À la fin du XVIIe siècle Denis Papin (1647-1714) avait réussi à extraire de la gélatine des os ; il la proposait comme substitut de la viande pour les pauvres et les hospices. En 1681, protestant réfugié à Londres, il fait connaître sa marmite autoclave dans laquelle il obtient une gelée en soumettant des os dans l’eau à 120-130 °C sous pression.
Un siècle plus tard, alors que la misère était toujours grande et la famine endémique dans les villes et les campagnes d’Europe son idée est reprise par plusieurs chimistes et philanthropes. En 1791 le chimiste Joseph-Louis Proust (1754-1826), qui travaille en Espagne dans une école militaire, fait paraître des Recherches sur les moyens d’améliorer la subsistance du soldat. Il cherche à préparer des pastilles portatives d’extrait de viande. Il conseille de briser les os pour en extraire plus de matière.
Cadet de Vaux (1743-1828) avait fondé et présidait la Société de Philanthropie dont les membres s’attribuaient une expertise sur les produits alimentaires et le monopole de la générosité. En 1802 il propose de faire du bouillon d’os pilés dans un mortier. Il reconnaît l’antériorité de Papin mais juge sa marmite, qualifiée de « volcan hydraulique », inutile et périlleuse. Il prétend ne pas avoir voulu lire les écrits de Proust, pour ne pas être influencé. Selon lui il ne doit son procédé de pulvérisation des os qu’à l’observation de ses chiens : « ce sont eux qui m’ont indiqué le moyen d’en extraire la gelée, car il faut avouer que sur le fait du broiement la priorité appartient de droit aux chiens ». Il assure que les bouillons d’os sont très supérieurs à ceux de viande. Proust riposte avec l’esprit qu’on lui connaît : « […] je ne ferai pour démontrer une propriété violée, que réunir ici les passages qui prouvent d’une part l’invasion de M. Cadet, et de l’autre ceux qui établissent des droits qu’il me force de revendiquer, qui le croirait !, sur ses chiens […] Certainement si les chiens savaient écrire, il y a longtemps qu’ils auraient dû assurer dans nos journaux leur priorité […] ; mais puisqu’ils ont négligé ce point de leur gloire […] voyons si [l’ouvrage de M. Cadet] ne nous ferait pas connaître les sources dans lesquelles il aurait pu tout aussi bien puiser ses découvertes nourricières. […] et lorsque M. Cadet vient nous dire que rien n’est plus intéressant que l’étonnement de ses convives qui, la soupière enlevée, voient paraître, en place de la pièce de bœuf qu’ils attendent, un bol contenant quelques onces d’os pulvérisés, nous pensons que leur étonnement n’est pas moins fondé que le nôtre, quand nous le voyons nous entretenir sérieusement de pareils contes […] »
La gélatine n’est plus considérée aujourd’hui que comme un additif alimentaire.
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