Les annonces se sont multipliées cet été sur « les vaccins » contre la Covid-19 (1) [3]. Un vaccin américain promis en juin par Donald Trump avant octobre, l’homologation d’un vaccin russe annoncée en août par Vladimir Poutine… Sont sur les rangs 167 projets dont 30 sont en phase préclinique et 8 qui seraient dans les dernières phases de tests en Chine, aux États-Unis, au Royaume-Uni, en Russie. Ces annonces plus politiques que scientifiques montrent s’il en était besoin l’importance du challenge à la fois nationaliste et financier de cette course au vaccin.
Un vaccin peut être une macromolécule chimique ou un produit d’origine biologique composé de plusieurs entités moléculaires.
Son objectif est de protéger d’une maladie les populations auxquelles il est administré. Ils font tous appel au même principe : stimuler les défenses immunitaires contre un agent infectieux en introduisant dans l’organisme cet agent ou une fraction de cet agent (un antigène) rendu inoffensif pour l’homme. C’est ce même principe qui permit à Edward Jenner en 1796 d’expérimenter sur un jeune garçon l’inoculation du pus d’une maladie de la vache « la vaccine » qui l’a protégé d’une maladie qui faisait des ravages depuis l’Antiquité « la variole » : la vaccine contenait un antigène bénin de la maladie qui tuait l’homme. Puis Louis Pasteur en 1880 fit un pas de plus en proposant « l’atténuation de la virulence » en laboratoire et l’a appliquée contre le charbon et la rage (2) [4].
La mise au point et la fabrication d’un vaccin sont souvent longues et complexes avec un chemin marqué à chaque étape par les contrôles de qualité et de sécurité.
Il faut produire un antigène (3) [5] provenant du germe qui provoque la maladie, virus, bactérie ou parasite. Cet antigène va par la suite déclencher une réponse immunitaire par la synthèse de nouvelles molécules dirigées contre lui. Ces molécules, dites anticorps, sont produites par des cellules immuno-compétentes qui vont renseigner les caractéristiques de l’ennemi et mémoriser l’ensemble de ses caractéristiques. Ainsi en cas de nouvelle attaque l’ennemi est vite repéré, reconnu et neutralisé.
L’antigène peut être un germe vivant atténué (cas des vaccins contre les oreillons, la rougeole, la tuberculose) ou un germe ou une fraction de germe inactivé. Maintenant certains vaccins sont produits par génie génétique, ils sont appelés vaccins vivants recombinants (vaccin contre l’hépatite). Les gènes responsables du pouvoir pathogène sont inactivés ou éliminés. Les bactéries ou les virus sont alors inoffensifs mais reconnus comme identiques aux souches naturelles par le système immunitaire.
La fabrication se fait selon les étapes suivantes. Il faut :
La mise en forme pharmaceutique passe par les étapes suivantes :
il faut se rappeler ici que nous avons affaire à un virus et comprendre comment se font aussi les vaccins contre la grippe (5) [7] causée par des virus de même genre, dits mixovirus. Chaque année des experts sélectionnent une collection d’agents infectieux qui varient d’une campagne à l’autre par mutations et constituent une banque de virus pathogènes. Les industriels cultivent alors ces virus sur des œufs de poules puis en extraient l’antigène ou des substances antigéniques, et les concentrent suivant les étapes de fabrication déjà décrites. La stratégie pour le coronavirus peut être la même en s’assurant que l’inactivation du virus sera stable.
L’autre stratégie consiste à se focaliser sur la protéine Spike cette fameuse « clé » qui se dresse autour de la sphère du coronavirus et qui se fixe sur les cellules nasales. Cette protéine peut être aussi synthétisée et produite par génie génétique (injection de l’ARN correspondante et production en masse de cette protéine d’intérêt) (6) [8].
On dispose donc plusieurs stratégies : celle de la protéine recombinante (génie génétique) ou celle de l’extraction du virus de base.
Le groupe Sanofi Pasteur, un des leaders des vaccins contre la grippe et vaccins pédiatriques, mise comme pour la grippe sur ces deux aspects en association avec la société GSK (GlaxoSmithKline). Le vaccin semble être en phase de développement clinique, ce qui permettrait si tout se passe bien une mise sur le marché de plusieurs milliards de doses courant 2021. Il en est de même avec l’américain Translate Bio.
Il n’en reste pas moins vrai que la route avant la commercialisation est longue (7) [9]. Après les essais précliniques sur animaux, intervient la phase 1 où l’administration de doses est faite sur 10 à 100 personnes, puis l’administration concerne 50 à 500 personnes en phase 2 et lors de la troisième phase plusieurs milliers de personnes dans une zone où le virus circule activement. Déjà AstraZeneca a suspendu ses essais le 8 septembre à la suite de troubles graves sur certains patients au Royaume-Uni puis a pu reprendre les essais après quelques jours.
Le vaccin russe n’a pas encore entamé la phase 3, de même aux États-Unis. On ne sait pas grand-chose pour les vaccins chinois. C’est lors de la phase 3 que se manifestent les problèmes de sécurité et d’efficacité avec un lot de surprises. Les premiers à entrer dans la dernière phase ne seront pas forcément les premiers sur le marché et c’est encore là que se testeront les vaccins avec des efficacités plus ou moins bonnes.
Jean-Claude Bernier, Danièle Olivier et Constantin Agouridas
Octobre 2020
Pour en savoir plus
(1) Le coronavirus, un défi pour la chimie du vivant [3]
(2) Pasteur et le vaccin contre la rage (vidéo) [4]
(3) Immunoconjugués cytotoxiques, anticorps « armés » contre le cancer [10]
(4) Les adjuvants aluminiques dans les vaccins [6]
(5) Frimas, rhumes et grippes… [7]
(6) L’innovation diagnostique au service des défis de la médecine personnalisée pour la prise en charge du sepsis et des maladies infectieuses [8]
(7) La chimie dans la vie quotidienne : au service de la santé (Chimie et… junior) [11]
Liens:
[1] http://www.mediachimie.org/send-friend/3220/?ajax
[2] http://www.mediachimie.org/print/print/3220
[3] http://www.mediachimie.org/node/2919
[4] http://www.mediachimie.org/node/1638
[5] http://www.mediachimie.org/node3054
[6] http://www.mediachimie.org/node/1909
[7] http://www.mediachimie.org/node/1596
[8] http://www.mediachimie.org/node/3058
[9] http://www.mediachimie.org/./node/2670
[10] http://www.mediachimie.org/node/3054
[11] http://www.mediachimie.org/node/2670