| Gel hydroalcoolique : pourquoi il faut l’utiliser avec modération et de façon circonstanciée
Rubrique(s) : Éditorial
Le microbiote humain
Le microbiote humain ou flore commensale (du latin con massa = manger ensemble) représente 10 fois plus de microorganismes que les cellules humaines qui nous composent : 1014 pour la flore et 1013 pour les cellules humaines.
Ces bactéries qui composent le microbiote n’ont pas de raison pour la plupart de nous effrayer. Mieux encore, elles agissent comme boucliers contre les agressions extérieures : pathogènes divers, pollution, UV solaire…
Le microbiote est utilisé par l’hôte (l’homme) pour se protéger contre les organismes pathogènes invasifs soit par une action directe anti-infectieuse due à la sécrétion des peptides antibiotiques, soit par une action indirecte à travers le système immunitaire avec lequel il a su bien s’adapter. Tel un professeur, le microbiote éduque en permanence notre système de défense contre les envahisseurs externes.
Il va de soi que les organes humains les mieux équipés sont les intestins et la peau qui sont le plus exposés aux agents extérieurs, les intestins par la nourriture et la peau par les contacts.
Le microbiote de la peau
La peau, organe le plus large du corps (1,8 m2 environ), est un écosystème composé de microorganismes tels que les bactéries (staphylocoques, Corynebacterium…), les champignons (Malasseziae…) et les acariens (Demodex). Toute cette flore est appelée microbiote ou microbiome cutané. Elle vit en symbiose (du grec vivre ensemble) avec notre épiderme, soit à la surface, soit en profondeur.
Répartition de la flore dans le corps humain (source : LEEM / source schéma : Dethiefsen et al. Nature 2007)
Tout individu possède sa propre flore microbienne laquelle est repartie en microenvironnements cutanés suivant la classification :
- zones grasses, par exemple le visage
- zones humides, par exemple les narines
- zones sèches, par exemple les paumes de mains
Pour faire court, les paumes de main abritent des microorganismes qui survivent en zones grasses ou humides, principalement des β-protéobacteries.
L’application des gels hydroalcooliques et conséquences
Les gels hydroalcooliques sont composés pour l’essentiel d’alcool éthylique (de 70 à 90 %), d’eau oxygéné, de glycérol et d’eau purifiée. Des alcools autres que l’alcool éthylique peuvent être utilisés.
Dans tous les cas de figure les gels tuent tous les agents infectieux sans discrimination et ne différencient pas le biotope des autres agents exogènes. Cette perturbation peut avoir des conséquences fâcheuses parfois dangereuses pour les individus.
Elle peut conduire entre autres à des eczémas et dermatites atopiques qui fragilisent l’épiderme, le rendant davantage perméable aux agents infectieux exogènes. La barrière externe de la peau présentant des fissures les agents peuvent être directement en contact avec le derme lui-même irrigué par du sang qui peut servir de véhicule de transmission systémique.
Une expérience originale menée par R. Gallo (1) a démontré que des doigts ainsi désinfectés peuvent facilement par la suite être surinfectés par des bactéries telles que le streptocoque du groupe A ou le staphylocoque.
Cette réalité dépend des individus, leur état de santé et concerne davantage les personnes âgées à peau fine et fragile dû à l’âge (peau en général sèche, dite papier de cigarette, facilement irritée).
Que dois-je faire ?
Il faut suivre strictement les règles d’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé).
L’ANSM recommande l’utilisation de solutions et gels hydroalcooliques EN L’ABSENCE DE POINT D’EAU DISPONIBLE : transports en commun…
Dans tous les cas il faut privilégier le lavage de mains lorsqu’un point d’eau potable est disponible.
Un dernier conseil : n’utiliser que de savons avec des agents surfactants ou tensioactifs neutres.
Les virus comme le Coronavirus (2) ne sont pas considérés comme des organismes vivants mais plutôt comme des agrégats ordonnés des molécules chimiques. Ces molécules peuvent être de nature hydrophile (qui aiment l’eau), de nature hydrophobe (qui ont peur de l’eau) ou amphiphiles (aimant l’eau et la graisse).
Dans tous les cas de figure, les molécules hydrophiles sont entrainées par l’eau, les molécules hydrophobes se complexent avec les agents surfactants existants dans les savons pour être par la suite entrainées par l’eau. Pour les amphiphiles cela va de soi (3).
Et si un lavage pas assez méticuleux n’a pas permis d’entrainer l’ensemble des particules nous pouvons considérer qu’il ne reste du virus que quelques débris moléculaires incapables d’assurer les fonctions du virus, c’est-à-dire infecter les organes cibles pour se démultiplier et nous coloniser.
Pr. Constantin Agouridas
Mars 2020
Pour en savoir plus :
(1) Le microbiote cutané : le poids lourd sort de l’ombre, J. di Domizio et al., Rev Med Suisse, 2016, 12:660-664
Status report from the scientific panel on Antibiotic use in dermatology of the American Acne and Rosacea Society, J.Q. Del Rosso et al., J. Clin. Aesthet. Dermatol., 2016
Epithelial antimicrobial defence of the skin and intestine, R. Gallo et L.V. Hooper, Nat. Rev. Immunol., 2012 Jun 25;12(7):503-16
(2) Le coronavirus, un défi pour la chimie du vivant
(3) La chimie et les produits d’hygiène et de soins corporels (Chimie et… Junior)
Télécharger les Indications pour l’hygiène des mains sur le site de l'OMS