Pour oser se faire chimiste, à une époque où on ignorait certaines propriétés explosives ou toxiques des matières manipulées, il fallait avoir le goût du risque, voire se montrer téméraire, intellectuellement et physiquement audacieux. Les risques ont été pour la plupart maîtrisés, l’audace demeure.Autour de chaque savant chimiste, il s’est constitué souvent une légende qui contient des faits exacts noyés parfois dans un amas de fausses anecdotes. L’histoire nous montre qu’ils étaient des hommes de chair qui pensaient et raisonnaient comme nous. Beaucoup ont été des humanistes qui ont inspiré la littérature, qui prenaient le temps de contempler des œuvres d’art et d’aimer la musique, des chimistes passionnés par leur travail de chimistes.À cet égard rien n’est précieux comme les correspondances qu’ils échangeaient et que nous tâcherons autant que possible de rendre accessibles. Certains se sont affrontés comme nos gloires sportives sur des questions de priorité et de notoriété, voire de propriété nationale. Ces épisodes méritent d’être médités.

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Mots-clés : Collège de France, synthèse partielle, synthèse totale, chimie organique, glycérine, alcool, acétylène, éthylène, force vitale, chimie végétale, histoire de l’alchimie

Jungfleisch qui a été élève de Berthelot, lui succède au Collège de France le 24 mars 1908. Dans cette leçon d’ouverture de son cours au Collège, il rend hommage à son maître, décrit sa personnalité, rappelle des souvenirs et présente ses principaux travaux en montrant leur importance. Il explique le rôle de Berthelot sur l’évolution des idées dans différents domaines de la chimie.

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Auteur(s) : Émile Jungfleisch (1839-1916)
Source : Revue scientifique (Revue rose) n° 2, 5e série t. X (1908) pp. 33-43
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Mots-clés : vie publique, vue philosophique, morale, religion, Ernest Renan (1823-1892), Victor Regnault (1810-1878), synthèse chimique, synthèse des aliments

Le document commence par la liste des ouvrages scientifiques généraux, de ceux d’histoire des sciences et de littérature publiés par M. Berthelot, puis il liste ses leçons.

Un avant-propos est constitué par le discours de Jules Lemaître prononcé lors de la réception de Berthelot à l’Académie française en 1901, suivi par la notice biographique du chimiste décrivant sa vie et son œuvre, ainsi que son rôle sur la vie publique. Les pages choisies ont été regroupées en plusieurs parties. La première intitulée « vues philosophiques » est composée de discours ou de lettres (Lettre à Renan, 1863), hommage de savants (Victor Regnault, 1878). La suite, formée d’extraits de ses ouvrages et publications, est consacrée à la synthèse chimique et aussi à la question des publications, de la chimie physiologique, sa conception de l’an 2000 et la synthèse chimique des aliments. Une troisième partie traite de la « mécanique chimique » incluant formules chimiques, dynamique chimique, matières explosives, corps simples et unité de la matière.

Une deuxième partie concerne la vie publique et la vie sociale : La vie d’un savant, La morale et la religion, les cités animales et leur évolution, le christianisme, la science émancipatrice, la science et l’enseignement populaire, l’action personnelle (les savants et le siège de Paris -1872, l’enseignement supérieur et son outillage -1883, la société laïque et l’église -1882, l’impérialisme et la paix -1903).

Une troisième partie intitulée « l’homme et la vie privée », concerne l’amitié de Berthelot et de Renan (1898), des lettres à Renan (1817, 1850, 1861, 1865, 1869), des documents relatifs à la guerre de 1870, des souvenirs de vieillesse.

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Auteur(s) : Marcellin Berthelot (1827-1907)
Source : Marcellin Berthelot, Pages choisies, G. Crès (Paris) (1923)
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Mots-clés : alcool, polyol, glycérine, mannitol, glucose, amidon, cellulose, salicine

Dans cet ouvrage de 153 pages Berthelot présente les sucres sous différents aspects. Dans une première partie (pages 183 à 252) il décrit successivement l’état de la chimie au début du XIXe siècle, commençant par citer la conception des chimistes de l’époque, d’abord Fourcroy (Système des connaissances chimiques, 1802), puis Chevreul, Gerhardt, Laurent, Dumas, Liebig… dressant un panorama jusqu’au milieu du siècle. Puis il traite des principes sucrés « représentés dans leur composition par le carbone uni aux éléments de l'eau ». Ensuite, il décrit les différents types d’alcools, leur formation, leurs fonctions, leurs propriétés chimiques et physiques et leur nomenclature. Berthelot utilise pour l’écriture des réactions la notation en équivalents. Dans le deuxième partie (pages 253 à 332), après un rappel de la définition des mots alcool et alcool polyatomique (aujourd’hui polyol), il interprète les combinaisons avec les bases et les acides, puis traite des sucres proprement dits, famille des glucoses et famille  des saccharoses et examine l’action des acides des bases et des ferments. Puis il traite des principes sucrés plus complexes amidon et cellulose et enfin des substances composées de deux corps (aujourd’hui hétérosides), dont un sucre, telle la salicine.

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Auteur(s) : Marcellin Berthelot (1827-1907)
Source : Société chimique de Paris, séances des 7 et 14 mars 1862, 153 pages
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Mots-clés : Berthelot, scientisme, synthèse chimique, science-fiction

Les commentaires présentés ici sont formulés à la lecture du discours, prononcé le 5 avril 1894 au banquet de la Chambre syndicale des Produits Chimiques devant un auditoire d’industriels, par le célèbre chimiste Marcellin Berthelot (1827-1907), qui a imaginé les évolutions futures de la chimie. À partir de ses conceptions, ancrées dans une vision positiviste de la place déterminante de la science dans la société, Berthelot décrit le futur grâce à des solutions issues de l’application rationnelle des connaissances scientifiques de son temps.
 

Promoteur de la synthèse en chimie organique, il peut estimer que les possibilités de la synthèse sont devenues immenses. De là, il imagine un monde où les chimistes pourront imiter tous les produits que la Nature fournit et que leur pouvoir leur permettra de contribuer au bien-être général de toute l’humanité. D’où ce discours-fanfare sur l’irrésistible montée en puissance de l’industrie chimique qui, grâce aux synthèses, serait capable de fournir aux hommes de l’an 2000 la nourriture, la santé, et tous les produits dont ils auront besoin pour vivre.

Toutefois, ce discours s’explique dans le contexte de l’époque. Savant de premier plan, Berthelot est aussi un homme politique : ministre de l’Instruction publique (1886-1887), puis ministre des Affaires étrangères en 1895. Ses travaux sur la synthèse chimique sont utilisés pour la mise en valeur d’un savant devenu un grand notable de la Troisième République. En 1901, lors d’une cérémonie à sa gloire, il reçoit une médaille sur laquelle figurent ces mots « La Synthèse chimique, la science guide l’Humanité ».

Cependant, malgré les efforts réalisés par la suite par les chimistes les prédictions de Berthelot vont se révéler assez fausses ou en partie erronées. En un siècle, l’évolution des produits et des procédés de la chimie a vu se développer simultanément les trois grands types de procédés : extraction, transformation et synthèse partielle ou totale. De nos jours la situation est souvent très complexe, les fabrications pouvant passer d’un type de procédé à un autre.

En simplifiant, Berthelot a imaginé qu’il serait possible de se passer d’une des deux premières branches au profit de la troisième, qui, à ses yeux, serait la plus noble car la plus scientifiquement élaborée. Mais il ne pouvait pas prévoir que les évolutions réelles ne correspondront pas à ses prédictions. En particulier, si la première Guerre mondiale allait souligner la place essentielle de la chimie elle allait aussi montrer ses aspects négatifs (guerre chimique). L’image de la chimie en est restée profondément marquée.

On peut enfin ajouter que Berthelot n’a pas anticipé les obstacles immenses que la chimie va rencontrer et devra surmonter. La synthèse des aliments ou des médicaments pose des problèmes de matières premières, d’énergie et de choix technologiques souvent difficiles à surmonter.

Si ce grand savant s’est lancé dans cette science-fiction vers 1900, il convient alors de la lire avec humour dans les années 2000.

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Auteur(s) : Marcellin Berthelot
Source : Science et morale, Science et morale, Calmann Lévy (Paris) (1896) pp.508-515
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Mots-clés : Congrès de Carlsruhe (1860), notation atomique, théorie atomique

Grimaux est l’un des artisans de la célébration du jubilé de Cannizzaro à Paris en 1896. Il fait connaître ici le très important discours prononcé à cette occasion par le chimiste italien dans lequel celui-ci retrace son parcours scientifique, en particulier le rôle des chimistes français, et son action pour l’adoption de la théorie atomique fondée sur l’hypothèse d’Avogadro-Ampère dont Charles Gerhardt (1816-1856) n’avait pas reconnu l’importance. Il expose comment les idées de nombreux chimistes ont alimenté sa réflexion et comment leurs travaux ont détruit les objections et oppositions qui avaient prévalu jusqu’en 1860. Il souligne que le point de départ de sa recherche a été la nécessité de rendre son cours compréhensible par ses élèves. C’est un très bel exemple de l’orientation de la recherche par l’enseignement.

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Auteur(s) : Stanislao Cannizzaro (1826-1910) présenté par Edouard Grimaux (1835-1900)
Source : Jubilé du professeur Cannizzaro, Revue scientifique (Revue Rose, dir. Charles Richet) série 4, A34, T7 (1897) pp. 169-175
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Mots-clés : dioxygène, métaux calcinés

Grimaux publie une lettre de Bayen (1725-1798), datée de 1775, au rédacteur du Journal de physique, dans laquelle cet apothicaire des armées fait connaître l’ouvrage de Jean Rey (1583-1645) et ses travaux sur la cause de l’accroissement de poids de métaux calcinés. Grimaux a localisé plusieurs exemplaires du livre de Jean Rey. En 1896 il suscitait et préfaçait la réimpression de cet ouvrage dans l’édition de 1630 (« Essais de Jean Rey, docteur en médecine, sur la recherche de la cause pour laquelle l’étain et le plomb augmentent de poids quand on les calcine »).

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Auteur(s) : Edouard Grimaux (1835-1900)
Source : Revue scientifique (Revue Rose, dir. Charles Richet) série 3, A4, T7 (1884) pp. 408-409
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Mots-clés : radicaux organo-métalliques, composés aromatiques, alcool amylique, essence de wintergreen, série salicylique, synthèse organique, densités de vapeur, chlorures d’acide, sulfonitration des composés aromatiques, acides aminés

Grimaux trace une biographie scientifique très complète de Cahours, son prédécesseur dans la chaire de chimie organique de l’École polytechnique. Il souligne ses apports aux avancées de la synthèse organique et aux avancées théoriques de la chimie (notions de fonction et de série organiques, loi d’Avogadro, valence).

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Auteur(s) : Edouard Grimaux (1835-1900)
Source : L’œuvre scientifique d’Auguste Cahours, Revue scientifique (Revue rose, Dir. Charles Richet), n° 4, t. 49 (1892) pp. 97-101
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Mots-clés : dioxygène, Scheele, Lavoisier

Cette unique lettre, émouvante et humble, de Carl Wilhelm Scheele (1742-1786) à Antoine Laurent de Lavoisier (1743-1794), datée du 30 septembre 1774, restée sans réponse, témoigne que Scheele aurait précédé Priestley et Lavoisier dans la découverte de l’oxygène s’il avait eu le moyen de décomposer l’oxyde d’argent par la lumière focalisée par un miroir (« grand verre brûlant »), expérience qu’il demande à Lavoisier de tenter pour lui.

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Auteur(s) : Edouard Grimaux (1835-1900)
Source : Revue générale des sciences pures et appliquées (dir. Louis Olivier), 1ére année, n° 1 (1890) pp. 1-2
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Mots-clés : acroléine, antioxygène, stéréoisomères éthyléniques, rubrène, Collège de France

Élève de Charles Moureu, Dufraisse prit part à la guerre de 1914. En 1915, après les attaques par les gaz asphyxiants, il fut rappelé par Moureu dans son laboratoire du service de la Défense nationale et chargé d’étudier l’acroléine lacrymogène dont ils réussirent à prévenir la polymérisation par addition d’une très petite proportion d’hydroquinone. Ce fut le début d’une série d’études sur l’effet antioxygène aux nombreuses applications industrielles. Après la guerre Dufraisse reprit ses recherches sur la stéréoisomérie éthylénique. Sa découverte du rubrène susceptible de se photooxyder et de restituer l’oxygène par décomposition du photoxyde à froid, à l’instar de l’hémoglobine, a provoqué la curiosité du monde savant. Toute la carrière de Dufraisse s’est déroulée au Collège de France.

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Auteur(s) : Georges Chaudron (1891-1976)
Source : Notice nécrologique sur Charles Dufraisse, C. R. Acad. Sc. Paris tome 269 (1969) pp. 77-81, disponible sur le site de l'Académie des sciences
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Mots-clés : Sainte-Claire Deville, agrégé-préparateur, métaux de la mine du platine, dissociation, glucinium (béryllium)

Henri Debray (1827-1888) a fait partie du Comité des arts chimiques de la Société d’Encouragement dès 1868. Il entre à l’École normale en 1847, devient agrégé-préparateur en 1850 et en 1851, Henri Sainte-Claire Deville (1818-1881) est nommé maître de conférences et une solide amitié va lier les deux hommes. Le premier travail de Debray porte sur le glucinium (béryllium). Il partage ensuite son temps entre l’enseignement dans différents lycées parisiens et ses recherches en particulier sur les métaux de la mine du platine. Il réalise des expériences sur le phénomène de dissociation. Il remplace Sainte-Claire Deville à l’École normale et à la Sorbonne.

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Auteur(s) : Louis Troost (1825-1911)
Source : Notice sur M. Henri Debray, Société d’encouragement pour l’industrie nationale, Paris (1888) pp. 6-9
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