Le bois est l’un des matériaux utilisés depuis le début de l’apparition de l’homme sur la Terre. On le rencontre souvent dans les musées. Cependant le bois est très peu rencontré dans les sites des fouilles, en effet c’est un matériau très biodégradable car soumis à des agressions extérieures notamment les insectes et les champignons. Néanmoins un sol argileux peut constituer une couche géologique protectrice. Ainsi on trouve des objets en bois quasi intacts dans les sépultures et dans les pyramides d’Égypte.
Le traitement retenu pour conserver les bois humides
Il consiste à tapisser les trous (macroporosités) du bois par un polymère : le polyéthlèneglycol (PEG) dont l’usage est non dangereux alors que le monomère l’oxyde d’éthylène est toxique. On utilise des solutions aqueuses PEG 2000 et PEG 400 soit respectivement à 2000 et 400 g.mol-1. Le séchage ne peut être réalisé à l’air libre en raison des forces capillaires liées au départ de l’eau liquide provoquant l’effondrement cellulaire du bois. On a alors recours à la technique de la lyophilisation c’est à dire une congélation (vers -30°C) et une sublimation sous pression réduite (de l’ordre de 0,1 mbar) pendant environ quinze jours, ceci conserve la structure et la forme du bois. Ainsi une pirogue datant du Haut Moyen Âge retrouvée dans le lac du Bourget sous 30 m de fond a été restaurée par ce procédé en 2017 et est actuellement exposée au Musée de Chambéry [1].
Le traitement retenu pour conserver les bois secs (ou séchés par le traitement précédent dit PEG-LYO) est réalisé par radiochimie : c’est la méthode dite Nucléart.
Pour les bois gorgés d’eau qui nécessitent une consolidation accrue, il est d’abord nécessaire de les sécher par une imprégnation par une solution aqueuse à faible concentration de PEG qui permet un séchage sans contrainte dommageable par lyophilisation. Puis on réalise une imprégnation sous pression (5 bars) cette fois avec une résine liquide styrène-polyester insaturé (Ph-CH=CH2) et (Et-CH=C- CH2-CH2-O-)n qui est exposée enfin à un rayonnement gamma émis par du 60Co produit industriellement par bombardement neutronique du 59Co. L’exposition à ce rayonnement très pénétrant permet d’initier et de contrôler la cinétique de la polymérisation. Les ionisations provoquant une ouverture des doubles liaisons C=C du styrène et du polyester par création des radicaux libres conduisent à un réseau tridimensionnel sous forme d’une résine solide (mais plastique) radiodurcissable remplissant toutes les microporosités du bois. Ainsi quelques éléments d’un chaland gallo-romain qui avait passé 2000 ans dans le Rhône ont été restaurés par ce procédé et le chaland est actuellement exposé au musée d’Arles [2].
Exemple de la datation du bois le plus ancien du monde
Le Massif armoricain renferme des roches qui datent environ de plus de 400 millions d’années et contiennent des plantes. Celles provenant de la carrière de Châteaupanne dans le Maine-et-Loire contient des spores. À cette époque les plantes ont commencé à se développer pour survivre en dehors de l’eau et ont produit une sorte de revêtement étanche conduisant à des trachéides (tiges) d’environ 2 mm de diamètre et une longueur maximale de 15 cm qui produisent des spores qui peuvent ensuite se disperser. Les caractéristiques de l’assemblage de la forme et des tailles des spores ont permis de donner un âge de 407 millions d’années : c’est aussi l’âge de la plante qu’elle renferme. L’étude, réalisée en 2014 par l’analyse d’un échantillon en microscopie à rayonnement X synchrotron en contraste de phase, a permis de descendre d’une part à une résolution plus grande et d’autre part à une sensibilité bien supérieure à celles des machines habituelles. La composition des éléments chimiques du bois fossile a été obtenue par spectroscopie des rayons X. Le carbone organique par exemple a été détecté sous forme aromatique et la présence de liaisons simples C-O illustrent la présence de cellulose [3].
La dendrochronologie, un indicateur des conditions climatiques
Chaque année le diamètre d’un tronc d’arbre augmente avec la création d’un nouveau cerne (anneau) résultant de la montée de la sève au printemps et en été. Les cernes peuvent être larges et ou étroits selon les conditions climatiques respectivement favorables ou défavorables. Cela constitue un « code- barres ». L’étude des largeurs des cernes de différents arbres d’une même région contribue à construire à un référentiel l = f(t) (l : largeur et t : l’année) exploitable par informatique. Ainsi les largeurs des bandes donnent une indication des conditions climatiques (température et humidité) qui régnaient à une certaine époque. Il n’est pas nécessaire pour cela de procéder au tronçonnage d’un arbre, on effectue simplement des prélèvements sous forme de carottage dans le tronc (à 1,50 m de hauteur). Ainsi un chêne grossit d’environ 2,5 cm par an alors qu’un séquoia géant peut voir son diamètre augmenter de 15 cm par an [4] !
Les isotopes
Les rapports isotopiques des éléments chimiques dépendent de la physiologie de l’arbre elle-même influencée par les conditions climatiques.
Ainsi par exemple, comme la cellulose du bois contient des atomes d’oxygène et des atomes de carbone, on a pu établir que le rapport 18O / 16O est un indicateur de la température de la forêt de Fontainebleau et que le rapport 13C / 12C sont des indicateurs des précipitations, ce qui a permis de vérifier en particulier l’existence d’une période chaude et humide lors de la construction (initiale) de la charpente de Notre-Dame de Paris.
Par ailleurs, le strontium est un élément présent dans les roches et les sols et les processus de dégradation ne modifient pas le rapport isotopique 87Sr / 86Sr qui est donc identique à celle du sol sur lequel pousse l’arbre [5].
Statue équestre de saint Maurice avant et après consolidation et restauration.
Crédit photos : Arc - Nucléart CEA Grenoble
L’auteur de cette note pédagogique tient à remercier vivement Karine Froment, Ingénieur-Chercheur au CEA de Grenoble, pour son aide et la relecture attentive de cette note pédagogique.
Pour en savoir plus
[1] Comment sauver les bois archéologiques gorgés d’eau ?, G. Chaumat et coll., L'Actualité Chimique N° 495 (juin 2024) p/24
[2a] Conservation de vestiges composites en bois et métal datant de plus de 2000 ans, K. Froment, Colloque Chimie et Alexandrie dans l'Antiquité du 13/11/2019, Mediachimie, article et vidéo de la conférence ; [2b] La méthode « Nucléart » : la radiochimie au service de la conservation du patrimoine, K. Froment et coll., L'Actualité Chimique N°495 (juin 2024) p. 18 et [2c] L'opération Arles-Rhône 3, le relevage, la restauration et la reconstitution du chaland, Musée départemental Arles antique, vidéo documentaire (tout particulièrement à partir de 9’)
[3] Ultrastructure et nature chimique des fossiles du plus ancien bois au monde, S. Strullu, L'Actualité Chimique N° 495 (juin 2024) p. 14
[4] Paroles de climatologues : Les arbres, du coeur aux cernes, Les arbres ont toute une histoire, webdoc du CEA
[5] Mémoire du bois : apport de la chimie à la connaissance de la charpente carbonisée de Notre-Dame de Paris, A. Dufraisse, colloque Chimie et Notre Dame, Mediachimie, article et vidéo de la conférence
Niveau de lecture : pour tous
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