L’éolienne ou « aérogénérateur » est la version moderne du moulin à vent dont l’utilisation remonte au 7e siècle en Asie Mineure. Son nom vient d’Éole, « dieu du vent, vif, rapide, inconstant ».
Elle transforme l’énergie cinétique du vent - gratuite, renouvelable mais intermittente - en énergie mécanique. Celle-ci est ensuite convertie en énergie électrique via un alternateur. Par exemple dans une éolienne à entrainement direct, le vent agit sur des pales qui entraînent la rotation d’un axe (ou arbre) sur lequel est fixé un aimant cylindrique, lui-même placé au sein d’un bobinage en cuivre (stator), ce qui induit une tension électrique aux bornes de celle-ci.(i)
Cette électricité est ensuite acheminée à l'aide de câbles conducteurs vers le lieu de stockage ou d’utilisation.
L’alternateur transforme l’énergie mécanique (rotation d’une roue sous l’effet d’un courant liquide ou gazeux) en énergie électrique. C’est l’élément de base des centrales électriques à charbon, gaz ou pétrole ainsi que des centrales nucléaires et des éoliennes. Source : De la force musculaire aux énergies renouvelables [3] in La chimie, l'énergie et le climat, collection Chimie et... Junior, EDP Sciences, Fondation de la Maison de la Chimie (2017) p. 29
Une éolienne comporte 3 parties principales :
La durée de vie moyenne est de 25 ans. Les plus anciennes éoliennes installées sont déjà en bout de course et doivent être remplacées.
La réglementation de plus en plus contraignante exige, lors d’un démantèlement, la remise en état des lieux d’implantation et le recyclage des matériaux au-delà de 90%.
Étant donné le développement attendu des parcs éoliens sur terre et en mer, le recyclage des éoliennes en fin de vie doit largement se développer, entre autres pour économiser les matières premières nécessaires.
Le prix de revient d’une éolienne industrielle de 5 MW est estimé à 5 millions d’euros, soit 1 million par MW. Ce coût élevé justifie la récupération et le recyclage des constituants.
Elle est déjà opérationnelle, car le béton et l’acier sont présents en grande quantité dans maintes autres productions.
Les parties métalliques comme le mât (s’il est en acier) et le rotor (axe solidaire des pales) se recyclent sans problème dans les filières existantes. La valeur marchande de ces métaux justifie le démontage d’une éolienne.
Le béton, composé de ciment, d'eau, de sable et de gravillons, peut parfaitement être concassé ou broyé et réutilisé pour former de nouvelles briques, éléments de construction ou revêtements de route.
Pour les métaux tels que le cuivre, leur récupération et recyclage sont largement répandus.
Les problèmes se posent avant tout pour les pales et certains aimants et la recherche se concentre sur leurs recyclages.
Actuellement, la technologie avec aimants permanents contenant des terres rares reste modeste en France(vii). Mais les quantités à recycler bien que minimes sont précieuses.
Ces terres rares proviennent majoritairement de Chine et leur coût est croissant. Toutefois l’exploitation de nouvelles sources se développe ailleurs, pour s’affranchir de cette dépendance(viii). Par ailleurs, leur extraction est très polluante et elles ont des propriétés physico-chimiques très voisines, rendant leur séparation difficile (dissolution sélective dans des solvants organiques).
Les aimants permanents sont actuellement traités par un procédé de décrépitation à l’hydrogène(ix) qui fournit une poudre qui présente une faible teneur en oxygène, réutilisable pour obtenir des aimants par frittage.
Un nouveau procédé chimique propose une alternative en remplaçant l’hydrogène par l’eau. Les aimants sont mis en contact avec de l’eau sous des pressions et températures modérées, ce qui conduit à la pulvérisation de l’aimant et permet une réutilisation des grains magnétiques.
Le démontage et le transport des pales sont complexes. Comme le broyage et l’enfouissement ne sont plus autorisés, leur recyclage se limite pour l’instant au réemploi, par découpage ou usinage, des résines très solides qui les composent, ce qui fournit mobilier urbain, bouches à incendie, abris de vélos ou de bus, jeux de plein air, etc.
Cependant la recherche en matériaux développe une pale d’éolienne 100% recyclable, en composite fibres de carbone ou de verre piégées dans une résine thermoplastique(x). La méthode chimique de recyclage utilisée consiste alors dans un 1er temps à séparer la fibre de verre de la résine par fusion de celle-ci, puis à la dépolymériser complétement afin de récupérer les monomères purs qui permettront une nouvelle synthèse du polymère. Les tests grandeur nature sont en cours, en particulier sur les propriétés mécaniques de ce nouveau composite(xi). Dans le cas des fibres de carbone coûteuses et de plus en plus utilisées, des technologies sont mises en œuvre pour les récupérer(xii).
Le rendement d’une éolienne varie de 30 à 50% voire 65% de sa puissance théorique (en fonction de son implantation, de la taille des pales, de la force et des fluctuations du vent) ; l’éolienne fonctionne pour des vitesses du vent comprises entre 11 et 90 km/h.
L’énergie éolienne est la troisième source d'électricité décarbonée en France, (derrière les énergies nucléaire et hydraulique)(xiii). Elle est appelée à jouer un rôle majeur dans la transition vers des énergies décarbonées. Toutefois, l’obtention de l’acier et du béton nécessaires à sa construction et le démantèlement sont sources d’émission de dioxyde de carbone : en moyenne 14 g de CO2 par kWh pour l’éolien comparés à 4 g pour l’hydraulique, 16 g pour le nucléaire, 48 g pour le photovoltaïque, 469 g pour le gaz naturel et jusqu’à 1000 g pour le charbon(xiv).
On comprend donc la nécessité de bien choisir les matériaux et matières premières nécessaires à la construction des éoliennes et à leur fonctionnement optimal tout en ayant prévu dès leur conception le procédé de recyclage en fin de vie.
Andrée Harari et Françoise Brénon
(i) Il y a plusieurs types d’éoliennes : celles à entrainement direct dites synchrones, avec un rotor constitué d’aimants permanents et les asynchrones avec un rotor bobiné en cuivre, sans aimant, utilisées pour les éoliennes terrestres où l'entretien et révision sont plus faciles qu'en mer. Pour en savoir plus sur le fonctionnement d’une éolienne sans aimant, on consultera la ressource très pédagogique [4] du blog de Timo van Neerden.
(ii) Un polymère thermodurcissable a une structure moléculaire tridimensionnelle, demeure à l’état solide une fois durci et sa forme ne peut alors plus être modifiée. Il ne peut pas être refondu.
(iii) On appelle résine le mélange liquide contenant des additifs et le ou les monomères réactifs initialement dilués.
(iv) Les composés de type époxy sont à base de Bisphénol A et les polyesters sont de type orthophtalique.
(v) On peut citer par exemple la résine Elium® de Arkema, à base de polyacrylate. Voir la fiche de préparation au Grand oral – Mediachimie/ Nathan « Quel rôle joue la chimie pour les matériaux stratégiques ? [5] »
(vi) Selon un avis technique de l’Ademe datant d’octobre 2020, 6,2% des éoliennes terrestres françaises recouraient à cette technologie, soit 372 tonnes d’aimants permanents contenant 122 tonnes de néodyme et 17 tonnes de dysprosium. Les éoliennes asynchrones avec boites de vitesse n’utilisent pas d’aimant mais nécessitent plus d’entretien.
(vii) Terres rares, énergies renouvelables et stockage d'énergies [6] Librairie Ademe
(viii) Ressources déjà connues au Brésil, au Viet Nam, en Russie, en Inde, en Australie… Nouveau gisement découvert en Laponie.
(ix) Décrépitation : l’aimant est placé sous hydrogène, qui diffuse et forme des poches qui font exploser la structure. La poudre obtenue est ultérieurement broyée et réutilisable pour obtenir des aimants par frittage.
(x) Un polymère thermoplastique est rigide à l’état solide mais se ramollit à la chaleur et peut être durci à nouveau.
(xi) Projet ZEBRA piloté par l’IRT Jules Verne [7] et un consortium d’acteurs majeurs de l’industrie, dont Arkema, Corning…
(xii) Que faire des pales d’éoliennes ? [8], J.-C. Bernier, éditorial (Mediachimie.org)
(xiii) Pour avoir une idée des productions d’énergie par l’éolien, dont les valeurs évoluent régulièrement, on pourra consulter les sites suivants : pour 2019 EDF l’éolien en chiffres [9] 34,1 TWh représentant 6,3% de la production d’électricité et pour 2022 Ministère de la transition écologique [10] avec 25,0 TWh au cours des trois premiers trimestres 2022, soit 7,4% de la consommation électrique française. Et le Vrai / faux sur l’éolien terrestre [11]
(xiv) Rapport ADEME 2015- page 7- Impacts environnementaux de l'éolien français [12]
Pour aller plus loin
Que faire des pales d’éoliennes ? [8], J.-C. Bernier, éditorial (Mediachimie.org)
De la force musculaire aux énergies renouvelables [3], in La chimie, l’énergie et le climat, collection Chimie et junior (EDP Sciences, 2017) p. 29 à 31
Les enjeux matériaux pour la fabrication et le recyclage des éoliennes [13], Frédéric Petit (Siemens), résumé et conférence Colloque Chimie et matériaux stratégiques (9/11/2022)
Chimie métallurgique pour résoudre les problèmes des métaux rares [14], J.-C. Bernier, résumé et conférence Colloque Chimie et matériaux stratégiques (9/11/2022)
Crédit illustration : EdWhiteImages/Pixabay
Liens:
[1] http://www.mediachimie.org/send-friend/4174/?ajax
[2] http://www.mediachimie.org/print/print/4174
[3] http://www.mediachimie.org/ressource/de-la-force-musculaire-aux-%C3%A9nergies-renouvelables
[4] https://couleur-science.eu/?d=a64294--comment-fonctionne-un-moteur-a-induction-ou-machine-a-courant-alternatif-asynchrone
[5] http://www.mediachimie.org/ressource/quel-r%C3%B4le-joue-la-chimie-pour-les-mat%C3%A9riaux-strat%C3%A9giques
[6] https://librairie.ademe.fr/energies-renouvelables-reseaux-et-stockage/492-terres-rares-energies-renouvelables-et-stockage-d-energies.html
[7] https://www.irt-jules-verne.fr/actualites/lancement-du-projet-zebra-premiere-pale-eolienne-100-recyclable/
[8] http://www.mediachimie.org/actualite/que-faire-des-pales-d%E2%80%99%C3%A9oliennes
[9] https://www.edf.fr/groupe-edf/espaces-dedies/l-energie-de-a-a-z/tout-sur-l-energie/produire-de-l-electricite/l-eolien-en-chiffres
[10] https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/tableau-de-bord-eolien-troisieme-trimestre-2022-0
[11] https://www.ecologie.gouv.fr/y-voir-plus-clair-vraifaux-sur-leolien-terrestre
[12] https://librairie.ademe.fr/energies-renouvelables-reseaux-et-stockage/2460-impacts-environnementaux-de-l-eolien-francais.html
[13] http://www.mediachimie.org/ressource/les-enjeux-matériaux-pour-la-fabrication-et-le-recyclage-des-éoliennes
[14] http://www.mediachimie.org/ressource/chimie-m%C3%A9tallurgique-pour-r%C3%A9soudre-les-probl%C3%A8mes-des-m%C3%A9taux-rares