Le cycle des Colloques “Chimie &…” s'enrichit d’un nouvel opus
Chimie et Alexandrie dans l'Antiquité
Mercredi 13 février 2019
Maison de la Chimie, 28 bis rue Saint-Dominique, 75007 Paris
À l’époque de l’apogée de la civilisation hellénistique, Alexandrie fut le plus grand foyer culturel de la Méditerranée, la plus grande ville du monde grec et un pôle commercial majeur. Depuis sa création en 1990 le Centre d’Études Alexandrines, sous les directions successives de Jean-Yves Empereur et Marie-Dominique Nenna, se consacre à l’étude du patrimoine archéologique et historique de la ville d’Alexandrie et ce, sous toutes ses formes, tant terrestres que sous-marines. Les fouilles terrestres concernent les contextes domestiques, utilitaires, religieux et funéraires. Les fouilles sous-marines portent principalement sur le site du phare d’Alexandrie et sur les épaves un peu plus au large.
Ces fouilles donnent accès à l’histoire de la ville d’Alexandrie depuis sa fondation en 331 avant J.-C. jusqu’à nos jours. Les objets tant du monde gréco-romain que du monde arabo-musulman montrent un monde où les réseaux eurasiens d’échanges se sont rencontrés pour partie à Alexandrie dans un processus accéléré de globalisation.
L’ensemble des recherches menées par le Centre d’Études Alexandrines permet de connaître et de comprendre le rôle d’Alexandrie dans les échanges en Méditerranée et au-delà avec la production et le commerce, notamment de céramiques, d’amphores, d’objets en verre, de la pierre architecturale comme des pierres semi précieuses. La chimie a joué un rôle important dans le monde alexandrin antique et elle joue aussi un rôle important dans l’étude archéologique et dans la conservation de ces témoignages.
L’archéologie moderne utilise en effet largement les méthodes de la chimie, non seulement pour la caractérisation, mais aussi pour la conservation et la restauration des objets. Elle permet aussi de redécouvrir la chimie utilisée dans des technologies de fabrication des objets du monde antique et médiéval, celle des matériaux utilisés, mais aussi de comprendre la chimie du vieillissement des objets des fouilles sous-marines.
Des experts de ces différents domaines illustreront ces points à partir de nombreux exemples issus du patrimoine alexandrin et montreront l’extraordinaire évolution récente de la recherche archéologique qui permet d’avoir accès à une compréhension renouvelée du patrimoine de l’humanité et de le rendre accessible au plus grand nombre.
Bernard BIGOT
Président de la Fondation de la Maison de la Chimie
Directeur Général de l’Organisation internationale ITER
Les inscriptions, gratuites mais obligatoires, sont ouvertes dès à présent.
Mediachimie a été présent au Salon européen de l'éducation et a organisé le vendredi 23 novembre 2018 une conférence animée par Françoise Brénon-Audat et Freddy Minc sur :
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Plus de 100 jeunes, des professeurs, des responsables d’orientation et des parents ont participé à cette conférence. Un échange s’est instauré à l’issue de cette présentation et chacun a pu repartir avec le maximum de renseignements tant sur la richesse de notre site que sur les filières de formation possibles.
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Le 16 novembre dernier à Versailles la Conférence générale des poids et mesures (CGPM) a voté la condamnation du « grand K ». À partir du 20 mai 2019 la définition du kilogramme sera basée sur une constante fondamentale de la physique : la constante de Planck h en kg.m2/s ; le « grand K » n’a donc plus que six mois à vivre.
C’est toute l’histoire du système international d’unités (SI) qui bascule. La création du système métrique décimal remonte à la Révolution française. Les définitions du kilogramme, basé sur le poids d’un décimètre cube d’eau pure à 4°C, et du mètre, correspondant au dix millionième de la distance du pôle Nord à l’équateur sur le méridien de Paris, n’étaient plus satisfaisantes.
Dès 1799 deux étalons furent forgés en platine (1) : un cylindre d’un kilogramme et une barre d’un mètre de longueur. Afin d’accroître la stabilité des étalons, deux nouveaux étalons furent forgés en 1889 dans un alliage de platine iridium (2). Le cylindre de 39 mm de haut fut alors enfermé sous trois cloches de verre dans un coffre-fort au Bureau international des poids et mesures (BIPM) à Sèvres près de Paris : c’est « le grand K », qui a servi de référence pendant près de 130 ans. Plusieurs répliques ont été faites dès 1875 lorsque le système international d’unités (SI) fut adopté par plus de soixante pays. Le « grand K » n’a quitté sa chambre forte que trois fois pour le comparer à ses « enfants », on s’aperçut alors qu’au fil du temps la masse du « grand K » était inférieure de 50 microgrammes à celles de ses répliques (5.10-8 kg, un grain de sable).
Lors de la 21e Conférence générale des poids et mesures en 1999, il fut demandé aux laboratoires nationaux d’affiner les expériences pour relier l’unité de masse à des constantes fondamentales. En France les chercheurs du CNAM, du LNE (Laboratoire national de métrologie et d’essais) et de l’Observatoire de Paris unirent leurs efforts pour confronter leurs résultats avec ceux du NRC (National Research Council) au Canada et du NIST (National Institute of Standards and Technology) aux États-Unis, ce qui aboutit en 2017 à la détermination de la valeur de la constante de Planck h avec une incertitude de moins de 5.10-8. Les chercheurs ont utilisé pour cela une balance de Kibble, une balance un peu particulière car elle ne comporte qu’un seul plateau, l’autre étant constitué d’une boucle magnétique au centre de laquelle on fait passer un courant précis dans un conducteur qui développe une force électromagnétique que l’on relie à la constante de Planck. Une seconde méthode utilisée par des chercheurs allemands consiste à fabriquer une sphère parfaite en silicium cristallisé très pur (3) d’un kilogramme. En comptant le nombre d’atomes de cette sphère, on calcule le nombre d’Avogadro avec une grande précision que l’on relie aussi à la constante de Planck. Grâce à ces méthodes et à la confrontation des résultats en 2017 la valeur de la constante a été fixée à h = 6,626 070 15 × 10−34 kg.m2.s-1 (J.s en SI).
Dans la foulée et en cascade à partir de mai 2019, la seconde, le mètre, le kilogramme, le kelvin, l’ampère (4), le candela et la mole (5) auront des définitions actualisées. Donnons quelques exemples :
- la seconde, calée sur la fréquence de transition hyperfine du césium 133 égale à 9 192 631 770 Hz équivalent à s-1
- le mètre à partir de la vitesse de la lumière dans le vide c = 299 792 458 m.s-1
- le kilogramme à partir de sa relation avec h = 6,626 070 15 × 10-34 kg.m2.s-1
- la mole, unité de matière, qui contient 6,022 140 76 × 1023 entités élémentaires, correspondant à la valeur de la constante d’Avogadro NA en mol-1
Toutes ces valeurs sont issues des quatre constantes h (constante de Planck), e (charge élémentaire), k (constante de Boltzmann) et NA (nombre d'Avogadro) qui ont nécessité un travail long à l’échelle internationale depuis plusieurs dizaines d’années, avec de multiples expérimentations. Elles ont permis la convergence des résultats, entérinés par CODATA (Committee on Data of the International Council for Science).
On peut se poser la question de savoir si ces précisions sont vraiment utiles ? En fait, pour la seconde et la mesure du temps, on connait la précision des horloges atomiques qui ont permis la définition étonnante des GPS. Pour la médecine et la pharmacie la définition exacte des doses et micro-formulations a besoin de références. Pour nos balances de ménage et nos pèse-personnes ce n’est pas 50 microgrammes après la retraite du grand K qui changera nos vies. En revanche, c’est une nouvelle ère qui s’ouvre pour la métrologie où l’on change de paradigme. En effet, les constantes ne reposent plus sur des objets matériels mais sur des facteurs physiques de nature fondamentale universelle.
Jean-Claude Bernier et Catherine Vialle
novembre 2018
Pour en savoir plus
(1) Produit du jour de la Société chimique de France
(2) Le mètre de 1889
(3) Toujours plus petit ! (Chimie et… junior)
(4) Ampère et la chimie
(5) La constante d’Avogadro (vidéo)
Voir aussi sur le site du LNE (Laboratoire national de métrologie et d’essais)
Le kilogramme
Introduction au système international d’unités
Réplique du Grand K. © National Institute of Standards and Technology.
Mediachimie est présent au Salon européen de l'éducation et organise une conférence animée par Françoise Brénon-Audat et Freddy Minc sur :
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Salon de l'Orientation - Vendredi 23 novembre 2018, 11h30, Salle 2
L’IUPAC fêtera son centenaire en juillet 2019 à Paris.
L’approche de ce centenaire fournit l’occasion d’y consacrer un temps d’étude. C’est ainsi que des spécialistes se réuniront à Paris pour débattre de ce sujet.
Le vendredi 16 novembre (au GHC, 250 rue Saint-Jacques, 75005 Paris), un symposium ouvert à tous permettra de présenter au public les premières études sur l’IUPAC, le contexte international et scientifique dans lequel elle se place ainsi que d’ouvrir le débat aux chimistes qui célèbrent le centenaire de leur Union.
Le programme est disponible : http://www.societechimiquedefrance.fr/spip.php?page=news-entite&id_rubrique=147
Ce colloque international est organisé par le Groupe d’histoire de la chimie GHC-SCF, avec le patronage du CNRS, du CNC, du congrès IUPAC2019, du GHDSO, et du Science History Institute de Philadelphia.
Inscription obligatoire auprès de : danielle.fauque@u-psud.fr
En 1914, l’industrie chimique organique en France est quasi inexistante, elle ne représente que 2 % du marché mondial alors que celle de l’Allemagne approche les 85 %. La chimie minérale et l’électrochimie avec la production de soude, de chlorates et de phosphates (1) est un peu plus vaillante avec des sociétés comme Saint-Gobain, Air Liquide ou Kuhlmann. Malgré les avertissements des chimistes alsaciens qui avaient fui leur province pour Paris après 1870, inquiets de voir l’hégémonie industrielle allemande s’appesantir sur la France sans sursaut de la part du gouvernement et des investisseurs. Albin Haller (2), qui avait réformé l’enseignement à Paris et à Nancy des ingénieurs chimistes, déplorait le manque de liaison entre l’université et l’industrie tout comme Lebon qui disait : « Les laboratoires étaient des sanctuaires de science pure, où ne parvenait pas le bruit de l’usine, et l’usine vivait d’empirisme et de routine » (3). Un autre chimiste, Charles Moureu, affirmait : « Il est certain que sans la puissance de son industrie, et tout particulièrement de son industrie chimique (…), jamais l’Allemagne ne nous eût déclaré la guerre ».
Cette faiblesse française apparait dès 1914 lors de l’erreur stratégique du haut commandement militaire qui escomptait une guerre courte et un approvisionnement de 10 000 obus par jour. Or, dès octobre 1914, c’est 100 000 obus par jour qui seront nécessaire. Le manque d’explosifs et la prise des mines de charbon et de fer du Nord et de l’Est privent de plus l’approvisionnement en benzol et en coke. Le gouvernement réagit et dès 1914 crée l’Office des produits chimiques et pharmaceutiques et nomme en 1915 un comité de direction de chimistes dont Albin Haller sous la présidence d’Auguste Béhal. Très vite, sous l’impulsion des ministères du Commerce et de l’Armement nait la Commission des matières colorantes qui initie le Syndicat national des matières colorantes (SNMC) qui deviendra très vite la Compagnie nationale des matières colorantes (CNMC). Celle-ci, avec le Service des poudres, contribue à la fabrication de tous les produits explosifs, composés chimiques et colorants. Fin 1915, un ambitieux programme soutenu financièrement par l’État se met en place, la chimie devient un but essentiel de l’économie de guerre.
La guerre chimique déclenchée par les Allemands par les attaques au chlore en 1915 (4) illustre la réaction française. En France la production de chlore était quasi nulle. Seules trois usines étaient capables d’en produire dont celle de la Motte-Breuil dans l’Oise sous séquestre car appartenant à Hoechst. Un contrat américain avec Dupont de Nemours apporte quelques tonnes. Mais l’État permet au groupe industriel de Alexandre Giros et de Louis Loucheur de construire à Pont-de-Claix près de Grenoble une usine qui dès mars 1916 produira des tonnes de Cl2. Dans la foulée près de dix usines électrochimiques sont équipées et financées. Deux usines construites en Tunisie approvisionneront en brome. Après 1917, une même réaction et collaboration en recherche et industrielle permettra de produire un autre gaz toxique, l’ypérite, qui avait été employé par les forces allemandes.
Pour les explosifs, le benzol, l’acide sulfurique et surtout l’acide nitrique et les nitrates manquaient. Il fallait s’approvisionner avec difficulté en nitrates du Chili, alors qu’en Allemagne, grâce au procédé Haber-Bosch, ammoniac (5) et nitrates étaient produits à partir de l’azote et des milliers de tonnes d’engrais peu coûteux s’amoncelaient pouvant aussi bien servir comme explosifs. C’est pourquoi après l’armistice de 1918 les diverses usines de l’IG Farben dont l’immense site d’Oppau furent occupés et les services chimiques français réclamèrent la divulgation de l’ensemble des procédés utilisés pour les armes de guerre. Les sociétés allemandes s’y refusèrent et réclament l’arbitrage de la Commission d’armistice. Celle-ci sous l’influence des Anglais et des Américains déclara que la « synthèse des nitrates revêt[ait] un caractère commercial et non militaire ». Nos chimistes de la délégation ne s’avouèrent pas vaincus et lors des pourparlers en 1919 et dans la rédaction du Traité de paix il y eut bien sûr une référence à l’industrie chimique allemande coupable de l’initialisation de la guerre chimique et l’exigence de l’anéantissement des usines de l’IG Farben où les gaz toxiques et les nitrates avaient été produits de 1914 à 1918.
C’est alors que se place en juin 1919 une rocambolesque négociation. Carl Bosch, qui était le chimiste de la délégation allemande, fut aperçu nuitamment franchissant les murs d’enceinte du parc où résidait la délégation pour rencontrer en secret un conseiller du ministère de l’Armement et des fabrications de guerre qui faisait partie de la Commission de contrôle des usines chimiques outre-Rhin. C’était le frère du futur directeur de la CNMC qui regroupait toutes les industries chimiques françaises soutenues par l’État. Bosch qui savait (et pour cause) que les brevets avaient été conçus pour les rendre inintelligibles aux étrangers de la chimie organique allemande et que la destruction des usines de l’IG Farben ne serait d’aucun secours à l’industrie chimique française négocia un accord avec les chimistes qui remonta au plus haut niveau. Cet accord stipulait la sauvegarde des usines chimiques outre-Rhin contre la révélation du procédé Haber-Bosch et l’aide des chimistes allemands pour la construction sur le territoire hexagonal d’usines de synthèse de NH3 et de nitrates. Dès 1920 le gouvernement français suscita un groupe d’industriels intéressés par la mise en application des brevets et des procédés. L’Office national industriel de l’azote (ONIA) fut créé en 1924 et plusieurs usines s’installèrent sur le site de l’ancienne poudrerie de Toulouse. Dès 1927 l’ONIA devint le premier producteur et exportateur de nitrate d’ammonium, maintenant connu sous le nom AZF (6).
L’économie de guerre avec un dirigisme étatique fort va changer l’industrie. Les entreprises chimiques comme celles des autres secteurs manquaient d’innovation et de capital pour l’investissement, les commandes de l’État entre 1914 et 1918 vont modifier largement le panorama. L’industrie chimique trop éparpillée va évoluer à marche forcée. La SCUR (Société chimique des usines du Rhône) bénéficiant de marchés captifs sur le phénol et les explosifs (7) multiplie son chiffre d’affaire par quinze, les bénéfices de la société Saint-Gobain augmentent de 70 %, la CNMC absorbe plusieurs compagnies et profite du rebond de la chimie organique. Michelin qui fournit les pneus des camions va accumuler un capital qui lui permettra, dès 1919 et l’essor de l’automobile, d’investir et de devenir une des toutes premières industries.
Après 1918, plusieurs écoles d’ingénieurs chimistes se créent sur le modèle de l’ESPCI, de Nancy de Mulhouse, la recherche universitaire dialogue avec l’industrie d’autant que Saint-Gobain, Air liquide, la SCUR, Michelin… ont la taille et les besoins en compétences pour jouer un rôle international. Cette évolution industrielle se double d’une évolution sociétale où, après la saignée de plusieurs millions d’hommes, les femmes prennent une place essentielle dans l’économie. La jeune industrie automobile et la naissante industrie aéronautique comme l’industrie chimique vont croître, sans faire oublier l’hécatombe et le sacrifice de millions d’hommes jeunes et de civils.
Jean-Claude Bernier
Novembre 2018
Pour en savoir plus
(1) Données industrielles, économique, géographiques sur les principaux produits chimiques, métaux et matériaux; L'élémentarium
(2) Solvay et la France. Un partenariat pour la chimie : Ernest Solvay – Albin Haller
(3) La chimie française dans la seconde moitié du XIXe siècle
(4) Il y a cent ans : la guerre chimique
(5) The Synthesis of Ammonia from Its Elements
(6) Enquête technique après accidents industriels
(7) L’industrie chimique française pendant la guerre : matières premières servant à la préparation des poudres et explosifs