
Lise Meitner est née à Vienne le 7 novembre 1878. À l’époque, les filles ne sont pas admises au lycée et en 1897, elles sont autorisées à entrer à l’Université si elles ont le Matura, équivalent du baccalauréat. Lise prépare, grâce à des leçons privées, ce diplôme et entre à l’université en octobre 1901. Elle entreprend d’abord des études de mathématiques et de physique puis se spécialise en physique et suit les cours de Ludwig Boltzmann (1844 -1906). Franz Exner (1849-1926) est son directeur de thèse et, le 1er février 1906, elle obtient son doctorat, elle est la seconde femme à obtenir un doctorat à l’université de Vienne.
Elle commence alors un travail sur la radioactivité à la demande de Stefan Meyer (1872-1949). Elle doit mesurer l’absorption des particules alpha (α) et bêta (β) lors de la traversée de feuilles minces de différents métaux. Ces travaux ne lui permettent pas d’envisager d’obtenir un poste à l’université dans l’Empire austro-hongrois. Mais passionnée par la physique, elle part à Berlin en septembre 1907 afin de suivre les cours de Max Planck (1858-1947) et elle souhaite aussi continuer la recherche.
Le professeur Heinrich Rubens (1865-1922) est le directeur du département de physique expérimentale à Berlin, il accepte de lui ouvrir son laboratoire et c’est avec Otto Hahn (1879-1968), un chimiste qui travaille sur la radioactivité, qu’elle va commencer ses recherches. Ils ont le même âge et une profonde amitié va leur permettre de mener à bien la découverte de la fission nucléaire. À l’époque, à Berlin, il est difficile à une femme d’entrer dans un laboratoire de chimie et Lise Meitner doit travailler dans un réduit. Enfin en 1909, la législation ayant changé, Lise Meitner peut poursuivre ses recherches dans le laboratoire de chimie. La collaboration de Lise Meitner et d’Otto Hahn sera très fructueuse car elle possède la connaissance de la physique et des mathématiques et lui les qualités d’un chimiste et d’un expérimentateur.
L’Empereur Guillaume II inaugure le 23 octobre 1912 l’Institut de chimie Kaiser Wilhelm à Dahlem près de Berlin. Otto Hahn prend la direction d’un laboratoire de radioactivité et Lise Meitner, travaillant jusqu’à présent sans être payée, obtient grâce à Max Planck un poste d’assistante, son premier poste rémunéré jusque là elle vivait avec ce que ses parents lui envoyaient. Les travaux de Lise Meitner et d’Otto Hahn sont connus dans l’Europe et cités dès 1910 dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences de Paris.
Au début de la Première Guerre mondiale, Lise Meitner reste à Berlin, poursuit son travail d’assistante de Planck et donne des cours de rayons X aux médecins militaires. Ensuite, elle se porte volontaire comme infirmière radiologue dans l’armée autrichienne de juin 1915 à l’automne 1917, elle travaille dans les hôpitaux et sur le front. Puis elle revient à Berlin et se voit confier la mise en place du département de radioactivité à l’institut Kaiser Wilhelm de physique. Elle poursuit son travail avec Otto Hahn, et ils découvrent le protactinium en 1918 qui n’a été isolé qu’en 1934.
En 1925, L’Autriche récompense le travail de Lise Meitner en lui attribuant le prix Lieben tandis qu’à Berlin, en 1926, elle devient la première femme professeur à l’université. À Rome, du 11 au 18 octobre 1931, se tient le premier Congrès international de physique nucléaire, Enrico Fermi (1901-1954) en est le secrétaire général. Lise Meitner et Marie Curie assistent aux exposés et participent aux débats. Suite à ce congrès, Fermi envoie Franco Rasetti (1901-2001) au laboratoire d’Otto Hahn et Lise Meitner en 1931-1932.
Bien que baptisée en 1908 dans l’église luthérienne, Lise Meitner est née juive. Elle reste à Berlin car elle possède la nationalité autrichienne mais le 12 mars 1938, il y a l’Anschluss et Lise Meitner doit fuir Berlin car elle va être expulsée de l’université malgré les appuis de Planck et de Hahn. Elle ne peut pas quitter l’Allemagne. Un chimiste hollandais Dirk Coster (1889-1950) vient à Berlin faire une conférence et repart avec Lise Meitner qui passe clandestinement la frontière le 13 juillet 1938.
Puis elle va en Suède où elle a trouvé un travail dans le laboratoire de Manne Siegbahn (1886-1978). La voilà sauvée mais elle est très isolée scientifiquement et a très peu de moyens. Heureusement, elle correspond avec Otto Hahn et suit ainsi les travaux effectués au laboratoire à Berlin. Elle travaille aussi en relation avec Niels Bohr (1885-1962) à Copenhague. C’est là qu’elle rencontre Otto Hahn le 13 novembre 1938 et qu’ils envisagent les expériences à réaliser.
Lise Meitner est invitée pour les fêtes de Noël chez son amie Eva von Bahr-Bergius (1874-1962), une physicienne suédoise près de Göteborg, son neveu Otto Frisch (1904-1979) est aussi invité. C’est un physicien qui travaillait à Hambourg auprès d’Otto Stern (1888-1969), en 1933 il choisit de partir à Londres avant d’aller à Copenhague au laboratoire de Niels Bohr. Lise Meitner reçoit une lettre d’Otto Hahn qui l’informe des résultats d’une expérience réalisée avec Fritz Strassmann (1902-1980). Ils ont envoyé un neutron sur un noyau d’uranium, il y a eu collision et un des produits obtenu est le baryum. Ils ne savent pas comment interpréter ce résultat, Otto Hahn pense même avoir mal manipulé. Lise Meitner connait le travail expérimental d’Otto Hahn et sait qu’il ne s’est pas trompé.
Schéma montrant la fission nucléaire de l'Uranium, produisant du Rubidium et du Césium, des neutrons libres (N) et de l'énergie
Avec son neveu, elle réfléchit et ils émettent l’hypothèse que le noyau d’uranium s’est cassé en deux. Ils emploient le terme de « fission » de l’uranium, ils envisagent la possibilité de réactions en chaîne car la réaction de fission de l’uranium donne à la fois du baryum, du krypton, des neutrons et beaucoup d’énergie. Ils sont obligés de publier séparément, Otto Hahn et Fritz Strassmann décrivent leur expérience tandis que Lise Meitner et Otto Frisch traitent de la théorie de cette réaction. C’est Otto Hahn qui recevra le prix Nobel de chimie en 1944 pour sa découverte de la fission des noyaux lourds, Lise Meitner a été nobélisable trois fois mais sans succès.
Après cette découverte capitale en physique nucléaire, les savants ont mis au point les réactions en chaine. La bombe atomique est mise au point. Lise Meitner est contactée pour travailler à Los Alamos, elle refuse car elle ne veut pas participer à l’obtention de la bombe. Après Hiroshima, elle se dira désolée de l’invention de la bombe.
En Suède, elle travaille à la mise au point du premier réacteur nucléaire et en 1947, elle obtient un poste créé spécialement pour elle à l’université de Stockholm avec le salaire de professeur. Elle devient citoyenne suédoise en 1949. Elle part s’installer en Angleterre en 1960, à Cambridge où son neveu est professeur.
L’Académie autrichienne des sciences l’accueille comme membre correspondant en 1948 et l’Association autrichienne du commerce lui décerne sa médaille Wilhelm Exner (1840-1931) enfin en 1966, elle reçoit avec Otto Hahn et Fritz Strassmann le prix Enrico Fermi décerné par le gouvernement américain et qui récompense des scientifiques dont les travaux traitent de l’énergie.
Elle souffre d’artériosclérose et meurt à Cambridge en 1968, elle est enterrée auprès de son frère dans le village de Bramley dans le Hampshire.
Lisa Meitner (1946)
Pour en savoir plus
- Rupture explosive des noyaux d’uranium L. Meitner et O. Frisch, Revue scientifique (1939) disponible sur Gallica BNF
- Le prix des sciences de la ville de Vienne remis à Lise Meitner, Revue scientifique (1948) disponible sur Gallica BNF
- Sur les rayons β du radium à son minimum d’activité, note de Léon Kolwrat, Comptes rendus hebdomadaires des séances de l'Académie des sciences (1910) disponible sur Gallica BNF
Consultées le 22/01/2025
Crédits illustration :
fission nucléaire de l'Uranium, Stefan-Xp travail personnel / Wikimedia Commons, licence CC BY-SA 3.0
Lise Meitner (1878-1968) Catholic University, Washington, D.C. (1946) , Smithsonian Institution - Flickr, domaine public
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