Biochar est un mot résultant de la contraction en anglais de « biocharcoal » qui désigne un charbon d’origine végétale.
Le biochar est proposé pour l’amendement des sols afin d’en augmenter les qualités et les rendements des productions agricoles.
Le biochar est issu de la biomasse provenant de déchets de bois formulés sous forme de pellets et non issue de la coupe de bois, ce qui évite les déforestations provoquées pour l’obtention traditionnelle du charbon de bois.
Le biochar est produit par pyrolyse de ces déchets, procédé qui consiste en un chauffage modéré entre 250°C et 650°C en l’absence de dioxygène. Il en résulte la production de produits gazeux (méthane et dihydrogène utilisables comme combustibles) mais aussi des produits liquides (hydrocarbures à usage de biocarburant) et d’un composé solide noir qui est le biochar. C’est un procédé sans émission de CO2, qui a été mis au point depuis une douzaine d’années à la suite des travaux de l’équipe Lehmann de l’Université Cornell à Ithaca dans l’état de New York.
La pyrolyse lente vers 350°C conduit à une formation à 35 % de biochar et 10 % de gaz (i). Ainsi il faut presque 4 tonnes de déchets de bois à 75 % de matière sèche pour produire 1 tonne de biochar avec une pureté pouvant atteindre 90 %, qui dans ce cas est appelé le biochar premium.
L’entreprise Pronatura a mis au point une technologie permettant aux machines actuelles de fonctionner 7 jours sur 7 et 24h sur 24 et de produire de 1 à 5 tonnes de biochar par jour. Le rendement (masse de biochar / masse de la biomasse à 15 % humidité) peut atteindre 45 %.
La porosité du biochar obtenu lui confère une surface spécifique (ii) de 420 m2/g qui conduit à de grandes capacités d’adsorption : c’est en quelque sorte un réservoir qui peut stocker jusqu’à deux fois et demie son volume en eau ! Quand la plante a besoin d’eau, pendant les périodes de sécheresse, elle ira la chercher dans ce que le biochar a stocké. Par ailleurs le biochar, en présence d’eau, donne un pH basique (entre 7 et 10) ce qui peut permettre de rééquilibrer l’acidité des sols.
Les effets de l’utilisation du biochar sur les augmentations de rendement concernant les cultures dans les zones tropicales comme celles des zones tempérées sont considérables : tomates +177 %, coton +100 %, maïs +150 %, blé +170 % par exemple !
Des startups sont actives sur ce secteur, en particulier « NetZero » cofondée par le climatologue Jean Jouzel.
La société Terra Fertilis à Argentan, dans l’Orne, est la seule entreprise en France à bénéficier d’une autorisation de mise sur le marché délivrée par l’ANSES : plusieurs villes en achètent pour leurs espaces verts, tout comme des pépiniéristes ainsi que des maraîchers et de nombreuses coopératives agricoles qui manifestent de plus en plus d’intérêt pour la culture du maïs et de la betterave.
Mais le biochar est aussi une solution pour la séquestration à long terme du carbone : une tonne de biochar stocke jusqu’à 3 tonnes de CO2. Actuellement le prix de revient du biochar varie entre 500 et 1000 € la tonne. La valorisation en crédits carbone peut alors être estimée à 300 € /ha. Ceci montre que l’intérêt économique dépend essentiellement du montant des crédits carbone (actuellement fixé à 40 € la tonne de carbone).
Les perspectives de l’utilisation du biochar sont nombreuses en dehors de l’agriculture. Par exemple les producteurs de silicium remplacent le charbon par du biochar dans la réduction industrielle de la silice, SiO2 + C = Si + CO2, ce qui conduit à un bilan carbone neutre car le carbone du biochar provient du bois.
Enfin, la Société Soler qui a deux usines dans l’Aube et une autre en Gironde est le leader en France de la production de biochar avec plus de 50 000 tonnes dans un marché national de 130 000 tonnes.
Il ne faut pas confondre le biochar avec le noir de carbone qui sert actuellement essentiellement à l’industrie des pneumatiques.
Et ne broyez pas du noir !
Jean-Pierre Foulon et l’équipe question du mois
(i) Il s’agit de pourcentage en masse.
(ii) La surface spécifique d’un matériau traduit sa capacité à fixer à l’échelle microscopique des molécules à sa surface. Exprimée en m²/g, c’est la surface disponible par unité de masse du matériau.
Pour en savoir plus :
Site Pleinchamp [3] : Tout savoir ou presque sur le biochar [4] (2023)
Site de Pro-Natura International [5] : le biochar est un intrant qui augmente les rendements agricoles de manière écologique en séquestrant du carbone [6] (2019)
Rapport du GIEC (2022) : Mitigation of climative change (chapitre 7) [7]
Pour rappel
Un charbon très tendance [8], Jean-Claude Bernier, éditorial du 23 mai 2016 (Mediachimie.org)
Crédit illustration : Biochar après production, Oregon Department of Forestry FlickR [9], CC BY 2.0 [10], Wikimedia commons [11]
Liens:
[1] http://www.mediachimie.org/send-friend/4263/?ajax
[2] http://www.mediachimie.org/print/print/4263
[3] https://www.pleinchamp.com/
[4] https://www.pleinchamp.com/actualite/tout-savoir-ou-presque-sur-le-biochar
[5] http://www.pronatura.org/fr
[6] https://www.pronatura.org/biochar/
[7] https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg3/
[8] http://www.mediachimie.org/actualite/un-charbon-tr%C3%A8s-tendance
[9] https://www.flickr.com/photos/oregondepartmentofforestry/16637208254/
[10] https://creativecommons.org/licenses/by/2.0/
[11] https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=87685933