Le nom de Liebig est connu de tous, et même en France. Un chimiste, allemand, connu de tous ? C’est que la soupe Liebig existe toujours. Tout supermarché la vend. En fait, il s’agissait, à l’époque, d’extrait de viande.
La petite histoire raconte que Justus Liebig (1803-1873) avait un ami dont la petite fille ne mangeait plus et dépérissait à vue d’œil. Liebig, célèbre réformateur de la chimie organique moderne et fondateur de la chimie agricole, lui fit préparer un bouillon de viande très riche que la fillette accepta de prendre à petites doses. Elle recouvra la santé.
Il n’empêche. C’est le désir de lutter contre le gaspillage qui a animé nos premiers écolo-chimistes, qu’ils inventent des fosses à fumier, pour limiter la déperdition du pouvoir fertilisant des fumiers de ferme (Boussingault), ou qu’ils songent aux extraits de viande. En effet, dans les années 1860, les bœufs du Brésil et d’Uruguay étaient abattus pour leur seul cuir ! Une dizaine d’années plus tôt, Liebig, dans ses Lettres sur la Chimie, avait consacré de longues pages à vanter les qualités de l’extrait de viande qui réparerait bien mieux les forces épuisées des malades que ces bouillons d’os que l’on donne dans les hospices, à l’Hôtel-Dieu en particulier. « Des os de quatre bœufs, on pourrait réellement en créer un cinquième », disait d’Arcet, l’industriel qui construisait et installait les appareils extracteurs dans les grands établissements philanthropiques parisiens. Liebig avait combattu les tenants de la gélatine, qui n’a aucune valeur nutritive, et la controverse entre les plus grands chimistes de l’époque, sous la présidence de Magendie, avait occupé l’Académie des Sciences des dizaines d’années durant.
Giebert, qui s’occupait au départ de la construction de voies ferrées dans ces pays d’Amérique du Sud, fonde donc, avec l’accord de Liebig, la société Fray Bentos Giebert et Cie, qui prépare à partir de 1864 le fameux extrait de viande : une tonne de viande de bœuf donne vingt-cinq kilos d’extrait.
Giebert attribua à Liebig la fonction de Directeur de la société avec un revenu de 1000 livres par an, et une rétribution de 5000 Livres à condition que la société prenne le nom de Liebig ; sa gloire et son renom permettant de se placer sur le marché financier de Londres et de devenir la Liebig Extract of Meat Company.
En savoir plus
- La chimie du XVIIe au XIXe siècle à travers la vie de quatre chimistes, au sujet de De Nicolas Lemery à Adolphe Wurtz : Sur quelques ouvrages d’histoire de la chimie, Danièle Fauque, Revue d’histoire des sciences, Vol. 57, n°2 (2004) pp. 493-508
- La science et la technologie de l'alimentation vues par la chimie du bouillon, Hervé This
Niveau de lecture : pour tous
Nature de la ressource : article