Les vaccins soulèvent des questions auxquelles ce zoom essaie d’apporter des éclaircissements.
Un médicament est conçu dans le cas d’une infection par un virus ou une bactérie voire des champignons [1] pour tuer l’agent infectieux ou arrêter sa prolifération.
Un vaccin est conçu pour apprendre et entrainer notre système immunitaire à reconnaitre un agent infectieux et construire sur cette base l’ensemble de l’arsenal de défense tout en gardant la mémoire de la « photographie » de l’ennemi [2]. Le vaccin engendre ainsi une réponse immunitaire primaire.
Une fois que l’ennemi (agent infectieux) arrive réellement, les soldats sont prêts pour une réponse secondaire rapide avec les bons fusils spécifiques et adapté à l’ennemi dont ils ont gardé la photographie. Cette défense dépend de la réaction des molécules spécifiques dites immunoglobulines souvent associées à des cellules dites phagocytaires (du grec phago qui signifie manger). Plus la photographie rendra compte de la physionomie globale de l’ennemi, moins celui-ci aura des chances d’échapper aux soldats, en changeant simplement certains de ses membres constitutifs par ce qu’on appelle une mutation.
Virus inactivés et virus atténués : le virus traité chimiquement ou par la chaleur perd sa nocivité mais conserve sa capacité à provoquer une réponse immunitaire. Dans les deux cas de figure le vaccin est inoffensif sauf cas exceptionnels pour le virus atténué. C’est le concept le plus traditionnellement utilisé jusqu’à ce jour dont les preuves de rapport efficacité/toxicité sont éprouvées.
Le recul médical est excellent : rougeole, oreillons, rubéole, fièvre jaune pour les virus atténués, et polio, grippe pour les virus inactivés.
Vecteur viral : on utilise un virus atténué connu comme inoffensif pour véhiculer du matériel protéique du virus à abattre.
Vaccins à protéine recombinante : certaines protéines du virus connues comme immunogènes (qui déclenchent le système immunitaire) sont injectées. Le recul médical est celui du vaccin de l’hépatite B et de certains vaccins contre la grippe.
Dans le cas du coronavirus SARS-CoV-2 ces différents concepts sont utilisés dans les essais en cours avancés :
Il s’agit d’injecter du matériel génétique soit ADN, génome humain, soit ARN messager (ARNm) [3], transcrit du génome. Ce matériel a pour mission de donner l’ordre à l’usine de fabrication des protéines (ribosome) d’élaborer la protéine du virus corona [4], responsable de son accrochage au niveau des cellules humaines. Cette protéine est nommée spicule. Alors le système immunitaire à la vue de cette protéine construit sa défense moléculaire et/ou cellulaire.
Cette approche vaccinale a permis d’obtenir des résultats prometteurs lors d’expérimentations sur des modèles animaux (4 vaccins de ce type sont commercialisés aujourd'hui).
Dans le cas du coronavirus SARS-CoV-2 cette nouvelle approche est utilisée en autre par Pfizer / BioNTech, Moderna, SANOFI / Translate Bio et l’Institut Pasteur (3e voie de recherche en cours)…
Tous les vaccins candidats doivent obligatoirement passer trois phases de tests à l’issue desquelles un dossier est soumis aux autorités de santé [5] pour obtenir ou non l’autorisation de l’administrer à une population.
La phase I consiste à tester l’absence de toxicité sur un nombre réduit (10 à 100) de personnes volontaires adultes et en bonne santé et non exposées au virus. On étudie la tolérance et la production des anticorps (pouvoir immunogène) en fonction des doses que l’on administre.
La phase II va faire appel de 50 à 500 volontaires. Elle a pour but de définir la meilleure façon d’administrer le vaccin : dose, nombre d’injections initiales, et nécessité ou non de rappels, et si oui combien et à quelle fréquence, afin d’induire une immunité maximale. Cette étude se base sur les résultats des analyses sanguines (dosage d’anticorps) pour faire une projection possible.
Dans la phase III il s’agit de tester l’efficacité réelle du vaccin en double aveugle. Cela nécessite plusieurs milliers de volontaires (selon un panel défini, âge, sexe, personnes malades ou non…) évoluant dans des zones contaminées, dont la moitié d’entre eux reçoit un placébo, tandis que l’autre reçoit le vrai vaccin candidat. Dans le cas général, il faut attendre en moyenne 3 ans, voire plus, pour pouvoir comparer le nombre de personnes infectées parmi les volontaires vaccinés réellement et celles qui ont reçu le placébo. Ce n’est qu’à l’issue de la phase III que l’on peut affirmer ou non l’efficacité d’un vaccin, sa durée d’activité et préconiser les meilleurs modes et fréquence d’administration. Les éventuels effets secondaires sont évidemment également notés et suivis.
Les autorités de santé vont alors examiner l’ensemble des résultats pour prendre une décision.
Une fois que le vaccin sera administré auprès de la population, il y a aura un suivi permanent qui constitue la phase IV.
Dans le cas de cette pandémie, la recherche mondiale travaille d’arrache-pied pour pouvoir offrir une solution fiable au plus grand nombre dans un temps très court.
C’est ainsi tout particulièrement la 3e phase qui est concernée et raccourcie. Le nombre d’individus ayant participé aux tests est également réduit.
Les entreprises communiquent et anticipent la production avant même que l’ensemble des résultats soit fourni aux autorités scientifiques de santé ou celles de la régulation et, compte tenu du nombre impressionnant de doses à fabriquer, les gouvernements anticipent aussi les précommandes.
Cela peut engendrer des suspicions dans la population, mais en tout état de cause, les autorités scientifiques et de régulations se prononceront, nécessairement, sur la base d’un dossier complet.
Cette anticipation n’est pas sans soulever des questions plus spécifiques concernant les tous nouveaux vaccins à ARNm et ADN, qui arrivent en 1er dans cette course effrénée (sociétés Pfizer et Moderna) et dont aucun exemple à ce jour n’a été appliqué à l’homme. Des réponses sont attendues.
En conséquence les effets secondaires ne doivent pas être vus sous l’angle médical d’une douleur, inflammation au site de l’injection, maux de tête… mais plutôt sous un angle sociétal et éthique à moyen et long terme en fonction des considérations et possibilités scientifiques connues à ce stade.
[1] Parasite, champignon, bactérie et virus : quelles différences ? (Question du mois, Mediachimie.org)
[2] Un vaccin, oui mais quel vaccin ? (Éditorial, Mediachimie.org)
[3] Cibler l'ADN : pour la compréhension du vivant, Carine Giovannangeli, in La chimie et la santé, EDP Sciences (2010) p. 45
[4] Le coronavirus, un défi pour la chimie du vivant (Éditorial, Mediachimie.org)
[5] Recherche et essais cliniques sur les vaccins sur le site Santé Publique France
[6] Covid-19 : la chimie médicinale à l’assaut des mécanismes de propagation virale, B. Canard, L'Actualité Chimique n° 451 (mai 2020) pp. 17-18
[7] Où sont passés les antiviraux dont la France a besoin ?, B. Meunier (Tribune parue dans Les Échos le 27 mars 2020
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