Depuis les années 1970, l’impact des rejets d’eaux usées sur la qualité physico-chimique et écologique des milieux aquatiques a été documenté et deux grands mouvements en parallèle ont permis de le limiter, d’un côté l’amélioration de la collecte des eaux usées brutes, et de l’autre l’amélioration des traitements épuratoires dans les stations de traitement des eaux usées. Si des améliorations peuvent encore être apportées, les chercheurs et les opérateurs tournent leur regard de plus en plus vers les eaux usées brutes, considérées comme des mines d’or. Riches en nutriments et en énergie, les eaux usées ont le potentiel d’être considérées non plus seulement comme un déchet, mais comme une ressource. De plus, les eaux usées brutes contiennent un signal moléculaire très diversifié et concentré, car non atténué par les stations d’épuration. Aussi, l’utilisation de cette information moléculaire (contaminant organique, bactéries, virus) pour évaluer l’état de santé des populations s’est fait jour au tournant des années 2000 notamment sur les usages de drogues. Estimer des usages en produits illicites est, par nature, une gageure. Si des entretiens ou des estimations à partir des volumes saisis par les autorités sont classiquement utilisés, la quantification de l’usage de substances illicites reste relativement imprécise, les eaux usées ont donc été proposées en 2001 pour réaliser cette estimation collective dans le but d’un suivi dit objectif, effectué depuis lors à l’échelle européenne. « Dites-moi ce que vous excrétez, je vous dirai ce que vous consommez ».
La pandémie de Covid19 a par la suite provoqué un engouement international autour de cette approche alors que l’analyse rétrospective des eaux usées, notamment à Barcelone et à Milan a démontré la présence de matériel génétique de Sars-Cov2 dès la fin 2019, avant les premiers diagnostics en 2020. Cette capacité de l’eau usée à permettre une veille épidémique (dans la mesure où l’on sait ce que l’on doit chercher !) a été exploitée entre 2020 et juillet 2022 dans les principales aires urbaines françaises, environ une quarantaine, dans le cadre du programme OBEPINE.
Aujourd’hui, le principal enjeu pour la communauté scientifique est de lier quantitativement un usage à la présence et la quantité d’une substance dans les eaux usées, ainsi que de poursuivre la diversification des traceurs à utiliser, comme les produits pharmaceutiques, le bol alimentaire ou encore le stress oxydatif. Toutefois, l’eau usée est une matrice complexe à analyser et l’identification de traceur spécifique et quantitatif n’est pas toujours aisée. Aussi, si le potentiel des eaux usées pour évaluer l’état de santé se fait jour, il demeure encore des obstacles à lever, analytiques et conceptuels, pour maximiser cette approche.
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