Le prix Nobel de chimie 2020 a été attribué à Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna pour la découverte des ciseaux à ADN Crispr-Cas9.
Pour découvrir cette méthode vous pouvez voir le reportage « Manipulation génétique : des ciseaux moléculaires à double tranchant » et l’article correspondant.
Pour approfondir les applications vous pouvez regarder les conférences suivantes ou lire les articles issus de ces conférences :
Entre la rentrée scolaire et la fête de la Science, la chimie bat son plein : en guise d’entrée en matière, Mediachimie vous propose une sélection de ressources ancrées sur l’actualité scientifique et économique, illustrant les nouvelles technologies de la recherche et l’industrie.
- Un éditorial sur les vaccins
- Une question du mois sur l’ozone
- Un zoom sur… la formulation des bétons et ciments
- Un dossier sur la quinine, découverte il y a 200 ans par P.J. Pelletier et J.B. Caventou par extraction de l’arbre quinquina
- les derniers colloques Chimie et… organisés par la Fondation de la Maison de la chimie : Chimie et nouvelles thérapies et Chimie et lumière
Vous trouverez également des ressources à destination des enseignants de tous niveaux :
- écoles et collège avec des séquences de la Main à la Pâte,
- collège cycle 4 avec la série Chimie et… en fiches collège, élaborée en partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale
- lycée avec la série Chimie et… en fiches lycée, élaborée en partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale
- lycée encore avec les dossiers pédagogiques élaborés en partenariat avec Nathan
- et une ouverture vers les métiers avec les Fiches orientation Nathan, et la série Les chimistes dans…
Le Grand Prix 2020 de la Fondation de la Maison de la Chimie a été attribué conjointement, en raison de l’impact de leurs travaux en sciences des matériaux polymériques,
au Professeur Guy BERTRAND
et au Professeur Krzysztof MATYJASZEWSKI.
Voir le communiqué de presse (PDF)
Le Grand Prix 2020 de la Fondation de la Maison de la Chimie a été attribué :
- au Professeur Guy BERTRAND, pour son travail sur la stabilisation d’espèces hautement réactives, en particulier les carbènes. Ces derniers ont en effet trouvé de nombreuses applications en chimie organique, inorganique et organométallique, ainsi que dans le domaine de la synthèse de polymères et de matériaux,
et
- au Professeur Krzysztof MATYJASZEWSKI, pour son travail sur les polymères et notamment sur la polymérisation radicalaire par transfert d’atomes qui a révolutionné la façon dont les macromolécules des polymères sont fabriquées.
Guy Bertrand, chimiste français, directeur de recherche de classe exceptionnelle du CNRS, est actuellement Professeur de chimie du Département de Chimie et Biochimie de l'Université de Californie, San Diego (La Jolla, Californie, USA).
Krzysztof Matyjaszewski, chimiste d’origine polonaise, est aujourd’hui Professeur de chimie à l’Université Carnegie Mellon (Pittsburgh, Pennsylvanie, USA).
Les annonces se sont multipliées cet été sur « les vaccins » contre la Covid-19 (1). Un vaccin américain promis en juin par Donald Trump avant octobre, l’homologation d’un vaccin russe annoncée en août par Vladimir Poutine… Sont sur les rangs 167 projets dont 30 sont en phase préclinique et 8 qui seraient dans les dernières phases de tests en Chine, aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Russie. Ces annonces plus politiques que scientifiques montrent s’il en était besoin l’importance du challenge à la fois nationaliste et financier de cette course au vaccin.
Qu’est-ce donc qu’un vaccin ?
Un vaccin peut être une macromolécule chimique ou un produit d’origine biologique composé de plusieurs entités moléculaires.
Son objectif est de protéger d’une maladie les populations auxquelles il est administré. Ils font tous appel au même principe : stimuler les défenses immunitaires contre un agent infectieux en introduisant dans l’organisme cet agent ou une fraction de cet agent (un antigène) rendu inoffensif pour l’homme. C’est ce même principe qui permit à Edward Jenner en 1796 d’expérimenter sur un jeune garçon l’inoculation du pus d’une maladie de la vache « la vaccine » qui l’a protégé d’une maladie qui faisait des ravages depuis l’Antiquité « la variole » : la vaccine contenait un antigène bénin de la maladie qui tuait l’homme. Puis Louis Pasteur en 1880 fit un pas de plus en proposant « l’atténuation de la virulence » en laboratoire et l’a appliquée contre le charbon et la rage (2).
La mise au point et la fabrication d’un vaccin sont souvent longues et complexes avec un chemin marqué à chaque étape par les contrôles de qualité et de sécurité.
La substance active
Il faut produire un antigène (3) provenant du germe qui provoque la maladie, virus, bactérie ou parasite. Cet antigène va par la suite déclencher une réponse immunitaire par la synthèse de nouvelles molécules dirigées contre lui. Ces molécules, dites anticorps, sont produites par des cellules immuno-compétentes qui vont renseigner les caractéristiques de l’ennemi et mémoriser l’ensemble de ses caractéristiques. Ainsi en cas de nouvelle attaque l’ennemi est vite repéré, reconnu et neutralisé.
L’antigène peut être un germe vivant atténué (cas des vaccins contre les oreillons, la rougeole, la tuberculose) ou un germe ou une fraction de germe inactivé. Maintenant certains vaccins sont produits par génie génétique, ils sont appelés vaccins vivants recombinants (vaccin contre l’hépatite). Les gènes responsables du pouvoir pathogène sont inactivés ou éliminés. Les bactéries ou les virus sont alors inoffensifs mais reconnus comme identiques aux souches naturelles par le système immunitaire.
La fabrication du vaccin et la mise en forme pharmaceutique
La fabrication se fait selon les étapes suivantes. Il faut :
- caractériser le germe au sein d’une banque regroupant des virus ou des bactéries avec des propriétés constantes ;
- maitriser la culture et multiplier les germes grâce au contrôle des différents paramètres : durée, température, pression… ;
- récolter par extraction du milieu de la culture l’antigène ou tout facteur antigénique identifié ;
- purifier et concentrer en enlevant les impuretés à travers des procédés chimiques (extraction, centrifugation) ;
- inactiver la substance, en fonction des cas par la chaleur ou un agent chimique (par exemple le formaldéhyde – méthanal - qui supprime le pouvoir pathogène, en gardant la capacité à déclencher la réponse immunitaire ;
- utiliser des techniques de recombinaisons génétiques qui permettent aussi de susciter par le virus ou la bactérie des antigènes d’autres organismes. Le rassemblement des valences antigéniques dans un seul composé permet alors de vacciner contre plusieurs bactéries ou virus (cas du vaccin antipoliomyélite contre 3 types de poliovirus).
La mise en forme pharmaceutique passe par les étapes suivantes :
- assemblage des valences pour les vaccins combinés, comme le TABDT (typhoïde, paratyphoïde A et B, diphtérie et tétanos) ou le DT-Polio (diphtérie, tétanos, poliomyélite)
- formulation par ajout d’adjuvants pour améliorer l’efficacité et augmenter la réponse immunitaire (sels d’aluminium) et stabilisants (4). Cette étape est très critique dans l’ensemble du processus, car le vaccin préparé n’est pas forcément très immunogène, il doit être accompagné de substances capables de l’aider à déclencher une réponse immunitaire parfaitement maitrisée. Il faut savoir que la réponse immunitaire implique une coopération cellulaire. Elle est très dépendante des caractéristiques de chaque individu, d’où la difficulté de trouver un vaccin universel sans effets secondaires majeurs pour l’ensemble de la population ;
- répartition aseptique en flacon ou en seringue en milieu stérile ;
- lyophilisation pour enlever l’eau si nécessaire et obtenir une poudre ;
- conditionnement, étiquetage et mise en boite des lots qui peuvent représenter des millions de doses ;
- contrôle par l’industriel et une autorité indépendante et libération des lots ;
- livraison des lots en pharmacie, hôpitaux, centres de vaccinations.
Et pour la Covid-19 ?
il faut se rappeler ici que nous avons affaire à un virus et comprendre comment se font aussi les vaccins contre la grippe (5) causée par des virus de même genre, dits mixovirus. Chaque année des experts sélectionnent une collection d’agents infectieux qui varient d’une campagne à l’autre par mutations et constituent une banque de virus pathogènes. Les industriels cultivent alors ces virus sur des œufs de poules puis en extraient l’antigène ou des substances antigéniques, et les concentrent suivant les étapes de fabrication déjà décrites. La stratégie pour le coronavirus peut être la même en s’assurant que l’inactivation du virus sera stable.
L’autre stratégie consiste à se focaliser sur la protéine Spike cette fameuse « clé » qui se dresse autour de la sphère du coronavirus et qui se fixe sur les cellules nasales. Cette protéine peut être aussi synthétisée et produite par génie génétique (injection de l’ARN correspondante et production en masse de cette protéine d’intérêt) (6).
On dispose donc plusieurs stratégies : celle de la protéine recombinante (génie génétique) ou celle de l’extraction du virus de base.
Le groupe Sanofi Pasteur, un des leaders des vaccins contre la grippe et vaccins pédiatriques, mise comme pour la grippe sur ces deux aspects en association avec la société GSK (GlaxoSmithKline). Le vaccin semble être en phase de développement clinique, ce qui permettrait si tout se passe bien une mise sur le marché de plusieurs milliards de doses courant 2021. Il en est de même avec l’américain Translate Bio.
Il n’en reste pas moins vrai que la route avant la commercialisation est longue (7). Après les essais précliniques sur animaux, intervient la phase 1 où l’administration de doses est faite sur 10 à 100 personnes, puis l’administration concerne 50 à 500 personnes en phase 2 et lors de la troisième phase plusieurs milliers de personnes dans une zone où le virus circule activement. Déjà AstraZeneca a suspendu ses essais le 8 septembre à la suite de troubles graves sur certains patients au Royaume-Uni puis a pu reprendre les essais après quelques jours.
Le vaccin russe n’a pas encore entamé la phase 3, de même aux États-Unis. On ne sait pas grand-chose pour les vaccins chinois. C’est lors de la phase 3 que se manifestent les problèmes de sécurité et d’efficacité avec un lot de surprises. Les premiers à entrer dans la dernière phase ne seront pas forcément les premiers sur le marché et c’est encore là que se testeront les vaccins avec des efficacités plus ou moins bonnes.
Jean-Claude Bernier, Danièle Olivier et Constantin Agouridas
Octobre 2020
Pour en savoir plus
(1) Le coronavirus, un défi pour la chimie du vivant
(2) Pasteur et le vaccin contre la rage (vidéo)
(3) Immunoconjugués cytotoxiques, anticorps « armés » contre le cancer
(4) Les adjuvants aluminiques dans les vaccins
(5) Frimas, rhumes et grippes…
(6) L’innovation diagnostique au service des défis de la médecine personnalisée pour la prise en charge du sepsis et des maladies infectieuses
(7) La chimie dans la vie quotidienne : au service de la santé (Chimie et… junior)
Le prochain Village de la chimie aura lieu les 12 et 13 mars. Réservez la date !
En attendant vous pouvez retrouver les vidéos de l’édition 2020.
Le planning des ateliers du Village 2021 sera disponible courant décembre. Compte tenu de la situation sanitaire actuelle, les dispositions relatives à cet événement seront communiquées le plus rapidement possible.
Cette année 2020/2021, le partenariat entre La Fondation de la Maison de la Chimie et Les Éditions Nathan se prolonge pour proposer des ressources adaptées au programme de spécialités des terminales série générale et terminales STL et STI2S : voir le sommaire | télécharger le sommaire (PDF)
Les deux premiers dossiers pédagogiques de cette année traitent des points des programmes de 1re de spécialité et de 1re ST2S afin de revenir sur des thématiques et des sujets de la classe de 1re à approfondir en terminale.
- La lumière : couleurs et modèle ondulatoire – 1re de spécialité
- L’eau, une ressource essentielle à la vie – 1re ST2S
Si vous n’avez pas déjà eu l’occasion de les découvrir, vous pouvez parcourir :
- les dossiers disponibles en classes de seconde et de première
- les fiches orientation
- le sommaire des dossiers de l’année 2019/2020 (classes de seconde et première) : voir le sommaire | télécharger le sommaire (PDF)
À l’occasion du bicentenaire de la découverte majeure de la quinine extraite de l’écorce d’un quinquina par P.J. Pelletier et J.B. Caventou, Mediachimie vous invite à découvrir trois nouvelles vidéos de la série « Petites histoires de la chimie » :
- Le quinquina. I. La découverte
- Le quinquina. II. Les polémiques
- Le quinquina. III. La synthèse de la quinine
Ces vidéos complètent les anecdotes historiques publiées au printemps 2020 sur ce sujet :
- ACTE I : Le quinquina, remède du Nouveau Monde pour une maladie de l’Ancien : légendes et réalités d’une découverte
- ACTE II : Le quinquina, polémiques religieuses et querelles médicales
- ACTE III : Du quinquina à la quinine et à ses analogues ou du naturel au synthétique
et le quiz associé : La quinine et le paludisme
Le 23 juillet 2020, la Commission européenne a présenté à Bruxelles les plans pour le système énergétique de l’avenir et pour l’hydrogène propre. Ces plans doivent ouvrir la voie à un secteur de l’énergie plus efficace et plus interconnecté. Les stratégies prévoient un nouveau programme d’investissements dans les énergies propres dans le cadre du plan de relance, pour stimuler la reprise économique suite à la crise du coronavirus. Parmi ces programmes s’inscrit « la stratégie de l’Union européenne pour l’hydrogène » et dans la foulée se crée « l’alliance européenne pour un hydrogène propre » avec les industriels du secteur, la société civile, les ministères nationaux et la Banque européenne d’investissement.
À cet effet et concrètement, la feuille de route de la transition est la suivante :
- de 2020 à 2024 installer 6 GW d’électrolyseurs, avec l’objectif de produire un million de tonnes d’hydrogène « vert » (1)
- de 2024 à 2030 dans un système énergétique intégré, disposer de 40 GW d’ électrolyseurs pour produire annuellement 10 millions de tonnes d’ hydrogène renouvelable (on peut rappeler que la production électrique en France a été de 537 TWh pour une puissance installée de 133 GW)
- au-delà et jusqu’en 2050 déploiement à grande échelle dans tous les secteurs à décarboner.
Emboitant le pas à la marche politique triomphale vers le verdissement de ce gaz léger cher aux chimistes, l’Allemagne a annoncée fin juin vouloir devenir le numéro 1 du secteur avec 9 milliards € d’investissement suivi par la France qui en ce début septembre annonce y consacrer 2 milliards € dans le plan de relance.
L’hydrogène serait-il devenu comme le protoxyde d’azote un gaz hypnotique pour nos politiques ? Nos lecteurs de mediachimie.org connaissent bien l’hydrogène comme vecteur énergétique et ses applications.
C’est un gaz industriel important, 75 millions de tonnes sont fournis annuellement à l’industrie pour la désulfuration en pétrochimie (2), la synthèse de l’ammoniac et des engrais azotés (3), mais aussi pour l’alimentaire, l’électronique, la métallurgie sans oublier le spatial. En France la production est de 1 million de tonnes et à 96% cet hydrogène vient du vaporeformage (4) qui correspond à la réaction suivante 2 H2O + CH4 = CO2 + 4 H2 . Une réaction similaire est possible avec les hydrocarbures, et la production d’une tonne d’hydrogène s’accompagne donc de 6 à 10 tonnes de gaz carbonique d’où le nom d’ « d’hydrogène gris », dont le prix de revient est de l’ordre de 1 € /kg.
Actuellement, pour moins de 4%, l’hydrogène est produit par l’électrolyse de l’eau. Le procédé le plus mature est l’électrolyse alcaline avec une solution de potasse comme électrolyte. Les procédés modernes utilisent des électrodes bipolaires et travaillent sous une pression de 30 bars pour un rendement électrochimique supérieur à 70%. À l’anode on dégage de l’oxygène
2 OH- → ½ O2 + H2O + 2e-
et à la cathode se dégage l’hydrogène
2 H2O + 2e- → H2 + 2 OH-
Une autre méthode est l’échange sur membrane polymère avec catalyseur platine dite PEM pratiquement l’inverse de la pile à hydrogène, qui a un bon rendement mais moins mature du point de vue industriel.
Cet hydrogène issu de l’eau revient de 3 à 6 €/kg en fonction du coût de l’électricité. Si celle-ci est produite par procédé renouvelable, éolien, photovoltaïque ou l’hydraulique alors il est dit « hydrogène vert ». On comprend bien que la politique de décarbonisation de l’énergie (5) conduit à condamner le vapo reformage et à fixer comme objectif la croissance des couples électricité renouvelable-électrolyseur.
Voyons si la stratégie européenne est compatible avec les contraintes électrochimiques, thermodynamiques et économiques.
De nombreux industriels maitrisent assez bien l’électrolyse. Plusieurs français dont McPhy commercialisent des installations de plusieurs MW. L’exemple d’Apex Energy ,qui dispose d’électrolyseur des 2 MW, produit environ 1000 m3/h soit environ 700 t /an. Si elle fonctionne avec une énergie renouvelable dont le taux de charge est au mieux de 25% on peut compter par MW de 100 à 120 t/an. Une installation de 1 GW produira alors 120.000 tonnes et les 6 GW prévus en Europe en 2024, 720.000 tonnes soit 7% de la consommation européenne de 10 millions de tonnes.
À quel prix ?
Une très belle étude de l’APHYPAC * donne pour 2020 un coût de l’ordre de 1000 € à 800 € /kW pour un électrolyseur couplé à un réseau d’électricité renouvelable soit donc 1 milliard € à 800 millions € par GW. On comprend alors le prix du ticket d’entrée pour cette transition.
Sur quelle surface ?
Avec les derniers progrès des électrodes bipolaires et la pressurisation pour l’électrolyseur on compte 45 m2 d’emprise au sol /MW soit donc 4,5 hectares pour 1 GW, auquel il faudrait ajouter l’emprise au sol du champ d’éoliennes ou de panneaux photovoltaïques, soit 200 éoliennes de 5 MW sur 100 hectares ou 1 GW de photovoltaïque sur 2000 hectares, à moins de produire en off-shore. On voit que les contraintes financières et physiques à l’échéance 2050 ou même 2030 ne sont pas aussi simples que l’on pense.
Alors, pourquoi cet emballement politique, financier et médiatique ?
C’est que les promesses de l’industrie de l’hydrogène sont importantes. Passons sur l’opportunité de l’hydrogène décarboné pour l’industrie chimique et métallurgique si son prix arrive à concurrencer celui du vaporéformage.
Le secteur du transport est lui bien concerné par un carburant non polluant ne laissant comme gaz d’échappement que de l’eau et de l’azote grâce à la pile à hydrogène (6) (7) fournissant l’électricité aux moteurs. Grâce à des champions européens Alstom, Air liquide et Linde les trains Coradia iLint (8) roulent déjà en Allemagne et vont bientôt remplacer nos vieux TER régionaux. Le secteur des poids lourds qui peuvent eux aussi supporter le poids du « pack » de la pile à hydrogène est en attente. L’exemple de la jeune société américaine Nikola Corporation spécialiste des camions à hydrogène valorisée à 30 milliards de dollars à son entrée en bourse est tout simplement fou. Pour l’automobile des particuliers, la bataille sera rude entre le véhicule électrique et celui à hydrogène (9). Le poids et le prix du « pack » et du réservoir composite tenant à la pression de 700 bars représentent près de 50% du prix de l’automobile (32.000 € sur 70.000 €). Le prix à la pompe du kg d’hydrogène, le manque de station haute pression, le mauvais rendement thermodynamique, handicapent pour l’instant son développement.
En sachant qu’un électrolyseur de nouvelle génération fournit environ 1 Nm3 d’hydrogène par 3,5 kWh, et si on suppose que l’hydrogène vert est issu d’une source électrique ne dégageant pas de CO2 alors l’électricité nucléaire à 4 centimes du kWh mettra le kg d’hydrogène à 1,30 € concurrent de l’hydrogène gris. Serait-ce l’hydrogène « vert clair » ?
* Production d’hydrogène par électrolyse de l’eau (fiche 3.2.1)-Association française pour l’hydrogène et les piles à combustible
Septembre 2020
Jean-Claude Bernier
Pour en savoir plus
(1) Qu’est-ce que l’hydrogène vert ? (Question du mois)
(2) Comment assainir l’atmosphère des villes ? L’hydrotraitement (Fiche Réaction en un clin d’oeil)
(3) Comment fabriquer des engrais avec de l’air ? La synthèse de l’ammoniac (Fiche Réaction en un clin d’oeil)
(4) Et revoilà l’hydrogène
(5)L’hydrogène, une source d’énergie pour le futur
(6) H2O ou comment la synthèse de l’eau conduit à la pile à hydrogène ? (Fiche Réaction en un clin d’oeil)
(7) Hydrogène, la roue libre (vidéo)
(8) Vive le Coradia iLint
(9) De nouveaux véhicules automobiles pas très verts !
La récente explosion à Beyrouth au Liban qui a entrainé une véritable catastrophe humaine et matérielle est, semble-t-il en attendant les conclusions d’une commission d’enquête, due à l’explosion de 2700 tonnes de nitrate d’ammonium (NH4NO3) stockés depuis plusieurs années dans un entrepôt sur le port avec d’autres produits inflammables.
On peut rappeler que pour augmenter la production des cultures depuis l’Antiquité les hommes ont cherché à amender leurs terres. Les plantes pour croître ont besoin de soleil, de CO2 et d’eau pour la photosynthèse (1), mais aussi d’éléments minéraux comme l’azote, qu’ils ne peuvent fixer dans l’air. On ajoute alors des engrais azotés pour améliorer les rendements, l’ammonitrate a permis depuis deux siècles de multiplier par 10 les rendements des plantes vivrières et de faire face à l’augmentation de la population de la planète. Ce fut d’abord l’importation du « guano », excréments marins riches en azote des îles proche du Pérou, puis les nitrates de soude du Chili jusqu’au début des années 1900. Après 1909 deux chimistes allemands Fritz Haber et Carl Bosch (2) mettent au point la synthèse de l’ammoniac à partir de l’azote de l’air et d’hydrogène (N2 + 3H2 = 2 NH3), puis, par barbotage de l’ammoniac dans l’acide nitrique ou oxydation catalytique, on produit le nitrate d’ammonium NH4NO3. Cet engrais sous forme de granulés est très employé en agriculture. La production mondiale est proche de 120 millions de tonnes (en tonnes d’azote).
Le problème est que durant la Grande Guerre de 14-18 l’industrie allemande a utilisé le nitrate mélangé avec environ 6% d’hydrocarbure pour en faire des explosifs qui ont servi à faire des milliards d’obus et de munitions. Lors du traité de paix de Versailles en 1919 les brevets allemands furentl’objet de tractations sévères pour que la France puisse à son tour produire le nitrate qui a conduit à l’usine ONIA (Office national industriel de l’azote) à Toulouse devenue plus tard AZF, usine qui a explosée en septembre 2001. en effet, mélangé à certains produits réducteurs (cellulose, huile, fuel) ou à des catalyseurs, le nitrate peut être déstabilisé. De même, avec la température, il peut se décomposer, fondre, puis au bout d’un certain temps, pris dans un incendie, exploser après l’apparition de vapeurs rousses qui sont de l’oxyde d’azote NO2 car NH4NO3 fait partie des « groupements explosophores » (3). NO3 est une réserve d’oxygène qui peut se combiner avec le carbone, l’hydrogène ou le soufre en dégageant des quantités phénoménales de gaz qui vont provoquer une onde de choc s’ils sont confinés dans une enceinte fermée, bâtiment ou navire. Regardons en effet la décomposition thermique :
NH4NO3 → NO + N + 2 H2O
La réaction stœchiométrique montre que 80 grammes de nitrate vont donner environ 80 litres de gaz. Comme la densité du nitrate est proche de 2 on a donc une expansion volumique d’un facteur 2000 cela veut dire que 8 tonnes de nitrates occupant approximativement un volume de 4 m3 vont exploser en donnant 8000 m3 de gaz dans une enceinte fermée de 100 m3 cela entraîne une pression de plus de 80 atmosphères qui fait tout voler en éclat. Imaginez alors que les 2700 tonnes de Beyrouth prises dans l’incendie vont dégager d ‘abord une fumée rousse de NO2 (NO oxydé avec l’oxygène de l’atmosphère) puis un mélange blanc d’azote et de vapeur d’eau d’un volume total de l’ordre de 3 millions de m3. Si le bâtiment de stockage faisait 3000 m3 la pression de l’onde de choc est de plus de 1000 atmosphères détruisant tout dans des kilomètres à la ronde. Décomposition et confinement sont les deux artisans de l’explosion destructrice.
Au cours du temps les accidents n’ont pas manqué :
- en 1921 à Oppau sur le grand complexe chimique de BASF près de Ludwigshafen. Pour éviter de gratter à la pioche les tas de nitrates une équipe utilise des cartouches de dynamite. L’une d’elle, trop forte, provoque l’explosion de tout le stockage entrainant 586 morts, des milliers de blessés et la destruction du complexe chimique.
- en 1947 à Brest un Liberty Ship norvégien avec 300 tonnes de nitrates prend feu. Le navire est éloigné du quai mais pour étouffer l’incendie on ferme les cales, entrainant confinement et explosion et causant 26 morts et plusieurs milliers de blessés.
- en 1947 encore, à Texas City sur le port, un Liberty Ship français explose avec 2000 tonnes de nitrates. Presque tous les pompiers qui étaient mobilisés sur l’incendie sont tués.
- en 2001 à Toulouse le dépôt de 300 tonnes de nitrate d’AZF explose : 31 personnes tuées, 2500 blessés et des dégâts considérables sur Toulouse.
- en 2013, au Texas l’usine de la West Fertilizer Company explose lors un incendie : plusieurs centaines de morts.
- en 2015, au nord de la Chine à Tianjin, l’incendie de plusieurs tonnes de produits chimiques dont 800 tonnes de nitrates provoque une explosion et plusieurs centaines de morts.
Ce sont les accidents les plus connus et les plus récentes catastrophes, cela n’empêche cependant pas que des millions de sacs de granulés sont chaque année utilisés par l’agriculture mondiale dans des conditions de sécurité exemplaires et respectées.
Jean-Claude Bernier
Août 2020
Pour en savoir plus
(1) Le CO2, matière première de la vie
(2) Comment fabriquer des engrais avec de l'air ? La synthèse de l'ammoniac
(3) Les nouvelles techniques d’investigation des explosifs