NASA/Kilopower
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De la chimie sur Mars ?

C’est la mission de la NASA « InSight » partie vers Mars le 5 mai qui a relancé tous les phantasmes sur « la planète rouge ». Spécialement en France, où nous avons tous été fiers qu’une station géophysique élaborée par le
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C’est la mission de la NASA « InSight » partie vers Mars le 5 mai qui a relancé tous les phantasmes sur « la planète rouge ». Spécialement en France, où nous avons tous été fiers qu’une station géophysique élaborée par le CNES y était embarquée et devait atterrir le 26 novembre pour ausculter les profondeurs du sol martien. Tous nos rêves et lectures de science-fiction sont alors réapparus et nombreux ont été les futurs explorateurs de la planète mystérieuse !

Oui, mais d’abord quelle chimie nous attend sur Mars ? Grâce au Rover « Curiosity » équipé d’un sacré laboratoire d’analyse (1) le « CHEMCAN » encore une fois mis au point par le CNES avec le concours du CNRS et de l’université de Toulouse, nous savons pas mal de choses. Dans le cratère Gale exploré sur plus de 10 km, la température varie de – 140°C à + 45°C, l’atmosphère (2) quasi inexistante avec une pression de 6 millibars (6 10-3 Atmosphère) est à 95 % composé de gaz carbonique (CO2) (3) avec moins de 1% d’oxygène. Le sol est composé d’oxydes métalliques surtout Fe2O3, l’hématite qui donne cette couleur rouge, et de sédiments issus de roches basaltiques témoins de l’action d’usure de l’eau, des mers et rivières qui ont disparues il y a 3,7 milliards d’années et de l’action éolienne du vent solaire et des tempêtes martiennes (4). Des sulfates de calcium et de magnésium, des minéraux (5) et la présence d’argiles près du mont Sharp témoignent encore de molécules d’eau incarcérées.

Si nous voulons faire de la chimie sur Mars, il va falloir y aller, y séjourner et … en revenir !

Y aller : Les américains pensent d’abord faire une étape sur la Lune. Deux lanceurs sont en construction pour départ en 2019 ou 2020 le BFR de Space X qui pourrait y déposer 40 tonnes et le SLS de la NASA qui emporterait 26 tonnes, les bases lunaires seraient utilisées pour un départ soumis à moins de gravité. Mais pour franchir les 230 millions de km les modes de propulsion classiques (6) (chimiques) ne sont plus adaptés, les propulseurs électriques plus légers par expulsion d’ions ont encore des poussées faible (quelques W). Mais une invention actuellement testée « l’AD Astra Rocket » utilisant un plasma d’argon porté à près de 106 °C confiné par des aimants supraconducteurs, accéléré par une bobine magnétique dans une tuyère céramique aurait une poussée de l’ordre du MW et autoriserait un voyage en 39 jours plutôt que 6 mois.

Y séjourner : Il faudra d’abord se protéger des rayonnements cosmiques, car contrairement à la terre, Mars n’a pas de champ magnétique propre qui les détournent. Le modèle de base lunaire de Marco Peroni pourrait s’y adapter, composé d’un dôme de 16 câbles électrifiés, coiffés de plaques d’aciers il protège des rayonnements et des météorites. À l’intérieur des bungalows constitués d’enveloppes en Kevlar gonflées par de l’air abritent des robots qui en 3D fabriquent une protection interne minérale solide à partir des oxydes du sol et d’une encre polymérique. Pour alimenter tout cela il faut bien sûr de l’énergie. La NASA vient d’annoncer début mai le succès des tests sur un mini réacteur nucléaire le Kilopower Reactor « KRUSTY » à uranium 235 (7). Le cœur n’est pas plus grand qu’un « rouleau de papier essuie-tout », des caloducs au sodium transfèrent la chaleur à des moteurs Stirling qui la convertissent en électricité. Ce réacteur peut fournir 10 KW pendant au moins 10 ans, quatre de ces dispositifs pourraient alimenter un poste avancé sur Mars. Avec l’énergie, l’eau est indispensable, il faut alors tester si les sulfates et les argiles peuvent être déshydratés, car il ne vaut mieux pas compter sur l’atmosphère dont la teneur en eau varie de 20 à 70 ppm suivant la température.

Reste un seul problème, jusqu’ici tous les projets et innovations déjà financés avec comme objectif Mars ne disent pas encore comment en revenir ! (8)

Jean-Claude Bernier
Juin 2018

Pour en savoir plus
(1) Techniques analytiques et chimie de l’environnement
(2) Chimie des atmosphères planétaires
(3) Que faire du CO2 ? De la chimie !
(4) De la chimie du milieu interstellaire à la chimie prébiotique. L’évolution de la matière organique vers le vivant ?
(5) Cristaux, cristallographie et cristallochimie
(6) La combustion et les défis de la propulsion aéronautique et spatiale
(7) De l’uranium à l’énergie nucléaire
(8) De la Terre au Soleil
 

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Des experts de la chimie analytique pour trancher des énigmes politico-scientifiques

La chimie bien involontairement est venue récemment sur le devant de la scène médiatique lors de deux événements. Le premier, le 4 mars lors de l’empoisonnement de l’ex espion russe Sergueï Skripal et de sa fille Julia
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La chimie bien involontairement est venue récemment sur le devant de la scène médiatique lors de deux événements. Le premier, le 4 mars lors de l’empoisonnement de l’ex espion russe Sergueï Skripal et de sa fille Julia sauvés in extremis à l’hôpital de Salisbury mais qui a ravivé les tensions entre Londres et Moscou. Le second, une attaque chimique qui se serait déroulée le 7 avril en Syrie dans la ville de Douma et qui a provoqué une riposte ciblée de la part des États-Unis, de la France et du Royaume-Uni. Dans les deux cas étaient soupçonnées des armes chimiques (1), peut-être un innervant, le Novitchok, en Angleterre et le chlore gazeux en Syrie. La chimie comme le nucléaire a souvent été détournée à des fins peu avouables pour en faire des armes, c’est son aspect le plus critiquable. La poudre noire, les explosifs, les bombes incendiaires existent depuis plus de 1500 ans, l’arme nucléaire et l’arme chimique sont plus récentes.

Il faut rappeler que les débuts de la guerre chimique remontent à la Grande Guerre de 1914-1918 (2). C’est en avril 1915 que les armées allemandes déploient 168 tonnes de chlore (Cl2 gazeux) au nord d’Ypres en Belgique. Le nuage vert dérive vers les tranchées occupées par les armées alliées sur sept kilomètres provoquant la panique mais, le nuage stagnant, la percée ne sera pas exploitée. C’est cet agent Cl2 qui semble être mis en cause lors de l’attaque de Douma par les armées syriennes. Il faut dire qu’après le chlore d’autres gaz ont été trouvés par les belligérants. Ce fut d’abord un autre suffocant le phosgène CCl2O, puis le gaz moutarde ou ypérite C4H8Cl2S (sulfure de 2,2'‑dichlorodiéthyle), non seulement suffocant mais aussi vésicant (3). L’imagination des militaires pour tuer leurs semblables est sans limite. Au cours du XXe siècle furent inventés les innervants neurotoxiques comme le tabun, le sarin et le VX de la famille des organophosphorés qui sont, à des degrés divers, inhibiteurs de la cholinestérase, un relaxant musculaire, et qui provoquent en quelques minutes après l’inhalation le blocage des muscles respiratoires (4).

Les spécialistes de la chimie analytique ont montré que c’est un poison de ce type qui a frappé S. Skrispal et sa fille. Il semble bien après analyses qu’il s’agisse du Novitchok, issu d’un programme de développement soviétique appelé Foliant qui travestissait ces types de molécules en insecticides ! C’est encore un organophosphoré mais fluoré qui peut être fabriqué à partir d’acétonitrile et de phosphate organique. C’est un agent binaire qui se présente sous forme de poudre ultrafine pouvant être administré au moyen d’aérosol dispersif ou à l’état gazeux. Huit à dix fois plus toxique que le VX, une concentration de 0,01mg/kg dans le sang conduit à la mort (5). Ses antidotes sont de type anticholinergique, comme l’atropine qui peut être administrée avec des oximes telles que la galantamine qui renforce son action. Mais d’après les experts les séquelles, même si on en réchappe, peuvent conduire à des handicaps sévères et permanents.

En 1993, 192 États ont signé une convention sur l’interdiction de la mise au point, du stockage et de l’utilisation d’armes chimiques (la Syrie ne les a rejoints qu’en 2013 sous la pression). A été créé dans la foulée l’OIAC (Organisation pour l’interdiction des armes chimiques) qui a déjà supervisé en 2014 avec l’ONU la destruction des stocks de ces armes en Syrie (6). Ce sont à nouveau les chimistes de cette organisation qui sont sollicités pour résoudre ces énigmes et qui développent les moyens analytiques pour identifier les traces de ces composés à chaque demande d’expertise. Ces experts de l’identification des molécules sont sur place en Syrie pour vérifier que l’attaque sur Douma a fait l’objet d’utilisation d’armes chimiques. Hélas même s’ils identifient le chlore, sa fabrication et son stockage sont exempts de déclaration car cette molécule est utilisée dans l’industrie et l’agriculture (7).

Jean-Claude Bernier
Mai 2018

Pour en savoir plus
(1) Les gaz de combat
(2) 1914-1918 : la guerre chimique
(3) Il y a cent ans : la guerre chimique
(4) Qu’est-ce qu’une attaque chimique ?
(5) Chimie et poisons
(6) De la difficulté d’éliminer les « armes chimiques » de Syrie
(7) La chimie en agriculture : les tensions et les défis pour l’agronomie
 

Balles de bouteilles en plastique bleu empilés dans un centre de recyclage
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Panique sur les déchets

Non ce n’est pas à cause de la grève des éboueurs mais plutôt à cause de la Chine qui s’engage dans un nouveau protectionnisme économique avec la campagne « Ciel bleu 2018 ». Cette campagne durcit les exigences des
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Non ce n’est pas à cause de la grève des éboueurs mais plutôt à cause de la Chine qui s’engage dans un nouveau protectionnisme économique avec la campagne « Ciel bleu 2018 ». Cette campagne durcit les exigences des douanes chinoises qui vont interdire l’importation de 24 types de déchets solides (1) dont la qualité est jugée mauvaise. On donne comme exemple les déchets plastiques non lavés et mélangés, les déchets métalliques divers, les vieux papiers et cartons mêlés dans la même balle. La tolérance devient très stricte avec un niveau qui ne doit pas dépasser 0,5 % de déchets indésirables.

Il faut se rappeler que la Chine importait près de 30 millions de tonnes (Mt) de papiers et cartons (2) par an, cette quantité qui sera très réduite dès 2018. Un contrôle encore plus sévère sera fait sur les plastiques importés en Chine, qui représentent près de 7,3 Mt en 2016. L’exigence touche huit familles dont les films polyéthylène (PE), le styrène, le polychlorure de vinyle (PVC), le polytéréphtalate d'éthylène (PET) (3) et le PET bouteille et le polycarbonate (PC) utilisé pour les CD et DVD. Ces plastiques devront être triés et lavés par famille avec des quotas imposés. Actuellement, 85 % des déchets plastiques exportés par l’Union européenne sont exportés vers la Chine. On conçoit bien que la Chine ne veut plus être la poubelle de l’Europe mais cela pose brusquement des problèmes économiques dans le secteur (4).

Le recyclage européen, qui était déjà depuis deux ans confronté à un durcissement douanier, a cru s’adapter en développant des étapes de tris plus contraignants, mais la profession pense que bientôt pour entrer en Chine il faudra fabriquer des produits finis : laver les films, broyer les emballages, les extruder et livrer des granulés.

C’est peut-être aussi une opportunité pour l’industrie française du recyclage (5). Si elle veut reprendre les exportations, il faut monter en gamme : sur-trier les papiers et cartons usagés, trier par classe les films, emballages et déchets plastiques, les broyer et les transformer par traitement thermique et extrusion. C’est créer de la valeur ajoutée et des emplois avec nos matières usées (6).

Il faut cependant sur le plan français reconnaître mieux cette industrie qui permet chaque année d’économiser plusieurs millions de tonnes de CO2. Il faudra redonner au marché du papier et du plastique recyclé un niveau de prix autorisant de nouveaux investissements (7). Il est temps car en Inde, en Malaisie, au Viêt Nam, des usines pour cette transformation intermédiaire se mettent en place.

Jean-Claude Bernier
Avril 2018

Pour en savoir plus
(1) Recyclage des matériaux et évaluation environnementale
(2) Recyclage et valorisation des déchets
(3) Les textiles imper-respirants
(4) Faire du déchet une ressource, un enjeu pour l’industrialisation des filières et des territoires en France
(5) Les déchets : valorisation traitement
(6) Transformer les déchets en ressources
(7) Ingénieur Génie des procédés / Génie chimique (fiche Métier) (187)
 

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Et si le cobalt manquait... quel serait l'avenir des voitures électriques ?

La récente décision du régime de Kinshasa (RDC, république démocratique du Congo) de taxer les volumes d’extraction du cobalt (1) des sociétés minières non à 2  % mais à 10 % considérant que ce métal devient stratégique
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La récente décision du régime de Kinshasa (RDC, république démocratique du Congo) de taxer les volumes d’extraction du cobalt (1) des sociétés minières non à 2  % mais à 10 % considérant que ce métal devient stratégique n’est pas sans incidence sur notre consommation. Le cobalt et ses sels sont utilisés pour les alliages spéciaux, les carbures des outils de coupe, les catalyseurs, les aimants (2) mais surtout en 2017 à plus de 50 % pour les batteries ion–lithium, alors que cette utilisation ne représentait que 10 % en 2010. Les milliards de smartphones, nos outils électroniques nomades et les gigantesques objectifs de véhicules électriques en sont responsables. En effet dans tous ces objets ou automobiles le fonctionnement électrique est assuré par des batteries stockant l’énergie qui sont majoritairement des batteries ion–lithium (3).

Dans ces systèmes électrochimiques (4), lors de la décharge le lithium perd un électron qui produit le courant dans le circuit extérieur, l’ion Li+ migre alors à travers l’électrolyte et s’intercale dans la cathode constituée de feuillets de LiCoO2 .C’est dire qu’à côté du lithium il y a dans chaque batterie une quantité non négligeable de cobalt. On estime que par kWh il faut environ 600 à 800 g de Li2CO3 et de l’ordre de 180 à 230 g de cobalt. Cette quantité peut baisser si on utilise des batteries de type Li(CoNi)O2 ou Li (MnCo)O2 ou encore Li(CoMnAl)O2 (5) et passer par exemple de 60 % à 20 % de la masse en sacrifiant un peu sur la charge maximum.

Même si la capacité massique des batteries a doublé en dix ans et si le prix du Kwh va être divisé par deux en cinq ans d’ici 2023, la demande des constructeurs automobiles devient très pressante (6). Des marques comme Tesla ou Volkswagen annoncent pour les millions de voitures à produire des besoins annuels de 100 GWh et 200 GWh respectivement après 2020, ce qui représenterait au total de l’ordre de 69 000 tonnes de cobalt à cette échéance, soit près de 70 % de la production mondiale 2016 ! La multiplication des « gigafactories » de piles électriques (7) devrait permettre à l'horizon 2020 de produire en un an plus de batteries que la production mondiale totale jusqu'en 2014 !

Pour faire face à cet emballement les grands constructeurs veulent assurer leurs approvisionnements et passent de méga contrats avec (Contemporary Amperex Technology), LG Chem, BYD Auto, Samsung… La Chine rachète à Glencore la mine de Tenke Fungurume en RDC pour plus de 2 milliards US $. Dans la foulée le cours du cobalt flambe, de 40 000$/t en 2017 il atteint 87 000 $/t au printemps 2018, et pourtant la production qui était de 62 000 tonnes en 2013 a presque doublé en 2017. C’est la RDC qui domine le marché avec une production de 64 000 tonnes en 2017 suivie dans l’ordre par la Chine, le Canada, la Russie…

La France, grâce à la Nouvelle-Calédonie, est dans le top 10 avec 3 500 tonnes.Cette position dominante de la République démocratique du Congo est assez critique. En dehors des conditions quasi esclavagistes de l’extraction minière, la situation politique du régime de Kinshasa, aux prises avec des rebelles, fait craindre, avec la mainmise de la Chine sur les approvisionnements, une situation de pénurie. Les prévisionnistes tablent sur une augmentation de la demande de 1930 %. Les électrochimistes (8) peuvent cependant dégonfler cette « bulle » avec de nouveaux systèmes, Li-FePO4, Na-ion, Zn-air, Na-S … qui n’exigent plus de cobalt mais ne sont pas encore sur le marché pour l’immédiat.

Jean-Claude Bernier
Mars 2018

Pour en savoir plus
(1) Le cobalt (produit du jour SCF)
(2) Les matériaux stratégiques pour l’énergie
(3) Meilleurs matériaux pour batteries à ions-Li. L’approche déductive et inductive de la chimie (video-conférence)
(4) Stocker l’énergie pour communiquer (Chimie et… junior)
(5) Lithium–ion : de nouvelles batteries antiaériennes ?
(6) Stockage de l’électricité : élément clé pour le déploiement des énergies renouvelables et du véhicule électrique
(7) Elon Musk au secours des énergies renouvelables
(8) Les accumulateurs électrochimiques pour les transports : Li-ion et nouvelles chimies

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Les marchands de peur ont encore frappé

L’ONG Générations Futures a compilé les données d’échantillons de fruits et légumes analysés par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) prélevés dans les
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L’ONG Générations Futures a compilé les données d’échantillons de fruits et légumes analysés par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) prélevés dans les grandes surfaces et grossistes et en a fait l’annonce le 20 février. Cette annonce a été reprise à foison par les média écrits et audiovisuels avec les gros titres : « 75 % des fruits et 41% des légumes contaminés par des pesticides ». Nous qui essayions cinq légumes et fruits par jour dans une alimentation équilibrée nous en sommes tombés de nos marmites. Comme le dit un célèbre humoriste : « je ne peux plus manger de fruits et légumes à cause des pesticides, plus de viande car il y a des hormones, plus de poissons car ils contiennent des métaux lourds, il me reste de l’eau pour me nourrir encore faut-il qu’elle soit potable ! » (1).

Dans cette annonce pour faire le buzz on ne trouve pas de résultats chiffrés d’analyses ni de détails sur les protocoles, spécialement mal venue pour saper la confiance du consommateur envers les producteurs à l’heure du Salon de l’agriculture à Paris (2).

De quoi parle-t-on enfin ? On cite la limite maximale de résidu (LMR) pour les produits phytosanitaires (3), seuil maximal autorisé pour un aliment transformé ou non, elle est pour la plupart des pesticides fixée réglementairement à 0,1 mg/kg (0,1 partie par million - ppm). Cette valeur très basse, mesurable grâce aux progrès de la chimie analytique (4), notamment à la chromatographie couplée à la spectrométrie de masse (5), est fixée à partir de la DJA - Dose Journalière Admissible. Celle-ci est fixée avec une marge de sécurité d’un facteur 100 à 1000 à partir de la Dose Sans Effet (DSE) quantité maximale de substance pouvant être ingérée par un animal quotidiennement sans troubles physiologiques et exprimée en mg/kg de poids.

On passe donc de la DSE/1000 à la DJA (qui sont des éléments de toxicologie) puis à la DJA divisée encore par un facteur de sécurité pour donner la LMR qui s’exprime le plus souvent en fraction de ppm. Les média pilotés tous par le panurgisme ne devraient-ils pas faire un effort de réflexion et consulter des sources impartiales comme par exemple le dernier rapport de l’EFSA (European Food Safety Authority) (6). Paru en avril 2017 sur les résidus de pesticides des fruits et légumes prélevés chez les producteurs en 2015 il a concerné 84341 échantillons sur lesquels 220 pesticides ont fait l’objet d’analyses. 69 % des échantillons provenaient de l’Espace économique européen (EEE), 26 % de pays tiers et 5% d’origines non définies. 97% des échantillons étaient en dessous du niveau de résidu maximum (LMR) dont 55% étaient exempts de pesticides car en-dessous de la limite de détection qui est de quelques ppb (partie par milliard). Sur les 2,8% au-dessus de la limite seuls 1,6% excédaient nettement cette limite (1,2% se situant dans la marge d’erreur). Pour les analyses concernant les produits issus des pays tiers, 3,4% excédaient la marge réglementaire, l’EFSA note un progrès dans ce domaine puisqu’en 2012 ils étaient 7,5%.

Parmi les produits dénotant un excès de pesticide (les 1,6%) on trouve 3,4% des brocolis, 1,7% des raisins de table, 0,8% du poivre, 0,4% des aubergines, 0,3% des bananes, ce qui reste tout de même de 96,6% à 99,7% de ces légumes et fruits tout à fait sains et mangeables.

On est loin des annonces alarmistes du 20 février. L’organisation de l’EFSA s’appuyant sur un réseau de laboratoires de chimie analytique (7) agréés dans les pays européens permet d’avoir des indicateurs scientifiques fiables, elle est un élément clef de la sécurité des consommateurs européens. Le programme européen de surveillance permet de conclure : que les niveaux quantifiés de résidus de pesticides dans les principaux aliments consommés par les européens n’entrainent pas de risque significatif sur le long terme pour la santé des consommateurs.

Dans la perspective d’une agriculture raisonnée du 21e siècle et de renforcer la confiance, il est raisonnable d’envisager comme le gouvernement le souhaite non pas une disparition des ajouts de phytosanitaires mais une forte diminution et le développement de l’innovation pour la protection des plantes comme le pratique l’INRA et le CNRS en France en suivant plusieurs pistes :

  • utiliser des prédateurs des ravageurs des cultures comme les larves de trichogrammes contre la pyrale du maïs et les coccinelles contre les pucerons ;
  • mobiliser des bactéries et des champignons comme le bacillus thurigiensis ou des virus comme dans la carpovirusine développé par l’INRA ;
  • disperser des médiateurs chimiques comme les phéromones (8) permettant la confusion sexuelle des insectes, très efficace pour la protection des vignobles ;
  • le biocontrôle pour renforcer la résistance naturelle des plantes avec de nouvelles méthodes modifiant les gènes soit par croisement soit par des techniques (NPBT - new plant breeding techniques) comme le CrispR-Cas9 (9) ciblant le génome.

Reste l’agriculture biologique qui se développe avec un marché en 2017 de 7 milliards €, et une progression à deux chiffres en France. Elle ne représente encore que 5% des terres cultivables et 4,5% du marché alimentaire. A côté des prix excessifs pratiqués, l’EFSA demande à ce que les produits bio ne soient pas exempts des contrôles, en particulier sur les LMR. En effet, lors d’une récente étude, l’agence canadienne a trouvé plus de 40% des fruits et légumes bio contenant des pesticides, soit par un bruit de fond de sols précédemment traités ou de non-respect du cahier des charges de l’agriculture biologique.

Jean-Claude Bernier
Février 2018

 

Pour en savoir plus :
(1) L’eau du robinet est-elle polluée ?
(2) La chimie en agriculture : les tensions et les défis pour l’agrochimie
(3) Les produits phytopharmaceutiques pour une alimentation de qualité pour tous
(4) La chimie analytique au service de la toxicologie médico-légale
(5) Spectrométrie de masse (MS : mass spectrometry) (vidéo en anglais, 7:58)
(6) The 2015 European Union report on pesticide residues in food - European Food Safety Authority EFSA Journal (2017) 15(4):4791, 134 pp.
(7) Les chimistes au service de la sécurité des personnes, des biens, de la santé et de l’environnement
(8) Les phéromones et le cerveau des insectes
(9) Chimie et biologie de synthèse (colloque)

 

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Aux jeux olympiques de PyeongChang heureusement la chimie est bien présente

Les jeux olympiques d’hiver en Corée à PyeongChang débutent vendredi 9 février. La séance d’ouverture risque d’être un peu perturbée par l’absence de certains athlètes. Le froid polaire qui règne actuellement avec
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Les jeux olympiques d’hiver en Corée à PyeongChang débutent vendredi 9 février. La séance d’ouverture risque d’être un peu perturbée par l’absence de certains athlètes. Le froid polaire qui règne actuellement avec -22°C et le vent glacial font dire à quelques délégations comme l’Italie et la Nouvelle Zélande que ce n’est pas un temps pour défiler même dans cette magnifique esplanade olympique des athlètes en pleine préparation. De plus, près de 1400 agents de sécurité sont sur le flanc, frappés par un norovirus de gastro-entérite probablement due à l’alimentation ou l’eau du centre pour jeunes où ils sont logés près du village des athlètes. Les organisateurs font tout pour que ces derniers ne soient contaminés et procèdent à de nombreuses analyses (1). Pour la survie des spectateurs de la cérémonie d’ouverture ils vont distribuer des kits de confort composés de bonnets, couvertures et coussins chauffants « chimiques » (2).

Mais heureusement l’évènement sportif et technologique va bientôt faire oublier ces petits tracas. Les skieurs sont équipés des derniers cris en matière de skis de compétition (3) ainsi que de combinaisons assurant confort et performance (4). Les descendeurs et les funambules du saut à skis pour se protéger font appel à la chimie (5) et pourront accélérer à fond grâce aux matériaux composites (6).

Ces jeux sont aussi une grande vitrine des nouvelles technologies, puisqu’entre les compétitions on pourra voir au pavillon de la culture et des TIC (7) une exposition qui mêle l’art et l’éclairage avec LED et lasers (8). L’une des attractions sera l’œuvre de l’initiateur des jeux vidéo Nam June Paik : une tortue géante de 12x6 m composé de 166 écrans de télévision (9). Les spectateurs pourront aussi voir des expériences et démonstrations du réseau 5G en télécom, de l’internet des objets, de l’intelligence artificielle, de la réalité virtuelle et des concerts en hologrammes 3D.

Pas de doute nous sommes bien en Corée !

Jean-Claude Bernier
février 2018

Pour en savoir plus
(1) L’eau au labo (vidéo, 5:02)
(2) Ces coussins contiennent un gel d’acétate de sodium (NaCH3COO) en solution saturée. Un choc, provoqué par une capsule métallique pliée, entraine l’apparition de cristaux qui provoquent l’entière cristallisation de l’acétate. Cette cristallisation est exothermique et absolument sans danger.
(3) Performance d’un ski de course : structure composite et glisse sur la neige
(4) Des textiles pour sportifs. Apport de la chimie pour améliorer confort et performances
(5) Technologie et performance sportive
(6) Les matériaux composites dans le sport
(7) Les matériaux avancés, moteurs de l’innovation en électronique
(8) Nos données dans le chaos : le laser à la rescousse de la fibre optique
(9) EnLEDissez vous !

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Faites-vous du bien avec les chocolats de Noël !

La consommation du chocolat va s’accélérer en cette période des fêtes, mais connaissez-vous bien l’objet de cette douceur envahissante ? En début de chaîne de fabrication sont les cabasses cueillies sur le cacaoyer qui
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La consommation du chocolat va s’accélérer en cette période des fêtes, mais connaissez-vous bien l’objet de cette douceur envahissante ? En début de chaîne de fabrication sont les cabasses cueillies sur le cacaoyer qui contiennent 20 à 50 fèves blanches. Celles-ci sont nettoyées puis laissées à fermenter à l’abri de la lumière durant 4 à 5 jours pour faire disparaître la pulpe qui les recouvre. Après séchage au soleil ou sous air chaud, on trie les fèves les plus dodues pour ensuite les griller à 120 °C /140 °C elles obtiennent alors leur coloration marron. Le concassage qui suit permet d’obtenir la pâte de cacao et la poudre de cacao. Le chocolat par lui-même est fabriqué par mélange de la pâte de cacao avec du sucre, du beurre, et du lait après agitation mécanique à 80 °C puis coulage en moule et refroidissement, la cristallisation intervient au-dessous de 36 °C.

Il y a plusieurs sortes de chocolat (1) :

  • le chocolat noir à plus de 50% de cacao, avec du sucre, du beurre de cacao, de la vanille et de la lécithine de soja ;
  • le chocolat au lait, qui contient moins de cacao et les mêmes ingrédients auxquels on ajoute le lait ;
  • le chocolat blanc qui ne contient que du beurre de cacao ainsi que le sucre, le lait, la vanille et la lécithine de soja.

Le cacao et donc le chocolat contiennent des polyphénols, surtout des flavanoïdes et des anthocyanes qui ont la propriété de piéger les radicaux libres toxiques pour l’organisme (2).

C’est par ailleurs un aliment gras par ses triglycérides qui contiennent principalement l’acide oléique, un acide gras insaturé (Omega 9), et l’acide stéarique, qui une fois dans l’intestin se « désature » en acide oléique, excellent pour éliminer le cholestérol et combattre les maladies cardio-vasculaires. Est-ce que ces acides gras sont mauvais pour la ligne ? À côté des triglycérides, le chocolat contient des méthylxanthines comme la thréobromine et la caféine qui sont des molécules lipolytiques c’est-à-dire qu’elles dégradent les graisses de l’organisme - ce sont les mêmes que l’on trouve dans les crèmes amincissantes (3).

Le chocolat a d’autres vertus, il apporte des oligoéléments comme le magnésium, le phosphore et le potassium, mais aussi des molécules euphorisantes et stimulantes, les endorphines comme le phenyléthylamine et la sérotonine (4) qui « font plaisir » à l’organisme. N’a-t-il donc que des qualités ce produit exotique (5) venu des Mayas et des Aztèques par les conquistadors espagnols et popularisé en France à la cour de Versailles par le roi Louis XIV et la reine Marie-Thérèse d’Autriche ? Non, il contient du sucre qui augmente la glycémie, d’où une attention particulière à lui porter pour les diabétiques. De même, pour nos amis les animaux la théobromine du chocolat est toxique : pour les chiens, car, non éliminée dans le sang, elle peut provoquer des convulsions et des hémorragies internes, et aussi pour le chat, mais lui, n’aime pas le sucré (6).

En cette fin de 2017 nous ne risquons pas une pénurie car la cotation en décembre du cacao est de 1850 $ la tonne alors qu’en certains novembres de 2011, 2014 et 2015 elle avait dépassé 3000 $ la tonne. En cause l’extrême volatilité du cours du cacao qui dépend fortement de la situation géopolitique de l’Afrique de l’Ouest qui fournit presque 60% de la production mondiale avec la Côte d’Ivoire et le Ghana. La consommation mondiale de chocolat atteint de l’ordre de 3 Mt, en France 392 000 t (7) mais les plus gros consommateurs en Europe sont les Suisses suivis des Autrichiens et des Belges.

Faites cependant un peu attention durant la « trêve des confiseurs ». N’oubliez pas l’enseignement de Paracelse « Rien n’est poison, tout est poison ; seule la dose fait le poison » et sur les marchés de Noël préférez le verre de chocolat chaud au vin chaud mais avec modération (8).

Jean-Claude Bernier
décembre 2017

Quelques ressources pour en savoir plus :
(1) Expériences autour du chocolat
(2) Le chocolat est-il bon pour la santé ?
(3) Les emplois thérapeutiques du chocolat
(4) Sport et cerveau (Collection Chimie et… junior)
(5) Le chocolat (Produit du jour SCF)
(6) Le goût : de la molécule à la saveur
(7) Chimie et la chocolaterie
(8) La chimie des sens ? Il y a tant de découvertes à faire !
 

- Éditorial
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La chimie « inclusive » ?

Le manuel d’écriture inclusive suivi d’une pétition signée par près de 400 enseignants favorables à cette féminisation de la langue fait polémique et débat, même dans les plus hautes sphères de l’Éducation Nationale et du
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Le manuel d’écriture inclusive suivi d’une pétition signée par près de 400 enseignants favorables à cette féminisation de la langue fait polémique et débat, même dans les plus hautes sphères de l’Éducation Nationale et du gouvernement. Même le premier ministre confronté à « la déclaration des droits humains et du·de la citoyen·ne » s’en est offusqué. Mediachimie.org toujours à la pointe de l’actualité pédagogique se doit de poser la question : dans notre discipline, la chimie, la parité des genres est-elle respectée ?

Il semble hélas en regardant la classification périodique du tableau de Mendeleïev (1) (2) que le genre masculin prédomine : Li le lithium, Na le sodium, Fe le fer, Co le cobalt etc… Tout paraît masculin, même les dérivés : NaCl le chlorure de sodium, FeO le protoxyde de fer, BaO l’oxyde de baryum. On peut cependant aller chercher Fe3O4 la magnétite, CaO la chaux vive et même Ba(OH)2 la baryte ou SiO2 la silice pour mettre un peu de douceurs dans cette assemblée de brutes.

En réalité le féminin est plutôt réservé à des objets ou assemblages plus évolués et complexes. On parle d’un atome mais mieux d’une molécule, du produit de la réaction, d’une solution et de son soluté. En hommage aux fonctions biologiques supérieures de la femme, on remarque surtout la synthèse chimique et peu son catalyseur. En chimie du solide, même si on identifie le procédé du frittage, l’objet fini reste la céramique.

C’est dire que notre discipline est assez bien équilibrée entre le masculin et le féminin. Les choses se compliquent peut-être au laboratoire ou dans l’entreprise où peuvent travailler l’ingénieur et la laborantine, dénotant un machisme qui n’est plus d’époque. Heureusement dans les écoles de chimie de la fédération Gay-Lussac il y a maintenant autant d’élèves féminines que masculins qui préparent des diplômes d’ingénieur·e·s - si j’applique la règle du point médian encore appelé point d’altérité ! Mais que faire avec les mots épicènes identiques au masculin et au féminin comme linguiste mais aussi chimiste ? Aurais-je l’audace lors d’une évaluation dire et écrire : « ce laboratoire comporte d’excellent·e·s chimistes bien formé·e·s par des professeur·e·s sérieux·euses ». Cela allongera sans doute mes rapports et mes mails.

Mediachimie.org a déjà souligné depuis longtemps dans les fiches métiers (3) qu’ils étaient accessibles soit à un homme soit à une femme (H/F) et de nombreuses vidéos montrent autant de femmes que d’hommes occupant des fonctions en laboratoire ou en entreprise (4) (5) (6). Faudra-t-il modifier toutes les fiches pour indiquer directrice ou directeur d’usine, assistant ou assistante d’ingénierie ou encore technicien.ne de laboratoire… ou abandonner la langue française pour researcher, manager, physicist… ? Nos amis canadiens qui ont franchi le pas depuis longtemps nous regardent curieusement, mais les gardiens du temple de l’Académie française auront sans doute un regard plus sévère.

Jean-Claude Bernier
décembre 2017


Quelques ressources pour en savoir plus
(1) Site des éléments chimiques
(2) Classification périodique (application)
(3) Fiches métiers
(4) Chef de section en laboratoire de police scientifique (vidéo 1:15)
(5) Botanophile ? Chimiste du végétal ! (vidéo 4:43)
(6) Responsable marketing (vidéo, 2:45)
 

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Quid du glyphosate ?

L’imbroglio politique à Bruxelles et à Paris sur le renouvellement d’autorisation de cet herbicide nourrit les polémiques qui s’étalent dans les journaux. Mais connaît-on bien en tant que chimiste cette molécule ? Le
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L’imbroglio politique à Bruxelles et à Paris sur le renouvellement d’autorisation de cet herbicide nourrit les polémiques qui s’étalent dans les journaux. Mais connaît-on bien en tant que chimiste cette molécule ?

Le glyphosate est un composé de formule brute C3H8NO5P appelé N-(phosphonométhyl)glycine. C’est un acide organique analogue à un acide aminé naturel auquel on a ajouté un groupement phosphonate (C–PO–(OH)2). Sa synthèse industrielle n’est pas trop complexe et il a été fabriqué initialement par Monsanto qui en a possédé le brevet jusqu’en 1974. Plusieurs firmes depuis le fabriquent. Il est commercialisé sous le nom de « Roundup », l’herbicide systémique le plus utilisé dans le monde. Il comporte des adjuvants pour accroître sa solubilité et la pénétration dans la plante, notamment un surfactif (tensioactif) : le polyoxyéthylène amine (POEA) ou Tallowamine.

Les agriculteurs souhaitent la poursuite de son autorisation car ils utilisent ce produit pour éviter la pratique des labours profonds qui changent la structure des sols (1) au détriment de la biodiversité. Les ONG et les écologistes souhaitent au contraire son interdiction en tant que produit chimique et susceptible d’être cancérigène (2).

En fait dès 1997, une étude coordonnée par l’Agence américaine de la protection de l’environnement avait montré que ce n’était pas le glyphosate mais plutôt le POEA et ses produits de dégradation qui étaient toxiques pour les poissons et batraciens en milieu humide (3). Les études réglementaires nécessaires pour la mise sur le marché pour le glyphosate jusque l’an 2000 ne montraient aucun danger tératogène ou toxique pour l’homme.

C’est un rapport en 2015 du CIRC (Centre international de recherche sur le cancer), agence de l’OMS, qui a classé le glyphosate comme cancérogène probable pour l’homme à forte dose. On se rappellera que c’est ce même organisme qui a classé le café dans la même catégorie probable et la charcuterie comme cancérigène certain. En 2016, l’EFSA pour l’Europe concluait qu’il était improbable que cette substance soit cancérigène ; l’ANSES (4) pour la France, plus prudente, considérait que le niveau de preuves était insuffisant pour le classer comme cancérigène mais recommandait de ne plus l’additionner du POEA.

Passons sur les polémiques qui d’un côté accusent les organismes officiels d’avoir repris une étude faite par Monsanto et de l’autre côté accusent un rapporteur indélicat d’avoir changé les conclusions du CIRC de peu probable en probable ! Elles n’apportent rien à la clarté scientifique.

Le monde agricole pose alors la question des produits phytosanitaires alternatifs ? (5) Sont proposés les acides gras qui n’ont une efficacité que sur 14 jours, l’acide pélargonique (géranium) ou l’acide caprique proposé par Bayer qui ne fonctionnent que sur de petites surfaces et de coût assez élevé. Un autre herbicide de Monsanto, le Dicamba ou acide 2-méthoxy-3,6-dichlorobenzoïque renoue avec les organochlorés encore bien pires et qui fait déjà l’objet aux États-Unis de nombreuses plaintes d’agriculteurs. Restent l’huile de coude pour le sarclage et l’arrachage à la main, difficilement compatibles avec la désertification rurale.

C’est le vrai problème de l’agriculture moderne, appelée à nourrir des milliards d’êtres humains et confrontée à l’usage de produits respectueux de l’environnement et de la santé alimentaire (6) et bien sûr de ses rapports avec la chimie. Si depuis 40 ans le nombre de molécules pesticides, herbicides et insecticides a été réduit des 2/3 et si les micropolluants des eaux se sont réduit de 60% (7) avec une belle amélioration de la chaine alimentaire, c’est que les organismes de réglementation et la recherche de solutions (8) ont travaillé ensemble mais l’on peut encore faire des progrès.

Jean-Claude Bernier
Novembre 2017

Quelques ressources pour en savoir plus :

1) Biogéochimie et écologie des sols (330)
2) Chimie et santé : risques et bienfaits (307)
3) Biochimie naturelle et traitement de l’eau : de la chimie des écosystèmes et des cocktails… (284)
4) Le défi posé aux chimistes pour la protection de la santé et de l’environnement. Le point de vue de l’ANSES (1099)
5) La chimie en agriculture : les tensions et les défis pour l’agronomie (313)
6) Réglementation de l’évaluation des risques alimentaires : la place de la chimie (285)
7) Les micropolluants dans les écosystèmes aquatiques : enjeux de la directive eau (1101)
8) La nature pour inspirer le chimiste : substances naturelles, phytochimie et chimie médicinale (292)
 

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L’Energy Observer, un formidable laboratoire flottant

L’Energy Observer, un ancien catamaran de course avec lequel l’australien Peter Blake avait gagné le trophée Jules Verne en 1994, a été transformé en 2016 en un superbe bateau de démonstration des énergies renouvelables,
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L’Energy Observer, un ancien catamaran de course avec lequel l’australien Peter Blake avait gagné le trophée Jules Verne en 1994, a été transformé en 2016 en un superbe bateau de démonstration des énergies renouvelables, bourré d’innovations en chimie. Long de 30,5 mètres et large de 13 mètres, son capitaine, Victorien Erussard a entamé en août 2017 le tour du monde en 6 ans et 101 escales sans émettre un litre de gaz à effet de serre (1). Autonome en énergie, ce bâtiment accumule toutes les récentes technologies permises par l’innovation en chimie.

Cela commence par les 130 m2 de panneaux solaires (2) spécialement étudiés par le CEA–Leti avec des cellules bifaces à hétérojonction dont le rendement approche de 22% (3). L’ensemble des cellules couvre le pont, elles sont revêtues d’une couche antidérapante et donnent une puissance crête de 21 kW. L’électricité solaire générée est stockée dans des packs de batteries ion-lithium spéciaux, apportant une réserve d’énergie de 106 kWh (4). La propulsion se fait par deux hélices mues par deux moteurs électriques à fort rendement de puissance de 41 kW chacun et tournant à 3000 tours/minute capable de faire avancer ce navire en composite (5) à une vitesse comprise entre 10 et 15 nœuds. L’astuce de ces moteurs c’est qu’ils sont réversibles en hydrogénérateurs et lorsque le bateau court sur son erre, porté par le vent ou un courant, les hélices engendrent un courant et une puissance de 2x2,5 kW qui peut recharger les batteries. Il y a aussi une autre source d’énergie : sur le pont une trappe s’ouvre sur un cerf-volant automatisé qui sous le vent tire le bateau en augmentant sa vitesse et en réduisant les dépenses d’énergie. S’y ajoute une pile à hydrogène, aussi source d’énergie. En effet ce navire labo dispose d’un électrolyseur (6) qui dissocie l’eau en oxygène et hydrogène. Ce dernier est récupéré sous une pression de 30 bars puis compressé à 150 bars et stocké dans 8 réservoirs pour donner une réserve de 62 kg d’H2. On sait que l’hydrogène est un vecteur d’énergie (7) à travers la pile à combustible qui produit de l’électricité à partir de la recombinaison H2 + O = H2O (8). Pour compléter les sources, deux petites éoliennes à axe vertical peuvent fournir un appoint de 2 kW. On comprend dès lors qu’avec toutes ces technologies d’avant-garde ce « Solar Impulse des mers » (9) aura une autonomie énergétique complète. S’y ajoutent un désalinisateur d’eau de mer qui fonctionne en osmose inverse (10) et dans le dôme de navigation une électronique embarquée (11) et un super logiciel informatique connecté, optimisant la navigation, prenant en compte non seulement l’état de la mer et du vent mais aussi la nébulosité et la gestion de l’énergie.

L’Energy Observer fait route vers la Méditerranée et doit être début décembre en escale à Marseille. Les élèves du Lycée Galilée de Gennevilliers suivent attentivement cette odyssée, ils sont en ce moment à la Cité des sciences et de l’industrie pour se relayer devant une maquette et un démonstrateur d’électrolyse produisant de l’hydrogène et ainsi expliquer les technologies du bateau aux plus jeunes. Ils seront également en décembre à l'escale de Marseille.

Bon vent à cette nouvelle « calypso des mers »  ! (12)

Jean-Claude Bernier
Octobre 2017

Quelques ressources pour en savoir plus :

1) Le changement climatique (Chimie et… junior)
2) Les panneaux solaires (vidéo, 2 :34)
3) Un exemple d’énergie renouvelable : panneaux solaires photovoltaïques
4) L’énergie : stockage électrochimique et développement durable
5) Chimie et construction navale
6) Production d’hydrogène par électrolyse de l’eau sur membrane acide
7) L’hydrogène, vecteur de la transition énergétique
8) Fonctionnement de la pile à combustible (vidéo, 1:30)
9) Solar Impulse 2 et la chimie
10) D’eau et de sel (vidéo, 14:00
11) Toujours plus petit ! (Chimie et… junior)
12) Site du projet Energy Observer : http://www.energy-observer.org