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Mots-clés : thermodynamique, calorimétrie, changement d’état, diagramme binaire, contrôle qualité, DSC, ATD

Une mesure calorimétrique a pour but de déterminer des grandeurs thermodynamiques liées à un matériau ou à une transformation chimique ou physique grâce à la mesure d’une modification de la température du système considéré.

Au lycée, la transformation s’effectue dans un calorimètre adiabatique ou quasi-adiabatique (calorimètre de Berthelot, vase Dewar ou bouteille Thermos), enceinte calorifugée fermée pour laquelle on fait l’hypothèse qu’aucun transfert de chaleur ne s’effectue avec l’extérieur. L’application du premier principe de la thermodynamique permet d’accéder à des grandeurs thermodynamiques telles que les enthalpies de changement d’état, les capacités thermiques ou encore certaines enthalpies de réactions. Le calorimètre n’étant pas rigoureusement adiabatique, on peut éventuellement tenir compte des pertes thermiques mais il faut avouer que ce type de mesure est souvent entaché d’une erreur allant de 10 à 15 %.

Dès la fin du XIXe siècle, les méthodes d’analyse thermique ont été utilisées pour l’analyse des métaux afin de déterminer leur température de changement d’état mais les scientifiques se heurtaient à deux difficultés : l’utilisation du calorimètre d’une part et la mesure précise de la température dans une assez large gamme d’autre part.

Afin d’obtenir des mesures fiables, des techniques de microcalorimétrie ont été mises au point depuis les années 1960 et le champ des mesures s’est progressivement élargi. Cette évolution considérable dans la précision des mesures va de pair avec l’automatisation des procédés.

L’analyse thermique différentielle (ATD) et la calorimétrie différentielle à balayage (DSC pour « differential scanning calorimetry ») [1], [2]

Deux creusets de petites dimensions (volume de l’ordre de quelques dizaines de µL) généralement en aluminium, l’un contenant un composé inerte servant de référence et l’autre contenant une masse connue d’échantillon à analyser, sont soumis à un balayage thermique (chauffage grâce à un four ou refroidissement grâce à un gaz réfrigérant). Ces expériences sont menées sous atmosphère contrôlée (soit inerte pour éviter les réactions de l’échantillon avec l’oxygène de l’air, soit oxydante ou réductrice). L’utilisation de thermocouples permet de mesurer la différence de température entre les deux creusets. L’étude peut être menée en montée ou en descente de température. La fiabilité des résultats dépend d’une part du contrôle de la température et d’autre part de la précision de la balance permettant de mesurer la masse d’échantillon.

Dans le cas de l’ATD, on analyse directement la différence de température entre les deux creusets. Dans le cas de la DSC, méthode plus récente, on mesure le flux de chaleur nécessaire pour maintenir la même température dans les deux creusets.

Grâce à la DSC, il est possible d’accéder à plusieurs grandeurs thermodynamiques :

  • (i) détermination des températures de transition du premier ordre : fusion, vaporisation, sublimation, transition allotropique. Ces transitions s’effectuent à température constante mais nécessitent un apport de chaleur (positif pour une transformation endothermique, négatif pour une transformation exothermique)
  • (ii) détermination des températures de transition du second ordre en particulier les températures de transition vitreuse des polymères grâce à la discontinuité de la capacité thermique
  • (iii) détermination des enthalpies de changement d’état et des enthalpies de réaction (combustion, dissolution, dilution…) par la mesure de la surface des pics observés à la température de la transformation (voir figure)
  • (iv) établissement de diagrammes binaires par l’analyse des températures de début de changement d’état pour différentes compositions de l’échantillon
  • (v) mesure de la capacité thermique de l’échantillon
  • (vi) dosages calorimétriques : on peut ainsi définir l’empreinte thermique (sorte de carte d’identité) d’un produit industriel, déterminer le taux de pureté d’un échantillon, suivre la prise d’un ciment…

 
Un exemple d’enregistrement de DSC : un cristal liquide (synthétisé au laboratoire du lycée)

On remarque l’existence de deux points de fusion, l’un à 140 °C, l’autre à 163 °C associés respectivement à deux enthalpies de fusion, la première à 40 J.g-1 et l’autre à environ 2 J.g-1. La fusion est endothermique (pic vers le bas en chauffe), la chaleur de réaction est calculée à partir de la surface du pic et rapportée ensuite à 1 g de matière.

Techniques associées : flash DSC, TMA, TGA, DMA [3]

La DSC permet de faire varier la température d’environ 10 K/min, la calorimétrie à balayage rapide ou flash DSC permet d’éviter la décomposition des échantillons avec un balayage allant de 103 K/min à 106 K/min. La TMA s’intéresse aux Analyses ThermoMécaniques en étudiant le comportement de dilatation et de rétractation des matériaux en fonction du temps et de la température. La TGA correspond aux Analyses ThermoGravimétriques (variation de masse de l’échantillon en fonction du temps ou de la température). La DMA permet de déterminer les modules d’Young et de cisaillement en fonction de la température via des Analyses ThermoMécaniques.

Une application pratique de la DSC et de la TGA : la caractérisation de la dureté d’une mine de crayon [4]

Les mines de crayons de papier sont constituées d’un mélange de graphite et d’argile ainsi que d’autres constituants tels la cellulose, des cires, des huiles permettant de modifier la dureté de la mine. L’échelle internationale de dureté s’étend entre 9H (mine très dure) et 9B (mine très grasse) mais il n’existe pas de norme de standardisation et la détermination de la dureté dépend du fabricant. Des études par DSC montrent qu’il existe une corrélation entre l’augmentation de la souplesse de la mine et celle de son enthalpie de fusion mais le lien direct n’a pas pu être caractérisé. Par contre, les mesures de DSC peuvent être utilisées pour identifier un fabricant connaissant l’empreinte thermique de chaque mine. La TGA apporte davantage d’informations : la variation de masse de l’échantillon varie linéairement en fonction du taux de résidu restant au-delà de 900 °C, la variation de masse est d’autant plus importante que la mine est grasse.

Pour approfondir et illustrer ce sujet :

[1] L’analyse calorimétrique différentielle (DSC) Application à la chimie de Pierre Claudy, L’Actualité chimique n°222 (mars 1999) pp. 13-22

[2] La calorimétrie et ses applications actuelles de Jean Rouquerol et al., L’Actualité chimique n°417 (avril 2017) pp. 63-64

[3] 50 ans d’innovations dans le domaine de l’analyse thermique, Thermal Analysis, UserCom, n°39 (revue éditée par Mettler Toledo)

[4] Caractérisation de la dureté d’une mine de crayon de Markus Bittrisch et al., Thermal Analysis, UserCom  n°34 (revue éditée par Mettler Toledo), pp. 10-12

[5] La chimie au service de la sécurité de nos concitoyens, de Pierre Carlotti in Chimie et expertise - Sécurité des biens et des personnes pp. 66–67

Auteur(s) : Valérie Veissier
Niveau de lecture : intermédiaire
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