Ferdinand Fouqué (1828-1904), géologue minéralogiste, a laissé des carnets qui se trouvent aujourd’hui aux archives de l’Académie des sciences. Il y relate notamment ses démarches auprès des académiciens en vue de les convaincre de soutenir son élection à l’académie. À cette occasion il brosse de plaisants tableaux de ses rencontres. C’est ainsi qu’il dépeint la visite qu’il fit à Eugène Chevreul (1786-1889) âgé, à son laboratoire des Gobelins, « par une journée pluvieuse du mois d’avril ».
« Mes visites à M. Chevreul ont été pleines d’intérêt. […] Après avoir traversé une longue cour bordée de bâtiments en ruine, et ouvert une porte vitrée je pénètre dans une pièce humide encombrée d’ustensiles de chimie en désordre. […] J’avise un petit escalier tortueux et monte au premier étage. Là je trouve un jeune homme qui me fait traverser plusieurs grandes pièces et me conduit vers mon vénérable électeur. Le désordre et l’encombrement ne sont plus moindres au premier étage qu’au rez de chaussée.
Tout est recouvert d’une épaisse couche de poussière. C’est ainsi que devaient être les cuisines au bout de 100 ans dans le palais de la Belle au bois dormant ».
Mais la Belle ne dormait pas.
Fouqué montre au savant des préparations microscopiques de roches : « je dois dire qu’il fut vivement impressionné […] Je dus lui consacrer plusieurs matinées de dimanche. C’était vraiment merveilleux de voir ce vieillard de 95 ans se passionnant pour ces recherches délicates. Quand je voulais clore la séance, il me retenait par le bouton de mon habit et réclamait encore un quart d’heure d’étude. »
Fouqué fut élu le 13 juin 1881 devant Albert Gaudry (1827-1908) professeur de paléontologie au Muséum, qui fut élu, lui, 7 mois plus tard, le 16 janvier 1882. Chevreul, directeur du Muséum de 1864 à 1879, avait eu à se plaindre de Gaudry dans les affaires de l’administration du Muséum. Il était rancunier : « Le plus comique des membres de l’Institut, poursuit Fouqué, était M. Chevreul. Furieux du résultat de l’élection, il flanquait des coups de pied aux fauteuils de l’Institut ; il a dû certainement en démolir quelques-uns. Son front s’était ridé et ses mèches de cheveux blancs semblaient avoir subi le souffle de la tempête. Je le savais mal disposé pour Mr Gaudry, dont il appelait les œuvres des gaudrioles, mais je ne le croyais pas capable d’emportements aussi juvéniles. »
Pour en savoir plus :
Eugène Chevreul (1786-1889), savant placide ? [4], Jostte Fournier, L’Actualité chimique n° 405 (mars 2016) pp. 40-43
Liens:
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[4] https://www.lactualitechimique.org/Eugene-Chevreul-1786-1889-savant-placide
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[6] http://www.mediachimie.org/liste-ressources/557