C’est la mission de la NASA « InSight » partie vers Mars le 5 mai qui a relancé tous les phantasmes sur « la planète rouge ». Spécialement en France, où nous avons tous été fiers qu’une station géophysique élaborée par le CNES y était embarquée et devait atterrir le 26 novembre pour ausculter les profondeurs du sol martien. Tous nos rêves et lectures de science-fiction sont alors réapparus et nombreux ont été les futurs explorateurs de la planète mystérieuse !
Oui, mais d’abord quelle chimie nous attend sur Mars ? Grâce au Rover « Curiosity » équipé d’un sacré laboratoire d’analyse (1) le « CHEMCAN » encore une fois mis au point par le CNES avec le concours du CNRS et de l’université de Toulouse, nous savons pas mal de choses. Dans le cratère Gale exploré sur plus de 10 km, la température varie de – 140°C à + 45°C, l’atmosphère (2) quasi inexistante avec une pression de 6 millibars (6 10-3 Atmosphère) est à 95 % composé de gaz carbonique (CO2) (3) avec moins de 1% d’oxygène. Le sol est composé d’oxydes métalliques surtout Fe2O3, l’hématite qui donne cette couleur rouge, et de sédiments issus de roches basaltiques témoins de l’action d’usure de l’eau, des mers et rivières qui ont disparues il y a 3,7 milliards d’années et de l’action éolienne du vent solaire et des tempêtes martiennes (4). Des sulfates de calcium et de magnésium, des minéraux (5) et la présence d’argiles près du mont Sharp témoignent encore de molécules d’eau incarcérées.
Si nous voulons faire de la chimie sur Mars, il va falloir y aller, y séjourner et … en revenir !
Y aller : Les américains pensent d’abord faire une étape sur la Lune. Deux lanceurs sont en construction pour départ en 2019 ou 2020 le BFR de Space X qui pourrait y déposer 40 tonnes et le SLS de la NASA qui emporterait 26 tonnes, les bases lunaires seraient utilisées pour un départ soumis à moins de gravité. Mais pour franchir les 230 millions de km les modes de propulsion classiques (6) (chimiques) ne sont plus adaptés, les propulseurs électriques plus légers par expulsion d’ions ont encore des poussées faible (quelques W). Mais une invention actuellement testée « l’AD Astra Rocket » utilisant un plasma d’argon porté à près de 106 °C confiné par des aimants supraconducteurs, accéléré par une bobine magnétique dans une tuyère céramique aurait une poussée de l’ordre du MW et autoriserait un voyage en 39 jours plutôt que 6 mois.
Y séjourner : Il faudra d’abord se protéger des rayonnements cosmiques, car contrairement à la terre, Mars n’a pas de champ magnétique propre qui les détournent. Le modèle de base lunaire de Marco Peroni pourrait s’y adapter, composé d’un dôme de 16 câbles électrifiés, coiffés de plaques d’aciers il protège des rayonnements et des météorites. À l’intérieur des bungalows constitués d’enveloppes en Kevlar gonflées par de l’air abritent des robots qui en 3D fabriquent une protection interne minérale solide à partir des oxydes du sol et d’une encre polymérique. Pour alimenter tout cela il faut bien sûr de l’énergie. La NASA vient d’annoncer début mai le succès des tests sur un mini réacteur nucléaire le Kilopower Reactor « KRUSTY » à uranium 235 (7). Le cœur n’est pas plus grand qu’un « rouleau de papier essuie-tout », des caloducs au sodium transfèrent la chaleur à des moteurs Stirling qui la convertissent en électricité. Ce réacteur peut fournir 10 KW pendant au moins 10 ans, quatre de ces dispositifs pourraient alimenter un poste avancé sur Mars. Avec l’énergie, l’eau est indispensable, il faut alors tester si les sulfates et les argiles peuvent être déshydratés, car il ne vaut mieux pas compter sur l’atmosphère dont la teneur en eau varie de 20 à 70 ppm suivant la température.
Reste un seul problème, jusqu’ici tous les projets et innovations déjà financés avec comme objectif Mars ne disent pas encore comment en revenir ! (8)
Jean-Claude Bernier
Juin 2018
Pour en savoir plus
(1) Techniques analytiques et chimie de l’environnement
(2) Chimie des atmosphères planétaires
(3) Que faire du CO2 ? De la chimie !
(4) De la chimie du milieu interstellaire à la chimie prébiotique. L’évolution de la matière organique vers le vivant ?
(5) Cristaux, cristallographie et cristallochimie
(6) La combustion et les défis de la propulsion aéronautique et spatiale
(7) De l’uranium à l’énergie nucléaire
(8) De la Terre au Soleil
Le 31 mai est la dernière échéance d'enregistrement des substances potentiellement toxiques pour la réglementation européenne REACH. Ce règlement est entré en vigueur en 2007 pour sécuriser la fabrication et l'utilisation des substances chimiques dans l'industrie européenne. Derrière cet acronyme, REACH (Registration, Evaluation, Authorization and restriction of CHemicals) est une législation qui oblige les industriels qui produisent ou utilisent un produit chimique à s'assurer qu'il a bien été enregistré auprès de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA – European Chemicals Agency). Les deux premières phases de 2007 à 2017 concernaient les volumes de plus de 100 tonnes annuelles, produites ou importées. À partir du 1er juin 2018, ce sont les plus petits volumes de 1 à 100 tonnes qui sont concernés.
L'objectif de REACH est :
- de protéger la santé humaine et l'environnement ;
- d'instaurer une information générale et transparente sur la nature et les risques des substances tout au long de la chaîne du producteur au client final ;
- de sécuriser la manipulation de ces substances par les salariés ;
- de renforcer la compétitivité de l'industrie et notamment de l'industrie chimique secteur important de l'économie européenne.
Toutes les substances y compris naturelles sont concernées : les composés organiques ou minéraux, les métaux, celles utilisées dans les procédés, les peintures, les textiles, les meubles, l'électronique… C'est plus de 30 000 substances qui ont été enregistrées après évaluation et expertise, leurs risques potentiels établis. Ce sont donc des centaines de milliers de données très techniques qui ont été soumises et gardées à l'ECHA sur les propriétés toxicologiques, les tests et les études avec des informations sur les volumes, les usages et aussi les expositions, qui permettent de justifier la production et l'usage de tel type de molécule et d'en garantir la sûreté. Si certaines molécules sont jugées préoccupantes elles sont alors inscrites dans la liste des SVHC (Substance of Very High Concern). Ce sont par exemple les substances cancérigènes classées 1A et 1B, les mutagènes, les reprotoxiques ou persistantes biocumulables. Elles font alors l'objet d'une procédure d'autorisation assez lourde ou d'une interdiction.
Les industriels de la formulation qui n'utilisent pas forcément de grands volumes de produits sont fortement dépendants de leurs fournisseurs. Ils doivent s'assurer que ceux-ci ont bien enregistré leurs produits, car à partir du 1er juin, il ne sera plus possible de produire ou d'utiliser des substances pour plus de 1 tonne par an si elles n'ont pas été enregistrées. Le Ministère du développement durable et l'INERIS ont mis en place un service d'assistance réglementaire HELPDESK qui donne toutes les informations juridiques pour répondre aux questions des industriels. Par ailleurs l'UIC a sur son site et dans son organisation mis en place une aide REACH 2018 très complète.
Jean-Claude Bernier
Mai 2018
Pour en savoir plus :
– Le paradoxe apparent de REACH : contrainte et source d'innovation pour la chimie
– Les enjeux de la recherche en toxicologie et écotoxicologie dans le cadre de la mise en œuvre de REACH
– L'évaluation des substances chimiques dans le cadre de la mise en oeuvre de REACH
La chimie bien involontairement est venue récemment sur le devant de la scène médiatique lors de deux événements. Le premier, le 4 mars lors de l’empoisonnement de l’ex espion russe Sergueï Skripal et de sa fille Julia sauvés in extremis à l’hôpital de Salisbury mais qui a ravivé les tensions entre Londres et Moscou. Le second, une attaque chimique qui se serait déroulée le 7 avril en Syrie dans la ville de Douma et qui a provoqué une riposte ciblée de la part des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni. Dans les deux cas étaient soupçonnées des armes chimiques (1), peut-être un innervant, le Novitchok, en Angleterre et le chlore gazeux en Syrie. La chimie comme le nucléaire a souvent été détournée à des fins peu avouables pour en faire des armes, c’est son aspect le plus critiquable. La poudre noire, les explosifs, les bombes incendiaires existent depuis plus de 1500 ans, l’arme nucléaire et l’arme chimique sont plus récentes.
Il faut rappeler que les débuts de la guerre chimique remontent à la Grande Guerre de 1914-1918 (2). C’est en avril 1915 que les armées allemandes déploient 168 tonnes de chlore (Cl2 gazeux) au nord d’Ypres en Belgique. Le nuage vert dérive vers les tranchées occupées par les armées alliées sur sept kilomètres provoquant la panique mais, le nuage stagnant, la percée ne sera pas exploitée. C’est cet agent Cl2 qui semble être mis en cause lors de l’attaque de Douma par les armées syriennes. Il faut dire qu’après le chlore d’autres gaz ont été trouvés par les belligérants. Ce fut d’abord un autre suffocant le phosgène CCl2O, puis le gaz moutarde ou ypérite C4H8Cl2S (sulfure de 2,2'‑dichlorodiéthyle), non seulement suffocant mais aussi vésicant (3). L’imagination des militaires pour tuer leurs semblables est sans limite. Au cours du XXe siècle furent inventés les innervants neurotoxiques comme le tabun, le sarin et le VX de la famille des organophosphorés qui sont, à des degrés divers, inhibiteurs de la cholinestérase, un relaxant musculaire, et qui provoquent en quelques minutes après l’inhalation le blocage des muscles respiratoires (4).
Les spécialistes de la chimie analytique ont montré que c’est un poison de ce type qui a frappé S. Skrispal et sa fille. Il semble bien après analyses qu’il s’agisse du Novitchok, issu d’un programme de développement soviétique appelé Foliant qui travestissait ces types de molécules en insecticides ! C’est encore un organophosphoré mais fluoré qui peut être fabriqué à partir d’acétonitrile et de phosphate organique. C’est un agent binaire qui se présente sous forme de poudre ultrafine pouvant être administré au moyen d’aérosol dispersif ou à l’état gazeux. Huit à dix fois plus toxique que le VX, une concentration de 0,01mg/kg dans le sang conduit à la mort (5). Ses antidotes sont de type anticholinergique, comme l’atropine qui peut être administrée avec des oximes telles que la galantamine qui renforce son action. Mais d’après les experts les séquelles, même si on en réchappe, peuvent conduire à des handicaps sévères et permanents.
En 1993, 192 États ont signé une convention sur l’interdiction de la mise au point, du stockage et de l’utilisation d’armes chimiques (la Syrie ne les a rejoints qu’en 2013 sous la pression). A été créé dans la foulée l’OIAC (Organisation pour l’interdiction des armes chimiques) qui a déjà supervisé en 2014 avec l’ONU la destruction des stocks de ces armes en Syrie (6). Ce sont à nouveau les chimistes de cette organisation qui sont sollicités pour résoudre ces énigmes et qui développent les moyens analytiques pour identifier les traces de ces composés à chaque demande d’expertise. Ces experts de l’identification des molécules sont sur place en Syrie pour vérifier que l’attaque sur Douma a fait l’objet d’utilisation d’armes chimiques. Hélas même s’ils identifient le chlore, sa fabrication et son stockage sont exempts de déclaration car cette molécule est utilisée dans l’industrie et l’agriculture (7).
Jean-Claude Bernier
Mai 2018
Pour en savoir plus
(1) Les gaz de combat
(2) 1914-1918 : la guerre chimique
(3) Il y a cent ans : la guerre chimique
(4) Qu’est-ce qu’une attaque chimique ?
(5) Chimie et poisons
(6) De la difficulté d’éliminer les « armes chimiques » de Syrie
(7) La chimie en agriculture : les tensions et les défis pour l’agronomie
Organisé par le British Council en France, FameLab est un concours international de communication scientifique, gratuit et ouvert à toute personne exerçant une activité en rapport avec la science.
Le principe est simple :
Qui peut participer ?
Tout personne répondant aux critères suivants :
- Être âgé.e de plus de 18 ans ;
- Exercer une activité qui touche aux sciences (chercheur.e, étudiant.e, ingénieur.e, technicien.ne, enseignant.e dans le domaine des sciences, etc.) ;
- Résider ou étudier en France (toutes nationalités confondues).
» Critères d’éligibilité : https://www.britishcouncil.fr/famelab/participer/eligibilite
Comment participer ?
La sélection s’effectue en ligne : les candidat.e.s ont jusqu’au 15 avril 2018 pour soumettre une vidéo de leur présentation (d’une durée de 3 minutes).
» Soumettre sa candidature : https://www.britishcouncil.fr/famelab/participer/inscription
Plus d’informations
Non ce n’est pas à cause de la grève des éboueurs mais plutôt à cause de la Chine qui s’engage dans un nouveau protectionnisme économique avec la campagne « Ciel bleu 2018 ». Cette campagne durcit les exigences des douanes chinoises qui vont interdire l’importation de 24 types de déchets solides (1) dont la qualité est jugée mauvaise. On donne comme exemple les déchets plastiques non lavés et mélangés, les déchets métalliques divers, les vieux papiers et cartons mêlés dans la même balle. La tolérance devient très stricte avec un niveau qui ne doit pas dépasser 0,5 % de déchets indésirables.
Il faut se rappeler que la Chine importait près de 30 millions de tonnes (Mt) de papiers et cartons (2) par an, cette quantité qui sera très réduite dès 2018. Un contrôle encore plus sévère sera fait sur les plastiques importés en Chine, qui représentent près de 7,3 Mt en 2016. L’exigence touche huit familles dont les films polyéthylène (PE), le styrène, le polychlorure de vinyle (PVC), le polytéréphtalate d'éthylène (PET) (3) et le PET bouteille et le polycarbonate (PC) utilisé pour les CD et DVD. Ces plastiques devront être triés et lavés par famille avec des quotas imposés. Actuellement, 85 % des déchets plastiques exportés par l’Union européenne sont exportés vers la Chine. On conçoit bien que la Chine ne veut plus être la poubelle de l’Europe mais cela pose brusquement des problèmes économiques dans le secteur (4).
Le recyclage européen, qui était déjà depuis deux ans confronté à un durcissement douanier, a cru s’adapter en développant des étapes de tris plus contraignants, mais la profession pense que bientôt pour entrer en Chine il faudra fabriquer des produits finis : laver les films, broyer les emballages, les extruder et livrer des granulés.
C’est peut-être aussi une opportunité pour l’industrie française du recyclage (5). Si elle veut reprendre les exportations, il faut monter en gamme : sur-trier les papiers et cartons usagés, trier par classe les films, emballages et déchets plastiques, les broyer et les transformer par traitement thermique et extrusion. C’est créer de la valeur ajoutée et des emplois avec nos matières usées (6).
Il faut cependant sur le plan français reconnaître mieux cette industrie qui permet chaque année d’économiser plusieurs millions de tonnes de CO2. Il faudra redonner au marché du papier et du plastique recyclé un niveau de prix autorisant de nouveaux investissements (7). Il est temps car en Inde, en Malaisie, au Viêt Nam, des usines pour cette transformation intermédiaire se mettent en place.
Jean-Claude Bernier
Avril 2018
Pour en savoir plus
(1) Recyclage des matériaux et évaluation environnementale
(2) Recyclage et valorisation des déchets
(3) Les textiles imper-respirants
(4) Faire du déchet une ressource, un enjeu pour l’industrialisation des filières et des territoires en France
(5) Les déchets : valorisation traitement
(6) Transformer les déchets en ressources
(7) Ingénieur Génie des procédés / Génie chimique (fiche Métier) (187)
On a trouvé des textes décrivant l’obtention de savon datant de – 3000 av. J.-C., mais son usage existe probablement depuis la préhistoire. Le mot sapo en gaulois a donné en français le mot savon.
Le savon à travers les siècles
À travers les siècles le mode de fabrication a toujours utilisé deux substances :
- un corps gras, une graisse animale (de bœuf, de mouton, de cochon ou de sanglier…) ou une huile végétale (d’olive, d’arachide, de coprah, de palme...)
- une base alcaline, présente dans les cendres issues de combustion de plantes ou de bois. Le produit basique présent dans les cendres est un carbonate de sodium ou de potassium (Na2CO3 ou K2CO3).
Pendant des siècles la fabrication est restée artisanale, avec les matières premières régionales aussi bien pour le corps gras que pour les cendres.
En 1823, le chimiste français Eugène Chevreul comprend la réaction qui se passe quand on chauffe ensemble la graisse et la base pour former le savon. Cette réaction est appelée saponification. Il identifie aussi la nature ionique des entités constituant les savons.
Quels sont les constituants des corps gras ?
Les corps gras sont des triesters naturels du glycérol appelés aussi triglycérides.
Ils sont formés à partir de glycérol de formule HOH2C-CHOH-CH2OH ( ) et d’acides dits « gras », RCOOH, où R est une très longue chaîne carbonée H3C-(CH2)n-, (n pouvant aller de 3 à 35 ) (1).
Par exemple le triester de l’acide palmitique a pour formule
La réaction de saponification
La réaction de saponification est réalisée de nos jours à l’échelle industrielle en chauffant des corps gras en présence de soude NaOH ou de potasse KOH. On obtient des ions carboxylates à longues chaînes carbonées (2).
Avec la soude on obtient des carboxylates de sodium donnant des savons durs et avec la potasse des carboxylates de potassium donnant des savons mous ou liquides.
On trouve dans le commerce un très grand choix de savons, du fait d’une très grande variété de matières premières parmi les corps gras naturels. Ainsi, il peut y avoir autant de savons « à l’huile d’olive » qu’il y a de variétés d’huiles d’olive !
Historiquement, une teneur de 72 % en masse d’acides gras était garantie dans le savon de Marseille traditionnel, uniquement préparé à partir d'huile d'olive.
Le rôle du savon
Dans l’ion carboxylate l’extrémité de la chaîne COO- est hydrophile (qui aime l’eau) et la longue chaîne R est lipophile (qui aime la graisse). Ces deux propriétés simultanées permettent d’ôter la graisse d’un vêtement, de la peau ou de tout objet et de l’entrainer avec l’eau(3).
En cette période propice aux virus, respectez les consignes de lavage des mains préconisées par « Santé publique France ». Le lavage des mains au savon permet par la friction et la formation de mousse de déloger la saleté et les virus, puis de les évacuer avec le rinçage. Mais le savon ne tue pas les virus ni les bactéries.
Françoise Brénon et l'équipe Question du mois de Mediachimie
(1) Les triglycérides ont pour formule générale
CH2-O-CO-R1 où R1, R2 et R3 sont des longues chaînes carbonées qui peuvent différer.
|
CH-O-CO-R2
|
CH2-O-CO-R3
(2) Par exemple, pour un corps gras avec la même chaîne R, la réaction de saponification a pour bilan
Le carboxylate de sodium a pour formule RCOO –, Na+
Le carboxylate de potassium a pour formule RCOO –, K+
(3) Schématiquement la molécule ionique de savon est représentée ainsi :
La tache de graisse va être emprisonnée par les queues lipophiles des molécules qui s’organisent autour d’elle en sphère, les parties hydrophiles étant en contact avec l’eau. L’ensemble est appelé une micelle.
Exemple d’une goutte d’huile piégée
La récente décision du régime de Kinshasa (RDC, république démocratique du Congo) de taxer les volumes d’extraction du cobalt (1) des sociétés minières non à 2 % mais à 10 % considérant que ce métal devient stratégique n’est pas sans incidence sur notre consommation. Le cobalt et ses sels sont utilisés pour les alliages spéciaux, les carbures des outils de coupe, les catalyseurs, les aimants (2) mais surtout en 2017 à plus de 50 % pour les batteries ion–lithium, alors que cette utilisation ne représentait que 10 % en 2010. Les milliards de smartphones, nos outils électroniques nomades et les gigantesques objectifs de véhicules électriques en sont responsables. En effet dans tous ces objets ou automobiles le fonctionnement électrique est assuré par des batteries stockant l’énergie qui sont majoritairement des batteries ion–lithium (3).
Dans ces systèmes électrochimiques (4), lors de la décharge le lithium perd un électron qui produit le courant dans le circuit extérieur, l’ion Li+ migre alors à travers l’électrolyte et s’intercale dans la cathode constituée de feuillets de LiCoO2 .C’est dire qu’à côté du lithium il y a dans chaque batterie une quantité non négligeable de cobalt. On estime que par kWh il faut environ 600 à 800 g de Li2CO3 et de l’ordre de 180 à 230 g de cobalt. Cette quantité peut baisser si on utilise des batteries de type Li(CoNi)O2 ou Li (MnCo)O2 ou encore Li(CoMnAl)O2 (5) et passer par exemple de 60 % à 20 % de la masse en sacrifiant un peu sur la charge maximum.
Même si la capacité massique des batteries a doublé en dix ans et si le prix du Kwh va être divisé par deux en cinq ans d’ici 2023, la demande des constructeurs automobiles devient très pressante (6). Des marques comme Tesla ou Volkswagen annoncent pour les millions de voitures à produire des besoins annuels de 100 GWh et 200 GWh respectivement après 2020, ce qui représenterait au total de l’ordre de 69 000 tonnes de cobalt à cette échéance, soit près de 70 % de la production mondiale 2016 ! La multiplication des « gigafactories » de piles électriques (7) devrait permettre à l'horizon 2020 de produire en un an plus de batteries que la production mondiale totale jusqu'en 2014 !
Pour faire face à cet emballement les grands constructeurs veulent assurer leurs approvisionnements et passent de méga contrats avec (Contemporary Amperex Technology), LG Chem, BYD Auto, Samsung… La Chine rachète à Glencore la mine de Tenke Fungurume en RDC pour plus de 2 milliards US $. Dans la foulée le cours du cobalt flambe, de 40 000$/t en 2017 il atteint 87 000 $/t au printemps 2018, et pourtant la production qui était de 62 000 tonnes en 2013 a presque doublé en 2017. C’est la RDC qui domine le marché avec une production de 64 000 tonnes en 2017 suivie dans l’ordre par la Chine, le Canada, la Russie…
La France, grâce à la Nouvelle-Calédonie, est dans le top 10 avec 3 500 tonnes.Cette position dominante de la République démocratique du Congo est assez critique. En dehors des conditions quasi esclavagistes de l’extraction minière, la situation politique du régime de Kinshasa, aux prises avec des rebelles, fait craindre, avec la mainmise de la Chine sur les approvisionnements, une situation de pénurie. Les prévisionnistes tablent sur une augmentation de la demande de 1930 %. Les électrochimistes (8) peuvent cependant dégonfler cette « bulle » avec de nouveaux systèmes, Li-FePO4, Na-ion, Zn-air, Na-S … qui n’exigent plus de cobalt mais ne sont pas encore sur le marché pour l’immédiat.
Jean-Claude Bernier
Mars 2018
Pour en savoir plus
(1) Le cobalt (produit du jour SCF)
(2) Les matériaux stratégiques pour l’énergie
(3) Meilleurs matériaux pour batteries à ions-Li. L’approche déductive et inductive de la chimie (video-conférence)
(4) Stocker l’énergie pour communiquer (Chimie et… junior)
(5) Lithium–ion : de nouvelles batteries antiaériennes ?
(6) Stockage de l’électricité : élément clé pour le déploiement des énergies renouvelables et du véhicule électrique
(7) Elon Musk au secours des énergies renouvelables
(8) Les accumulateurs électrochimiques pour les transports : Li-ion et nouvelles chimies