- Question du mois
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Comment fabrique-t-on du savon ?

On a trouvé des textes décrivant l’obtention de savon datant de – 3000 av. J.-C., mais son usage existe probablement depuis la préhistoire. Le mot sapo en gaulois a donné en français le mot savon. Le savon à travers les
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On a trouvé des textes décrivant l’obtention de savon datant de – 3000 av. J.-C., mais son usage existe probablement depuis la préhistoire. Le mot sapo en gaulois a donné en français le mot savon.

Le savon à travers les siècles

À travers les siècles le mode de fabrication a toujours utilisé deux substances :

  • un corps gras, une graisse animale (de bœuf, de mouton, de cochon ou de sanglier…) ou une huile végétale (d’olive, d’arachide, de coprah, de palme...)
  • une base alcaline, présente dans les cendres issues de combustion de plantes ou de bois. Le produit basique présent dans les cendres est un carbonate de sodium ou de potassium (Na2CO3 ou K2CO3).

Pendant des siècles la fabrication est restée artisanale, avec les matières premières régionales aussi bien pour le corps gras que pour les cendres.

En 1823, le chimiste français Eugène Chevreul comprend la réaction qui se passe quand on chauffe ensemble la graisse et la base pour former le savon. Cette réaction est appelée saponification. Il identifie aussi la nature ionique des entités constituant les savons.

Quels sont les constituants des corps gras ?

Les corps gras sont des triesters naturels du glycérol appelés aussi triglycérides.
Ils sont formés à partir de glycérol de formule HOH2C-CHOH-CH2OH ( ) et d’acides dits « gras », RCOOH, où R est une très longue chaîne carbonée H3C-(CH2)n-, (n pouvant aller de 3 à 35 )
(1).

Par exemple le triester de l’acide palmitique a pour formule
 

La réaction de saponification

La réaction de saponification est réalisée de nos jours à l’échelle industrielle en chauffant des corps gras en présence de soude NaOH ou de potasse KOH. On obtient des ions carboxylates à longues chaînes carbonées (2).

Avec la soude on obtient des carboxylates de sodium donnant des savons durs et avec la potasse des carboxylates de potassium donnant des savons mous ou liquides.

On trouve dans le commerce un très grand choix de savons, du fait d’une très grande variété de matières premières parmi les corps gras naturels. Ainsi, il peut y avoir autant de savons « à l’huile d’olive » qu’il y a de variétés d’huiles d’olive !

Historiquement, une teneur de 72 % en masse d’acides gras était garantie dans le savon de Marseille traditionnel, uniquement préparé à partir d'huile d'olive.

Le rôle du savon

Dans l’ion carboxylate l’extrémité de la chaîne COO- est hydrophile (qui aime l’eau) et la longue chaîne R est lipophile (qui aime la graisse). Ces deux propriétés simultanées permettent d’ôter la graisse d’un vêtement, de la peau ou de tout objet et de l’entrainer avec l’eau(3).

En cette période propice aux virus, respectez les consignes de lavage des mains préconisées par « Santé publique France ». Le lavage des mains au savon permet par la friction et la formation de mousse de déloger la saleté et les virus, puis de les évacuer avec le rinçage. Mais le savon ne tue pas les virus ni les bactéries.

Françoise Brénon et l'équipe Question du mois de Mediachimie

 

 

(1) Les triglycérides ont pour formule générale

CH2-O-CO-R1          où R1, R2 et R3 sont des longues chaînes carbonées qui peuvent différer.
|
CH-O-CO-R2
|
CH2-O-CO-R3

 

(2) Par exemple, pour un corps gras avec la même chaîne R, la réaction de saponification a pour bilan

Source : Wikimedia

Le carboxylate de sodium a pour formule RCOO , Na+
Le carboxylate de potassium a pour formule RCOO , K+

 

(3) Schématiquement la molécule ionique de savon est représentée ainsi :

La tache de graisse va être emprisonnée par les queues lipophiles des molécules qui s’organisent autour d’elle en sphère, les parties hydrophiles étant en contact avec l’eau. L’ensemble est appelé une micelle.
 

   

Exemple d’une goutte d’huile piégée 

- Éditorial
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Et si le cobalt manquait... quel serait l'avenir des voitures électriques ?

La récente décision du régime de Kinshasa (RDC, république démocratique du Congo) de taxer les volumes d’extraction du cobalt (1) des sociétés minières non à 2  % mais à 10 % considérant que ce métal devient stratégique
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La récente décision du régime de Kinshasa (RDC, république démocratique du Congo) de taxer les volumes d’extraction du cobalt (1) des sociétés minières non à 2  % mais à 10 % considérant que ce métal devient stratégique n’est pas sans incidence sur notre consommation. Le cobalt et ses sels sont utilisés pour les alliages spéciaux, les carbures des outils de coupe, les catalyseurs, les aimants (2) mais surtout en 2017 à plus de 50 % pour les batteries ion–lithium, alors que cette utilisation ne représentait que 10 % en 2010. Les milliards de smartphones, nos outils électroniques nomades et les gigantesques objectifs de véhicules électriques en sont responsables. En effet dans tous ces objets ou automobiles le fonctionnement électrique est assuré par des batteries stockant l’énergie qui sont majoritairement des batteries ion–lithium (3).

Dans ces systèmes électrochimiques (4), lors de la décharge le lithium perd un électron qui produit le courant dans le circuit extérieur, l’ion Li+ migre alors à travers l’électrolyte et s’intercale dans la cathode constituée de feuillets de LiCoO2 .C’est dire qu’à côté du lithium il y a dans chaque batterie une quantité non négligeable de cobalt. On estime que par kWh il faut environ 600 à 800 g de Li2CO3 et de l’ordre de 180 à 230 g de cobalt. Cette quantité peut baisser si on utilise des batteries de type Li(CoNi)O2 ou Li (MnCo)O2 ou encore Li(CoMnAl)O2 (5) et passer par exemple de 60 % à 20 % de la masse en sacrifiant un peu sur la charge maximum.

Même si la capacité massique des batteries a doublé en dix ans et si le prix du Kwh va être divisé par deux en cinq ans d’ici 2023, la demande des constructeurs automobiles devient très pressante (6). Des marques comme Tesla ou Volkswagen annoncent pour les millions de voitures à produire des besoins annuels de 100 GWh et 200 GWh respectivement après 2020, ce qui représenterait au total de l’ordre de 69 000 tonnes de cobalt à cette échéance, soit près de 70 % de la production mondiale 2016 ! La multiplication des « gigafactories » de piles électriques (7) devrait permettre à l'horizon 2020 de produire en un an plus de batteries que la production mondiale totale jusqu'en 2014 !

Pour faire face à cet emballement les grands constructeurs veulent assurer leurs approvisionnements et passent de méga contrats avec (Contemporary Amperex Technology), LG Chem, BYD Auto, Samsung… La Chine rachète à Glencore la mine de Tenke Fungurume en RDC pour plus de 2 milliards US $. Dans la foulée le cours du cobalt flambe, de 40 000$/t en 2017 il atteint 87 000 $/t au printemps 2018, et pourtant la production qui était de 62 000 tonnes en 2013 a presque doublé en 2017. C’est la RDC qui domine le marché avec une production de 64 000 tonnes en 2017 suivie dans l’ordre par la Chine, le Canada, la Russie…

La France, grâce à la Nouvelle-Calédonie, est dans le top 10 avec 3 500 tonnes.Cette position dominante de la République démocratique du Congo est assez critique. En dehors des conditions quasi esclavagistes de l’extraction minière, la situation politique du régime de Kinshasa, aux prises avec des rebelles, fait craindre, avec la mainmise de la Chine sur les approvisionnements, une situation de pénurie. Les prévisionnistes tablent sur une augmentation de la demande de 1930 %. Les électrochimistes (8) peuvent cependant dégonfler cette « bulle » avec de nouveaux systèmes, Li-FePO4, Na-ion, Zn-air, Na-S … qui n’exigent plus de cobalt mais ne sont pas encore sur le marché pour l’immédiat.

Jean-Claude Bernier
Mars 2018

Pour en savoir plus
(1) Le cobalt (produit du jour SCF)
(2) Les matériaux stratégiques pour l’énergie
(3) Meilleurs matériaux pour batteries à ions-Li. L’approche déductive et inductive de la chimie (video-conférence)
(4) Stocker l’énergie pour communiquer (Chimie et… junior)
(5) Lithium–ion : de nouvelles batteries antiaériennes ?
(6) Stockage de l’électricité : élément clé pour le déploiement des énergies renouvelables et du véhicule électrique
(7) Elon Musk au secours des énergies renouvelables
(8) Les accumulateurs électrochimiques pour les transports : Li-ion et nouvelles chimies

- Éditorial
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Les marchands de peur ont encore frappé

L’ONG Générations Futures a compilé les données d’échantillons de fruits et légumes analysés par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) prélevés dans les
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L’ONG Générations Futures a compilé les données d’échantillons de fruits et légumes analysés par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) prélevés dans les grandes surfaces et grossistes et en a fait l’annonce le 20 février. Cette annonce a été reprise à foison par les média écrits et audiovisuels avec les gros titres : « 75 % des fruits et 41% des légumes contaminés par des pesticides ». Nous qui essayions cinq légumes et fruits par jour dans une alimentation équilibrée nous en sommes tombés de nos marmites. Comme le dit un célèbre humoriste : « je ne peux plus manger de fruits et légumes à cause des pesticides, plus de viande car il y a des hormones, plus de poissons car ils contiennent des métaux lourds, il me reste de l’eau pour me nourrir encore faut-il qu’elle soit potable ! » (1).

Dans cette annonce pour faire le buzz on ne trouve pas de résultats chiffrés d’analyses ni de détails sur les protocoles, spécialement mal venue pour saper la confiance du consommateur envers les producteurs à l’heure du Salon de l’agriculture à Paris (2).

De quoi parle-t-on enfin ? On cite la limite maximale de résidu (LMR) pour les produits phytosanitaires (3), seuil maximal autorisé pour un aliment transformé ou non, elle est pour la plupart des pesticides fixée réglementairement à 0,1 mg/kg (0,1 partie par million - ppm). Cette valeur très basse, mesurable grâce aux progrès de la chimie analytique (4), notamment à la chromatographie couplée à la spectrométrie de masse (5), est fixée à partir de la DJA - Dose Journalière Admissible. Celle-ci est fixée avec une marge de sécurité d’un facteur 100 à 1000 à partir de la Dose Sans Effet (DSE) quantité maximale de substance pouvant être ingérée par un animal quotidiennement sans troubles physiologiques et exprimée en mg/kg de poids.

On passe donc de la DSE/1000 à la DJA (qui sont des éléments de toxicologie) puis à la DJA divisée encore par un facteur de sécurité pour donner la LMR qui s’exprime le plus souvent en fraction de ppm. Les média pilotés tous par le panurgisme ne devraient-ils pas faire un effort de réflexion et consulter des sources impartiales comme par exemple le dernier rapport de l’EFSA (European Food Safety Authority) (6). Paru en avril 2017 sur les résidus de pesticides des fruits et légumes prélevés chez les producteurs en 2015 il a concerné 84341 échantillons sur lesquels 220 pesticides ont fait l’objet d’analyses. 69 % des échantillons provenaient de l’Espace économique européen (EEE), 26 % de pays tiers et 5% d’origines non définies. 97% des échantillons étaient en dessous du niveau de résidu maximum (LMR) dont 55% étaient exempts de pesticides car en-dessous de la limite de détection qui est de quelques ppb (partie par milliard). Sur les 2,8% au-dessus de la limite seuls 1,6% excédaient nettement cette limite (1,2% se situant dans la marge d’erreur). Pour les analyses concernant les produits issus des pays tiers, 3,4% excédaient la marge réglementaire, l’EFSA note un progrès dans ce domaine puisqu’en 2012 ils étaient 7,5%.

Parmi les produits dénotant un excès de pesticide (les 1,6%) on trouve 3,4% des brocolis, 1,7% des raisins de table, 0,8% du poivre, 0,4% des aubergines, 0,3% des bananes, ce qui reste tout de même de 96,6% à 99,7% de ces légumes et fruits tout à fait sains et mangeables.

On est loin des annonces alarmistes du 20 février. L’organisation de l’EFSA s’appuyant sur un réseau de laboratoires de chimie analytique (7) agréés dans les pays européens permet d’avoir des indicateurs scientifiques fiables, elle est un élément clef de la sécurité des consommateurs européens. Le programme européen de surveillance permet de conclure : que les niveaux quantifiés de résidus de pesticides dans les principaux aliments consommés par les européens n’entrainent pas de risque significatif sur le long terme pour la santé des consommateurs.

Dans la perspective d’une agriculture raisonnée du 21e siècle et de renforcer la confiance, il est raisonnable d’envisager comme le gouvernement le souhaite non pas une disparition des ajouts de phytosanitaires mais une forte diminution et le développement de l’innovation pour la protection des plantes comme le pratique l’INRA et le CNRS en France en suivant plusieurs pistes :

  • utiliser des prédateurs des ravageurs des cultures comme les larves de trichogrammes contre la pyrale du maïs et les coccinelles contre les pucerons ;
  • mobiliser des bactéries et des champignons comme le bacillus thurigiensis ou des virus comme dans la carpovirusine développé par l’INRA ;
  • disperser des médiateurs chimiques comme les phéromones (8) permettant la confusion sexuelle des insectes, très efficace pour la protection des vignobles ;
  • le biocontrôle pour renforcer la résistance naturelle des plantes avec de nouvelles méthodes modifiant les gènes soit par croisement soit par des techniques (NPBT - new plant breeding techniques) comme le CrispR-Cas9 (9) ciblant le génome.

Reste l’agriculture biologique qui se développe avec un marché en 2017 de 7 milliards €, et une progression à deux chiffres en France. Elle ne représente encore que 5% des terres cultivables et 4,5% du marché alimentaire. A côté des prix excessifs pratiqués, l’EFSA demande à ce que les produits bio ne soient pas exempts des contrôles, en particulier sur les LMR. En effet, lors d’une récente étude, l’agence canadienne a trouvé plus de 40% des fruits et légumes bio contenant des pesticides, soit par un bruit de fond de sols précédemment traités ou de non-respect du cahier des charges de l’agriculture biologique.

Jean-Claude Bernier
Février 2018

 

Pour en savoir plus :
(1) L’eau du robinet est-elle polluée ?
(2) La chimie en agriculture : les tensions et les défis pour l’agrochimie
(3) Les produits phytopharmaceutiques pour une alimentation de qualité pour tous
(4) La chimie analytique au service de la toxicologie médico-légale
(5) Spectrométrie de masse (MS : mass spectrometry) (vidéo en anglais, 7:58)
(6) The 2015 European Union report on pesticide residues in food - European Food Safety Authority EFSA Journal (2017) 15(4):4791, 134 pp.
(7) Les chimistes au service de la sécurité des personnes, des biens, de la santé et de l’environnement
(8) Les phéromones et le cerveau des insectes
(9) Chimie et biologie de synthèse (colloque)

 

- Éditorial
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Aux jeux olympiques de PyeongChang heureusement la chimie est bien présente

Les jeux olympiques d’hiver en Corée à PyeongChang débutent vendredi 9 février. La séance d’ouverture risque d’être un peu perturbée par l’absence de certains athlètes. Le froid polaire qui règne actuellement avec
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Les jeux olympiques d’hiver en Corée à PyeongChang débutent vendredi 9 février. La séance d’ouverture risque d’être un peu perturbée par l’absence de certains athlètes. Le froid polaire qui règne actuellement avec -22°C et le vent glacial font dire à quelques délégations comme l’Italie et la Nouvelle Zélande que ce n’est pas un temps pour défiler même dans cette magnifique esplanade olympique des athlètes en pleine préparation. De plus, près de 1400 agents de sécurité sont sur le flanc, frappés par un norovirus de gastro-entérite probablement due à l’alimentation ou l’eau du centre pour jeunes où ils sont logés près du village des athlètes. Les organisateurs font tout pour que ces derniers ne soient contaminés et procèdent à de nombreuses analyses (1). Pour la survie des spectateurs de la cérémonie d’ouverture ils vont distribuer des kits de confort composés de bonnets, couvertures et coussins chauffants « chimiques » (2).

Mais heureusement l’évènement sportif et technologique va bientôt faire oublier ces petits tracas. Les skieurs sont équipés des derniers cris en matière de skis de compétition (3) ainsi que de combinaisons assurant confort et performance (4). Les descendeurs et les funambules du saut à skis pour se protéger font appel à la chimie (5) et pourront accélérer à fond grâce aux matériaux composites (6).

Ces jeux sont aussi une grande vitrine des nouvelles technologies, puisqu’entre les compétitions on pourra voir au pavillon de la culture et des TIC (7) une exposition qui mêle l’art et l’éclairage avec LED et lasers (8). L’une des attractions sera l’œuvre de l’initiateur des jeux vidéo Nam June Paik : une tortue géante de 12x6 m composé de 166 écrans de télévision (9). Les spectateurs pourront aussi voir des expériences et démonstrations du réseau 5G en télécom, de l’internet des objets, de l’intelligence artificielle, de la réalité virtuelle et des concerts en hologrammes 3D.

Pas de doute nous sommes bien en Corée !

Jean-Claude Bernier
février 2018

Pour en savoir plus
(1) L’eau au labo (vidéo, 5:02)
(2) Ces coussins contiennent un gel d’acétate de sodium (NaCH3COO) en solution saturée. Un choc, provoqué par une capsule métallique pliée, entraine l’apparition de cristaux qui provoquent l’entière cristallisation de l’acétate. Cette cristallisation est exothermique et absolument sans danger.
(3) Performance d’un ski de course : structure composite et glisse sur la neige
(4) Des textiles pour sportifs. Apport de la chimie pour améliorer confort et performances
(5) Technologie et performance sportive
(6) Les matériaux composites dans le sport
(7) Les matériaux avancés, moteurs de l’innovation en électronique
(8) Nos données dans le chaos : le laser à la rescousse de la fibre optique
(9) EnLEDissez vous !