| Un prix Nobel éclairé
Rubrique(s) : Éditorial
Le prix Nobel de Physique 2014 récompense trois chimistes des matériaux (1) : Isamu Akasaki, Hiroshi Amano de l’université de Nagoya et Shuji Nakamura, aujourd’hui professeur à Santa Barbara en Californie, mais qui était au Japon dans les années 1990 ingénieur dans une petite entreprise chimique de Tokushima, Nichia Chemicals.
Les travaux de ces trois chercheurs concernent la découverte en 1993 et le développement pour la commercialisation de la diode électroluminescente (LED) bleue.
Le principe de la LED (Light-Emitting Diode) (2) est assez simple. Certains semi-conducteurs parcourus par un courant électrique émettent de la lumière dont la fréquence, et donc la couleur (3), est intimement liée au gap d’énergie de ce semi-conducteur (4).
Les premières LED à base d’arséniure de gallium (AsGa ou Al GaAs) émettaient d’abord dans l’infrarouge puis dans le rouge. En ajoutant du phosphore (GaAsP) on émet dans le jaune, et avec le nitrure de Gallium (GaN) l’émission est de couleur verte (5). Bien que sachant que le carbure de silicium (SiC) difficile synthétiser à haute température pouvait dans certaines conditions émettre dans le bleu, les chimistes et physiciens se sont cassé les dents pendant 30 ans sur cette couleur. Et pourtant la quête de la reconstitution de la lumière blanche (rouge + vert + bleu) et la mise au point d’un laser bleu émettant à faible longueur d’onde pour la lecture de CD et DVD (6) aux stockages augmentés (films) étaient des objectifs scientifiques et économiques super motivants.
C’est ce trio de chercheurs japonais aujourd’hui récompensés qui obtint les premiers la LED bleue avec le semi-conducteur nitrure de gallium indium (InGaN). Très vite après 1995, le marché des LED s’intensifie. La miniaturisation de ces composants et leur très faible consommation d’énergie lui ouvrent l’éclairage domestique, industriel et urbain, les lampes à LED, les télécommandes infrarouge, le rétro-éclairage des écrans plats (7), les lasers pour les platines CD et DVD (Blu-ray)…
Le jury Nobel a voulu par ce prix souligner aussi l’importance de la recherche qui induit une rupture technologique, celle de l’éclairage, en ajoutant que si le 20e siècle a été celui des lampes à incandescence, le 21e siècle sera éclairé aux LED. C’est un avis un peu risqué, compte tenu des ressources mondiales limitées en indium et gallium (8), et c’est aussi faire fi de l’imagination des chimistes et physiciens qui ont mis au point les OLED ou LED organiques (9). Déjà intégrés dans les écrans plats avec une meilleure définition que les écrans LCD, la multiplicité des polymères greffés et la richesse des molécules de coordination vont apporter une palette de couleurs et une consommation d’énergie encore abaissée qui augurent bien de nouvelles surprises de l’électroluminescence.
Jean-Claude Bernier
octobre 2014
Quelques ressources pour en savoir plus :
(1) Ingénieur chimie des matériaux - Un métier de l'automobile
(2) Les multiples contributions de la chimie dans la conception des tablettes et des Smartphones (vidéo 19:00)
(3) La chimie crée sa couleur… sur la palette du peintre
(4) Le soleil comme source d'énergie - Le photovoltaïque
(5) Produits du jour de la Société Chimique de France
(6) La faible longévité des supports d’information numérique : un défi technologique (vidéo 26:37)
(7) Les matériaux avancés, moteurs de l’innovation en électronique (vidéo, 28:33)
(8) Faire du déchet une ressource (vidéo, 22:47)
(9) Les diodes électroluminescentes organiques : des sources « plates » de lumières (vidéo, 29:25)