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Mots-clés : vaccin, virus, atténué, inactivé, vecteur viral, protéine recombinante, ARN messager, spicule

Les vaccins soulèvent des questions auxquelles ce zoom essaie d’apporter des éclaircissements.

  1.  Quelle est la différence entre un agent pharmacologique à visée thérapeutique (médicament) et un vaccin ?
  2. Quels sont les concepts d’élaborations des vaccins existants ayant fait leur preuve ?
  3. Sur quelles bases scientifiques les nouveaux vaccins à ARN messager proposés sont-ils conçus ?
  4. Quelles sont les attentes en termes d’activité, durée d’activité versus toxicité en moyen long terme ?
  5. Le cas des vaccins à ARN modifié ou à ADN ; les questions qui se posent
  6. Propositions

1) Quelle est la différence entre un agent pharmacologique à visée thérapeutique (médicament) et un vaccin ?

Un médicament est conçu dans le cas d’une infection par un virus ou une bactérie voire des champignons [1] pour tuer l’agent infectieux ou arrêter sa prolifération.

Un vaccin est conçu pour apprendre et entrainer notre système immunitaire à reconnaitre un agent infectieux et construire sur cette base l’ensemble de l’arsenal de défense tout en gardant la mémoire de la « photographie » de l’ennemi [2]. Le vaccin engendre ainsi une réponse immunitaire primaire.

Une fois que l’ennemi (agent infectieux) arrive réellement, les soldats sont prêts pour une réponse secondaire rapide avec les bons fusils spécifiques et adapté à l’ennemi dont ils ont gardé la photographie. Cette défense dépend de la réaction des molécules spécifiques dites immunoglobulines souvent associées à des cellules dites phagocytaires (du grec phago qui signifie manger). Plus la photographie rendra compte de la physionomie globale de l’ennemi, moins celui-ci aura des chances d’échapper aux soldats, en changeant simplement certains de ses membres constitutifs par ce qu’on appelle une mutation.

2) Quels sont les concepts d’élaborations des vaccins existants ayant fait leur preuve ?

Virus inactivés et virus atténués : le virus traité chimiquement ou par la chaleur perd sa nocivité mais conserve sa capacité à provoquer une réponse immunitaire. Dans les deux cas de figure le vaccin est inoffensif sauf cas exceptionnels pour le virus atténué. C’est le concept le plus traditionnellement utilisé jusqu’à ce jour dont les preuves de rapport efficacité/toxicité sont éprouvées.

Le recul médical est excellent : rougeole, oreillons, rubéole, fièvre jaune pour les virus atténués, et polio, grippe pour les virus inactivés.

Vecteur viral : on utilise un virus atténué connu comme inoffensif pour véhiculer du matériel protéique du virus à abattre.

Vaccins à protéine recombinante : certaines protéines du virus connues comme immunogènes (qui déclenchent le système immunitaire) sont injectées. Le recul médical est celui du vaccin de l’hépatite B et de certains vaccins contre la grippe.

Dans le cas du coronavirus SARS-CoV-2 ces différents concepts sont utilisés dans les essais en cours avancés :

  • Virus inactivés : Sinopharm (Chine), Sinovac (Chine), Bahrat Biotech (Inde)
  • Vecteur viral : Johnson&Johnson – Janssen (USA), CanSino Biologics (Chine), Gamaleya Research Institut (Russie)- Astra Zeneca (GB-Suède)
  • Vaccin à protéine recombinante (fragment d’antigène) : Novavax (USA), Sanofi / GSK (France, GB), Institut Pasteur / Thémis (France)

3) Sur quelles bases scientifiques les nouveaux vaccins à ARN messager ou ADN proposés sont-ils conçus ?

Il s’agit d’injecter du matériel génétique soit ADN, génome humain, soit ARN messager (ARNm) [3], transcrit du génome. Ce matériel a pour mission de donner l’ordre à l’usine de fabrication des protéines (ribosome) d’élaborer la protéine du virus corona [4], responsable de son accrochage au niveau des cellules humaines. Cette protéine est nommée spicule. Alors le système immunitaire à la vue de cette protéine construit sa défense moléculaire et/ou cellulaire.

Cette approche vaccinale a permis d’obtenir des résultats prometteurs lors d’expérimentations sur des modèles animaux (4 vaccins de ce type sont commercialisés aujourd'hui).

Dans le cas du coronavirus SARS-CoV-2 cette nouvelle approche est utilisée en autre par Pfizer / BioNTech, Moderna, SANOFI / Translate Bio et l’Institut Pasteur (3e voie de recherche en cours)…

4) Quelles sont les attentes en termes d’activité, durée d’activité versus toxicité en moyen long terme ?

Études préalables dans le cas général

Tous les vaccins candidats doivent obligatoirement passer trois phases de tests à l’issue desquelles un dossier est soumis aux autorités de santé [5] pour obtenir ou non l’autorisation de l’administrer à une population.

La phase I consiste à tester l’absence de toxicité sur un nombre réduit (10 à 100) de personnes volontaires adultes et en bonne santé et non exposées au virus. On étudie la tolérance et la production des anticorps (pouvoir immunogène) en fonction des doses que l’on administre.

La phase II va faire appel de 50 à 500 volontaires. Elle a pour but de définir la meilleure façon d’administrer le vaccin : dose, nombre d’injections initiales, et nécessité ou non de rappels, et si oui combien et à quelle fréquence, afin d’induire une immunité maximale. Cette étude se base sur les résultats des analyses sanguines (dosage d’anticorps) pour faire une projection possible.

Dans la phase III il s’agit de tester l’efficacité réelle du vaccin en double aveugle. Cela nécessite plusieurs milliers de volontaires (selon un panel défini, âge, sexe, personnes malades ou non…) évoluant dans des zones contaminées, dont la moitié d’entre eux reçoit un placébo, tandis que l’autre reçoit le vrai vaccin candidat. Dans le cas général, il faut attendre en moyenne 3 ans, voire plus, pour pouvoir comparer le nombre de personnes infectées parmi les volontaires vaccinés réellement et celles qui ont reçu le placébo. Ce n’est qu’à l’issue de la phase III que l’on peut affirmer ou non l’efficacité d’un vaccin, sa durée d’activité et préconiser les meilleurs modes et fréquence d’administration. Les éventuels effets secondaires sont évidemment également notés et suivis.

Les autorités de santé vont alors examiner l’ensemble des résultats pour prendre une décision.

Une fois que le vaccin sera administré auprès de la population, il y a aura un suivi permanent qui constitue la phase IV.

Le cas des vaccins contre la Covid 19

Dans le cas de cette pandémie, la recherche mondiale travaille d’arrache-pied pour pouvoir offrir une solution fiable au plus grand nombre dans un temps très court.

C’est ainsi tout particulièrement la 3e phase qui est concernée et raccourcie. Le nombre d’individus ayant participé aux tests est également réduit.

Les entreprises communiquent et anticipent la production avant même que l’ensemble des résultats soit fourni aux autorités scientifiques de santé ou celles de la régulation et, compte tenu du nombre impressionnant de doses à fabriquer, les gouvernements anticipent aussi les précommandes.

Cela peut engendrer des suspicions dans la population, mais en tout état de cause, les autorités scientifiques et de régulations se prononceront, nécessairement, sur la base d’un dossier complet.

5) Le cas des vaccins à ARN messager ou à ADN ; les questions qui se posent

Cette anticipation n’est pas sans soulever des questions plus spécifiques concernant les tous nouveaux vaccins à ARNm et ADN, qui arrivent en 1er dans cette course effrénée (sociétés Pfizer et Moderna) et dont aucun exemple à ce jour n’a été appliqué à l’homme. Des réponses sont attendues.

En terme d’activité

  • S’agit-il de produits qui interférent avec le virus une fois l’infection mise en place ou s’agit-il de produits qui préviennent l’infection via la mise en place d’un système de défense immunitaire et par conséquent interférant avec la propagation du virus… ?
  • Quelle pourrait être la durée de protection et pour quel type de protection (forme grave versus légère) voire pour quel variant de virus ?
  • Y-a-t-il des cas asymptomatiques ?
  • Les résultats peuvent être positifs dans l’immédiat mais la stabilité de l’agent qui déclenche le processus de défense (ARN messager) reste questionnable. En effet le temps de demi-vie d’un ARN en milieu biologique ne dépasse pas les quelques minutes voire heures pour certains. Toutes les étapes de survie d’un ARNm sont hautement régulées et contrôlées au sein de nos cellules et ceci pour éviter toute aberration ou surproduction des protéines d’intérêt. Alors, que se passe-t-il en cas d’intervention exogène ? Qu’en est-il sur la durée ?

Questions en termes de toxicologie à moyen ou long terme

  • L’ARN injecté peut par un mécanisme naturellement existant chez l’Homme comme chez nos convives les bactéries (biotope) se réinscrire en ADN (transcriptase inverse ou reverse transcriptase) c’est-à-dire s’insérer dans le génome bactérien. Pour ce qui concerne l’Homme la possibilité reste théorique. Qu’en est-il ici ?
  • L’ARNm pour qu’il puisse atteindre sa cible cellulaire chez l’Homme doit être entouré des nanocapsules lipidiques qui déterminent sa destination. Dans ce cas quelle est la population cellulaire humaine réceptrice et pour quel effet ?
  • Si la population cellulaire réceptrice devient la cible potentielle du système immunitaire dit « inné »… quelles pourraient être les conséquences à moyen ou long terme (système vasculaire, organes vitaux, maladies auto-immunes…) ?
  • S’adresser à une protéine unique et spécifique du virus n’expose-t-il pas à des mutations potentielles ?

En conséquence les effets secondaires ne doivent pas être vus sous l’angle médical d’une douleur, inflammation au site de l’injection, maux de tête… mais plutôt sous un angle sociétal et éthique à moyen et long terme en fonction des considérations et possibilités scientifiques connues à ce stade.

6) Propositions

  • Accélérer et massivement financer les recherches sur les concepts vaccins de virus atténués ou inactivés et vecteurs viraux, aux preuves de rapport efficacité/toxicité éprouvées, voir § 2. À ce jour, les laboratoires impliqués dans cette recherche sont nombreux et internationaux et plus d’une dizaine d’approches basées sur ce concept sont en cours avec des produits avancés au niveau de la phase II et III (voir § 2).
  • Approfondir la recherche pour répondre aux questions soulevées sur les vaccins à ARNm et ADN pour éviter une décision précipitée.
  • Financer substantiellement des recherches de nouveaux agents antiviraux [6] [7] à l’image de ce qui a été réalisé pour les infections de type HIV.
  • Entreprendre des études cliniques courtes et ciblés sur des classes de médicaments existants, pour lesquels le recul médical actuel est très important. Les inhibiteurs de synthèse protéique sont connus depuis les années 1950, par exemple les aminoglygosides, les tétracyclines, les macrolides comme le Zithromax, le Claricide , l’érythromycine, le Ketek… bien qu’il s’agisse d’inhibiteurs de synthèse protéique chez les procaryotes (bactéries), la moindre perturbation de la synthèse protéique des protéines virales chez l’Homme pourrait conduire à une déstructuration du virus. D’autres classes des médicaments existants s’y prêtent tels que les inhibiteurs des protéases…

 

[1] Parasite, champignon, bactérie et virus : quelles différences ? (Question du mois, Mediachimie.org)
[2] Un vaccin, oui mais quel vaccin ? (Éditorial, Mediachimie.org)
[3] Cibler l'ADN : pour la compréhension du vivant, Carine Giovannangeli, in La chimie et la santé, EDP Sciences (2010) p. 45
[4] Le coronavirus, un défi pour la chimie du vivant (Éditorial, Mediachimie.org)
[5] Recherche et essais cliniques sur les vaccins sur le site Santé Publique France
[6] Covid-19 : la chimie médicinale à l’assaut des mécanismes de propagation virale, B. Canard, L'Actualité Chimique n° 451 (mai 2020) pp. 17-18
[7] Où sont passés les antiviraux dont la France a besoin ?, B. Meunier (Tribune parue dans Les Échos le 27 mars 2020

Pour en savoir plus

Auteur(s) : Constantin Agouridas, Docteur en pharmacologie moléculaire et cellulaire, Professeur des Universités (Paris VI), Ex-Directeur de Recherches Aventis, Inventeur d’une nouvelle classe d’anti infectieux le Ketek
 
Niveau de lecture : intermédiaire
Nature de la ressource : zoom sur...