Nous avons vu en décembre que le champagne contenait du gaz carbonique sous pression qui ne demandait qu’à se libérer sous forme de bulles qui remontent doucement à la surface du vin et participent à l’effervescence joyeuse, synonyme de fête. Le verre dans lequel on boit le champagne doit répondre par son élégance à l’image de prestige de ce breuvage mais aussi permettre d’en apprécier toutes les qualités.
Éviter le métal
Il existe pour boire le champagne des récipients en métal précieux, argent ou métal doré, mais ils ne conviennent pas car on ne peut ni observer la couleur du vin, ni la finesse du dégagement des bulles.
Les arômes tant appréciés
Les analyses ont montré que l’éclatement des bulles de gaz carbonique jouait un rôle majeur dans la libération des arômes. Ceux-ci sont des molécules organiques amphiphiles qui comportent soit une partie hydrophile qui les font rester majoritairement dans le vin, soit une partie hydrophobe qui les fixe de préférence à l’interface gaz–liquide de la bulle. Les analyses par IR-FT et SM (1) des aérosols de surface, comparées aux analyses du liquide in situ, ont montré des concentrations plus élevées d’acides gras ou de dérivés estérifiés tels que l’acide palmitoléique (2), l’acide tétradécanoïque (3) et d’autres, qui apportent les notes métalliques, fruitées, herbacées… Ces concentrations organoleptiques participent au plaisir olfactif puis gustatif du champagne.
D’où l’attention particulière à porter sur la nature du verre et à son nettoyage qui ont une grande influence sur la formation et la persistance des bulles qui sont de vrais ascenseurs à arômes.
Flûte ou coupe ?
La forme du verre à champagne doit être fonctionnelle. Les verres à fond rond ou les verres à fond pointu ne dégagent ni les mêmes mousses ni les mêmes lignes de bulles.
La flûte à champagne par sa hauteur de la colonne de liquide permet le bel examen visuel du vin et à la condition d’y laisser quelques microfibres, d’admirer la formation progressive de fines bulles. Si la flûte est suffisamment ouverte, le dégustateur peut y approcher le nez et goûter tous les arômes qui se dégagent de l’aérosol.
La coupe à champagne plus populaire dans les pays du sud est pourtant indéfendable. La mousse s’y forme mal et le bouquet se disperse. On y boit avec le nez qui trempe dans le breuvage et la surface liquide–air y est trop vaste, l’effervescence se calme trop vite.
C’est maintenant le verre « tulipe » à forme d’œuf tronqué sur une jambe pleine allongée qui a la côte. Il permet de jouir d’une mousse réduite et de la montée des fines bulles tout en permettant de respirer les arômes qui se dégagent en surface.
Fuyez la coupe ou flûte en plastique !
Faut-il rappeler le scandale qui est de boire le champagne dans une coupe en plastique ! Le PET (4) a une énergie de surface bien plus faible que celle du verre, la tension de surface liquide/solide y est très différente et sa surface est classée comme hydrophobe. Le liquide n’a pas tendance à s’y accrocher et ce sont les bulles qui le remplacent et grossissent sur les parois en cachant malheureusement la douce ascension des fines bulles.
Pour votre plaisir olfactif ou gustatif, choisissez bien votre matériel, mais dans tous les cas ne l’utilisez qu’avec modération !
Jean-Claude Bernier
(1) IR-FT : analyse par infrarouge à transformée de Fourier ; SM : spectrométrie de masse
(2) acide palmitoléïque acide (Z)-hexadéc-9-énoïque : CH3 –(CH2)5-CH=CH-(CH2)7-COOH
(3) acide tétradécanoïque CH3–(CH2)12–COOH
(4) PET : poly(éthylène-téréphtalate) polymère de motif répétitif -[O-(CH2)2-O-CO-paraPh-CO]n-
Le champagne est une boisson alcoolisée effervescente, elle est faite à partir de jus de raisins sucré. Sous l’influence de levures qui sont des champignons microscopiques, le sucre se transforme en alcool avec formation de dioxyde de carbone et dégagement de chaleur. Après assemblage de vins « tranquilles » on fait la dernière fermentation à l’intérieur même de la bouteille. Après diverses opérations qui se terminent par la fermeture avec le fameux bouchon en forme de champignon, c’est la bouteille de champagne classique que nous connaissons et qui va être stockée 2 à 4 ans dans des caves immenses.
Réaction de transformation du sucre en présence des levures :
C6H12O6 → 2 C2H5OH +2 CO2 + Q (chaleur)
Pourquoi les bulles apparaissent-elles dans le verre ?
Dans la bouteille, le dioxyde de carbone se trouve en partie dissous dans le vin et en partie à l’état gazeux. Un équilibre s’établit et la pression du gaz est alors proportionnelle à la concentration en gaz dissous. Ainsi pour une pression de 5 à 6 bars, il y a environ 12 grammes de CO2 dissous, ce qui représente environ 6 litres susceptibles de s’échapper à l’état gazeux à pression et température normales.
Ainsi, quand on ouvre la bouteille, la pression diminue brutalement à 1 bar. Les 6 litres de CO2 dissous veulent s’échapper : c’est ce qui produit le bruit du bouchon qui saute et l’effervescence du vin. Quand on le verse dans le verre, les bulles de gaz carbonique naissent et montent dans le champagne.
Naissance des bulles
Le processus de formation des bulles qui contribuent au plaisir de ce vin de fête est intéressant. On estime qu’il y a par bouteille un potentiel de 11 millions de bulles ! Il y a nucléation, c’est-à-dire naissance d’une petite bulle microscopique, autour d’une petite poche d’air ou d’une microfibre. Elle grossit de quelques microns (millième de mm) à un millimètre et monte vers la surface à la vitesse de 15 cm par seconde. On recommande de servir le champagne à 7/8°C dans des verres assez hauts (des flûtes) qui ne viennent pas directement du lave-vaisselle mais qui ont été préalablement essuyés avec un torchon textile pour y laisser quelques fibres. Ces fibres serviront de germes pour la nucléation et permettront un dégagement harmonieux des bulles.
J’entends déjà les critiques qui disent que ces dégagements de gaz carbonique vont nuire au changement climatique !! Rassurons-nous ; chaque année 330 millions de bouteilles contenant chacune 12 g de CO2 sont ouvertes de par le monde. Au total cela représente le dégagement d’environ 3600 tonnes de CO2. Devant les émissions totales mondiales de 39 milliards de tonnes, ce n’est même pas le dix millionième de cette quantité !
Mais que cela ne vous empêche pas de boire le champagne avec modération !
Jean-Claude Bernier
Remarque : le dioxyde de carbone est aussi appelé gaz carbonique et a pour formule chimique CO2.
Prochaine question du mois : Dans quel verre faut-il boire le champagne ? (s’il en reste !)
Au-delà de nos émotions, l’oignon, riche compagnon de nos plats mitonnés, est un champion pour nous faire pleurer à chaque fois que nous essayons de l’éplucher et de le découper, histoire d’exhausser le goût et le fumet de nos compositions gourmandes.
Pourquoi faut-il passer par ce purgatoire avant le paradis de nos festins ? Comment est-il possible que l’action simplement mécanique d’un couteau découpant la chair d’un oignon déclenche toute une série de réactions chimiques ?
C’est que la destruction des cellules végétales de l’oignon libère instantanément une enzyme qui est une protéine favorisant des réactions chimiques dans des conditions douces. Cette enzyme facilite la production d’une molécule volatile, contenant du soufre (l’oxyde de propanethial) i.
Cette vapeur monte au niveau des yeux au contact desquels elle est hydrolysée puis transformée en dérivés acides, lesquels par leur nature déclenchent le processus de défense contre l’irritation de l’œil, c’est-à-dire le processus lacrymal. Dès lors, les larmes coulent en abondance et jouent leur rôle de « rince-œil ».
Mais il n’y a pas seulement l’action mécanique d’un couteau sur l’oignon qui peut déclencher le larmoiement ! Nous pouvons aussi verser des larmes de joie ou de chagrin. Existe-t-il une différence de composition entre celles-ci et celles provoquées par l’oignon ?
Dans le cas des émotions, le processus d’apparition de larmes et leur composition ne sont pas encore élucidés. Parmi les propositions avancées, les larmes d’émotions seraient associées à la stimulation d’hormones de type corticotropes qui contiendraient des substances analgésiques et tranquillisantes.
Donc ne coupez pas trop d’oignons mais, de temps en temps pleurez, ça vous fera du bien !
Constantin Agouridas