîture, il est destiné à protéger le membre.
Partie souple de la prothèse, il est le plus souvent en silicone (v), matériau choisi pour son élasticité, sa biocompatibilité, sa durabilité et sa capacité à réduire les frottements et les irritations. Des copolymères ou du polyuréthane sont aussi employés.
3 - La prothèse elle-même, pied, genou, jambe, main… ne supporte pas les mêmes efforts selon le sport pratiqué.
Les « lames de course » constituant les prothèses des coureurs à pied sont désormais majoritairement en fibre de carbone.
En fait, les fibres de carbone tissées sont imprégnées de résine époxy et c’est ce matériau composite qui possède un ensemble de propriétés remarquables (cf. tableau comparaison) :
- légèreté due à la très faible densité de 1,8
- résistance 10 fois supérieure à celles de l’acier, ce qui donne une résistance spécifique 50 fois supérieure à celle de l’acier (quotient résistance /densité) (résistance à la compression et la traction, flexibilité)
- tenue en température
- longévité, due à l’inertie chimique (sauf à l’oxydation).
La fibre de carbone contribue au renforcement de nombreux composites. Mais sa production est complexe (vi) et la rend très coûteuse. La réparation et le recyclage des pièces sont problématiques.
Les avancées et les perspectives
Aujourd’hui de nouveaux composants électroniques révolutionnent l’efficacité des prothèses pour compenser le handicap.
Les progrès les plus innovants résident dans les prothèses bioniques (fig. 2) dans lesquelles un (ou plusieurs) composant(s) est géré électroniquement pour reproduire au mieux le fonctionnement humain. (bionique est la contraction de biologique et électronique).
Figure 2. Main bionique https://fr.motorica.org/blog
Des capteurs et des composants, conducteurs ou semi-conducteurs électroniques, captent l’activité (contraction-énergie) des muscles du membre résiduel et la transmettent à la prothèse.
Dans ce domaine, le graphène et les nanotubes de carbone, nouvelles formes (allotropes) du carbone de découverte récente, sont très prometteurs. Le graphène (vii) est constitué d’un feuillet d’atomes de carbone disposés sur un réseau de type nid d’abeille. Sa résistance à la rupture est deux cents fois supérieure à celle de l'acier (tout en étant six fois plus léger).
Un ou plusieurs feuillets peuvent s’enrouler pour former un nanotube de carbone (viii) (fig. 3).
Figure 3. Nanotube de carbone.
Source : Mstroeck. Licence CC BY-SA 3.0, Wikimedia Commons
Flexibles et ultra-résistants, les nanotubes de carbone peuvent, entre autres propriétés, transmettre les courants électriques du corps humain, grâce à leur comportement métallique ou semi-conducteur. Ainsi la présence de nanotubes de graphène a-t-elle permis (1) de fabriquer des mains prothétiques fonctionnelles capables d'interagir avec des écrans tactiles (utile pour les sports électroniques !).
En conclusion, le temps de la jambe de bois du pirate est bien révolu ! L'évolution scientifique et technologique des prothèses permet maintenant aux sportifs handisports de pratiquer leur discipline à haut niveau.
Dans certains cas, les avancées technologiques donnent des capacités accrues aux athlètes handicapés, au point que leurs performances peuvent égaler voire devancer celles des sportifs valides. Par exemple la prothèse permet à l'athlète une restitution d'énergie plutôt constante (et donc moins de fatigue pour l’athlète). La lame de carbone d’un sprinter, selon sa conception ou sa longueur, donne à l’athlète une foulée plus longue et transmet une énergie supérieure à celle des athlètes non amputés. Peut-on alors parler d’« athlètes augmentés par la technologie » ?
Des questions éthiques sur la participation de ces athlètes au côté d’athlètes valides dans les compétitions internationales (2) existent déjà. Toutefois, au cours de l’histoire de l’athlétisme paralympique, seuls quelques athlètes ont atteint les performances des athlètes valides…
Andrée Harari et l’équipe question du mois
(i) Les matériaux composites sont constitués de deux ou plusieurs composants dont les propriétés, différentes mais complémentaires, confèrent au composite des caractéristiques spécifiques.
Dans le cas présent ils présentent, pour l’application recherchée, les avantages suivants :
- résistance : le matériau supporte de nombreux chocs et pressions externes grâce au renfort des fibres de carbone,
- volume et masse plus faibles : allègement parfois considérable du produit final,
- durée de vie : du fait de sa résistance et sa relative inertie chimique, le matériau est durable.
(ii) La fibre de carbone est constituée de fibres extrêmement fines (5 à 10 microns de diamètre) d’atomes de carbone agglomérés en microcristaux. L’alignement des cristaux le long de l’axe de la fibre la rend très résistante. Plusieurs milliers de fibres de carbone sont enroulées ensemble pour faire un fil. Les fibres de carbone étant formées de domaines graphitiques, elles présentent les propriétés électriques du graphite.
Cependant les propriétés sont unidirectionnelles, (anisotropie). Ce n’est pas le cas des métaux qui sont capables de supporter des charges dans n’importe quelle direction (propriété isotrope).
(iii) Une résine acrylique est un polymère thermoplastique ou thermodurcissable obtenu à partir d'acide acrylique (H2C=CHCOOH), ou autres composés apparentés. Ses propriétés utiles sont la résistance mécanique, la biocompatibilité, la transparence.
(iv) Le Kevlar (nom commercial du poly(p-phénylènetéréphtalamide) (PPD-T) est un polymère thermoplastique constitué de noyaux aromatiques séparés par des groupes amide. Les liaisons hydrogène lui confèrent son exceptionnelle résistance spécifique (rapportée à la densité), supérieure à celle de l'acier, mais inférieure à celle des fibres de carbone.
Comme les autres fibres textiles, il ne fait pas partie des matières plastiques (fig. 5).
Structure du kevlar. Licence CC BY-SA 3.0, Wikimedia Commons
(v) Les silicones, ou polysiloxanes, sont des composés inorganiques (il n’y a pas d’atomes de carbone dans la chaîne principale) formés d'une chaîne silicium-oxygène dans laquelle des groupes se fixent sur les atomes de silicium. Le type le plus courant est le polydiméthylsiloxane linéaire (PDMS).
PDMS. licence CC BY-SA 3.0, Wikimedia Commons
Si l'on fait varier les chaînes, les groupes fixés et les liaisons entre chaînes, les silicones fournissent une grande variété de matériaux dont la consistance varie du liquide au plastique dur, en passant par le gel.
(vi) La fibre de carbone est fabriquée à partir des précurseurs comme :
- Les fibres de polyacrylonitrile (fibres de PAN de formule H2C=CH–C≡N). Ces dernières sont oxydées vers 200-300°C pendant une durée allant de 30 minutes à 3 heures et deviennent infusibles. Ces fibres sont ensuite carbonisées sous atmosphère inerte entre 1 000 °C et 1 500 °C pour éliminer les éléments H, N, et O. La graphitisation par un second traitement thermique à haute température (plus de 2 000 °C) améliore la structure des fibres.
- Le brai, goudron issu de distillation de résidus de pétrole ou de houille.
- La cellulose.
(vii) Le graphène est un composé bidimensionnel cristallin, identifié en 2004.
Cette forme de carbone, correspond à un feuillet unique de graphite, de réseau hexagonal, type nid d’abeille. Ses propriétés sont donc bidimensionnelles :
- résistance à la rupture deux cents fois supérieure à celle de l'acier (tout en étant six fois plus léger)
- exceptionnelles conductivités électrique et thermique
- durabilité
Structure du graphène. Domaine public, Wikimedia Commons
(viii) Un nanotube de carbone, observé pour la première fois en 1991 (4) (5), est une structure cristalline composée d'atomes de carbone qui peut être décrite comme un feuillet de graphène enroulé sur lui-même. C’est un tube creux, de diamètre interne d’environ un nanomètre (10-9 m) et d’une longueur de l'ordre de quelques microns.
Les nanotubes peuvent être mono-feuillet ou multi-feuillets. La structure d'un nanotube de carbone multi-feuillets correspond soit à plusieurs feuillets de graphène concentriques, soit à un seul feuillet de graphène enroulé sur lui-même de façon hélicoïdale.
Du point de vue électrique, les nanotubes mono-feuillets ont la particularité remarquable d’être soit métalliques (conducteurs) soit semi-conducteurs. En outre ils ont une excellente rigidité (mesurée par le module de Young), comparable à celle de l'acier et une extrême légèreté.
Références
(1) Nanotubes de graphène, sur le site Motorica (2021)
(2) Le sport augmenté, une révolution en marche à autoriser ?, Journée Transhumansime : de nouveaux droits, Mai 2021, Aix-en-Provence, France, M. Lahaye, V. Perkins, Ch. Charleux, G. Nicolas, V. Andrieu et A. Mahalatchimy, halshs-03406451v2
(3) Electric Field Effect in Atomically Thin Carbon Films K. S. Novoselov, A. K. Geim, S. V. Morozov et al., Science, vol. 306, n° 5696 (2004) p. 666–669
(4) Helical microtubules of graphitic carbon, S. Iijima, Nature, 354 (1991) p. 56-58.
(5) Who should be given the credit for the discovery of carbon nanotubes? M. Monthioux et V. L. Kuznetsov, Carbon, vol. 44, n°9 (2006) p. 1621-1623
Pour aller plus loin
* Les nouvelles prothèses Serge Lécolier, Revue Chimie Paris, n°338-339 (2012) p. 8-11
* Handicap et évolution scientifique et technologique : la prothèse dans le handisport (PDF) Comité Départemental Olympique et Sportif de l'Aisne, aisne.franceolympique.com
* Société Össur, fabricants de produits orthopédiques non invasifs
* Cours de physique du solide : les nanotubes de carbones (pdf) sur le site de l'Institut Rayonnement-Matière de Saclay (Iramis) - CEA
* Cette main bionique peut fonctionner plusieurs années, R. Fouchard, News de science (2023) sur le site des Techniques de l’Ingénieur
* Prothèses bioniques : retrouver les fonctions perdues, article réalisé avec M. Maier, de l'École des neurosciences (unité FR3636), CNRS - Université Paris Descartes, Site de la Fondation pour la Recherche Médicale
Crédit illustration : Championnats du monde d'athlétisme IPC 2013. 200 mètres féminin T44. De gauche à droite : Sophie Kamlish (GB), Marie-Amelie Le Fur (France), Marlou van Rhijn (Netherlands)
Fanny Schertzer, licence CC BY-SA 3.0, Wikimedia Commons
Les beaux jours approchent et vous voulez profiter de votre piscine. Il faut donc s’assurer que son eau est saine et propre à la baignade. Et vous allez faire de la chimie sans vous en rendre compte !
L’eau dans les piscines doit avoir les caractéristiques suivantes :
- abiotique, donc aucun organisme vivant (autre que les baigneurs !),
- limpide,
- non agressive pour les baigneurs.
Quels sont les organismes vivants concernés ? Il s'agit de microorganismes (bactéries, virus, champignons...) et d'algues. Pour lutter contre ces organismes, il est nécessaire de désinfecter l’eau par l’acide hypochloreux, ClOH.
Le traitement le plus rencontré utilise des « galets de chlore »
L’acide hypochloreux, ClOH, est généré in situ en introduisant des « galets de chlore » dit « lents » et « chocs » qui sont deux composés voisins, l’acide trichloroisocyanurique (TCU) et le dichloroisocyanurate de sodium (DCU) (i).
La réaction mise en jeu (par exemple pour le TCU) est : TCU + 3 H2O = 3 ClOH + acide isocyanurique (ii)
Dans les documents commerciaux, ClOH est surnommé « chlore actif ».
Le « chlore lent », peu soluble dans l’eau, permet une dissolution progressive du galet et donc une concentration faible et continue en ClOH. Pour une piscine de 55 m3, il faut deux galets de 250 g pour 7 à 10 jours.
Le « chlore choc » se dissout très rapidement permettant d’augmenter très vite, si nécessaire, la concentration en ClOH (en cas de problème d’algues ou à la sortie de l’hivernage, par exemple).
Il peut arriver qu’on observe une accumulation d’acide isocyanurique au cours du temps. Si sa concentration est trop élevée, les galets n’agissent plus. On dit alors que la piscine est « saturée ». À noter que l’acide isocyanurique est inoffensif pour la baignade (iii). Pour éviter la saturation il faut vidanger une partie de l’eau (environ 1/3) avant chaque hivernage, l’appoint sera apporté par l’eau de pluie avec éventuellement un peu d’eau du robinet.
Pour éliminer les algues, il faut ajouter des sels d’ammonium quaternaire, en combinaison avec du « chlore choc ». Un exemple de sel d’ammonium est donné en note (iv). La prolifération des algues, qui contribuent à une eau trouble et verdâtre ainsi qu’à des dépôts rendant les surfaces glissantes, est favorisée par la lumière, par une augmentation de la température et par une élévation du pH.
La régulation du pH, le plus proche de 7,2, est indispensable pour trois raisons.
- D’une part pour que l’eau ne soit pas agressive pour la peau, il faut que le pH soit compris entre 7,2 et 7,6.
- D’autre part, l’acide hypochloreux est en équilibre dans la solution avec les ions hypochlorite ClO-. Or le pouvoir destructeur des microorganismes de l’acide hypochloreux est environ 100 plus fort que celui des ions hypochlorite [1] et la teneur en acide hypochloreux chute de 66 % à 50 % lorsque le pH augmente de 7,2 à 7,5.
- Enfin il ne faut pas que le pH devienne trop acide car un dégagement de dichlore pourrait se produire (v). Ainsi, si le pH devient inférieur à 7,2, on ajoute du carbonate de sodium Na2CO3, appelé commercialement « pHplus ».
Pour avoir une eau limpide on ajoute du sulfate d’aluminium. Il permet d’agréger (vi) les particules en suspension et de faciliter la filtration ultérieure. Les galets commerciaux (environ 100 g) de ce composé sont enfermés dans un sachet non-tissé ayant l’apparence d’une chaussette. Un résidu gluant se forme dans la « chaussette » évitant d’encrasser les canalisations.
L’acide hypochloreux détruit les microorganismes mais se combine aussi aux composés organiques azotés tels que la sueur, les peaux mortes… que peuvent apporter les baigneurs et baigneuses, pour donner des chloramines ou des composés encore appelés « chlore combiné ». D’où la douche savonnée et le shampoing fortement recommandés en amont. Ces chloramines sont lacrymogènes, d’où la sensation d’avoir les yeux qui piquent, et ont une forte odeur attribuée par erreur « au chlore ». La consommation de ClOH par ces composés diminue la quantité de ClOH disponible pour éliminer les microroganismes. Si c’est le cas, il faut donc augmenter la concentration en acide hypochloreux.
Pour éliminer les chloramines il est nécessaire d’aérer et de renouveler partiellement l’eau de la piscine.
Le traitement par électrolyse
Il existe un autre mode de traitement des eaux de piscine, vendu sous les noms de « piscine au sel » ou « électrolyse au sel » ou « désinfection au sel ». Ce procédé est souvent présenté comme « plus écologique que le chlore » ou « traitement naturel donc plus écologique ». On lit aussi que ce procédé n’utilise pas de « chlore chimique » mais du « chlore naturel » !
Alors tout d’abord soyons clair, ce n’est pas le sel qui désinfecte l’eau de la piscine comme pourraient le faire croire certaines publicités, c’est toujours l’acide hypochloreux ClOH ou « chlore actif ». Et bien sûr c’est la même molécule chimique que celle obtenue avec les « galets de chlore ».
Comment ça marche ?
On introduit 3 à 6 g de chlorure de sodium (vii), NaCl, par litre d’eau de la piscine. Cette concentration est environ 6 à 11 fois moins concentrée que celle de l’eau de mer.
Un électrolyseur est un appareil présentant une cellule d’électrolyse comportant deux plaques en titane (ce sont les électrodes) et un système électrique permettant de créer une différence de potentiel constante (comme un générateur de courant continu). L'eau salée de la piscine est alors pompée à travers le système de filtration et acheminée jusqu'à la cellule d'électrolyse après être passée par les sondes d’analyses, le surpresseur et le réchauffeur. On crée une différence de potentiel (basse tension) entre les 2 électrodes ce qui provoque le passage d’un courant électrique qui va engendrer une réaction chimique à chacune des électrodes.
À l’anode il y a l’oxydation des ions chlorure en acide hypochloreux (viii). On a donc créé in situ le même composé qu’avec les « galets lents et chocs ». Il a bien sûr les mêmes propriétés de désinfection et d’élimination des microorganismes et des algues.
À la cathode, l’eau est réduite en dihydrogène (ix). Ce dihydrogène est entrainé dans le flux (on peut observer des bulles dans l’eau à proximité de la cellule d’électrolyse).
Donc l’électrolyse de l’eau salée a pour réaction globale : 2 H2O + Cl- → ClOH + H2 + OH-.
La réaction globale faisant apparaitre globalement des ions OH-, il est toujours indispensable, de contrôler le pH. Aussi les installations sont souvent proposées équipées d’un régulateur automatique de pH utilisant de l’acide sulfurique.
Lors de la réaction de ClOH sur les microorganismes, il est réduit en chlorure, Cl-, ce qui régénère le sel. C'est ainsi un cycle fermé.
Il faut toutefois surveiller régulièrement la concentration en sel et l’ajuster en cas de dilution par la pluie ou si l’eau de la piscine a été renouvelée ou s’il y a formation de chloramines qui consomment ClOH ce qui casse en partie ce cycle.
Les rayons ultraviolets (UV) provoquant une destruction photochimique de ClOH selon 2 ClOH → O2 + 2 H+ + 2 Cl-, cela rend plus difficile de maintenir le taux de « chlore actif » dans une piscine en plein air. Il faut donc aussi adapter la production par électrolyse au fait que la piscine soit couverte ou non.
L’état des électrodes joue un rôle important sur l’efficacité de la production de ClOH. En particulier leur durée de vie sera affectée si l’eau est très calcaire (ou dite « dure »). Les électrodes sont parfois proposées avec inversion de polarité possible pour alterner leur rôle d’anode ou de cathode et empêcher des dépôts de tartre (calcaire CaCO3).
Enfin le sel favorise la corrosion des installations, ce qui est à prendre en compte dans le coût d’entretien.
Françoise Brénon
(i) Le nom « acide trichloroisocyanurique » est impropre car ce n’est pas un acide. Son nom officiel est le 1,3,5-trichloro-1,3,5-triazinane-2,4,6-trione). Les formules développées sont :
(ii) L’acide iso cyanurique a pour formule développée
(iii) L'acide cyanurique est classé comme « essentiellement non toxique ». Seule donnée sur la toxicité de l’acide isocyanurique : néphrotoxique chez l’animal si ingéré en grande quantité https://reptox.cnesst.gouv.qc.ca/Pages/fiche-complete.aspx?no_produit=11965
(iv) Exemple : Le chlorure de benzalkonium est un mélange de chlorures d’alkylbenzyldiméthylammonium, de formule générale [C6H5-N+(CH3)2CH2 R] Cl-, R représentant des radicaux « alkyl » de C8 à C18. Il est généralement répertorié dans la
littérature sous le numéro CAS n° 8001-54-5.
Exemple du plus couramment employé :
(v) Selon la réaction ClOH + Cl- + H+ → Cl2 + H2O. le dichlore formé est un gaz très toxique.
(vi) En effet si les particules sont très fines (< 20-40 µm) elles ne sont pas éliminées par le filtre à sable. Le phénomène en présence de sel d’aluminium est appelé floculation. Les ions Al3+ donnent un hydroxyde hydraté colloïdal Al(OH)3, x(H2O) agrégeant les particules en suspension, facilitant une filtration ultérieure.
(vii) Se reporter sur la notice du constructeur de l’appareil. Et on peut regarder des conseils en ligne.
(viii) Selon Cl- + H2O → ClOH + H+ + 2 électrons
(ix) Selon 2 H2O + 2 électrons → H2 + 2 OH-
Pour en savoir plus
[1] L'eau de Javel : sa chimie et son action biochimique, G. Durliat, J.L. Vignes et J.N. Joffin. BUP n° 792 (1997) pp. 451-469 et tout particulièrement pages 462-464 où est expliqué le rôle du pH et le pouvoir bactéricide de l’acide hypochloreux supérieur à celui des ions hypochlorite.
[2] Le traitement des eaux de piscine, collection Techno, Nathan (1987)
[3] Guide-piscine 2015, SIET, guide de bonnes pratiques, issu de travaux menés par l'ensemble des professionnels du traitement et de l'analyse des eaux de piscines. Concerne plus particulièrement les piscines collectives.
[4] Pour les piscines avec électrolyseurs on peut consulter les notices des constructeurs. Par exemple Distripool, ou Sterilor ou Dytech…
Crédit illustration : OceanProd / Adobe Stock
Rencontres régionales, nationales, européennes, coupes du monde et bientôt les Jeux olympiques à Paris, que d’occasions pour se retrouver dans les stades. Mais un stade est source de pollution comme tout lieu public accueillant un grand nombre de personnes. De plus en plus d’installations sportives relèvent avec succès le défi climatique en intégrant de nouveaux dispositifs très prometteurs. Découvrons quelques solutions pour rendre un stade plus écologique.
Un constat : les chiffres sont impressionnants (1) (2)
L’arrosage des pelouses consomme énormément d’eau : cela représente près de 100 millions de m3 chaque année en France. La consommation électrique est de 100 000 kWh pour l'éclairage d’un stade pendant un match.
L’émission de dioxyde de carbone CO2 est considérable et concerne aussi bien celui généré pour fabriquer le béton utilisé pour la construction et les rénovations que celui émis pour les transports des supporters lors de chaque rencontre. Par exemple, « En prenant en compte les infrastructures, l’Euro 2016 en France, a de son côté engendré l’émission de 2,8 millions de tonnes de CO2e (i), avec 80% des émissions liées aux stades et un peu moins de 20% liées aux spectateurs. » (2)
Des solutions existent en repensant la nature des pelouses, les matériaux de construction, les transports, la gestion du stade, la limitation des déchets et même en faisant des médailles recyclées ! Nous citerons ici deux exemples où la chimie peut participer à cette amélioration.
Les pelouses hybrides
Il existe plusieurs natures de sols sportifs :
- les sols classiques composés de terre et de sable, qui concernent surtout les clubs amateurs,
- les pelouses naturelles,
- les pelouses artificielles à base de matériaux plastiques,
- les sols hybrides qui concernent depuis 15 ans tous les terrains pour les compétitions de haut niveau.
Apparu en 1990 le gazon hybride est constitué de plusieurs matériaux : du gazon naturel, des fibres de gazon synthétique et un substrat.
Ce gazon hybride, développé par la technologie AirFibr est donc constitué d'un gazon naturel, enraciné dans un substrat de synthèse breveté composé de granulés de liège, de microfibres synthétiques (1 % de la masse de gazon) et de sable fin. Le sable est le composant majoritaire du substrat.
Les microfibres synthétiques renforcent l'enracinement du gazon. Ces microfibres sont généralement faites de polyéthylène (PE), de polypropylène (PP) ou de polyamide (PA) partiellement renforcé de fibres de verre. Elles se présentent sous forme de mono-filaments ou elles sont « fibrillisées » afin de simuler les brins de gazon naturel et de mieux stabiliser les granulats de remplissage. L’insertion des fibres est maintenue en place par une deuxième base qui est faite de latex ou de polyuréthane. Les granulés de liège absorbent les chocs et réduisent les risques de blessure des joueurs (3).
Un terrain hybride améliore la vitesse de jeu, la transmission du ballon, la souplesse de la pelouse et rend le terrain praticable par tous les temps. Le drainage est immédiat, l’eau est absorbée très rapidement et l’évaporation est retardée. Ainsi, le terrain n’est jamais inondé, comme cela peut être le cas avec de la pelouse naturelle.
Ces pelouses peuvent aussi bien être engazonnées par semis que par rouleaux de placage. La surface de jeu homogène reste plane et stable, quelles que soient les conditions climatiques.
L'avantage de cette dernière technique offre aux stades une flexibilité dans la gestion du terrain. En effet, en moins d'une semaine, la pelouse est changée et jouable. Grâce à ce délai court entre le placage et l'accueil d’un match, il est désormais possible de multiplier le taux d'utilisation des stades, notamment en mutualisant le terrain (football et rugby), en accueillant des événements socio-culturels (concerts, festivals) tout au long de l’année. Ceci permet donc de diminuer le nombre de bâtiments avec en conséquence des économies multiples.
Remarque concernant les pelouses artificielles
L’utilisation de billes de pneu recyclés en tant que substrat pour un terrain synthétique, qui permet une utilisation plus intensive comparée à la pelouse et de réaliser une substantielle économie d’eau et d’entretien, est soumise depuis 2018 à une réglementation européenne (4) imposant une très faible teneur en HAP (Hydrocarbures aromatiques polycycliques). La Commission européenne a décidé en 2023 de les interdire à partir de 2031. Reste encore à trouver les solutions de remplacement (5).
Et des médailles à partir de téléphones portables recyclés !
Les médailles de la Coupe du monde de rugby disputée en France en 2023, en or, argent et bronze (alliage majoritairement composé de cuivre et d’étain) ont été fabriquées à partir de téléphones portables recyclés. Ce procédé a déjà été utilisé aux JO de Tokyo en 2021.
Pour cela 206 000 appareils ont été récoltés dans les clubs de rugby et 1491 médailles ont été frappées à la Monnaie de Paris. Le recyclage a été fait dans l’entreprise WeeeCycling [6], située en Normandie, affineur ne travaillant qu’à partir de déchets sans utiliser de minerai d’extraction. Des traitements chimiques et thermiques des déchets électriques et électroniques permettent d’en extraire des métaux précieux et stratégiques à très haut niveau de pureté, moyennant des émissions de CO2 « jusqu’à 2000 fois plus faibles que celles des procédés miniers ».
Après broyage et séparation mécanique, les déchets passent dans des fours permettant de former un alliage séparé des impuretés et des métaux communs, grâce à des réactions d’oxydo-réduction par voie thermique. Les métaux communs sont valorisés par ailleurs. Ces processus n’utilisent que des déchets et leurs pouvoirs calorifiques sont utilisés de manière optimisée avec une faible consommation énergétique (1500 à 2000 fois plus faibles que les procédés miniers traditionnels). La purification de chaque métal est obtenue par différentes phases de séparation et d’affinage chimique et électrochimique.
Ainsi, pour un téléphone de masse égale à 100 g, on obtient 25 mg d’or, 0,34 g d’argent, 8 g de cuivre et environ 1 g d’étain (6) (7a) (7b).
Quelques exemples de réalisations et de projets
Le stade de football de Rodez (8) est équipé d’une pelouse hybride. Un système composé d’arroseurs disposés de manière régulière sur l’ensemble du terrain permet une répartition optimale de l’eau et un arrosage rapide juste avant le match ou pendant la mi-temps, pour humidifier le terrain.
Le système d’arrosage est relié à un système de gestion centralisée lui-même relié à une station météo. Des sondes d’humidité fournissent des informations complémentaires au système sur l’air, l’humidité, les précipitations et le sol, permettant de réajuster la programmation de l’arrosage et d’apporter à la plante la juste quantité d’eau dont elle a besoin. Le terrain a été livré en octobre 2019. M. Rouquié, directeur des sports de la ville de Rodez précise qu’ « avec ce terrain hybride, les apports en eau sont plus fréquents mais moins importants et que la consommation en eau est passée de 5000 m3 à 3000 m3 ».
Un stade de football à Saint-Pol-sur-Mer, dans le Nord, vient d'être équipé d’une pelouse Mixto® de type hybride très drainante par l’entreprise idverde, pour un coût intermédiaire entre celui d’un revêtement conventionnel totalement en herbe et celui d’une pelouse hybride classique (9).
À Lyon, au Groupama Stadium, 50 000 m2 de panneaux solaires ont été installés dans son complexe d’activités pour couvrir une partie des besoins en électricité de l’enceinte (10).
En 4ème division anglaise, le club de Forest Green Rovers promet, d’après le journal La Croix du 15 novembre 2022, de « construire le stade le plus écologique du monde » (prévu pour 2025 avec 5000 places). Il sera entièrement composé de bois, le stade sera alimenté par des sources d’énergie renouvelable (panneaux solaires) et les pelouses seront hybrides sans pesticide. À suivre donc !
Enfin, pour l’ensemble des stades, les pelouses conventionnelles étant très régulièrement et longuement arrosées avant les matchs, on pourrait réutiliser l’eau de pluie.
Odile Garreau et l’équipe question du mois
(i) La notation CO2e est relative aux équivalents dioxyde de carbone qui sont une mesure de l'effet des différents gaz à effet de serre (GES) sur le climat. https://www.connaissancedesenergies.org/questions-et-reponses-energies/gaz-effet-de-serre-quest-ce-que-l-equivalent-co2
(ii) chiffres donnés avant l’installation de la station météo
Sources et Pour en savoir plus
(1) Euro 2016 : l’empreinte écologique démesurée du football en question, C. Fournier, Media youmatter.world
(2) Foot et climat : le bilan carbone du ballon rond, entreprise SAMI Plateforme climat Consultant carbone
(3) Pelouse hybride augmentée AirFibr, société Natural Grass, travail de recherche et développement réalisé en partenariat avec l'Institut de Biomécanique Humaine des Arts et Métiers ParisTech.
(4) Restriction guideline: Annex XVII entry 50, paragraphs 5 and 6 on PAHs: articles within or excluded from the scope, ECHA europa.eu
(5) Enquête Interdiction du pneu sur les terrains synthétiques : les Villes vont payer plus cher, actu.fr
(6) Les spécialités de traitement des déchets de la société WeeeCycling et Processus de transformation de la société WeeeCycling
(7a) Pourquoi ne faut-il pas jeter son smartphone hors d’usage ? F. Brénon, Question du mois, Mediachimie.org
(7b) Projet THYMO | Recyclage des métaux contenus dans les cartes électroniques des téléphones portables GeoRessources, TJFU, Institut Carnot ICEEL, CNRS Centre Est
(8) Stade de football de Rodez : Irrigation spécifiques des terrains hybrides,F. Martin, article de Irrigazette, The leading International Irrigation magazine
(9) idverde invente une pelouse sportive hybride très résistante, Stanislas du Guerny, article de Les Echos 25/10/2016
(10) L’équivalent de 7 terrains de foot ! OL Vallée en passe d’accueillir 50 000 m2 de panneaux photovoltaïques, Lyon Entreprises.com
Crédit illustration : image par Pexels / Pixabay
L'athlète kényan Kelvin Kiptum, qui avait battu le record du monde du marathon en 2 h 00 min 35 s lors du marathon de Chicago le 8 octobre dernier, soit 34 secondes de mieux que le précédent record établi par le double champion olympique kényan Eliud Kipchoge lors du marathon de Berlin en 2022, est décédé dans un accident de la circulation ce 11 février 2024. Quand on pense que de 2000 à 2020, sauf en 2004 où c’était un Italien, ce sont des Kényans, Éthiopiens et Ougandais qui ont été médaillés d'or, et que de 1956 (1) à 2000 on a eu pour chaque olympiade des Africains sur le podium du marathon, on peut croire qu'il ne s'agit pas d'une coïncidence. Alors, quelle est l’explication ?
Explications plausibles
Il y a probablement une part d'explication que les outils des sciences sociales permettent de comprendre : les Africains ne participent aux jeux que relativement récemment. Les meilleurs sportifs préfèrent l'athlétisme sur piste et le marathon a mis plus de temps à être pratiqué que les autres distances. On ne trouve pas de marathoniens ivoiriens, togolais ou namibiens, mais essentiellement des Éthiopiens ou des Kényans. Pourquoi ?
Il y a une raison physiologique : ces pays ont des altitudes moyennes d'environ 1300 m et comportent de hauts plateaux (Vallée du Rift). Les populations vivent donc le plus souvent en altitude. Or en altitude, par suite de la baisse de la quantité d'oxygène, il y a augmentation de la fréquence cardiaque. Au bout d'un certain temps, l'organisme augmente sa production d'érythropoiétine, l'hormone qui dirige la synthèse des globules rouges. Ces globules devenant plus nombreux, il y a un meilleur transport d'oxygène et la fréquence cardiaque peut diminuer, ainsi que l'essoufflement. Et ces effets durent plusieurs semaines. C'est aussi pourquoi les athlètes vont s'entraîner en altitude (le Centre national d'entraînement en altitude de Font-Romeu est à 1850 m).
Vivant en altitude, Kényans ou Éthiopiens ont des modes de vie proches : les enfants vont à l'école à pied, souvent en courant, car c'est loin. Le parcours est accidenté et ils ne portent pas de chaussures de sport ; ils sont souvent pieds nus (cela leur donne un meilleur style de course les forçant à atterrir sur la pointe du pied). Cela leur procure un "entraînement" constant en altitude. Enfin les modes de vie restent rigoureux, et ils font tout à pied. On lira avec profit le travail de fin d'études de Nicolas Tilman (2). La nourriture est moins riche, et ils sont minces (Eliud Kipchoge, médaille d'or en 2020 mesure 1,67 m et pèse 52 kg), avec " de petits mollets ". C'est très important d'après le physiologiste Bengt Saltin (3) (4) car avec en moyenne 400 g de moins pour chaque jambe, il leur faut environ 8% de moins d'énergie pour la soulever. Ils utilisent aussi plus d'oxygène dans chaque inspiration, car leurs nombreux trajets à pied en courant ont augmenté leur capacité VO2(i). Selon Véronique Billat (5), directrice du laboratoire d'étude de la physiologie de l'exercice de l'INSERM, les Kényans courent par à-coups à l'entraînement, placent des accélérations, ralentissent, repartent et cela sur des terrains accidentés ; ils développent ainsi des fibres musculaires intermédiaires, entre lentes et rapides.
Fonctionnement de l'hémoglobine
L'organisme humain n'a que peu de réserve en oxygène. Il lui faut donc constamment en absorber. C'est le rôle de la respiration. Le transport de cet oxygène des poumons vers les organes qui en ont besoin se fait grâce à l'hémoglobine des globules rouges. Les muscles vont stocker cet oxygène grâce à une protéine, la myoglobine.
La myoglobine (figure 1) est une protéine contenant un hème (figure 2), où peut s'insérer un ion Fer(II), Fe2+. C'est lui qui fixe l'oxygène, donnant l'oxy-myoglobine.
L'hémoglobine (figure 3) est un tétramère, dont chaque sous-unité est proche de la myoglobine. Elle contient donc 4 ions Fe(II), Fe2+, et peut fixer jusqu'à 4 molécules de dioxygène(ii). Mais si on regarde les courbes de fixation du dioxygène sur ces deux protéines (figure 4), on voit une différence : la myoglobine le fixe rapidement et est vite saturée (à une pression partielle d'environ 25 mmHg). L’hémoglobine a une fixation sigmoïdale : elle fixe peu de dioxygène à faible pression partielle, puis de plus en plus ensuite à mesure que la pression est élevée. Cette différence vient de l'interaction entre les sous-unités de l'hémoglobine : la fixation du dioxygène modifie la structure de la protéine, la rendant plus apte à en fixer. On dit qu'il y a coopérativité entre les sous-unités. Ce phénomène se dénomme allostérie, phénomène découvert à l'Institut Pasteur par François Jacob et Jacques Monod (Prix Nobel 1965).
Figure 1. Myoglobine. Source : Wikimedia Commons. Domaine public.
Figure 2. Hème. Il s'agit d'une porphyrine, molécule formée de 4 cycles pyrroliques. Un Fe2+ se trouve au centre. On trouve des tétrapyrroles dans d'autres molécules biologiques, comme la chlorophylle, où c'est un Mg2+ qui est au centre. Source : Wikimedia Commons. Domaine public.
Figure 3. Hémoglobine. Il y a 4 sous-unités, semblables à la myoglobine.On voit les 4 porphyrines. Source : Wikimedia Commons. Domaine public.
Fig. 4 Fixation de l'oxygène par la myoglobine et l'hémoglobine. © Encylopaedia Universalis sous licence CC BY-NC
Les conséquences sont que :
- au niveau des poumons où la pression en oxygène est forte, l'hémoglobine le fixera aisément, à 100% (plateau). Elle est alors de couleur rouge vif (sang artériel)
- au niveau des organes, la pression est faible, donc l’affinité diminue, et la protéine accepte de donner son oxygène, là encore de manière allostérique : le départ de chaque oxygène rend le départ du suivant plus facile. Elle devient alors rouge foncé, proche du bleu (sang veineux). On n’a pas cette régulation pour la myoglobine, pour laquelle l’affinité est toujours forte, supérieure à celle de l'hémoglobine : elle ne perd donc pas son oxygène, même à faible pression partielle et est donc capable de le stocker dans les muscles.
Pour en revenir à nos athlètes, on comprend pourquoi l'entraînement en altitude, en augmentant la quantité de globules rouges, donc d'hémoglobine, donc la capacité à fixer et transporter l'oxygène permet à leurs muscles de mieux résister à la fatigue. Si on associe l'altitude à un mode de vie conduisant à un entraînement (involontaire) dès l'enfance, on comprend mieux les performances des athlètes d'Afrique de l'Est, sans avoir besoin de rechercher d'éventuelles caractéristiques génétiques.
Nicole Moreau
(i) La consommation maximale d'oxygène ou VO2 max est le volume maximal de dioxygène qu'un sujet humain peut consommer par unité de temps lors d'un exercice dynamique aérobie maximal. Rapportée à l'unité de masse corporelle, elle s'exprime en ml/min/kg. Cette valeur est un excellent indicateur de la performance potentielle du sujet dans les épreuves d'endurance : plus elle est élevée, meilleure sera la performance éventuellement réalisée.
(ii) L'hémoglobine fixe aussi le CO2, et participe à son élimination de l'organisme. A noter aussi l'affinité de l'hémoglobine pour le monoxyde de carbone, CO et l'ion cyanure CN-, d'où la toxicité de ces éléments.
Pour en savoir plus
(1) En 1956, Abebe Bikila, médaille d'or, Éthiopien, avait couru pieds nus ! Il réitérera son exploit en 1960, mais avec des chaussures.
(2) Cité par Véronique Billat La course à pied. Une histoire de Noirs. Origines d’une telle suprématie de Nicolas Tilman
(3) Bengt Saltin (1935–2014), Bangsbo J, Kjær M, Hellsten Y., J Physiol. 2014 Dec 1;592(23):5149-51. doi: 10.1113/jphysiol.2014.285411
(4) Mollets noirs et blancs mollets, Revue Jeune Afrique (2004)
(5) Fiche Wikipedia relative à Véronique Billat
Illustration : Marathon de Francfort (2017), JeLuF, travail personnel, CC BY-SA 4.0, Lien
Vous pratiquez la plongée sous-marine, le surf ou autres sports nautiques et vous utilisez des combinaisons isothermes en « néoprène® ». Au moment d’acheter votre combinaison vous vous posez la question : laquelle choisir qui soit à la fois performante et respectueuse de l’environnement ? Une recherche sur Internet avec le mot-clef « néoprène » vous propose des alternatives écologiques à leur fabrication.
Voici quelques propositions trouvées et reprises de très nombreuses fois sur Internet par les services commerciaux de vendeurs de combinaisons.
- Nos combinaisons sont en « néoprène issu du calcaire contrairement à la plupart des néoprènes issus de produits pétrochimiques. »
- « Le néoprène biologique Yamamoto est respectueux de l’environnement et se compose à 99.7% de carbonate de calcium »
On notera que sur le site de Yamamoto (i) il est écrit : YAMAMOTO est fier d'utiliser Limestone CR à 100 %. Le calcaire est fabriqué à partir du mont Kurohime qui stocke des milliards de tonnes de calcaire le plus pur. A partir de ce calcaire le plus pur, YAMAMOTO utilise uniquement le calcaire de la plus haute qualité, contenant 99,7 % de carbonate de calcium… Le pourcentage de 99,7% ne concerne donc pas le néoprène. - Un numéro de mars 2021 du magazine de l’ADEME (ii), a pour titre « Des combinaisons de surf à base de coquilles d’huîtres ». Il y est précisé : « Le dernier modèle conçu par l’entreprise est fabriqué à partir de coquilles d’huître broyées. Une matière 100 % naturelle et renouvelable qui remplace le limestone que l’on trouve dans la composition du néoprène des combinaisons classiques ». Cette information a été également reprise par la presse (iii).
Alors décryptons tous ces mots et posons-nous la question : comment peut-on fabriquer une combinaison en néoprène® à partir de pétrole ou à partir de calcaire et celle-ci est-elle une alternative écologique ?
Tout d’abord qu’est-ce que le néoprène® ? [1] [2]
C’est un nom commercial (iv) devenu un nom courant pour désigner le caoutchouc de polychloroprène (noté souvent par le sigle CR pour Chloroprène Rubber). Il n’existe pas dans la nature (v), c’est donc un produit de synthèse.
Il faut disposer d’une molécule monomère, le chloroprène (vi), qui pourra réagir sur elle-même un très grand nombre de fois pour former de très longues chaines moléculaires où les atomes de carbone s’enchainent, pour conduire au polymère, le polychloroprène (cf. figure1).
(n peut être de plusieurs milliers) | |
Figure 1
Il faut donc tout d’abord créer le chloroprène.
Il existe 2 voies de synthèse : soit à partir du pétrole (de très loin la plus répandue depuis 1960) soit à partir d’un mélange de calcaire et de charbon [1] [2] [3] [4].
La première voie passe par l’obtention de butadiène molécule obtenue en très grande quantité (vii) au cours du vapocraquage des essences légères issues du pétrole (viii)(ix).
La deuxième voie passe par l’obtention d’acétylène à partir de calcaire ou limestone (x) et de charbon. Le calcaire est du carbonate de calcium CaCO3 et le charbon est la source de carbone C.
Tableau comparatif des 2 voies par Françoise Brénon
Les atomes de carbone surlignés en jaune (C) proviennent du carbonate de calcium, ceux surlignés en turquoise (C) proviennent du charbon et ceux surlignés en rose (C) proviennent du pétrole. Mais bien sûr, la molécule de chloroprène qu’elle soit dérivée du pétrole ou du calcaire est chimiquement unique. Les atomes de carbone n’ont pas de mémoire !
Et observons que le carbone contenu initialement dans le calcaire se trouve dans CO2 formé (réaction 1).
Alors cette deuxième voie est-elle plus respectueuse de l’environnement ?
Certes elle n’utilise pas de pétrole, ressource non-renouvelable. Mais les mines de calcaire non plus ne sont pas renouvelables et surtout les atomes de carbone provenant du carbonate de calcium se trouvent dans CO2 dégagé ! Au total, pour cette voie, le dioxyde de carbone formé provient pour moitié du carbonate, CO2, cf. réaction (1) et pour l’autre moitié du charbon CO2, cf. réactions (3 et 3’).
Enfin ce procédé très énergivore soulève la question de l’énergie électrique utilisée : est-elle verte et renouvelable, ou non ?
Peut-on dire que « le néoprène calcaire se compose à 99.7% de carbonate de calcium ? »
Cette phrase qui apparait dans de nombreuses communications commerciales n’a pas de sens : elle laisserait à penser que la combinaison est essentiellement constituée de calcaire pratiquement pur ce qui est absurde ou que les atomes de carbone du polychloroprène sont ceux issus du carbonate CaCO3, ce qui est faux.
En effet, pour que le carbonate de calcium soit considéré comme la matière première durable de la fabrication du néoprène, il aurait fallu que l’atome de carbone contenu dans CaCO3 soit la source des atomes de carbone qui constituent la chaine polymérique du néoprène. Or il n’en est rien : le carbone présent dans la chaine du néoprène -(CH2-CCl=CH-CH2)n- provient exclusivement du charbon. On devrait plutôt l’appeler le néoprène charbon !
Remplacer le calcaire des mines par des coquilles d’huîtres : quelle conséquence ? Cela rend effectivement le carbonate de calcium renouvelable, mais cela s’accompagne toujours du même dégagement de CO2 et ne change pas la source des atomes de carbone du chloroprène.
Quant à l’obtention de carbone, nécessaire à la réaction (2) issue de coke, elle est très polluante. Celle à partir de charbon de bois l’est moins et est biosourcée, mais peut être source de déforestation.
Le néoprène limestone est-il biologique ?
Le terme biologique signifie « Qui a rapport à la vie, aux organismes vivants ». Alors, affirmer que le néoprène calcaire ou limestone issu de mines est un néoprène biologique traduit ici une utilisation inappropriée voire trompeuse du terme biologique !
C’est la double utilisation de la coquille d’huître et de carbone biosourcé, ce qui n’est pas cité dans les articles, qui permettrait de donner à cette fabrication un caractère renouvelable (tout en restant très énergivore et en libérant du CO2).
Comment passe-t-on aux mousses néoprène ?
C’est en réalité ces étapes qui vont différencier les qualités des mousses dont sont faites les combinaisons.
Tout d’abord le chloroprène est polymérisé en polychloroprène (xi). Il existe plusieurs grades et viscosités de polychloroprènes. Il est à noter que le chloroprène est fabriqué seulement pour la synthèse du polychloroprène et qu’il existe peu de producteurs dans le monde (xii).
Les fabricants de mousse achètent le polychloroprène aux producteurs précédents. Pour réaliser la mousse, ce polymère est mélangé avec une huile qui sert de liant, des charges renforçantes comme le noir de carbone (xiii), des réactifs pour mener à bien la vulcanisation (xiv), c’est-à-dire créer des ponts entre les différentes chaines de polychloroprène, et divers additifs (xv) dont un générant des bulles de gaz in situ, pour conduire à des mousses alvéolées vendues sous formes de feuilles de différentes épaisseurs.
Le noir de carbone peut provenir de pneus recyclés qui vont subir d’abord une pyrolyse (xvi) [5].
Les procédés mis en jeu peuvent fortement varier d’un fabricant (xvii) à l’autre et vont conduire à des mousses néoprène de différentes qualités.
Et la combinaison ?
Le fabricant de combinaisons achète et sélectionne la qualité et l’épaisseur des feuilles de mousse de néoprène et les associe à des tissus extensibles (xviii) en plusieurs couches contre collées. Les étapes finales sont du ressort de la confection. La qualité des coutures, assemblage cousu-collé est importante pour l’étanchéité.
Alors quelle alternative au pétrole ou au charbon pour une combinaison néoprène ?
Utiliser par exemple des déchets ou résidus agricoles constituant une biomasse pour obtenir un butadiène biosourcé [6].
Les sociétés Michelin, IFPEN et Axens sont très impliquées dans cette approche à partir d’éthanol issu de cette biomasse et démarrent une unité expérimentale en France en 2024 (xix). Ce procédé présente globalement une très faible émission de gaz à effet de serre. Le chloroprène obtenu à partir de ce butadiène biosourcé serait une piste plus écologique.
Et dans une approche d’économie circulaire il faut récupérer les combinaisons usagées. Actuellement des filières se mettent en place. Pour le moment, certaines combinaisons sont broyées mais le résidu est utilisé dans d’autres applications (xx).
Remarque : il existe d’autres combinaisons pour les sports nautiques utilisant par exemple du caoutchouc naturel (naturel rubber NR) ou des mélanges. Elles ne doivent pas porter le nom de néoprène synonyme de polychloroprène. Certains noms commerciaux ambigus sont aussi des sources de confusion.
Conclusion
Il ne faut pas se laisser tromper par les termes chocs utilisés à mauvais escient sans prise en compte de la réalité scientifique comme argument de vente mais il faut développer son esprit critique. Afin de prouver techniquement et scientifiquement que l’option retenue puisse être déclarée « plus respectueuse de l’environnement », il est nécessaire de réaliser l’analyse du cycle de vie du produit fini intégrant toutes les étapes de fabrication et elle doit prendre en compte une multitude de critères selon les principes de la chimie verte [7].
Par exemple tenir compte ici :
- du bilan énergétique global selon les deux voies, sans oublier l’extraction du calcaire ou le ramassage des coquilles et du transport à l’usine pour la voie acétylène ;
- du type de source de carbone dans le cas de la voie acétylène à comparer à la source pétrole ;
- des émissions de dioxyde de carbone et leurs éventuelles compensations lors de l’usage de réactifs biosourcés.
Françoise Brénon et Gérard Roussel
Ajout mai 2024 : vous pouvez également regarder cette vidéo de « Blablareau au labo » sur le sujet.
(i) https://yamamoto-bio.com/material-e/sus2.html
(ii) Des combinaisons de surf à base de coquilles d’huître, ADEME Magazine (mars 2021) ADEME, Agence de la transition écologique.
(iii) Par exemple dans Ouest France sous le titre « Des combinaisons marines fabriquées avec des coquilles d’huîtres » (publié le 2/06/2021) et dans Le Parisien avec le titre « A La Rochelle, une combinaison de surf fabriquée à base de coquilles d’huîtres » (publié le 1/02/2020)
(iv )Néoprène est un nom de marque de la compagnie américaine Dupont, donné dès 1930, à son produit à base de polychloroprène.
(v) Contrairement au caoutchouc naturel, (NR, pour Natural Rubber), obtenu à partir de la sève de l’hévéa.
(vi) En nomenclature il s’appelle le 2-chlorobuta-1,3-diène
(vii) Le butadiène est aussi très utilisé pour l’obtention d’autres caoutchoucs synthétiques et 40 % de sa production est consommée par les pneumatiques.
(viii) Raffinage pétrolier, fiche pédagogique sur le site Connaissancedesenergies.org
(ix) Vapocraquage = cassures de molécules en présence de vapeur d’eau, pour obtenir des molécules de longueur plus courtes. La température est voisine de 700 °C et varie selon la composition de l’essence légère dont on part. https://lelementarium.fr/focus/vapocraquage-des-hydrocarbures/ et https://fr.wikipedia.org/wiki/Vapocraquage
(x) Limestone est le mot anglais pour calcaire.
(xi) Exemples de grades de polychloroprène société DENKA (Japon)
(xii) Les fabricants de chloroprène et de polychloroprène sont, en 2024, Asahi Kasei (Japon), BRP Manufacturing (USA), Canada Rubber Group, Chongqing Changshou Chemical (Chine), Denka (Japon) qui a repris l’activité de Dupont de Nemours aux USA en 2014 et produit le CR aux USA à partir du butadiène, et au Japon à partir du calcaire et du charbon (voir page 9 et 10 de General Introduction and Some Advances on Denka Neoprene® Latex (PDF)), ARLENXEAO (Pays-Bas / France), Macro International (USA), SHOWA DENKO K.K. (Japon), Tosoh (Japon) et Zenith Industrial Rubber Products (Inde).
Sources : https://www.researchandmarkets.com/reports/5143078/global-neoprene-market-2020-2024?w=4 et https://www.usinenouvelle.com/article/arlanxeo-totalement-aux-mains-de-saudi-aramco.N1240402
(xiii) L’ajout de noir de carbone donne la couleur noire aux combinaisons. Mais c’est surtout un excellent agent de protection contre les UV et l’abrasion et il apporte une ténacité à la mousse caoutchoutique. Il peut représenter 30 % de la mousse.
(xiv) Le système de vulcanisation contient de l’oxyde de zinc ZnO, de l’acide stéarique, du soufre ou produits soufrés et des accélérateurs de vulcanisation.
(xv) Parmi ces additifs on trouve des antioxygène, anti-ozone, ignifugeant et des composés générant un gaz (azote en général).
(xvi) La pyrolyse des pneus, préalablement broyés, consiste en une décomposition chimique par une très forte augmentation de température en l'absence d'oxygène, pour conduire à du carbone.
(xvii) Le leader mondial du marché dans la production de mousse néoprène pour combinaison est la société SHEICO basée à Taïwan et qui a ses usines dans l’Asie du Sud-Est.
(xviii) Fibres synthétiques telles que le polyester ou l’élasthanne dérivé du polyuréthane.
(xix) Inauguration d’un démonstrateur en janvier 2024. Voir https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/article/inauguration-du-1er-demonstrateur-industriel-francais-production-butadiene-partir-dethanol-biosource et le schéma réactionnel sur le site de l’IFPEN.
(xx) https://surfwear.sooruz.com/webshop/fr/153-recyclage-combinaison-surf
Pour en savoir plus
[1] Le néoprène, L. Dollinger et P. Ledesma-Diaz-Caneja (2017) sur le site Ramène ta science (Chimie Paris ParisTech PSL)
[2] Manufacture and use of chloroprene monomer, M Lynch, Chemico-Biological Interactions, 135-136 (2001) pp. 155-167
[3] Chloroprène par la voie du pétrole sur le Portail Substances Chimiques de l’INERIS
https://substances.ineris.fr/fr/substance/getDocument/2557 (PDF)
[4] The footprint chronicles: green neoprene? (PDF) 2012 Patagonia
[5] Vidéo d’obtention de la mousse de néoprène (en anglais) par la société Sheico disponible sur YouTube
[6] Les chimistes dans : La chimie du végétal comme substitut du pétrole, F. Brénon et G. Roussel, Série Les Chimistes dans (Mediachimie.org)
[7] La chimie peut-elle se mettre au vert ?, Eric Bausson, Dossier pédagogique Éditions Nathan / Fondation de la Maison de la Chimie (Mediachimie.org)
Crédit illustration : Kate Baucherel / Pixabay, licence de contenu Pixabay
Le caramel aurait été inventé vers l'an 1000 par les arabes au cours de la manipulation du sirop de canne à sucre. Son nom, apparu au XVIIe siècle viendrait, via le portugais camelo, du latin Calamellus, diminutif de calamus, « roseau », à cause de l'analogie de forme entre le sucre durci et la tige de roseau (i).
Il ne faut pas confondre les caramels, friandises dures ou molles, contenant généralement du caramel et d'autres ingrédients (ii), et le caramel, c'est à dire la substance brune à l'odeur et au goût caractéristiques. Pour faire du caramel à la maison, on chauffe du sucre dans une casserole, éventuellement après l'avoir dissous dans un peu d'eau. Selon la durée de cuisson, on aura un caramel clair ou un caramel plus foncé.
Mais quel est donc que ce composé coloré et comment se forme-t-il ?
Les réactions
À la cuisine
Quand on chauffe la solution de sucre (ou le sucre en poudre seul), de l'eau s'évapore (la température est alors de 100°C) et le composé reste blanc. Si on continue, la température s'élève, et une couleur dorée ainsi que la bonne odeur caractéristique du caramel apparaissent vers 160°C. Si on continue à chauffer, la couleur s'intensifie et le caramel devient brun. Le stade « caramel blond » est difficile à saisir, car dès que la température de 160°C est atteinte, cela va très vite évoluer (iii)… Les industriels, pour faire des substances conférant le parfum caramel, ajoutent des produits qui vont ralentir cette évolution, comme de la crème, qui donnera des caramels mous, ou du beurre, du sel, du citron etc. (ii). Ces caramels modifiés seront alors considérés comme des additifs des friandises auxquelles ils sont ajoutés.
Que se passe-t-il ?
Si la glace fond lorsqu’on la chauffe, on la retrouve en refroidissant. C’est réversible. Pas pour le caramel.
C'est que la glace est un composé unique, H-O-H, alors que le sucre de table ou saccharose (iv), C12H22O11, est un disaccharide (v) formé de deux molécules, glucose (cycle à 6 atomes) et fructose (cycle à 5), chacune de formule C6H12O6 liées de façon très spécifique (fig. 1).
Figure 1 (vi). Formule du saccharose (G-F), du glucose (G) ou α-D-glucopyranose, du fructose (F) ou β-D-fructofuranose.
Lors du chauffage, ces deux molécules vont se séparer, et peuvent réagir l'une sur l'autre, soit comme initialement, G-F, soit F-G ou G-G ou F-F et cela en diverses positions. En outre, ces monoses sont fragiles, et comme on le verra plus loin, peuvent se modifier, ce qui complique encore les choses. En regardant les formules, avec toutes ces fonctions alcool, on comprend la difficulté de répondre à la question « qu'est-ce que le caramel ? ».
Il y a environ 200 ans Péligot [1] a fait la première publication sur le sujet, et ce n'est qu'en 1989 [2] que la fraction volatile du caramel, responsable de son odeur, a été identifiée comme le 5-(hydroxyméthyl)-2-furfuraldéhyde (fig. 2). Mais pendant longtemps, on a ignoré la nature exacte du caramel.
Figure 2 (vii). 5-(hydroxyméthyl)-2-furfuraldéhyde
Un peu plus de chimie et l'élucidation du mystère
Souvent, quand vous parlez de la chimie du caramel, on vous répond « Ah oui, bien sûr, la réaction de Maillard ! ». Ce n'est pas exact, cette dernière est caractéristique de la saveur des viandes grillées,
et nécessite la présence de protéines ou d'acides aminés [3]. Mais la caramélisation appartient, comme la réaction de Maillard, au groupe des réactions de brunissement non enzymatique des aliments. Un article de 2000 [4] élucide complètement le mystère.
Lorsqu'on chauffe la solution de saccharose, le disaccharide s'hydrolyse en glucose et fructose. Une catalyse acide facilite la réaction, d'où l'addition recommandée de jus de citron pour faire du caramel. Le fructose donne rapidement des dianhydrides de fructose (DAF) par dimérisation (fig. 3). On sait que les monoses, représentés sous forme cyclique, sont des acétals cycliques et qu'ils sont en équilibre avec la forme ouverte (fig. 4). C'est ce qui permet d'expliquer la formation des anhydrides. Mais il y a de multiples possibilités et plusieurs isomères en équilibre. Ces molécules se retrouvent à plus de 80% dans le caramel fait avec du fructose.
Figure 3. Exemple de dianhydride de fructose, DAF
Source : L'Actualité chimique (novembre 2000) p 25 (schéma 1) [4]
Figure 4 (viii). Formes ouvertes du glucose (à gauche) et du fructose (à droite)
Le glucose peut s'additionner aux DAF en les glycosylant, ce qui donne des glucosyl-DAF (plusieurs, selon le groupe OH auquel il s'attache). Il peut aussi se polymériser en oligosaccharides. Sous la dénomination polydextrose, ces polymères (fig. 5) sont des additifs alimentaires autorisés utilisés comme « agents de charge » sous la dénomination de E1200. Un agent de charge est un composé qui n'est pas digestible et augmente la quantité de produit sans augmenter la valeur énergétique (ici, 1 kcal/g).
Figure 5. Exemple de polydextrose (agent de charges)
Source Heli Putaala
Authentification des caramels
Le caramel dit « aromatique » est un ingrédient largement utilisé pour l’aromatisation des desserts lactés, et le caramel « colorant » est un additif de nombreuses boissons, eaux de vie, aliments pour animaux ou encore de produits pharmaceutiques. Ces deux types de caramels sont définis depuis 1988 par la norme Afnor NF V00-100 (ix), comme devant provenir exclusivement du traitement thermique ménagé de sucres alimentaires en présence de catalyseurs définis (jus de citron, vinaigre, acide citrique...). Pour contrôler ces caramels, on peut rechercher l'agent odorant 5-(hydroxyméthyl)-2-furfuraldéhyde (fig. 2) , mais comme ce produit est commercial et bon marché, il pourrait donc être volontairement ajouté, ce qui rend sa seule recherche peu sûre. La recherche des DAFs est un moyen plus efficace de contrôle de l'authenticité des caramels commerciaux.
En cette période de consommation de friandises, il est important de savoir ce que l'on mange !
Nicole Moreau et l’équipe Question du mois
(i) Dictionnaire historique de la langue française, édition Le Robert
(ii) par exemple, dans le célèbre Carambar, on peut trouver : mono- et diglycérides d'acides gras – sirop de glucose – lait écrémé concentré sucré – sucre – huile de coprah hydrogénée – cacao maigre en poudre – sel – arôme artificiel – gélatine – cannelle, ou autres suivant le type de carambar.
(iii) H. This « A propos de caramel .
(iv) On trouve parfois le nom de sucrose, qui ne doit pas être utilisé en français, car c'est un " faux ami ", c'est le mot anglais désignant le saccharose. Le nom du saccharose dans la nomenclature est le α-D-glucopyranosyl-(1-2)-β-D-fructofuranoside.
(v) Les sucres simples sont des monosaccharides ou monoses. On parle ensuite de di-, tri-saccharides, etc.
(vi) saccharose, Don A. Carlson, Wikimedia Commons, licence CC BY-SA 3.0
glucose ou α-D-glucopyranose, Wikimedia Commons, domaine public
fructose ou β-D-fructofuranose, Wikimedia Commons, domaine public
(vii) 5-(hydroxyméthyl)-2-furfuraldéhyde , Wikimedia Commons, domaine public
(viii) glucose Christopher King, travail personnel, Wikimedia Commons, licence CC BY-SA 3.0
fructose , Wikimedia Commons, licence GPL
(ix) Afnor NF V00-100
Pour en savoir plus
[1] Péligot E., Ann. Chim. Phys., 2nd Ser. (1838) 67, p. 113
[2] Cottier L., Descotes G., Neyret C., Nigay H., Ind. Aliment. Agric. (1989) 106, p. 567
[3] Ledl F., Schleicher E., Angew. Chem., Int. Ed. Engl. (1990) 29, p. 565
[4] Les molécules de la caramélisation : structure et méthodologies de détection et d'évaluation, Defaye J., Garcia Fernandez J.M., Ratsimba V., L'Actualité chimique (novembre 2000) p. 26-27
[5] Et pour sourire à propos du caramel : « Caramel » - produit du jour- Société Chimique de France (SCF)
Crédit illustration : --Where next Columbus? (talk) Wikimedia Commons, licence CC BY-SA 3.0
Vous avez peut-être reçu en cadeau le dernier bijou électronique qu’est votre smartphone. Mais savez-vous que c’est un condensé de chimie au sein d’un assemblage très complexe souvent comparé à un mille feuille ?
Figure 1. Structure en mille feuille. Source : capture de la vidéo La chimie cachée du smartphone ! (Blablareau au labo)
L’écran tactile qui permet à vos doigts de sélectionner des lettres sur le clavier, agrandir les images, bref en un mot à « cliquer » … est constitué d’un verre résistant à base d’aluminosilicate(i) avec un peu d’oxyde de potassium pour limiter les fissures superficielles. En plus petites quantités il contient également des éléments chimiques qui contribuent par exemple à la vivacité des couleurs de l’affichage comme le lanthane (La) ou d’autres qui limitent l’émission de lumière UV.
Derrière l’écran tactile se trouve la dalle d’affichage qui permet à l’écran d’être lumineux et de reconstituer de très belles images colorées. La dalle est caractérisée par un très grand nombre de pixels (en moyenne 2,5 millions). A chaque pixel est associée une couleur qui sera émise grâce à des LED ou des OLED(ii) selon le type de votre smartphone. De nombreuses terres rares telles que Ytrium (Y), Lanthane (La), Terbium (Tb), Thulium (Tm), Praséodyme (Pr), Europium (Eu), Dysprosium (Dy), Gadolinium (Gd) et Cérium (Ce) sont utilisées sur l’ensemble des dalles d’affichage LCD et OLED.
Pour continuer la description du mille-feuille, il y a plusieurs cartes de circuit imprimés où sont soudés les circuits intégrés et les processeurs, les « cerveaux » du smartphone. Ceux-ci sont constitués de milliers de transistors contenant les puces qui commandent les fonctions de votre appareil. Les éléments chimiques qui s’y trouvent peuvent être regroupés selon la fonction à laquelle ils contribuent.
Le câblage nécessite du cuivre (Cu), de l’argent (Ag), de l’or (Au) et du tantale (Ta).
Pour le microphone il faut du nickel (Ni) et des terres rares telles que du dysprosium (Dy), du praséodyme (Pr), du terbium (Tb), du néodyme (Nd) et du gadolinium (Gd).
Les puces ont besoin de silicium (Si) ultrapur dans lequel est incorporé en quantités infinitésimales de l’antimoine (Sb), de l’arsenic (As), du phosphore (P) et du galium (Ga). On parle de dopage du silicium.
Et le tout doit être soudé, le plus souvent avec un mélange étain, plomb (Sn, Pb), ou pour les soudures sans plomb avec un mélange étain, cuivre, nickel (Sn, Cu, Ni) et plus rarement car très coûteux avec un mélange étain argent cuivre (Sn, Ag, Cu).
Tout cela ne peut pas fonctionner sans une batterie performante, puissante et légère. Actuellement vos smartphones possèdent des batteries lithium-ion dont la cathode contient les éléments lithium (Li), cobalt (Co), manganèse (Mn) et nickel (Ni) et l’anode du carbone graphite. L’électrolyte contient des composés organiques et des sels à base de lithium, phosphore et fluor(iii).
La majorité des boitiers est en matière plastique, donc à base de carbone et d’hydrogène, dans lequel un peu de brome (Br) est présent pour jouer le rôle de retardateur de flamme. Des composés à base de nickel sont également incorporés pour limiter les interférences électromagnétiques. Dans certains cas les boitiers sont en alliage de magnésium.
Alors oui la liste des éléments chimiques présents dans un smartphone est longue et on estime qu’elle représente environ la moitié de la classification périodique !
Beaucoup de ces éléments sont devenus des matériaux critiques soit parce qu’ils sont en quantité limitée sur la planète ce qui conduira à un épuisement de la ressource non renouvelable, soit que leurs disponibilités, leurs répartitions et leurs accès rencontrent des problèmes de géopolitique. Sans compter certaines conditions d’extraction dans quelques pays qui soulèvent de véritables questions éthiques.
Les procédés d’extraction et de purification sont consommateurs d’énergie et pour certains, sources de pollution. Il faut donc impérativement améliorer toutes les étapes.
Enfin le smartphone aura fait environ 4 fois le tour de la terre avant de vous être vendu entre l’extraction des matières premières, la fabrication des principaux composants, l’assemblage et la distribution, toutes ces étapes ne se faisant pas dans les mêmes pays (fig. 2). Donc son bilan carbone est très mauvais.
Figure 2. Source : Les défis du CEA #244 : les matériaux critiques, Smartphone, une mine urbaine, p.27
Alors prenez en soin et utilisez le plus longtemps possible votre smartphone, changez la batterie quand elle devient défaillante, faites réparer quand c’est possible avant de décider d’en changer.
Et alors ne jetez pas votre smartphone. Plusieurs solutions existent : il peut être reconditionné ou subir des transformations pour récupérer les matières premières.
Pour cela apporter le dans le bac de récupération des objets électroniques soit de votre déchetterie soit dans les bacs dédiés en ville ou via le circuit de récupération « ecosystème »(iv).
On en est qu’au début mais le recyclage devient impératif(v).
À ce jour certains matériaux présents dans les cartes électroniques comme l’or l’argent et le cuivre sont récupérés car ils ont une haute valeur marchande. Les coques en plastique sont incinérées. Mais il faut mettre en place le développement du recyclage des autres et tout particulièrement des terres rares et du lithium.
Les procédés sont difficiles à mettre en place compte tenu de la complexité du produit dont on part mais cela avance.
Donc plus il y aura de smartphones mais aussi de tablettes récupérées, plus cela deviendra une mine de seconde main, et plus les procédés de recyclage pourront trouver une base économique viable.
Un beau défi pour les chimistes !
Françoise Brénon
(i) Les verres en aluminosilicates contiennent des oxydes de silicium et d’aluminium (SiO2 et Al2O3). L’oxyde de potassium a pour formule K2O.
(ii) Il y a deux types de smartphones sur le marché soit à cristaux liquides (LCD) soit à AMOLED. Les smartphones dit à cristaux liquides utilisent des LED et les autres smartphones dit à AMOLED utilisent des OLED. LED est le sigle anglais pour diode électroluminescente. OLED est le sigle anglais pour diode organique électroluminescente
(iii) LiPF6
(iv) ecosystem je donne mon téléphone
(v) Pour en savoir plus aller voir la conférence en ligne Le recyclage des terres rares : une stratégie d’approvisionnement à la taille de leurs enjeux du colloque « Chimie, Recyclage et Économie circulaire » du 8 novembre 2023
Pour en savoir plus
La chimie cachée du smartphone ! (vidéo) R. Blareau et F. Brénon. Mediachimie / Blablareau au labo. Les fonctionnements des écrans tactiles et de la dalle d’affichage à Amoled y sont décrits en détail en plus des diverses compositions chimiques.
Exploser un smartphone, C. Agouridas, J.-C. Bernier, D. Olivier et P. Rigny, in La chimie dans les Technologies de l'Information et de la Communication, collection Chimie et junior Mediachimie – EDP Sciences (page 56 et suivantes). Entre autres, le fonctionnement des smartphones à cristaux liquides (LCD) y est détaillé.
Accumulateur lithium-ion : une révolution technologique portable ! (vidéo) R. Blareau et F. Brénon, Mediachimie / Blablareau au labo
Garder son smartphone le plus longtemps possible , sur le site de l'ADEME
Zoom sur Les progrès de l’optoélectronique : des LED aux OLED, J.-P. Foulon (Mediachimie.org)
Pour les problématiques et les solutions liées au recyclage : Colloque Chimie, Recyclage et Économie circulaire du 8/11/2023 à la Fondation de la maison de la chimie
Pour les problématiques relatives aux matériaux critiques : Colloque Chimie et Matériaux stratégiques de novembre 2022 à la Fondation de la maison de la chimie
Biochar est un mot résultant de la contraction en anglais de « biocharcoal » qui désigne un charbon d’origine végétale.
Le biochar est proposé pour l’amendement des sols afin d’en augmenter les qualités et les rendements des productions agricoles.
Le biochar est issu de la biomasse provenant de déchets de bois formulés sous forme de pellets et non issue de la coupe de bois, ce qui évite les déforestations provoquées pour l’obtention traditionnelle du charbon de bois.
Le biochar est produit par pyrolyse de ces déchets, procédé qui consiste en un chauffage modéré entre 250°C et 650°C en l’absence de dioxygène. Il en résulte la production de produits gazeux (méthane et dihydrogène utilisables comme combustibles) mais aussi des produits liquides (hydrocarbures à usage de biocarburant) et d’un composé solide noir qui est le biochar. C’est un procédé sans émission de CO2, qui a été mis au point depuis une douzaine d’années à la suite des travaux de l’équipe Lehmann de l’Université Cornell à Ithaca dans l’état de New York.
La pyrolyse lente vers 350°C conduit à une formation à 35 % de biochar et 10 % de gaz (i). Ainsi il faut presque 4 tonnes de déchets de bois à 75 % de matière sèche pour produire 1 tonne de biochar avec une pureté pouvant atteindre 90 %, qui dans ce cas est appelé le biochar premium.
L’entreprise Pronatura a mis au point une technologie permettant aux machines actuelles de fonctionner 7 jours sur 7 et 24h sur 24 et de produire de 1 à 5 tonnes de biochar par jour. Le rendement (masse de biochar / masse de la biomasse à 15 % humidité) peut atteindre 45 %.
La porosité du biochar obtenu lui confère une surface spécifique (ii) de 420 m2/g qui conduit à de grandes capacités d’adsorption : c’est en quelque sorte un réservoir qui peut stocker jusqu’à deux fois et demie son volume en eau ! Quand la plante a besoin d’eau, pendant les périodes de sécheresse, elle ira la chercher dans ce que le biochar a stocké. Par ailleurs le biochar, en présence d’eau, donne un pH basique (entre 7 et 10) ce qui peut permettre de rééquilibrer l’acidité des sols.
Les effets de l’utilisation du biochar sur les augmentations de rendement concernant les cultures dans les zones tropicales comme celles des zones tempérées sont considérables : tomates +177 %, coton +100 %, maïs +150 %, blé +170 % par exemple !
Des startups sont actives sur ce secteur, en particulier « NetZero » cofondée par le climatologue Jean Jouzel.
La société Terra Fertilis à Argentan, dans l’Orne, est la seule entreprise en France à bénéficier d’une autorisation de mise sur le marché délivrée par l’ANSES : plusieurs villes en achètent pour leurs espaces verts, tout comme des pépiniéristes ainsi que des maraîchers et de nombreuses coopératives agricoles qui manifestent de plus en plus d’intérêt pour la culture du maïs et de la betterave.
Mais le biochar est aussi une solution pour la séquestration à long terme du carbone : une tonne de biochar stocke jusqu’à 3 tonnes de CO2. Actuellement le prix de revient du biochar varie entre 500 et 1000 € la tonne. La valorisation en crédits carbone peut alors être estimée à 300 € /ha. Ceci montre que l’intérêt économique dépend essentiellement du montant des crédits carbone (actuellement fixé à 40 € la tonne de carbone).
Les perspectives de l’utilisation du biochar sont nombreuses en dehors de l’agriculture. Par exemple les producteurs de silicium remplacent le charbon par du biochar dans la réduction industrielle de la silice, SiO2 + C = Si + CO2, ce qui conduit à un bilan carbone neutre car le carbone du biochar provient du bois.
Enfin, la Société Soler qui a deux usines dans l’Aube et une autre en Gironde est le leader en France de la production de biochar avec plus de 50 000 tonnes dans un marché national de 130 000 tonnes.
Il ne faut pas confondre le biochar avec le noir de carbone qui sert actuellement essentiellement à l’industrie des pneumatiques.
Et ne broyez pas du noir !
Jean-Pierre Foulon et l’équipe question du mois
(i) Il s’agit de pourcentage en masse.
(ii) La surface spécifique d’un matériau traduit sa capacité à fixer à l’échelle microscopique des molécules à sa surface. Exprimée en m²/g, c’est la surface disponible par unité de masse du matériau.
Pour en savoir plus :
Site Pleinchamp : Tout savoir ou presque sur le biochar (2023)
Site de Pro-Natura International : le biochar est un intrant qui augmente les rendements agricoles de manière écologique en séquestrant du carbone (2019)
Rapport du GIEC (2022) : Mitigation of climative change (chapitre 7)
Pour rappel
Un charbon très tendance, Jean-Claude Bernier, éditorial du 23 mai 2016 (Mediachimie.org)
Crédit illustration : Biochar après production, Oregon Department of Forestry FlickR, CC BY 2.0, Wikimedia commons
À la suite du décès d’une personne âgée, la collecte des radiographies d’une longue vie peut atteindre plusieurs kilos. Qu’en faire ?
Nous nous limiterons au cas des radiographies médicales argentiques que nos grands-parents et parents ont dans leurs placards et qui sont encore produites (cas des mammographies, des radios des hanches, clichés dentaires…). Celles-ci peuvent être déposées dans des centres de radiologie ou des pharmacies ou dans des déchetteries ayant des contenants dédiés.
Les radiographies médicales de type argentiques doivent être éliminées dans des filières spécifiques : enfouies elles entrainent une pollution de la nappe phréatique et incinérées une pollution de l’air en raison de la présence d’argent (1).
Premier tri
Les radiographies sont d’abord triées manuellement pour séparer le papier (emballage, compte-rendu) du film proprement dit. Celui-ci est avant impression un support en PET (PolyEthylene Terephthalate en anglais) recouvert d’une émulsion (contenant des cristaux d’halogénures d’argent (i) de 0,2 à 4 µm dans de la gélatine (ii)) et d’un revêtement de protection en gélatine pure (2). L’obtention de la radiographie se fait par réduction des ions Ag+ en argent métallique. Lorsque la radiographie arrive au circuit de recyclage elle se compose du support PET et d’un dépôt d’argent métallique incrusté dans la gélatine.
Le papier récupéré (avec un pourcentage massique de 3 à 40%) est broyé puis recyclé dans la filière papier.
Quant au film, il est plongé successivement dans des bains enzymatiques constituées de gélatinases. La gélatine recouvrant le film est alors hydrolysée et devient soluble dans l’eau. On sépare ainsi le support en PET (solide), qui sera recyclé dans la filière plastique, des jus de lavage (liquide) qui contiennent les enzymes et l’argent.
Recyclage du PET
Le PET est un polyester, polymère thermoplastique obtenu par la polycondensation de l’acide téréphtalique et de l’éthylène glycol selon (4) :
Un des recyclages possibles consiste depuis peu en une dépolymérisation à l’aide d’enzymes pour revenir in fine aux monomères, au diacide et à l’éthylène glycol (5).
L’autre mode de recyclage possible consiste à refondre le PET puis à l’utiliser dans une autre application comme les fibres polyesters par exemple.
Recyclage du jus pour obtenir l’argent
Ce jus est placé en filtre-presse : cet équipement permet la séparation liquide/solide à l’aide d’une filtration sous pression et de récupérer d’un côté le bain enzymatique qui est utilisé en boucle fermé et de l’autre les boues argentifères. Celles-ci sont alors calcinées. Les cendres de calcination sont fondues et on récupère ainsi l’argent métallique.
Ainsi chacun des constituants peut être recyclé : le papier, la matière plastique (PET) et l’argent qui représente moins de 1% du poids des films argentiques mais qui a une forte valeur ajoutée.
En résumé
Quelques chiffres
En France, en 2022 l’argent recyclé ne représente qu’une centaine de tonnes soit moins de 2% de l’argent recyclé mondialement (6), et seule une partie provient des radiographies mais « chaque geste compte ». Les besoins en argent sont pourtant importants : en particulier 90 % des cellules photovoltaïques sont formées d’une fine couche d’argent et représentent 15 % de leur coût de revient (7).
Lydie Amann et l’équipe question du mois
(i) Les halogénures d’argent utilisés sont des bromures d’argent AgBr ou chlorures d’argent AgCl.
(ii) La gélatine est un mélange de protéine et d’eau qui forme un gel.
Pour en savoir plus
(1) Voir les sites web des sociétés "Rhône Alpes Argent" et "Chastanier radiographies" (en particulier pour cette dernière société la page "Radiographies" et la page "Archives médicales > Visite virtuelle de l'usine")
(2) La réalisation du support est comparable à celle des films argentiques pour photographies. Consulter Photographie/Émulsions argentiques/Préparation des surfaces sensibles noir et blanc sur wikilivres.
(3.a) Fin de vie des plastiques : le mariage réussi des plastiques et des enzymes/ressource/fin-de-vie-des-plastiques-le-mariage-r%C3%A9ussi-des-plastiques-et-des-enzymes A. Marty, article et conférence, Colloque Chimie et biologie de synthèse, Fondation de la Maison de la chimie (2018)
(3.b) Vidéo sur la biodégradation du PET, Déchets plastiques : les enzymes font le ménage, Coproduction Fondation de la Maison de la Chimie/Virtuel
(4) Comment le recyclage en chimie contribue-t-il à l'économie circulaire ? Fiche Grand Oral Nathan Mediachimie pp. 6-7
(5) Recyclage des plastiques sur le site IFP Énergies nouvelles
(6) Enquête mondiale sur l’argent 2023 World Silver Survey sur le site The Silver Institute
(7) Données industrielles relatives à l’argent sur le site de l’Elementarium
Le 22 mars 2023 était la journée mondiale de l’eau qui met l'accent sur l'importance de l'eau douce. L’assemblée générale des Nations-Unies (1) soutient la réalisation de l'objectif de développement durable : eau propre et assainissement, pour tous d'ici à 2030.
Si l’eau recouvre 72 % de la surface du globe, son volume étant estimé à 1400 millions de km3 (2), elle est à 97,2 % salée et présente dans les océans et les mers intérieures. Il y a donc 2,8 % d’eau douce sur la Terre mais seulement 0,7 % sont disponibles (nappes phréatiques et minoritairement lacs et rivières) pour les besoins vitaux. En effet le reste de l’eau douce se trouve sous forme de glace et neige. L’augmentation de la population mondiale et le changement climatique accentuent cette demande sur cette réserve limitée en eau douce.
Mais l’accès à l’eau douce ne suffit pas. Encore faut-il qu’elle soit potable. 1/4 de la population mondiale, soit 2, milliards de personnes, vit sans accès à l’eau potable. En France l’eau courante au robinet n’est pas une pratique si ancienne. Cosette (3) allait chercher l’eau de la rivière avec son seau. C’était aux environs de 1820 et cette eau n’était pas contrôlée. Il a fallu attendre 1930 pour que 30 % des communes en France aient un réseau d’approvisionnement en eau potable et ce n’est qu’en 1980 que la quasi-totalité de la population y a eu accès. En 2020, en France, la consommation moyenne en eau potable quotidienne est de 149 L/personne (4).
De la source au robinet : comment obtient-on de l’eau potable ?
Plusieurs procédés de production d’eau potable existent selon l’origine de la ressource : eau souterraine (nappes phréatiques), eau de rivière, eau de surface, eau de mer.
Il s’agit in fine de fournir une eau propre à la consommation, c’est-à-dire claire et exempte de virus et de bactéries et de toute matière organique naturelle ou issue de pollutions (médicaments, pesticides…).
Le traitement des eaux issues des nappes phréatiques d’eau douce accessibles ou des eaux de rivières suit globalement les étapes suivantes (5) : pompage de l’eau, stockage provisoire d’eau brute à traiter, dégrillage puis tamisage, dans certaines unités élimination d’une partie du calcaire contenue dans l’eau (décarbonatation) par précipitation puis filtration, pré-ozonation, filtrations sur argile, post-ozonation, filtration sur charbon actif puis chloration avant acheminement via les canalisations jusqu’à l’usager final. Il y a passage par les châteaux d’eau pour maintenir la pression dans le réseau de distribution. Une étape supplémentaire pour éliminer les nitrates pourra être nécessaire dans certaines régions à l’agriculture intensive.
La molécule d’ozone ou trioxygène, de formule O3, est un gaz instable, donc produit sur le site de traitement de l’eau par décharge électrique (arc électrique) dans le dioxygène (6). L’ozone a un très fort pouvoir oxydant et est virucide et bactéricide. Il participe aussi à l’élimination des odeurs.
La pré-ozonation utilise de l’ozone faiblement concentré et permet de déstructurer les particules colloïdales et les macromolécules et d’oxyder le fer et le manganèse dans les eaux souterraines peu chargées en matière organique. Dans la post-ozonation, sa concentration est plus forte et le temps de contact plus long. Elle permet la destruction des molécules organiques.
La filtration sur charbon actif, permet in fine la rétention des micro-résidus issus de la post ozonation. Puis, l’eau de Javel (7) est utilisée pour l’étape dite de « chloration ». Cette chloration est nécessaire pour maintenir l’absence de virus et bactéries tout au long des kilomètres du réseau. L’ozone ne pourrait pas remplir ce rôle car, trop instable, elle ne reste pas dans l’eau contrairement à l’eau de Javel. Il y a toutefois des points de contrôles régulièrement répartis sur le réseau afin de réajuster si nécessaire sa concentration.
Toutes ces étapes consomment de l’électricité.
Le traitement de l’eau de mer
Avant de la rendre potable il faut préalablement ajouter l’étape de désalinisation. Deux procédés existent : la distillation et l’osmose inverse. Ces procédés consomment beaucoup d’énergie. L’osmose inverse est majoritairement préférée de nos jours car moins gourmande en énergie.
Le procédé d’osmose inverse nécessite l’usage d’une membrane semi-perméable (8) séparant deux compartiments, dont l’un d’entre eux contient l’eau de mer salée. Il faut alors exercer dans ce compartiment une pression supérieure à la pression osmotique (9), ce qui force alors l'eau à passer, via la membrane semi-perméable, dans l’autre compartiment où l’eau pure qui s’y accumule est sans sel. Dans la pratique la pression exercée évolue entre 50 et 70 bars. De nombreuses recherches ont lieu pour diminuer le coût énergétique et passent par l’amélioration de la perméabilité de la membrane permettant d’abaisser la pression à exercer, tout en conservant sa sélectivité. De grand espoirs sont mis dans des membranes biomimétiques hautement sélectives (10).
Près de 100 millions de m3 d’eau par jour sont produits par dessalement d’eau de mer, dans environ 15 000 installations situées dans 150 pays.
Une fois dessalée, l’eau doit être potabilisée selon les étapes préalablement citées. Il est aussi souvent nécessaire de réintroduire quelques sels minéraux pour la rendre consommable.
Du lavabo à la rivière : comment traite-t-on les eaux usées ?
Les eaux usées sont les eaux que nous rejetons vers les égouts, quand on fait la vaisselle et le ménage, quand nous nous lavons, quand nous allons aux toilettes… Il s’agit de dépolluer ces eaux usées, avant de les rejeter dans la rivière. Mais attention, cette eau dépolluée n’est pas potable.
Il est nécessaire dans un premier temps de séparer les matières en suspension des eaux usées. Après une étape de décantation qui permet de séparer l’eau à traiter des huiles et graisses qui surnagent et des sables et solides plus denses, l’eau sale subit un traitement biologique aérobie. Des bactéries et micro-organismes naturels « digèrent » les contaminants organiques en présence de l’oxygène de l’air.
Ces traitements biologiques sont très efficaces, très résistants aux variations de température et peuvent être utilisés efficacement dans presque tous les climats. L’eau ainsi dépolluée est rejetée à la rivière.
Dans certaines unités, l’eau peut, avant rejet à la rivière, subir une ultrafiltration membranaire. Une membrane perméable est constituée d’un tube souple présentant des micro-perforations, jouant le rôle de filtre, capables de retenir des protéines ayant une taille de 0,03 µm. L’eau et les ions monovalents (comme les ions sodium et chlorure), ainsi que les ions divalents comme les ions calcium ou manganèse passent la barrière de la membrane avec l’eau. L’eau rejetée à la rivière a alors la qualité d’une eau de piscine.
Par ailleurs les boues issues du traitement biologique peuvent subir un traitement anaérobie, produisant du méthane, CH4, nommé biogaz, source d’énergie. Ainsi les unités d’épuration des eaux usées, tendent de plus en plus à être autonomes en énergie.
Comment recycler les eaux usées ?
On peut l’envisager pour l’irrigation et le nettoyage de la voirie par exemple. Aujourd’hui seulement 0,6 % des eaux usées sont réutilisées en France alors qu’en Italie le pourcentage est de 8 %, 14 % en Espagne et 84 % en Israël.
Aux Sables d’Olonne en Vendée vient de démarrer la construction d’une usine de recyclage des eaux usées afin d’obtenir de l’eau potable, dans le cadre du programme Jourdain (11). Cette usine est une usine pilote pour la France et pour l’Europe. Le nom Jourdain est à la fois inspiré du fleuve Jourdain et du Bourgeois gentilhomme de Molière ! (12)
Cette usine sera connectée à la station d’épuration voisine et l’eau sera nettoyée en cinq étapes : ultrafiltration, osmose inverse, traitement aux UV qui élimine les microbes pathogènes avec une fiabilité de 99,99%, puis une chloration à l’eau de Javel, une filtration et enfin une reminéralisation (13).
Eau et Énergie : l’interdépendance
Comme on vient de le voir, l’ensemble du cycle de l’eau consomme de l’énergie, du pompage à l‘épuration. Cela représente 2 à 3 % de l’énergie mondiale utilisée. Dans les zones urbaines, 1 à 18 % de l’électricité sont utilisés pour traiter et transporter les eaux potables et usées.
La figure 1, indique des fourchettes de valeurs concernant la consommation en électricité des différentes opérations décrites précédemment tout au long du cycle de l’eau. Selon les cas de figure, le captage, la potabilisation, la distribution, la collecte et l’épuration de 1 m3 nécessitent entre 1,8 et 9,5 kWh.
Figure 1 : Besoins en électricité dans le cycle de l’eau. Source : Eau et énergie sont indissociables p. 12 (14)
La consommation énergétique dépend également de la nature de l’eau à traiter. Dans le tableau 1, les trois premières lignes concernent des eaux brutes toutes distribuées sans être embouteillées.
Tableau 1 : Consommation énergétique en fonction de l’eau à traiter. Source : Eau et énergie sont indissociables p. 12 (14)
Concernant l’eau en bouteille : il s’agit d’eaux minérales ou de source (15), issues d’eaux souterraines, microbiologiquement saines, et non traitées. Leur impact énergétique très élevé provient majoritairement des matières premières et de l’énergie nécessaires à la fabrication des bouteilles.
On retiendra donc que « Économiser l’eau revient à économiser aussi l’énergie ».
On peut identifier trois axes principaux pour réduire la consommation d’énergie dans le cycle de l’eau :
- développer de nouveaux concepts de stations d’épuration permettant de récupérer la chaleur et de produire de l’électricité́ à partir du biogaz ;
- mettre au point des membranes d’ultrafiltration et d’osmose inverse moins énergivores ;
- identifier tous les moyens de récupération de l’énergie consommée par les mises en pression au sein des procédés.
L’eau est essentielle à la vie. Il n’existe pas de substitut. Si l’énergie peut être renouvelable, l’eau n’est pas renouvelable ; depuis l’époque des dinosaures, la quantité́ d’eau douce sur la Terre n’a pratiquement pas évolué́. Il convient donc de la réutiliser au maximum. L’accroissement de la population, l’augmentation des standards de vie, la production de nourriture et l’industrialisation sans cesse croissante, engendrent une pression sur les ressources en eau qui n’a fait que croitre au cours des décennies. De plus, la pollution et la contamination des ressources en eau douce ont comme conséquence une diminution continue des réserves de qualité́ disponibles.
On notera qu’en France il existe un seul réseau de distribution d’eau à savoir d’eau potable et qu’il faut donc impérativement l’entretenir pour éviter les fuites (estimées à 20 %, soit pour 5 litres d’eau mis en distribution, 1 litre d’eau revient au milieu naturel sans passer par le consommateur) (16), ce qui est considérable. Et pour les citoyens que nous sommes, faisons tous ces petits et grands gestes pour ne pas gâcher l’eau (17).
Françoise Brénon et Odile Garreau
(1) Journée mondiale de l’eau des Nations-Unies
(2) L’Eau dans l'Univers, sur le site Eau France, le service public d'information sur l'eau
(3) Les Misérables de Victor Hugo
(4) Le service public d'information sur l'économie de l'eau
(5) Pour mieux comprendre ces étapes, consultez la fiche Chimie et… en fiches L’eau, une ressource indispensable pour la ville de A. Charles, A. Harari et J.-Cl. Bernier (Mediachimie.org) et le Memento degremont® Procédés et technologies (SUEZ)
(6) Pour en savoir plus sur l’obtention de l’ozone, voir le Memento degremont® Génération de l’ozone (SUEZ) et sur l’ozone en général, la question du mois L’ozone : bon ou mauvais ? L. Amann (Mediachimie.org)
(7) L’eau de Javel est une solution basique contenant les ions hypochlorite ClO-. Compte tenu du pH de l’eau distribuée, qui est proche de 7,5, il y a coexistence de l’ion ClO- et de la molécule d’acide hypochloreux HClO qui est le composé le plus virucide et bactéricide des deux, car non ionique il traverse plus facilement la membrane cellulaire. L’eau de Javel : sa chimie et son action biochimique, de G. Durliat, J.-L. Vignes et J.-N. Joffin, Bulletin de l'Union des physiciens, n° 792, vol. 91 (mars 1997) pp. 451-471
(8) Une membrane semi-perméable laisse passer l’eau mais pas les ions plus gros que la molécule d'eau, comme le sont les ions sodium Na+ et chlorure Cl-.
(9) La pression osmotique correspond à la différence des pressions exercées de part et d'autre d'une membrane semi-perméable par deux liquides contenant des ions de concentrations différentes.
Pour en savoir plus : L’osmose inverse, de J. Nahmias L’Actualité chimique n° 404 (février 2016) pp. 63-64
(10) Les canaux artificiels d’eau : des membranes biomimétiques pour le dessalement, de M. Barboiu, L’Actualité chimique n° 470 (février 2022) pp. 33-34
(11) Le Programme Jourdain sur le site Vendée Eau
(12) Le nom du programme évoque le fleuve Jourdain qui traverse Israël. Sa ressource partagée par les pays qui le bordent devient limitée. Israël est devenu un modèle pour sa réutilisation de plus de 90% de son eau potable et 50 % de son eau recyclée est consacrée à l’arrosage des terres cultivées.
Le nom fait aussi référence au Bourgeois gentilhomme ! Voir le Programme Jourdain sur le site de Veolia
(13) Pour en savoir plus consulter la fiche Chimie et… en fiches L’eau, une ressource indispensable pour la ville (figure2) de A. Charles, A. Harari et J.-Cl. Bernier (Mediachimie.org)
(14) Conférence et ressource Eau et énergie sont indissociables, de M. Florette et L. Duvivier, Colloque Chimie et enjeux énergétiques, Fondation de la Maison de la chimie (2012).
(15) Eaux conditionnées sur le site du Ministère, de la santé et de la prévention
(16) Rendement des réseaux d’eau potable, statistiques de 2012, sur le site Eau France, le service public d'information sur l'eau
(17) Consulter Comment économiser l’eau dans mon logement ?, sur le site Tout sur mon eau (SUEZ)
Crédit illustration : PublicDomainPictures/Pixabay
Depuis toujours la sécurité incendie a été la préoccupation des sociétés. Dès le XVIe siècle, les tentures des théâtres parisiens ont été traitées pour les rendre ininflammables. Mais c’est Gay-Lussac qui a publié en 1821 les premiers travaux scientifiques avec une note sur la propriété qu’ont les matières salines de rendre les tissus incombustibles (1).
Les feux de forêt souvent décrits dans les médias résultent de la combustion de l’élément carbone du bois. Le bois est un biopolymère composite tridimensionnel constitué de trois polymères de type polyglycoside : la cellulose (50%), l’hémicellulose (25%) et la lignine (25%). La combustion libère du dioxyde et du monoxyde de carbone (CO2 et CO), mais aussi des composés organiques volatils (COV), tels que des dérivés benzéniques ou terpéniques, qui sont très inflammables au contact de l’oxygène de l’air. De tout temps on a arrosé les feux avec de l’eau qui en se vaporisant chasse l’air et prive ainsi le feu en oxygène tout en faisant baisser la température. Peu à peu des additifs ont été ajoutés pour retarder les combustions et la propagation des flammes, ils sont appelés retardateurs de flamme (RF). Ils sont aussi ajoutés dans l’eau lors des largages aériens (2).
Pour protéger le bois des agressions extérieures (humidité, UV, champignons, insectes…), des revêtements ont été réalisés avec des peintures et des vernis. Ceux-ci contiennent des liants qui sont des polymères notés ici généralement R1H donc constitués principalement d’éléments réducteurs comme l’hydrogène et le carbone, et qui peuvent rendre inflammables ces polymères en présence d’une source de chaleur et de l’oxygène de l’air. Il est donc ajouté des RF aux peintures et vernis. De même des RF sont en général utilisés dans de nombreux plastiques de la vie courante pour atteindre des propriétés ignifugeantes reconnues.
Qualitativement on évoque les étapes suivantes quand un polymère brûle :
- i) l’échauffement qui pour les thermoplastiques les ramollit et les fait fondre contrairement aux thermodurcissables à réseau 3D réticulés qui se ramollissent peu ou pas.
- ii) la décomposition : au-delà d’une température critique, les liaisons se cassent pour former notamment des radicaux H. et O., engendrant des molécules organiques plus légères et inflammables.
- iii) l’inflammation : qui dépend de la cinétique des décompositions des polymères, et des concentrations en dioxygène (O2) et en COV. L’inflammation se perpétue tant que la combustion des polymères continue pour générer des gaz combustibles (3).
Les modes d’action des RF sont présentés comme suit :
- i) « empoisonner » la phase gazeuse en inhibant les réactions radicalaires par des réactions de transfert ou de recombinaison. Les premiers RF étaient des dérivés halogénés notés RX, qui conduisent aux équations de réaction : RX + R1H → R – R1 + HX
- L’hydracide HX formé a un rôle inhibiteur vis-à-vis des radicaux H. et HO., qui sont présents dans la flamme selon les équations suivantes : HX + H. → H2 + X. et HX + HO. → H2O + X.
- ii) refroidir et protéger le polymère en ajoutant des hydroxydes métalliques d’aluminium ou de magnésium. Ils doivent être incorporés en grande quantité (60% en masse !) pour avoir une efficacité notable mais ceci entraîne une perte sensible des propriétés mécaniques du polymère. Leur décomposition vers 200 °C s’accompagne de la formation respective d’oxydes d’aluminium ou de magnésium ce qui constitue une couche protectrice ralentissant la dégradation du polymère ; c’est l’étape dite de la céramisation.
- iii) le matériau, chauffé au-delà d’une certaine température critique se gonfle en donnant une barrière alvéolaire, susceptible de protéger le polymère : c’est l’étape d’intumescence.
Ceci nécessite alors des formulations précises avec principalement trois composés :
- a) d’abord une source acide avec souvent des phosphates d’ammonium (par exemple (NH4)3PO4) qui chauffés vers 200°C, se décomposent en ammoniac gazeux et en acide phosphorique ce qui conduit à un pH acide (i) voisin de 2, hydrolysant alors les liaisons chimiques du polymère ;
- b) ensuite une source de carbone apportée par des sucres (ex : le maltose) ou des polyholosides (ex : l’amidon) et susceptibles de « charbonner » c’est à-dire conduisant à un résidu de carbone (appelé char) ;
- c) enfin un agent gonflant de type azoté (par exemple la guanidine de formule (NH2)2 C=NH) qui par chauffage se sublime pour donner un dégagement gazeux d’ammoniac provoquant l’expansion du char. De même l’ammoniac libéré par la décomposition du phosphate d’ammonium participe au gonflement.
- iv) des nanocomposites (de dimension inférieure à 100 nm) incorporés dans le polymère à des taux inférieurs à 10%, se sont révélés avoir des propriétés de tenue au feu remarquables : des argiles de type montmorillonite ou des nanoparticules d’oxyde de titane, de silice, des nanotubes de carbone par exemple ont été ainsi utilisés pour réduire de l’ordre de 50 % le risque d’inflammation du polymère (3).
Des normes de performances des RF ont été établies principalement par des mesures de calorimétrie : d’extinction de flamme (ISO 4589), d’inflammabilité (ISO 5660), de propagation de flamme (ISO 5658-2). Ces mesures sont utiles pour une approche prescriptive en particulier dans les secteurs du bâtiment, des transports publics (trains, avions, bateau…) mais aussi pour aider la recherche des causes des sinistres et valider les logiciels de simulation des incendies. Les mesures au calorimètre précisent le débit calorifique, soit le flux d’énergie thermique dégagée lors de la combustion du matériau. La technique consiste à mesurer la consommation en oxygène car la chaleur dégagée par la combustion est proportionnelle à la quantité d’oxygène correspondante. Le principe est simple : la combustion est provoquée dans un volume de contrôle et les effluents gazeux sont collectés via une hotte vers un conduit d’extraction dans lequel ils sont analysés (4).
Les RF peuvent dégager des fumées toxiques pour l’environnement et la santé humaine par migration et lessivage des produits lors de températures élevées et dans des atmosphères humides (5-6). Plus de 40 % des matières plastiques produits en Europe renferment des additifs de type RF. Leurs propriétés chimiques sont décrites sur le site européen ECHA. Parmi les 69 RF utilisés en Europe, 12 d’entre eux sont en cours de réévaluation de toxicité, notamment les dérivés bromés. Par ailleurs des RF contenus dans des polymères usagés sont triés par flottation (différence de densité) et détectés par transmission aux rayons X. Des unités encore au stade de pilote sont en cours pour fabriquer de nouveau des polymères ignifugés (7) ! Des normes de toxicité spécifiques sont éditées notamment dans les transports ferroviaires (8).
Pour obtenir des matériaux polymères possédant des RF, il faut créer des liaisons fortes entre le matériau polymère et les RF. Des travaux récents (2022) de M. Denis et al., de l’université de Montpellier, ont permis de mettre au point la synthèse d’un oligomère protégeant le bois, aux propriétés encore plus respectueuses de l’environnement. Il s’agit de la réaction d’un dérivé phosphoré fonctionnalisé avec un motif vinyle silane (de formule générale CH2 = CH -SiMe3) conduisant à une résine. Des peintures formulées avec ces résines modifiées ont été évaluées au calorimètre à cône et ont montré d’excellentes propriétés ignifugeantes : un bois recouvert d’un vernis, contenant 30% de cet oligomère, présente une réduction du dégagement de chaleur maximum de plus de 55 % (9)!
Jean-Pierre Foulon
(i) L’équation de réaction mise en jeu lors du chauffage s’écrit : (NH4)3PO4 → 3 NH3 (g) + H3PO4
Pour en savoir plus :
(1) Note sur la propriété qu'ont les matières salines de rendre les tissues incombustibles, de L.J. Gay-Lussac, Annales de Chimie et de Physique (1821), T. 18, p. 211-218 (consultable sur GALLICA), la bibliothèque numérique de la BNF et de ses partenaires
(2) La chimie des feux de forêt, de J.-C. Bernier, éditorial (30/08/2018), site Mediachimie.org
(3) Retardateurs de flamme et polymères des propriétés fonctionnelles, communication personnelle (2023) de S. Bourbigot et G. Fontaine (École Centrale-Lille)
(4) La calorimétrie des procédés et de la sécurité, de F. Stoessel, L'Actualité chimique (Juin 2019) N°&nbs^p;441, p 28
(5) Retardateurs de flamme sur le site Wikipedia
(6) Propriétés dangereuses des retardateurs de flamme dans les plastiques, Rapport d’appui de l’INERIS (du 4 /12/2021)
(7) Site ECHA ( rechercher flame retardant)
(8) Réaction et résistance au feu des matériaux composant les trains EN 45545-2 et EN 45545-3 sur le site CREPIM
(9) Des résines alkydes hydrides aux propriétés ignifugeantes pour la formulation de revêtements, de M. Denis, L'Actualité chimique (Mai-Juin 2023) N° 484-485, p. 78
Crédit illustration : Hans/Pixabay
Comment fonctionne une éolienne ?
L’éolienne ou « aérogénérateur » est la version moderne du moulin à vent dont l’utilisation remonte au 7e siècle en Asie Mineure. Son nom vient d’Éole, « dieu du vent, vif, rapide, inconstant ».
Elle transforme l’énergie cinétique du vent - gratuite, renouvelable mais intermittente - en énergie mécanique. Celle-ci est ensuite convertie en énergie électrique via un alternateur. Par exemple dans une éolienne à entrainement direct, le vent agit sur des pales qui entraînent la rotation d’un axe (ou arbre) sur lequel est fixé un aimant cylindrique, lui-même placé au sein d’un bobinage en cuivre (stator), ce qui induit une tension électrique aux bornes de celle-ci.(i)
Cette électricité est ensuite acheminée à l'aide de câbles conducteurs vers le lieu de stockage ou d’utilisation.
L’alternateur transforme l’énergie mécanique (rotation d’une roue sous l’effet d’un courant liquide ou gazeux) en énergie électrique. C’est l’élément de base des centrales électriques à charbon, gaz ou pétrole ainsi que des centrales nucléaires et des éoliennes. Source : De la force musculaire aux énergies renouvelables in La chimie, l'énergie et le climat, collection Chimie et... Junior, EDP Sciences, Fondation de la Maison de la Chimie (2017) p. 29
Quels éléments constituent une éolienne ?
Une éolienne comporte 3 parties principales :
- Une tour (ou mât) qui élève le système dans les zones ventées. Elle est en acier et/ou en béton, solidement ancrée dans le sol ou dans les fonds marins s’ils sont peu profonds au voisinage des côtes. Il existe aussi désormais des éoliennes flottantes en pleine mer (offshore) ancrées aux fonds marins par des câbles.
Le mât peut atteindre plus de 100 m de hauteur et ses fondations accueillent une masse de béton d’environ 600 à 800 tonnes (95% du poids de l’éolienne…). - Les pales (au nombre de deux ou trois) qui tournent sous l’action du vent peuvent avoir de 25 à 50 mètres de long. Elles doivent donc être mécaniquement solides, légères et résistantes à la corrosion. C’est pourquoi, pour pouvoir les mouler, elles sont fabriquées jusqu’à ce jour dans un matériau composite thermodurcissable(ii), qui répond à ces contraintes et qui est constitué de fibre de carbone ou de fibre de verre piégées dans une résine(iii) époxy ou polyester(iv). Malheureusement les polymères thermodurcissables ne sont pas recyclables. De nouvelles résines à caractère thermoplastique et recyclables voient le jour(v).
- La nacelle qui est le cœur de la machine. Elle abrite tous les composants essentiels qui transforment l'énergie cinétique du vent, en énergie mécanique de rotation et in fine en électricité.
On y trouve :- Un système mécanique d’engrenages et de moyeux pour la transmission et l’accélération de la rotation produite par le vent.
- L'alternateur ; certains des aimants permanents utilisés contiennent au moins un des éléments magnétiques suivants : fer, cobalt ou nickel, alliés à des métaux de terres rares (néodyme, dysprosium, samarium).
L’alliage à base de fer, néodyme et bore, noté FeNdB (de formule exacte Nd2Fe14B) est un exemple d’aimant puissant. À ce jour, l’usage de ces aimants puissants concerne essentiellement les éoliennes en mer, avec la technologie synchrone à entrainement direct et seulement 6,2% des éoliennes terrestres françaises recourent à celle-ci(vi). Les câbles pour injecter l’électricité produite dans le réseau ou pour la stocker via des stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) ou dans des batteries.
Pourquoi et comment recycler une éolienne ?
La durée de vie moyenne est de 25 ans. Les plus anciennes éoliennes installées sont déjà en bout de course et doivent être remplacées.
La réglementation de plus en plus contraignante exige, lors d’un démantèlement, la remise en état des lieux d’implantation et le recyclage des matériaux au-delà de 90%.
Étant donné le développement attendu des parcs éoliens sur terre et en mer, le recyclage des éoliennes en fin de vie doit largement se développer, entre autres pour économiser les matières premières nécessaires.
Le prix de revient d’une éolienne industrielle de 5 MW est estimé à 5 millions d’euros, soit 1 million par MW. Ce coût élevé justifie la récupération et le recyclage des constituants.
Récupération du béton ou de l’acier
Elle est déjà opérationnelle, car le béton et l’acier sont présents en grande quantité dans maintes autres productions.
Les parties métalliques comme le mât (s’il est en acier) et le rotor (axe solidaire des pales) se recyclent sans problème dans les filières existantes. La valeur marchande de ces métaux justifie le démontage d’une éolienne.
Le béton, composé de ciment, d'eau, de sable et de gravillons, peut parfaitement être concassé ou broyé et réutilisé pour former de nouvelles briques, éléments de construction ou revêtements de route.
Pour les métaux tels que le cuivre, leur récupération et recyclage sont largement répandus.
Les problèmes se posent avant tout pour les pales et certains aimants et la recherche se concentre sur leurs recyclages.
Les aimants permanents
Actuellement, la technologie avec aimants permanents contenant des terres rares reste modeste en France(vii). Mais les quantités à recycler bien que minimes sont précieuses.
Ces terres rares proviennent majoritairement de Chine et leur coût est croissant. Toutefois l’exploitation de nouvelles sources se développe ailleurs, pour s’affranchir de cette dépendance(viii). Par ailleurs, leur extraction est très polluante et elles ont des propriétés physico-chimiques très voisines, rendant leur séparation difficile (dissolution sélective dans des solvants organiques).
Les aimants permanents sont actuellement traités par un procédé de décrépitation à l’hydrogène(ix) qui fournit une poudre qui présente une faible teneur en oxygène, réutilisable pour obtenir des aimants par frittage.
Un nouveau procédé chimique propose une alternative en remplaçant l’hydrogène par l’eau. Les aimants sont mis en contact avec de l’eau sous des pressions et températures modérées, ce qui conduit à la pulvérisation de l’aimant et permet une réutilisation des grains magnétiques.
Enfin, les grandes entreprises de l’éolien cherchent à développer des aimants de nouvelle génération pour s’affranchir de l’usage des terres rares.
Les pales
Le démontage et le transport des pales sont complexes. Comme le broyage et l’enfouissement ne sont plus autorisés, leur recyclage se limite pour l’instant au réemploi, par découpage ou usinage, des résines très solides qui les composent, ce qui fournit mobilier urbain, bouches à incendie, abris de vélos ou de bus, jeux de plein air, etc.
Cependant la recherche en matériaux développe une pale d’éolienne 100% recyclable, en composite fibres de carbone ou de verre piégées dans une résine thermoplastique(x). La méthode chimique de recyclage utilisée consiste alors dans un 1er temps à séparer la fibre de verre de la résine par fusion de celle-ci, puis à la dépolymériser complétement afin de récupérer les monomères purs qui permettront une nouvelle synthèse du polymère. Les tests grandeur nature sont en cours, en particulier sur les propriétés mécaniques de ce nouveau composite(xi). Dans le cas des fibres de carbone coûteuses et de plus en plus utilisées, des technologies sont mises en œuvre pour les récupérer(xii).
Conclusion
Le rendement d’une éolienne varie de 30 à 50% voire 65% de sa puissance théorique (en fonction de son implantation, de la taille des pales, de la force et des fluctuations du vent) ; l’éolienne fonctionne pour des vitesses du vent comprises entre 11 et 90 km/h.
L’énergie éolienne est la troisième source d'électricité décarbonée en France, (derrière les énergies nucléaire et hydraulique)(xiii). Elle est appelée à jouer un rôle majeur dans la transition vers des énergies décarbonées. Toutefois, l’obtention de l’acier et du béton nécessaires à sa construction et le démantèlement sont sources d’émission de dioxyde de carbone : en moyenne 14 g de CO2 par kWh pour l’éolien comparés à 4 g pour l’hydraulique, 16 g pour le nucléaire, 48 g pour le photovoltaïque, 469 g pour le gaz naturel et jusqu’à 1000 g pour le charbon(xiv).
On comprend donc la nécessité de bien choisir les matériaux et matières premières nécessaires à la construction des éoliennes et à leur fonctionnement optimal tout en ayant prévu dès leur conception le procédé de recyclage en fin de vie.
Andrée Harari et Françoise Brénon
(i) Il y a plusieurs types d’éoliennes : celles à entrainement direct dites synchrones, avec un rotor constitué d’aimants permanents et les asynchrones avec un rotor bobiné en cuivre, sans aimant, utilisées pour les éoliennes terrestres où l'entretien et révision sont plus faciles qu'en mer. Pour en savoir plus sur le fonctionnement d’une éolienne sans aimant, on consultera la ressource très pédagogique du blog de Timo van Neerden.
(ii) Un polymère thermodurcissable a une structure moléculaire tridimensionnelle, demeure à l’état solide une fois durci et sa forme ne peut alors plus être modifiée. Il ne peut pas être refondu.
(iii) On appelle résine le mélange liquide contenant des additifs et le ou les monomères réactifs initialement dilués.
(iv) Les composés de type époxy sont à base de Bisphénol A et les polyesters sont de type orthophtalique.
(v) On peut citer par exemple la résine Elium® de Arkema, à base de polyacrylate. Voir la fiche de préparation au Grand oral – Mediachimie/ Nathan « Quel rôle joue la chimie pour les matériaux stratégiques ? »
(vi) Selon un avis technique de l’Ademe datant d’octobre 2020, 6,2% des éoliennes terrestres françaises recouraient à cette technologie, soit 372 tonnes d’aimants permanents contenant 122 tonnes de néodyme et 17 tonnes de dysprosium. Les éoliennes asynchrones avec boites de vitesse n’utilisent pas d’aimant mais nécessitent plus d’entretien.
(vii) Terres rares, énergies renouvelables et stockage d'énergies Librairie Ademe
(viii) Ressources déjà connues au Brésil, au Viet Nam, en Russie, en Inde, en Australie… Nouveau gisement découvert en Laponie.
(ix) Décrépitation : l’aimant est placé sous hydrogène, qui diffuse et forme des poches qui font exploser la structure. La poudre obtenue est ultérieurement broyée et réutilisable pour obtenir des aimants par frittage.
(x) Un polymère thermoplastique est rigide à l’état solide mais se ramollit à la chaleur et peut être durci à nouveau.
(xi) Projet ZEBRA piloté par l’IRT Jules Verne et un consortium d’acteurs majeurs de l’industrie, dont Arkema, Corning…
(xii) Que faire des pales d’éoliennes ?, J.-C. Bernier, éditorial (Mediachimie.org)
(xiii) Pour avoir une idée des productions d’énergie par l’éolien, dont les valeurs évoluent régulièrement, on pourra consulter les sites suivants : pour 2019 EDF l’éolien en chiffres 34,1 TWh représentant 6,3% de la production d’électricité et pour 2022 Ministère de la transition écologique avec 25,0 TWh au cours des trois premiers trimestres 2022, soit 7,4% de la consommation électrique française. Et le Vrai / faux sur l’éolien terrestre
(xiv) Rapport ADEME 2015- page 7- Impacts environnementaux de l'éolien français
Pour aller plus loin
Que faire des pales d’éoliennes ?, J.-C. Bernier, éditorial (Mediachimie.org)
De la force musculaire aux énergies renouvelables, in La chimie, l’énergie et le climat, collection Chimie et junior (EDP Sciences, 2017) p. 29 à 31
Les enjeux matériaux pour la fabrication et le recyclage des éoliennes, Frédéric Petit (Siemens), résumé et conférence Colloque Chimie et matériaux stratégiques (9/11/2022)
Chimie métallurgique pour résoudre les problèmes des métaux rares, J.-C. Bernier, résumé et conférence Colloque Chimie et matériaux stratégiques (9/11/2022)
Crédit illustration : EdWhiteImages/Pixabay
La première chose à savoir est que nous ne sommes pas capables de synthétiser la vitamine C (i). Nous devons donc la trouver dans l’alimentation : les fruits colorés (agrumes, cassis, fraise, kiwi, ananas...) et les légumes frais (poivron, brocoli, chou de Bruxelles...). L'apport nutritionnel quotidien conseillé est d'environ 100 mg chez l'adulte. Comme elle est très fragile, il faut choisir des aliments frais et crus ou très brièvement cuits. Elle se trouve facilement en pharmacie, mais il faut prendre garde à ne pas en consommer plus de 1 g/jour, car en excès elle peut être métabolisée (ii) en oxalate (iii) de calcium et éliminée dans les urines où elle est le composant majeur des calculs rénaux.
Propriétés
Chimiquement, il s'agit de l'acide ascorbique (a).
![]() | ![]() |
(a) acide L-(+)-ascorbique | (b) acide déshydroascorbique |
Nomenclature IUPAC : (5R)-5-((11S)-1,2-dihydroxyethyl))-3,4- dihydroxy-5-hydrofuran-one |
Ses propriétés viennent de sa capacité à s'oxyder en acide déshydroascorbique (b). C'est donc un antioxydant, qui élimine les dérivés réactifs de l'oxygène (ou radicaux libres). On dit qu'il protège les cellules contre le stress oxydatif, qui est une oxydation des constituants de notre organisme due à un excès de ces radicaux libres (iv) qui sont très instables et oxydent d'autres molécules, ce qui leur confère un important effet cytotoxique (v).
Il n'y a pas de véritable forme de stockage de la vitamine C, et lorsque l'apport cesse les réserves chutent de moitié en 10 à 20 jours.
Le nom ascorbique vient du préfixe a, privatif, et de scorbut. Le scorbut est devenu une maladie rare, mais était très fréquent dès la Renaissance et jusqu'au XIXe siècle chez les marins au long cours. Il s'agit d'une carence en vitamine C, qui provoque un déchaussement des dents, un pourrissement des gencives, des hémorragies et pour finir la mort. Les marins n'avaient pas toujours le loisir de faire escale pour s'approvisionner en fruits et légumes frais. On peut encore l'observer aux USA chez les adolescents suivant un régime alimentaire aberrant (beignets et café noir, sandwich au beurre de cacahuète !).
Rôles physiologiques
On la pare de toutes les vertus : combat la fatigue, le vieillissement de la peau, améliore le tonus, aide à combattre les infections... Sans qu'elle soit la molécule magique que pensent certains, elle possède bien ces propriétés, ce qui sera expliqué plus loin. En 1970, le prix Nobel de chimie Linus Pauling écrivit un article "Vitamin C and the Common Cold" (vi) où il prescrivait de combattre un rhume débutant par la prise de 1 g par jour de vitamine C, ce qui a plutôt fait consensus. Utilisée pendant de courtes périodes à cette dose, elle ne semble pas toxique, puisqu'il a vécu jusqu'à 93 ans !
Elle catalyse l'hydroxylation des acides aminés proline (c) et lysine (d), constituants du collagène, qui entre dans la composition de la peau, de l’os, des dents, du cartilage (on comprend les symptômes du scorbut).
![]() | ![]() |
(c) proline | (d) lysine |
La carnitine (e), obtenue à partir de ces mêmes acides aminés, est importante dans la synthèse des acides gras et aussi dans la maintenance de la masse osseuse ; elle joue aussi un rôle dans l'athérosclérose et le risque cardiovasculaire. La vitamine C est essentielle à la synthèse de la carnitine.
![]() |
(e) carnitine |
Enfin ses propriétés anti-oxydantes lui confèrent de multiples rôles (synthèse d'hormones, fonctionnement des enzymes, du système immunitaire, absorption du fer par l'intestin).
Plus généralement, les carences en vitamine C, même plus discrètes que dans le scorbut, se manifestent par de l’asthénie, de l’amaigrissement, des céphalées, des douleurs osseuses, une moindre résistance aux infections et des troubles hémorragiques. Le traitement curatif et prophylactique des carences, d’origine alimentaire ou provoquées par des conditions particulières, constitue une indication indiscutable de la vitamine C. Elle est aussi préconisée comme stimulant des défenses de l’organisme au cours des infections virales comme la grippe et le coryza. Il est donc essentiel d'en consommer journellement (fruits et légumes frais).
Nicole Moreau et l’équipe question du mois
(i) La vitamine C est découverte en 1928 par Albert von Szent Györgyi, un scientifique hongrois (prix Nobel de médecine en 1937)
(ii) Le métabolisme est l'ensemble des réactions chimiques qui se déroulent à l'intérieur des cellules d'un être vivant, soit pour lui permettre de synthétiser les molécules qui lui sont essentielles pour se maintenir en vie et se reproduire (anabolisme), soit pour dégrader des molécules en excès voire toxiques (catabolisme).
(iii) Acide oxalique C2H2O4 oxalate de calcium Ca2+, −OOC-COO− ou Ca(COO)2
(iv) Un radical libre est une espèce chimique qui possède un électron non apparié et est très réactif.
(v) Cytotoxique: du grec cyto, cellule et toxique. Il s’agit d’un effet toxique pour les cellules d'un organisme
(vi) « La vitamine C et le rhume »
Pour aller plus loin
Chimie et alimentation : produits de synthèse / produits naturels, Pierre Feillet, in La chimie et l'alimentation (EDP Sciences, 2010) p. 17
Le vieillissement cutané : prévention et réparation, Philippe Piccerelle, Colloque Chimie, dermo-cosmétique et beauté (2016), Le rôle des vitamines dans le vieillissement cutané §4.4. p 102-103
La découverte des vitamines, Louis Irissou, Revue d'Histoire de la Pharmacie (1953) n° 137
François Martin apothicaire et explorateur, Louis Irissou, Revue d'Histoire de la Pharmacie (1946) n° 116, sur le premier apothicaire français s’étant rendu à Sumatra et qui a fait paraitre en 1604 un « Traité du scorbut » à la suite de son voyage où il recommande comme traitement l'emploi du jus de citron.
Crédit illustration : balt/Pixabay