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Mots-clés : catalyseur, métaux, support, théorie de la fonctionnelle densité, DFT, sélectivité, spectroscopie, isotope, pots catalytiques

La catalyse hétérogène concerne des domaines importants tels que la dépollution ou la production d’énergie. Plus de 80 % des réactions catalytiques industrielle sont de type hétérogène.

Premier exemple : pour réduire les gaz émis par la combustion des carburants, les normes actuelles demandent de réduire de plus de 98 % les gaz émis (hydrocarbures non brûlés, CO et oxydes d’azote NOx) avec une efficacité durant plus de 160 000 km. Les pots catalytiques actuels sont capables d’atteindre ces objectifs avec des conditions de température supérieures à 1 000°C mais aussi dès les premières secondes après le démarrage du véhicule [1] !

Second exemple : on cherche à produire directement des carburants « propres ». Par exemple la synthèse de Fischer-Tropsch (FT) permet de produire à partir du gaz de synthèse CO + H2 des carburants à partir du gaz naturel, de la biomasse ou du charbon. Ainsi le gazole issu par cette réaction est dit propre car il ne contient ni soufre, ni composés aromatiques et a un excellent indice de cétane supérieur à 75 %. Des productions par FT d’hydrocarbures lourds (supérieurs à C20) utilisent le cobalt comme catalyseur [2a] et [2b].

L’étude de la catalyse a été entreprise avec succès comme en témoignent les prix Nobel suivants : Sabatier en 1912, Langmuir en 1932, Chauvin en 2006 et Erti en 2007. Mais beaucoup de catalyseurs industriels ont été mis au point selon des approches empiriques des phases actives qui sont déposées sur des supports [3a] et [3b].

Dans ce contexte, la simulation moléculaire par le modèle quantique connait un développement rapide depuis une vingtaine d’années. Cela permet de comprendre la structure du catalyseur, son rôle dans la réaction chimique mais aussi de prédire et concevoir de nouveaux catalyseurs. Les méthodes classiques de mécanique quantique utilisant des solutions approchées de l’équation de Schrödinger ne sont pas appropriées pour la modélisation des réactions sur des catalyseurs hétérogènes. La théorie de la fonctionnelle de densité (DFT) utilise non plus la fonction d’onde mais la densité électronique : une fonction plus simple qui dépend uniquement des coordonnées spatiales (x, y, z). La dépendance de l’énergie vis-à-vis de la densité électronique n’est pas non plus connue et nécessite aussi des approximations. La méthode est moins précise que celle utilisant la fonction d’onde mais permet d’étudier des systèmes de grande taille à plus de 1 000 atomes ! C’est donc la méthode de choix pour l’étude théorique des catalyseurs hétérogènes et de la réaction catalytique. En effet elle permet de suivre l’énergie au long de la réaction en calculant les minima d’énergie des états intermédiaires mais aussi les états de transition [4].

La sélectivité d’une réaction catalytique est essentielle en catalyse hétérogène. Ainsi, par exemple, l’hydrogénation sélective du buta-1,3-diène en but-1-ène, qui est une réaction d’intérêt industriel est un des premiers exemples étudiés. La simulation du chemin réactionnel avec le platine, catalyseur classique d’hydrogénation, ne conduit pas ici sélectivement au but-1-ène, alors que l’emploi d’un alliage Pt-Sn montre que le profil réactionnel conduit alors sélectivement au but-1-ène [5] !

La méthodologie des simulations des réactions de catalyse hétérogène est bien développée actuellement autour de trois points :

  • la compréhension structurale avec des calculs de modèles pour les sites de surface et des caractéristiques spectroscopiques
  • les calculs des profils d’enthalpie libre pour le chemin réactionnel
  • les prédictions que l’on peut énoncer sur l’activité sélective, et la conception de nouvelles phases catalytiques ![6]

Les méthodes spectroscopiques in situ permettent l’observation des espèces adsorbées sur le catalyseur, mais il est parfois difficile d’observer les différents intermédiaires réellement impliqués.

  • L’effet isotopique de remplacement d’un atome d’hydrogène par un atome de deutérium a été utilisé par exemple dans la synthèse de l’ammoniac. Il a ainsi été démontré que l’étape de dissociation de N2 est l’étape cinétiquement déterminante pour des catalyseurs au fer.
  • La technique de substitution rapide et soudaine d’un réactif par son correspondant isotopique peut être observé en spectroscopie de masse et cela a permis d’étudier un grand nombre de réactions industrielles telles que la réduction catalytique des NOx, l’oxydation du méthane en CO et le vaporéformage.
  • Il en est de même avec la spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier qui a montré par exemple les réactions d’échange sur des zéolithes des groupes OH avec une substitution isotopique de H par D [7].

 


Quelques structures de catalyseurs industriels © Alex.pin / Fotolia

 

Pour approfondir et illustrer ce sujet nous avons sélectionné les ressources suivantes :

[1] « Un exemple de matériau spécifique : pots catalytiques et dépollution automobile », jeu pédagogique en ligne Super Kimy, site Mediachimie.org : avec une belle image pédagogique illustrant les différentes étapes de fonctionnement d’un catalyseur en milieu hétérogène

[2a] « Matériaux catalytiques et catalyse hétérogène » de B. Coq et al., L’Actualité Chimique n° 338-339 (février-mars 2010) p. 64-73, qui présente clairement la synthèse de Fischer-Tropsch
[2b] « Comment fabriquer de l’essence avec du charbon ? La réaction de Fischer-Tropsch » (lien direct vers le PDF), Réactions en un clin d’œil sur le site Mediachimie.org, pour une approche historique

[3a] « Modélisation par théorie de la fonctionnelle de la densité de catalyseurs hétérogènes à base de silice-alumines amorphes » de C. Chizallet et al., L’Actualité Chimique n° 403 (janvier 2016) pp. 30-38
[3b] « La catalyse au service de l’automobile » Jean-P. Brunelle, Colloque Chimie et Transports 3/04/2013, Fondation de la Maison de la chimie, Chimie et transports (2014) EDP Sciences, ISBN : 978-2759810758, pp. 49-62. Article où de nombreux exemples de catalyseurs associés au produit créé sont cités dans des tableaux clairs.

[4] « La modélisation moléculaire s’invite dans l’industrie. Exemples de recherches pour le développement de matériaux, procédés et produits chimiques dans le domaine de l’énergie et de l’environnement », F. Bisquay et al., L’Actualité Chimique n°353-354 (juin-juillet-août 2011) pp. 66-73. On y trouve un bel encart résumant le principe de la méthode de la densité fonctionnelle.

[5] « La chimie théorique : une méthode clé pour une chimie durable », P. Sautet, L’Actualité Chimique n°382-383 (février-mars 2014) pp. 78-82. On y trouve un beau paragraphe (très clair) sur l’utilisation de la méthode de la fonctionnelle de densité, mais aussi les courbes des profils réactionnels avec toutes les valeurs d’enthalpie libre de la réaction sélective d’hydrogénation du buta-1,3-diène en but-1-ène.

[6] « Apport du calcul ab initio en physico-chimie des surfaces catalytiques complexes : exemple des catalyseurs métalliques à base de platine ultra-dispersés sur alumine » de C. Chizallet, L’Actualité Chimique n°417 (avril 2017) pp. 34-39. On trouve dans cet article une belle étude des effets de taille, de morphologie et d‘états de surface de catalyseurs.

[7] « Fiche catalyse n° 51 - Utilisation de marqueurs isotopiques pour l’identification des mécanismes réactionnels en catalyse hétérogène » de N. Bion et M. Richard, L’Actualité chimique n°425 (janvier 2018) pp. 63-64. On trouve dans ce petit article des exemples simples illustrant les marqueurs isotopiques qui permettent de caractériser des mécanismes réactionnels en catalyse hétérogène.

Auteur(s) : Jean-Pierre Foulon
Niveau de lecture : intermédiaire
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